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5, rue Gaston Gallimard

Quand les noms de rue se font livres d’histoire

D 13 octobre 2016     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Le 16 juin 2011 était inauguré le 5 rue Gaston Gallimard (ancien 5, rue Sébastien Bottin), le 12 octobre 2016 Léa Salamé dans sa nouvelle émission culturelle « Stupéfiant ! » sur France 2. nous dévoile les lieux, guidée non par Virgile, mais d’abord par Philippe Sollers, puis par le maître des lieux Antoine Gallimard qui pousse la porte d’un endroit « secret », la porte de l’Enfer pour beaucoup, la porte du Paradis pour quelques élus, le saint des saints, la salle du Comité de lecture Gallimard qui s’y réunit une fois par mois. Vidéo ICI
(article initialement publié le 15 juillet 2011)

Quand le nom des rues écrit l’histoire, la grande et la petite, et qu’il s’agit de Gallimard, nous avons eu envie de revenir sur l’événement, le 16 juin dernier, l’inauguration de la rue Gaston Gallimard, avec le petit florilège qui suit - là même, dans ces pages pileface où nous empruntons beaucoup à cet éditeur.

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Feu le 5, rue Sébastien Bottin,
vive le 5, rue Gaston Gallimard


NRF, Editions Gallimard indique sobrement la plaque sur la porte. Le siège des Editions Gallimard. De dos, Philippe Sollers.

Les écrivains voulant être édités par la plus prestigieuse des maisons françaises, Gallimard, devront désormais envoyer leurs manuscrits au 5, rue Gaston Gallimard. L’événement date du 17 juin dernier, Philippe Sollers en a fait une entrée de son Journal du mois de juin. Bernard Pivot, lui a consacré un article dans le JDD du 2 juillet.

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Le siège de Gallimard rue Sébastien-Bottin, en 1929, l’année de l’installation. Le 16 juin, la dite rue Sébastien-Bottin est rebaptisée rue Gaston-Gallimard. [(c) Archives Gallimard]

La nouvelle plaque a été inaugurée en présence du maire de Paris Bertrand Delanoë et d’Antoine Gallimard, petit-fils du fondateur. Des vidéos en gardent trace. Inauguration accompagnée de festivités durant une semaine à la station de métro la plus proche, rue du Bac, avec aussi une exposition littéraire de deux mois à la station de Saint-Germain-des-Prés.

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Antoine Gallimard, ses filles et sa soeur Isabelle se sont vu remettre des plaques de la rue

Rue Gallimard par Philippe Sollers

(Journal du mois de juin dans le JDD)

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Dévoilement de la plaque par Bertrand Delanoé

L’ancienne rue Sébastien-Bottin, dans le 7e arrondissement de Paris, s’appelle désormais rue Gaston-Gallimard (1881-1975). Elle n’a étrangement qu’un seul numéro : le 5. Gaston, le grand-père d’Antoine, l’actuel propriétaire des éditions du même nom, est une légende, indissociable de celle de La Nouvelle Revue française (NRF). Dans son discours émouvant, le maire de Paris n’a cité, pour s’en démarquer, qu’un seul nom d’écrivain français : Drieu La Rochelle, directeur politiquement incorrect de la NRF pendant l’Occupation nazie, et suicidé en 1945. Le maire l’a qualifié de « grand écrivain », ce qui est sans doute exagéré par rapport à un beaucoup plus grand écrivain compromettant, Céline. Cependant, à la fête du soir, où une foule a bu et dansé dans les jardins, un observateur visionnaire aurait pu discerner dans les arbres un certain nombre de fantômes locaux réconciliés : Gide, Valéry, Claudel, Proust, Breton, Drieu, Aragon, Camus, Genet, Sartre, Malraux, Céline. Il y avait du champagne, et la fête a recommencé le lendemain pour les mille employés de cet endroit enchanté. Je travaille donc maintenant au 5, rue Gaston-Gallimard. Photo de Gaston : grand-bourgeois dandy anarchisant, chapeau et fume-cigarette. Après cent ans d’existence, la rentrée littéraire, ici, bat déjà son plein.

5 rue Gaston-Gallimard, par Bernard Pivot

Journaliste débutant au Figaro littéraire, je poussais la célèbre porte du 5 de la rue Sébastien-Bottin, siège des éditions Gallimard, pour recueillir des informations auprès du secrétaire général, Louis-Daniel Hirsch. Il ressemblait à Charles Dullin dans Volpone. Mais en plus sympathique. Il ne lisait que des livres Gallimard.

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Gaston Gallimard

Ça tombait bien, c’étaient les meilleurs. Un jour, il me présenta à un vieillard aux cheveux blancs : son patron, le fondateur de la maison, Gaston Gallimard. Moi, bouche bée, immobile, impressionné. Total respect, comme on dit aujourd’hui. L’homme qui avait édité ou éditait Proust, Céline (je ne savais pas encore qu’au début, ces deux-là, il les avait ratés), Camus, Martin du Gard, Gide, Aragon, Sartre, Beauvoir, Malraux, Guilloux, etc. J’eus d’autres occasions de le rencontrer dans le hall d’entrée. Mais, bonjour ou bonsoir, il était toujours accompagné. Ses collaborateurs ou ses écrivains le désignaient par son prénom.

Et moi, je trouvais que Gaston ne faisait pas très sérieux. Comment avait-il fait, avec un tel handicap, pour rassembler sous son nom la plus prestigieuse écurie littéraire du monde ?

Si je vous apprends que 2011 est l’année du centenaire des éditions Gallimard, c’est que vous ne lisez pas les journaux ou que vous consacrez trop de temps aux récits des liaisons du sexe et de la politique. L’apogée de l’anniversaire aura été l’inauguration par Bertrand Delanoë, maire de Paris, de la rue Gaston-Gallimard. Au début, il y avait la rue de Beaune. Gaston Gallimard a acheté en 1928 l’immeuble du 43. Mais, aussitôt, pour honorer l’inventeur du Bottin, un bout de la rue est baptisé Sébastien-Bottin. Gallimard se retrouve donc installé au 5 de la rue Sébastien-Bottin. Jusqu’au mercredi 15 juin 2011, quand -je sais, c’est compliqué, mais on est dans le temple des intellos- un bout de la petite rue Sébastien-Bottin est donné à Gaston, la rue Gaston-Gallimard ne comportant qu’un numéro, le 5, nouvelle adresse des éditions Gallimard.

Le patron, Antoine Gallimard, petit-fils de Gaston, fils de Claude, va-t-il en bon gestionnaire continuer d’écouler le papier à lettres frappé du 5 de la rue Sébastien-Bottin jusqu’à épuisement du stock, ou, munificent, a-t-il jeté celui-ci à la poubelle dans l’excitation du centenaire ? Lequel a été fêté par un cocktail dans les salons et le jardin du 5 de la rue Gaston-Gallimard. Nostalgie... Comment ne pas se rappeler les grands cocktails de printemps que donnaient Gaston et Claude Gallimard dans les années 1950 et 1960 ? C’était pour nous, jeunes journalistes, l’occasion d’approcher, de regarder Aragon, Gary, Jouhandeau, Paulhan, Queneau, Alejo Carpentier, Nathalie Sarraute, etc., mais sans les toucher, comme d’inabordables stars de Hollywood.

Gallimard célèbre son centenaire par la publication de livres historiques, littéraires, le plus original étant un album de dessins et de textes signés Roger Grenier et Georges Lemoine. 5, rue Sébastien-Bottin est une déambulation dans le saint des saints : le hall d’accueil -un auteur auquel on venait de restituer son manuscrit, non retenu, a perdu connaissance, téléphone, Samu-, les salons, les sous-sols, où un siècle de correspondance est rangé, le couloir aux manuscrits, le pavillon de la Pléiade, les bureaux de Roger Grenier, de Philippe Sollers... Le bureau de Camus n’existe plus. Le bureau de Pierre Nora n’est pas représenté. Pourtant, c’est là que l’historien a inventé le concept des lieux de mémoire, et s’il est un lieu de mémoire, c’est bien la maison Gallimard. Il existe toute une géographie Gallimard : le Vieux Colombier, dont Gaston fut l’administrateur, la librairie, boulevard Raspail, le cimetière de Pressagny, dans l’Eure, où sont enterrés Gaston et Claude. Le célèbre bar du Pont-Royal, où Sartre et Beauvoir avaient leurs habitudes, a été détruit. Le couple n’a droit qu’à une plaque en haut d’un poteau près du café des Deux-Magots. Gaston, leur éditeur, est mieux loti.

Bernard Pivot - Le Journal du Dimanche
samedi 02 juillet 2011

La banque centrale par Philippe Sollers

Les Editions Gallimard sont ce lieu, unique au monde, où les grands écrivains morts sont plus vivants que jamais. Avec un peu d’imagination, on les rencontre ici tous les jours. Ce matin, par exemple, Gide est concentré, Claudel furieux, Malraux et Aragon agités, Sartre grognon, Camus soucieux, Paulhan évasif, mais Queneau rit de son rire chevalin célèbre. Majestueux, Gaston passe en dandy jardinier. Valéry virevolte, Cioran s’amuse, Bataille essaie de se débarrasser de Blanchot, Artaud murmure des exorcismes, Genet vient chercher de l’argent liquide. Le duc de Saint-Simon est très surpris de ses huit volumes en Pléiade impeccablement présentés, et d’être, en même temps que Retz ou Sévigné, considéré comme « un écrivain français ». Sade apprécie ses élégantes gravures pornographiques du XVIIIe siècle, Voltaire sourit en caressant les treize volumes de sa Correspondance. Montaigne, Pascal, Bossuet, Molière, La Fontaine, Diderot, Rousseau, Chateaubriand, Balzac, Stendhal, Flaubert, Lautréamont, Rimbaud, Mallarmé, Proust, Breton, Céline passent en coup de vent dans les arbres. Peu importe qu’ils se détestent ou s’ignorent les uns les autres, ils volent, c’est l’essentiel.

Au bout d’un couloir, un petit bureau, qui n’a l’air de rien, s’appelle « l’Infini ». C’est un observatoire-laboratoire discret où se poursuivent certaines expériences d’avenir (la revue « l’Infini » vient de publier son 113e numéro). Là, les livres s’entassent en désordre, mais je sais où chacun se trouve. Cent ans, ce n’est pas bien long, puisque j’ai sur ma table les Grecs, les Latins, les Chinois, la Bible. Plein d’auteurs étrangers veillent aussi avec moi. Avec la nuit, la « banque centrale de la littérature », paquebot romanesque géant, largue ses amarres et flotte, à travers les siècles, sur des heures liquides. A son poste de commandement amiral, Antoine, l’heureux propriétaire des lieux, a d’ailleurs, sur sa cheminée, une maquette de bateau à voile.

Ph.S.

(*) Premier titre paru chez Gallimard : "Femmes", en 1983.

Source : "le Nouvel Observateur" du 3 février 2011

Liens

Sur pileface

De Gaston à Antoine et les autres - La saga Gallimard

Le siècle de la NRF

Autres

Les cent ans de Gallimard sur France Culture

Les Editions Gallimard


Mini-rue, multi-embrouilles

Les riverains ayant refusé le changement de nom, seule la partie de la rue bordant les locaux de Gallimard voit son appellation changer ; le reste de la rue, constitué uniquement d’un immeuble au no 9 demeure rue Sébastien-Bottin.
« Mini-rue, multi-embrouilles » titrait Libération. Beaucoup de bruit pour deux petits numéros de rue modifiés. Critiques sur la politique de la maison d’édition, craintes des riverains ou accusations de privatisation de l’espace public : les micropolémiques pour cette microrue n’ont pourtant pas plombé son inauguration le 16 juin dernier.

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A qui doit-on cet étrange branle-bas de voirie ?
David Caviglioli du Nouvel Observateur nous le précise avec humour :

A Antoine Gallimard, d’abord. Le petit-fils du grand Gaston (ci-contre en photo), placé à la tête de la maison en 1988, tenait à ce petit caprice depuis quelques années : « l’Express » raconte que l’idée lui vint pendant l’inauguration de la place René-Char, non loin de la rue Sébastien-Bottin, en 2007. Il prit alors contact avec les habitants du numéro 9, seuls êtres vivants de la rue à n’avoir rien en commun avec Gallimard. Il rencontra quelques oppositions, qui ne le découragèrent pas. Il se lança dans une campagne de lobbying.

Pour cela, il fit appel à Pierre Assouline. Le chroniqueur du « Monde », biographe du vieux Gaston, présenta le projet à la Mairie. Il fut chargé de pousser le dossier en cas d’indifférence ou d’hostilité. En sept ou huit mois, Assouline intervint à plusieurs reprises auprès des conseillers de Bertrand Delanoë, David Kessler et Philippe Lamy, pour éviter l’enlisement : il fallait que la plaque puisse être dévoilée le jour de l’anniversaire.

Le projet fut validé juste à temps par le Conseil de Paris, le 17 mai dernier. Les conseillers du VIIème arrondissement claironnent depuis leur désaccord - mais qui se soucie des conseillers d’arrondissement ? L’adjoint au maire explique au « Parisien » que « la règle est de ne pas changer le nom d’une rue où des personnes habitent », bien que la chose semble se produire fréquemment. Il ajoute que « donner un nom d’entreprise à une rue, ça ne se fait pas ». L’argument a de quoi faire sourire : la rue Sébastien-Bottin fut ainsi baptisée parce qu’elle abritait les locaux de Didot-Bottin, qui éditait divers annuaires de commerce, ainsi que le « Bottin mondain ».

Car Sébastien Bottin n’était pas n’importe qui. [...] En 1819, il lançait la publication annuelle d’un « Almanach du commerce de Paris et des principales villes du monde ». Cet annuaire devint la pierre d’angle éditoriale de la société Didot-Bottin, fondée après sa mort. Tout cela est certes moins prestigieux que ce qui se fait dans la collection blanche. Mais Bottin connut une gloire à laquelle Gaston Gallimard ne pourra jamais prétendre : celle de l’antonomase. De son nom, on tira un mot, « bottin ». Gallimard peut se consoler avec toutes les rues qu’il veut. Il ne se réincarnera jamais en un objet avec lequel on cale les tables branlantes.

Gallimard : les grandes dates

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1911. Gaston Gallimard prend la tête des Editions de la Nouvelle Revue française.
1911. Création de la collection Blanche. Premier livre publié : « l’Otage », de Paul Claudel.
1913. André Gide refuse le manuscrit d’« A la recherche du temps perdu ».
1919. Naissance des Editions Gallimard sous l’appellation Librairie Gallimard. Prix Goncourt pour « A l’ombre des jeunes filles en fleurs », Proust ayant été finalement débauché par Gaston.
1911-1920. Gallimard publie Gide, Larbaud, Martin du Gard, Péguy, Valéry, Drieu, Proust, Mallarmé, Conrad, Keats...
1921. Création du comité de lecture.
1925. Jean Paulhan rédacteur en chef de la « NRF » après le décès de Jacques Rivière.
1929. Installation rue Sébastien-Bottin, Paris-7e.
1921-1930. Publication d’Alain, Cendrars, Aragon, Mac Orlan, Jouhandeau, Morand, Kessel, Cocteau, Freud, Eluard, Breton, Reverdy, Pirandello, Michaux, Svevo, Dos Passos, Hemingway, Saint-Exupéry...
1931. Création de la collection « Du monde entier ».
1933. Les Editions de la Pléiade, d’abord indépendantes, deviennent une collection de la maison.
1940. Drieu La Rochelle prend la direction de la « NRF ».
1931- 1940. Sont publiés Cohen, Dhôtel, Desnos, Giono, Faulkner, Kafka, Simenon, Orwell, Audiberti, Joyce, Amado, Caillois, Sartre, Yourcenar, Nabokov, Steinbeck...
1945. Création de la « Série noire » par Marcel Duhamel.
1951. Céline signe chez Gallimard.
1960. Mort de Camus et de Michel Gallimard dans un accident de voiture.
1941-1960. Publication de Bernanos, Blanchot, Bousquet, Brasillach, Dumézil, Camus, Jünger, Montherlant, Bataille, Beauvoir, des Forêts, Duras, Char, Miller, Garcia Lorca, Nimier, Capote, Gary Genet, Céline, Borges, Bowles, Sarraute, Ionesco, Jaccottet, Vailland, Pasternak...
1965. Pierre Nora prend en main le secteur des sciences humaines.
1972. Création de la collection « Folio ».
1975. Décès de Gaston Gallimard.
1976. Claude Gallimard président des Editions Gallimard.
1961-1980. Publication de Butor, Kerouac, Perros, Bellow, Déon, Roth, Styron, Cortazar, Le Clézio, Morante, Semprun, Fuentes, Canetti, Vargas Llosa, Bernhard, Pinter, Tournier, Kundera, Modiano, Handke, Merleau-Ponty, Foucault, Quignard...
1983. Philippe Sollers rejoint Gallimard. 1986. Lancement de la collection « Découvertes ».
1988. Antoine Gallimard succède à son père Claude.
1997. Gallimard publie le premier tome de « Harry Potter ».
2008. Le Clézio prix Nobel de littérature.

D’après Didier Jacob
Source : « TéléObs.com » du 19 mars 2011.

La salle du Comité de lecture Gallimard

Léa Salamé avec Philippe Sollers dans sa nouvelle émission culturelle « Stupéfiant ! » sur France 2. Elle déambule au siège des Editions gallimard guidée par Philippe Sollers puis par Antoine Gallimard :

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