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Bordeaux : la tombe de Montaigne va-t-elle livrer ses secrets ?

Dictionnaire amoureux de Montaigne

D 3 octobre 2020     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Les fouilles de la tombe supposée de Michel de Montaigne, au musée d’Aquitaine de Bordeaux, se sont terminées mardi 22 septembre 2020. Des analyses doivent permettre de déterminer s’il s’agit bien des ossements du philosophe. Récit en images et par Audrey Dufour, La Croix. C’est l’objet de la Partie I.

En partie II, nous présentons, le « Dictionnaire amoureux de Montaigne », par André Comte-Sponville, publié début septembre chez Plon.

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- I - À Bordeaux, la rocambolesque histoire de la tombe de Montaigne

Audrey Dufour,

La Croix, le 22/09/2020


Des archéologues ont découvert un cercueil abîmé en bois, où une sobre plaque indique « Michel de Montaigne » au Musée d’Aquitaine à Bordeaux. MEHDI FEDOUACH/AFP -
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L’affaire pourrait presque inspirer un futur volet de la saga Indiana Jones. En 2018, Laurent Védrine, directeur du musée d’Aquitaine à Bordeaux, s’intéresse aux murs derrière les étagères de la réserve, au sous-sol de son musée. C’est là que, selon un pan oublié de l’histoire, aurait été inhumé le philosophe Michel de Montaigne.Pour en avoir le cœur net, il lance des fouilles en novembre 2019, qui mettent effectivement au jour des ossements.

Modéliser le crâne

Derrière une dalle, les archéologues ont découvert un premier cercueil abîmé en bois, où une sobre plaque indique « Michel de Montaigne ». Puis, en l’ouvrant, un deuxième cercueil en plomb, qui abrite les ossements et des restes de tissus et de pollen - probablement issu de bouquets.

« Le squelette, bien conservé, est parti pour analyses, afin d’estimer son âge, son sexe, et modéliser en 3D le crâne pour réaliser une reconstitution faciale, explique l’archéo-anthropologue Hélène Réveillas, en charge des fouilles, qui doivent se terminer ce mardi 22 septembre. En attendant, restons prudents sur son identité.  » Un prélèvement génétique sera aussi effectué pour comparer l’ADN à celui des descendants de Montaigne, décédé en 1592 à Saint-Michel, en Dordogne.

Comment la dépouille du célèbre maire de Bordeaux a-t-elle pu ainsi se perdre ? «  Dans une éphéméride, sa fille, Léonor, indique à la page du 13 septembre que le cœur de son père a été prélevé pour être mis dans l’église de St-Michel, une pratique courante à l’époque, raconte Alain Legros, spécialiste de Montaigne. Sa veuve fit ensuite porter le corps à Bordeaux, où il a été enterré dans une chapelle du couvent des Feuillants et où elle a fait construire le cénotaphe. » Ce monument funéraire massif représente le célèbre philosophe gisant en armure, mais il ne contient pas le corps, qui a été mis au tombeau en dessous.

De multiples déménagements depuis 1592

En plus de quatre siècles, le monument et la dépouille ont été maintes fois déplacés au gré des rénovations et d’événements accidentels. Au début du XIXe siècle, le couvent des Feuillants est remplacé par un lycée… qu’un incendie détruit. Les ossements de Montaigne et de toutes les personnalités enterrées sont alors transportés dans un cimetière voisin, le temps de reconstruire.

 ? À LIRE.Montaigne, explorateur de l’intériorité

En 1886, lorsque la faculté de lettres et de sciences de Bordeaux est enfin inaugurée à la place du lycée, le cénotaphe est installé dans le bâtiment et les ossements sont remis dans un tombeau en sous-sol. Lequel sous-sol abrite un siècle plus tard, les réserves du musée d’Aquitaine qui ont pris la place de la faculté. Entre-temps, les décennies ont fait oublier l’illustre dépouille, jusqu’à ce qui s’apparente à sa redécouverte.

À la recherche des calculs rénaux

Reste maintenant à prouver que les ossements sont ceux de Montaigne. « Nous allons “tamiser” le contenant de ce cercueil pour chercher des calculs rénaux, une maladie dont souffrait le philosophe, détaille Hélène Réveillas. Nous regarderons aussi le sternum et les côtes pour voir s’il y a des traces liées au prélèvement du cœur.  »

S’il s’agit bien du philosophe, pas question pour autant d’exposer les ossements. Michel de Montaigne serait à nouveau inhumé, mais dans une nouvelle structure, les deux cercueils étant en piteux état. Et peut-être encore une fois déplacé, pour ne pas rester derrière les étagères de la réserve.

Les péripéties de la dépouille de Montaigne

- 1592 : Michel de Montaigne décède en son château de Saint-Michel-de-Montaigne.
- 1593 : Son cercueil est installé dans la chapelle du couvent des Feuillants à Bordeaux, à l’emplacement de l’actuel musée d’Aquitaine.
- 1603 : Le cénotaphe et le cercueil de Montaigne sont installés dans l’église rénovée des Feuillants.
- 1802 : Le couvent des Feuillants est remplacé par un lycée ; le cénotaphe et le cercueil sont alors installés dans la chapelle du lycée.
- 1871 : La chapelle du lycée est incendiée. Les restes de Montaigne sont provisoirement transportés au dépositoire du cimetière de la Chartreuseà Bordeaux.
- 1886 : Les restes sont une nouvelle fois déplacés dans la nouvelle faculté des sciences et lettres, dont on achève la construction à l’emplacement de l’ancien couvent des Feuillants. Le tombeau, réalisé par l’architecte Charles Durand pour le compte de la ville de Bordeaux, est alors placé presque à l’aplomb du cénotaphe, qui lui-même est installé dans le hall de la faculté.
_ Depuis cette date, le tombeau n’a jamais été ouvert.

VOIR AUSSI

- Montaigne au musée d’Aquitaine Premières observations en 2018
- Le Bordeaux de Montaigne
- Pour Montaigne La restauration du cénotaphe de Montaigne
- Les trois M de Bordeaux Montaigne, Montesquieu, Mauriac Crédit : www.bordeaux.fr/

SUR PILEFACE :

La nouvelle édition des "Essais" qui rajeunit Montaigne

Montaigne, un voyageur secret

Et plus-

Dès 1572, il entreprend la rédaction des Essais, dont la première édition paraît en 1580. Ses dernières années sont consacrées à une nouvelle version, publiée après sa mort survenue en 1593.

Les Essais sont le produit de sa démarche intellectuelle : le « connais-toi toi-même » de Socrate, développé en « Fay ton faict et te cognoy ». L’idée directrice de son œuvre est que tout homme porte en lui « la forme entière de l’humaine condition ».

En s’analysant lui-même,Montaigne souhaite instruire son lecteur en l’incitant à suivre son exemple.

En 1576, il fit graver une médaille qui porte sa devise :Que sais-je ?

Anne Sculfort

13 septembre 1592 : Mort de Montaigne

Par Margaux d’Adhémar

REVUE DES DEUX MONDES, 13 SEP 2017

En cette date anniversaire, Margaux d’Adhémar nous rappelle qui fut Michel de Montaigne et la cause de sa mort : une maladie héréditaire, la gravelle.

Michel de Montaigne, philosophe et moraliste de la Renaissance, écrivain érudit, fondateur des « sciences humaines et historiques » , est issu d’une famille anoblie de riches négociants bordelais, les Eyquem. Il passe son enfance au château deMontaigne, où il acquiert, grâce à son père, des connaissances littéraires, linguistiques et philosophiques fondamentales. À sept ans, Montaigne parle couramment latin. Après des études de droit, il débute sa carrière en 1554 en tant que conseiller à la Cour des Aides de Périgueux, puis au Parlement de Bordeaux où il siège durant presque 15 ans.

C’est là-bas que va naître une amitié solide et profonde entre les deux magistrats bordelais, la Boétie et Montaigne. Quatre ans après leur rencontre, la Boétie succombe à la tuberculose. Dans son EssaiDe l’amitié,rédigé 10 ans après la mort de la Boétie,Montaigne s’interroge sur la nature du lien qui l’unissait à ce dernieret souligne, par la comparaison avec les amitiés ordinaires, ce que ce lien avait d’exceptionnel.

Pour désigner le lien qui l’unissait à la Boétie, son mentor, Montaigne écrit une phrase devenue célèbre : « Parce que c’était lui, parce que c’était moi ». Le philosophe y dessine les traits de l’amitié véritable, qui se définit par sa « chaleur générale et universelle, tempérée au demeurant et égale, une chaleur constante et rassise, tout douceur et polissure, qui n’a rien d’âpre ni de poignant ». Pour Montaigne, l’amitié est fusionnelle, mais elle n’est pas, comme dans l’amour, tributaire des aléas passionnels.

Après la mort de son père, Montaigne regagne le domaine familial et consacre la plupart de son temps à la lecture. Sa « librairie », aménagée au dernier étage de la tour de son château, devient son repaire.En décembre 1956, Raymond Isay écrit, dans laRevue des deux Mondes : « Le château de Montaigne n’existe plus. Il brûla en 1885. Mais heureusement la tour subsiste, parce qu’elle ne faisait pas corps avec le bâtiment principal, qu’elle constituait pour Montaigne un asile et un abri, une retraite qu’il avait préservée et réservée à sa pensée et à ses livres. ».

C’est dans cette pièce qu’il rédige ses réflexions, sesEssaisdont il publie le premier recueil en deux tomes en 1580. Il y aborde aussi bien les choses importantes que futiles de la vie. En analysant sa propre existence, Montaigne affirme qu’elle est l’essence de l’Homme dans son universalité. C’est par l’introspection qu’il arrive à définir la condition humaine : « Je veux qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et artifice : car c’est moi que je peins ».

C’est donc l’Homme qu’il peint, à travers l’observation de ce qu’il a de plus quotidien, de plus banal. Cela lui a été par ailleurs reproché, et c’est ce qu’explique René Doumic en novembre 1895 dans laRevue : » (…) il y a une question singulièrement intéressante : c’est celle de l’égoïsme intellectuel de Montaigne. L’auteur desEssaisse prend lui-même pour le sujet de son livre. Il se met en scène il se raconte au public. Il étale ce moi haïssable. Jansénistes et prédicateurs le lui ont au XVIIe siècle durement reproché. “Le sot projet qu’il a de se peindre ! ” s’écrie Pascal. »

Atteint de la gravelle, maladie héréditaire responsable de la mort de son père,

la gravelle, trouble causée par les petites pierres des conduits urinaires évoluant en maladie douloureuse et fatale, dont ont souffert le seigneur Pierre et son fils, Michel de Montaigne. Cette dénomination commune de la lithiasis des voies urinaires apparaît au XVI e siècle.
Source : Wikipedia

Montaigne décide de voyager dans les villes d’eaux européennes, afin de se soigner par des cures thermales. De retour en France, il est élu maire de Bordeaux et participe activement aux guerres de religion jusqu’en 1577. Il entretient des relations amicales avecHenri IIIet le maréchal de Matignon, lieutenant général du roi de Navarre. Par le biais de la négociation et de la diplomatie, Montaigne tente de rapprocher Henri III et son beau-frère Henri de Navarre, futur Henri IV, qu’il reçoit fréquemment chez lui. Affaibli par la gravelle, il reste enfermé dans sa librairie, où il écrit une nouvelle édition desEssaisqu’il publie à Paris en 1588, additionnée d’un troisième tome, puis une quatrième édition desEssais,qui ne seront publiés qu’après sa mort.

Prônant une tolérance sociale et religieuse, Montaigne a posé les bases de l’Humanisme, philosophie selon laquellela société est faite pour servir l’Homme, et non l’inverse.

www.revuedesdeuxmondes.fr/

Montaigne (sur la mort)

dans l’émission Les Chemins de la philosophie par Raphaël Enthoven

Le 25/05/2009

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Montaigne nous parlait de la mort sans tristesse ni angoisse, mais en nous parlant de la vie. Le professeur Jean-Yves Pouilloux nous éclaire sur le chapitre des Essais intitulé "Que philosopher c’est apprendre à mourir".


"Saint Jérôme écrivant", une vanité du Caravage (1606). Crédits : Araldo De Luca - Getty
ZOOM : cliquer l’image
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Montaigne est un philosophe du présent. Parler de la mort avec lui, ce n’est pas tant parler de la fin de la vie que de la vie tout entière :


Nous troublons la vie par le souci de la mort, et la mort par le souci de la vie. L’une nous cause du regret, l’autre nous effraie. Ce n’est pas contre la mort que nous nous préparons, c’est une chose trop momentanée : un quart d’heure de souffrance passive sans conséquence, sans dommage, ne mérite pas des préceptes particuliers. À dire vrai, nous nous préparons contre les préparations à la mort.
(Montaigne, Essais, Livre III, Chapitre XII)


La philosophie nous ordonne d’avoir la mort toujours présente devant les yeux, de la prévoir et de la considérer avant le temps où elle viendra, et elle nous donne ensuite les règles et les précautions pour pouvoir pourvoir à ce que cette prévoyance et cette pensée ne nous blessent pas. Ainsi font les médecins qui nous jettent dans les maladies afin qu’ils aient des sujets sur lesquels ils puissent employer leurs drogues et exercer leur art. Si nous n’avons pas su vivre, c’est une injustice de nous apprendre à mourir et de donner à la fin une forme différente de son tout. Si nous avons su vivre avec constance et tranquillité, nous saurons mourir de même. Les philosophes se vanteront à ce sujet tant qu’il leur plaira, mais il me semble que la mort est bien le bout, non pas pour autant le but de la vie. C’est sa fin, son extrémité, non pas pour autant son objet.
(Montaigne, Essais, Livre III, Chapitre XII)

À ÉCOUTER AUSSI

1580 : Les Essais de Montaigne (5’)

Dans le chapitre XIX des Essais, intitulé "Qu’il ne faut juger de notre bonheur qu’après la mort", Montaigne nous enseigne qu’on ne peut juger du bonheur d’un homme qu’au terme de sa dernière minute de vie : "Le jour de la mort est le maître jour, c’est le jour juge de tous les autres." Aussi, peu importe de vivre peu ou longtemps, seule compte la manière dont on mène notre vie :


L’utilité du vivre n’est pas dans l’espace de temps, elle est dans l’usage. Tel a vécu longtemps qui a peu vécu. Il dépend de votre volonté, non du nombre des ans que vous ayez assez vécu.
(Montaigne, Essais, Livre I, Chapitre XIX)

Mais comment alors se préparer à la mort si seule la dernière minute compte ? Faut-il se divertir, ou avoir constamment la mort sous les yeux ? Selon Jean-Yves Pouilloux, auteur du Que Sais-je ? sur Montaigne, le philosophe prône plutôt la deuxième solution : pour aimer la vie, il ne faut pas craindre la mort, et oser l’affronter. C’est là la clé d’une vie libre et heureuse :


Tiens pour ton dernier jour chaque jour qui luit pour toi et tu béniras la faveur de l’heure inespérée. Il est incertain où la mort nous attende, attendons la partout. La préméditation de la mort est préméditation de la liberté. Qui a appris à mourir, il a désappris à être un esclave.
(Montaigne, Essais, Livre I, Chapitre XX)

C’est grâce à la philosophie que nous pouvons effectuer cette réflexion sur la mort, et donc nous affranchir de l’angoisse qu’elle pourrait susciter en nous. D’après Jean-Yves Pouilloux, Montaigne s’inspire ici de Cicéron, pour qui philosopher n’est pas autre chose que s’apprêter à la mort. Le professeur de littérature commente ainsi :

C’est parce que l’étude et la contemplation retirent quelque peu notre âme hors de nous et l’occupent à part du corps, ce qui est une sorte d’apprentissage ou de ressemblance de la mort ; ou bien c’est que toute la sagesse et tous les raisonnements du monde ont ce point d’aboutissement : nous apprendre à ne point craindre de mourir.

À vos livres, donc : philosophons et vivons sans peur !

Par Raphaël Enthoven. Réalisé par Cédric Aussir. Prise de son : Jacques Vinson.

Lectures :

- Montaigne, Essais, Livre III, Chapitre XII
- Montaigne, Essais, Livre I, Chapitre XX (par Michel Piccoli) Extrait audio : Sacha Guitry parlant du rapport des Hommes à la mort.

Musique : Danse macabre, Liszt.


- II - Dictionnaire amoureux de Montaigne

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Résumé

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le livre sur amazon.fr

PLON, 3 SEPTEMBRE 2020

Sans doute le livre le plus éclairant sur Montaigne depuis... Montaigne, et un chef-d’œuvre d’André Comte-Sponville. Il nous fait redécouvrir Montaigne, écrivain de génie, talentueux philosophe et humain d’exception.
Le tour de force d’André Comte-Sponville est d’avoir réussi, dans le dialogue amoureux qu’il mène ici avec l’auteur des Essais, à rendre limpide et bouleversante l’incroyable richesse de la pensée de celui-ci, tout en nous rendant intimement témoins de ce qu’il en retire pour faire franchir à sa propre philosophie une nouvelle étape.

Il nous fait redécouvrir Montaigne, écrivain de génie, talentueux philosophe, humain d’exception que l’on aurait tant aimé connaître : " quel esprit plus libre, plus singulier, plus incarné ? Quelle écriture plus souple, plus inventive, plus savoureuse ? Quelle pensée plus ouverte, plus lucide, plus audacieuse ? Celui-là ne pense pas pour se rassurer, ni pour se donner raison. Ne vit pas pour faire une œuvre. Pour quoi ? Pour vivre, c’est plus difficile qu’il n’y paraît, et c’est pourquoi aussi il écrit et pense. Il ne croit guère à la philosophie, et n’en philosophe que mieux. Se méfie de ’l’écrivaillerie’ et lui échappe, à force d’authenticité, de spontanéité, de naturel. Ne prétend à aucune vérité, en tout cas à aucune certitude, et fait le livre le plus vrai du monde, le plus original et, par-là, le plus universel. Ne se fait guère d’illusions sur les humains, et n’en est que plus humaniste, Ni sur la sagesse, et n’en est que plus sage. Enfin il ne veut qu’essayer ses facultés (son titre, Essais, est à prendre au sens propre) et y réussit au-delà de toute attente. Qui dit mieux ? Et quel auteur, plus de quatre siècles après sa mort, qui demeure si vivant, si actuel, si nécessaire ? "

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Rencontre avec l’auteur à la librairie Mollat à Bordeaux

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La chronique « philosophie » de Roger-Pol Droit

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Exercice d’admiration, d’initiation et de partage, ce « Dictionnaire amoureux » est aussi exercice d’explication, au sens d’altercation, de confrontation.

Le Monde, Publié le 11 septembre 2020


Statue de Montaigne, de Paul Landowski (1933), rue des Ecoles, à Paris. Xavier Richer/Photononstop/

« Dictionnaire amoureux de Montaigne », d’André Comte-Sponville, Plon, 650 p., 26€, numérique 18€.MONTAIGNE, UNE LECTURE TOUJOURS AMICALE

C’est un ami qui aide à vivre. « Du fait qu’un tel homme a écrit, en vérité on a plus de plaisir à vivre sur la terre », déclare Nietzsche à propos de Montaigne – alors qu’il serait difficile d’en dire autant de Platon, Kant ou Hegel. Quatre siècles et plus se sont écoulés depuis la rédaction des Essais, mais leurs lecteurs toujours y rencontrent un homme, souvent un frère. Chacun ne cesse, avec Montaigne, de trouver matière… à quoi, au juste ? A penser, sans doute, mais sans gravité. A douter, bien sûr, mais sans drame. A « s’éjouir », surtout, en épousant heure par heure, avec son singulier mélange d’attention aiguë et d’abandon nonchalant, cet étrange métier de vivre – imprévu, fluctuant, vivace.

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C’est ce que confirme à sa manière le philosophe André Comte-Sponville dans son Dictionnaire amoureux de Montaigne. Rarement un volume de cette belle collection aura si bien mérité son titre. Certes, il existe déjà un savant Dictionnaire Montaigne, riche d’une centaine de collaborateurs, sous la direction de Philippe Desan (Garnier, 2007), et des bibliothèques de commentaires, gloses et points de vue sont à disposition. Mais ce qui prime, chez Comte-Sponville, c’est d’abord la ferveur. Elle habite et nourrit cette vaste conversation avec le gentilhomme d’Eyquem. Avant tout, ce Dictionnaire… montre qu’avoir fréquenté Montaigne toute une vie n’émousse pas l’étonnement, n’atténue pas le plaisir.

Ni l’amitié. Pas l’amitié mythique de Montaigne et La Boétie – qui est réelle, évidemment, mais aussi mise en scène, presque « surjouée », par eux-mêmes. Plutôt celle d’un lecteur philosophe, qui veut partager ce qui lui paraît sonner si juste chez cet alter ego toujours en équilibre entre jadis et à présent. On lira donc ces centaines de pages, dépourvues de lourdeurs, comme une approche, à la fois pédagogue etsubjective, de l’univers de Montaigne.

Convergences et divergences

La plupart des entrées sont judicieuses, les citations sont très nombreuses, le tour des grandes questions est assuré, de « Montaigne philosophe ou non ? » à « Montaigne sage ou pas ? », en passant par les incertitudes impossibles à lever, notamment sur ses croyances religieuses.

Lire aussi, sur « Montaigne », d’Arlette Jouanna (2017) : Montaigne en réseaux

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CÉLIA CALLOIS POUR « LE MONDE »
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Exercice d’admiration, d’initiation et de partage, ce livre est aussi, çà et là, exercice d’explication, au sens d’altercation, de confrontation. Loin de se contenter d’exposer Montaigne, et de donner allègrement envie de le fréquenter, André Comte-Sponville s’emploie à dialoguer avec cet ami absent-présent auquel il doit tant. Cette dette première « ne supprime pas, entre lui et moi, de nombreux désaccords », écrit le philosophe. La liste des convergences et divergences – façon « Montaigne et moi » – n’est pas des plus modestes, et ne constitue pas le meilleur de ce beau dictionnaire. Ceux qui apprécient l’auteur y retrouveront, au fil des pages, ses partis pris concernant le désespoir, le bonheur, la sagesse, la médecine, le suicide, la vieillesse ou le Covid – entre autres.

Resterait à chercher si être amoureux de Montaigne ne rendrait amoureux de soi-même. Cela n’a rien d’impossible, au contraire, puisque les Essais incitent à cultiver « l’amitié que chacun se doit », et rappellent combien « de nos maladies, la plus sauvage, c’est de mépriser notre être ». Ensuite, évidemment, c’est une question de mesure.

Roger-Pol Droit

Lien vers partie 1 : Les fouilles de la présumée tombe de Montaigne va-t-elle livrer ses secrets ?

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