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Sollers, « Centre » avec Pascal et Freud... L’Hystérie au centre du livre

suivi de "Une lecture de « Centre » avec EXTRAITS"

D 28 février 2018     A par Viktor Kirtov - C 36 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


16/03/18 : Invité de l’émission « Quotidien » animée par Yann Barthès

28/03/18 :Partie 4 : Un monde de livres : invités Philippe Sollers et Vincent Roy sur RCJ

30/06/2018 : Soyons Claire, France-info, Entretien avec Claire Chazal

Philippe Sollers en direct sur Europe1 le 28/02/2018 , à la veille de la parution dans la Blanche de son nouveau roman.


Philippe Sollers explique le titre de son livre « Centre »
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L‘intégrale de la matinale d’Europe 1 avec Philippe Sollers

…Et aussi Pascal, Freud, Lacan, l’ironie voltairienne en arrière plan de l’actualité de notre société.

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L’écrivain sort un nouvel ouvrage, "Centre", dans lequel il est question de psychanalyse mais aussi de notre époque, de l’Histoire, et où le narrateur utilise sans cesse la digression pour évoquer des dizaines de sujets différents.

INTERVIEW
"Irrésumable". Au moment d’évoquer le dernier livre de Philippe Sollers, Centre, le journaliste littéraire d’Europe 1, Nicolas Carreau, ne cache pas sa difficulté à résumer l’ensemble des pensées qui émanent de l’ouvrage de l’écrivain. Dans Centre, le romancier parle de tout, de notre époque - de l’Italie à Michel Houellebecq - mais aussi d’Histoire, ou encore de psychanalyse, puisque le narrateur est l’amant de Nora, 40 ans, psychanalyste.

"Freud est un aventurier, c’est cela qui m’intéresse". "Je ne parle que de l’hystérie dans ce livre", estime de son côté Philippe Sollers, dans Europe matin, en se référant ainsi aux travaux de Sigmund Freud sur le sujet. "Freud est un aventurier, c’est cela qui m’intéresse". Selon l’écrivain, "on est dans une société qui est de plus en plus hystérique".

"Ma femme est psychanalyste", ne cache pas Philippe Sollers. Selon lui, les gens parlent partout, tout le temps, avec des échanges accélérés et favorisés par Internet et le numérique, mais au milieu de tout ça, il y a la psychanalyse, "un îlot très étrange". "Les gens parlent mais là, ils peuvent parler en étant sûr d’être écoutés", indique l’écrivain, "pour essayer de retrouver sa mémoire et son intériorité profonde". Un centre finalement, au milieu d’un ensemble, et aussi pour soi-même.

Crédit : Europe 1

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Un autre entretien sur le site Gallimard

A l’occasion de la parution du livre.
C’est une autre déclinaison des thèmes abordés dans la matinale d’Europe 1.
Les variations et les nuances complètent la pensée de Sollers.
Entretien publié dans le Bulletin Gallimard n°522, mars 2018

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CENTRE  
de Philippe Sollers
Entretien

« C’est maintenant l’œil du cyclone, au centre du tourbillon. Tout est d’un calme si extraordinaire que je n’ai plus rien à comprendre. Quelques phrases d’autrefois traînent encore, mais elles ne s’inscrivent pas, ma main les refuse. La seule vraie couleur est le blanc. »
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De quel « centre » s’agit-il ?

Ph.S. : -

C’est le centre métaphysique, celui qu’évoque Pascal : « une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part », ce qu’on peut aussi renverser en « une sphère dont la circonférence serait partout et le centre nulle part »… Est-ce également un centre spatial ? Ce centre se situerait alors dans le temps et, d’une façon très étrange, il m’est apparu qu’il y avait un savoir central, qui serait peut-être le savoir absolu de Hegel.
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La psychanalyse est au cœur du roman, avec le personnage de Nora et surtout avec Freud et Lacan…

Freud et la psychanalyse représentent un décalage par rapport à ce qui était antérieurement tenu pour le centre. Le sujet change sa position, ce qui a eu des effets considérables. Tout cela reste d’ailleurs à ranimer pour que la psychanalyse ne soit plus ce qu’elle est devenue, c’est-à-dire une simple routine d’accompagnement autour d’un cercle qui n’est plus un centre.
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Et Lacan ?

Arrive, alors que la psychanalyse est déjà falsifiée notamment par Jung, un Français, au demeurant fort étrange, qui la remet dans une situation polémique : après Freud, le Juif athée, Lacan, le catholique subversif. Lacan était un personnage éblouissant qui découvrait sa pensée en parlant. Cette liberté de parole s’oppose à la crainte qu’une parole singulière s’exprime.
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En quoi l’expression d’une «  parole singulière  » dérange-t-elle autant ?

C’est la découverte de la singularité humaine, qui n’est pas faite pour le « faire ensemble ». Quel blasphème ! Il n’y a pas d’inconscient collectif, il n’y a pas de « mise ensemble » possible. L’hostilité, la coalition contre la psychanalyse est un phénomène politique très important.
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Où en sommes-nous avec l’hystérie ?

Freud et Lacan voulaient savoir ce qu’est l’hystérie, ce phénomène massif, durable, qui change de forme en permanence, mais reste omniprésent comme socle de l’aventure humaine.  C’est en prenant au mot les hystériques que Freud est devenu lucide. Mais cette lucidité n’est pas évidente : prenez l’actualité par où vous voulez, vous serez comblé en matière de symptômes hystériques.
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Vous écrivez, « Paris est brusquement redevenu le centre d’un monde secret et nouveau ». Pouvez-vous en dire plus ?

Paris a été le centre de la seule révolution en profondeur, et capitale, de l’humanité. On l’appelle Révolution française, mais elle est avant tout parisienne. Les phénomènes révolutionnaires m’intéressent par définition, mais celui-là revient sans cesse en boomerang, au point que de falsifications en atermoiements et en raccommodages, on ne sait plus très bien où s’est situé l’épicentre de ce phénomène. La Révolution française n’est nullement terminée, elle continue, mais tout est fait pour vous empêcher de le savoir.
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Composé de courts paragraphes percutants, le roman semble construit pour ébranler les certitudes du lecteur ?

Je crois que nous sommes dans une période de grand danger réactionnaire. Freud avait révélé ce qu’on ne veut pas voir : l’hystérie, la pulsion de mort… Il faut plus que jamais s’en référer aux écrivains qui sont sur la crête de la lucidité : Voltaire, Sade, Baudelaire, Lautréamont, Rimbaud, Proust, et enfin Céline, ce maudit. Tous ces écrivains ont un rapport avec ce que j’appelle la vérité. Attention, la vérité peut être enchantée ou cruelle ! Là-dessus, il y aurait beaucoup à dire, mais ce n’est pas facile, tellement l’hystérie est présente. Ce roman est malgré tout très clair.
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Bulletin Gallimard n°522, mars 2018
Entretien réalisé avec Philippe Sollers à l’occasion de la parution de Centre.
© Gallimard

 

Le livre

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sur amazon.fr 

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Editeur : Gallimard (1 mars 2018)
Collection : Blanche

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Quatrième de couverture

Nora, 40 ans, est psychanalyste. Son amant, un romancier français controversé peu nobélisable, s’intéresse de près à Freud et à Lacan. Il veut aussi comprendre pourquoi, récemment, contre toute attente, Paris est brusquement redevenu le centre d’un monde secret et nouveau.

Ph.S.

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Lire les premières pages du livre

Feuilleter le livre

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Une lecture de Centre avec extraits

Comme d’habitude, Sollers tient à la mention « roman »,portée sur la couverture du livre. Plutôt une chronique sollersienne, prétexte à aborder ses étonnements, ses questionnements sur la nature humaine, ici à travers la psychanalyse de Freud puis Lacan, à travers le prisme de la comédie humaine du temps présent dont il épingle quelques travers, à travers la métaphysique, la science – Sollers suit avec attention les évolutions de la physique de l’infiniment grand et de l’infiniment petit, ainsi que tout ce qui touche à la biologie – à travers aussi l’Histoire, la religion, les mythes, la Bibliothèque. Tout cela est riche de fond comme le suggère cet inventaire non exhaustif. Et ceci nous est présenté avec une dose d’autofiction, ainsi trouvons nous le personnage central de Nora, psychanalyste comme Julia Kristeva, son épouse, et une louche d’ironie voltairienne omniprésente. Plus le fond est sérieux , plus le ton se doit d’être léger. Il ne faut surtout pas tomber dans l’essai pesant. Ajouter, le souci des enchaînements entre chapitres, la touche de l’écrivain. C’est du cousu-main ! Et voilà un roman tout sollersien.

Centre : 128 pages / 25 chapitres (entrées) de TOURBILLON, le premier, à MUTATION, le dernier. Comme lorsqu’il tenait chronique dans le JDD ou le point, chaque entrée (ici chapitre) est titrée par un mot, un nom, au centre du thème abordé. Musique sollersienne, variations sur nombre de ses thèmes.

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En exergue


« On saute du néant à l’être
et de l’être au néant,
sans qu’il n’y ait ni fin ni commencement,
personne ne sait d’où il est éclos. »
HUAINAN ZI

Le ton est donné, nul doute que Sollers pense aussi à sa fin. « de l’être au néant », le thème traverse le livre, sans s’appesantir - en apesanteur, en somme - dans le tourbillon cosmique « sans qu’il n’y ait ni fin, ni commencement.

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Le début
Titre du chapitre : TOURBILLON

« C’est maintenant l’œil du cyclone, au centre du tourbillon. Tout est d’un calme si extraordinaire que je n’ai plus rien à comprendre. Quelques phrases d’autrefois traînent encore, mais elles ne s’inscrivent pas, ma main les refuse. La seule vraie couleur est le blanc. »

Le blanc, la somme de toutes couleurs. Le Tout dans l’Un.

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La fin

Titre du chapitre : MUTATION

Comme en écho ou réponse à la phrase d’ouverture du livre :

[…] « Apocalypse ? Non, mutation et transmutation.
Le cercle s’élargit, le centre s’approfondit, avec, comme conséquence, une commotion intense des dates.
La réalité me rattrape, le désir m’emporte. La réalité est une passion triste, le désir un réel joyeux.
Je quitte peu à peu le cercle, je dépasse la noria des images et des gestes, je rejoins le Centre. Et là, d’un coup, le monde nouveau se déploie. »
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Cette dernière phrase qui clôt le livre, c’est la façon littéraire qu’à Sollers de nous dire qu’il se tient prêt à quitter ce monde. « Je rejoins le centre ».Une façon aussi de nous dire que sa mort, n’est pas sa fin : « Et là, d’un coup, le monde nouveau se déploie ». Une certitude ou un espoir ? d’un prolongement de vie littéraire,… d’une nouvelle forme ou d’un nouveau cycle de l’être ? Là, le romancier reprend la main. Fin ouverte. A chacun sa réponse.

Dans ce qui suit, les intertitres en majuscules correspondent à des têtes de chapitre dans le livre.

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Le personnage de Nora et du narrateur

« Nora est psychanalyste, très marquée par les figures de Freud et de Lacan
Cette petite brune de 40ans, aux yeux bleus, a une très jolie voix, posée, mélodieuse, une voix vivante qui sait se taire quand il faut. Elle est beaucoup plus intelligente que ses collègues
[…]
Nora m’admet comme amant, mais n’a aucune envie de vivre avec moi. Elle est divorcée, a deux enfants, sa vie sociale est bouclée, c’est le rêve. Elle vient chez moi pour l’amour, c’est elle qui fixe les rendez-vous, j’ai le divan élargi qu’il faut, elle sait pourquoi et comment elle jouit, c’est rare, et encore le rêve. La science des rêves existe, il faut la réinventer. Je n’ai jamais eu l’idée de m’allonger pour raconter mon existence, mais elle entend mon enfance, et j’entends la sienne. C’est inné. »
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Sur la circoncision

« Je raconte ce genre de truc à Nora, la Bible en est pleine. Elle en a entendu parler, mais vaguement. La circoncision religieuse juive est une cérémonie étonnante, et qui ne l’a pas vue n’a rien vu. La voracité avec laquelle le rabbin suce le sexe encore sanglant du bébé mâle hurleur est de toute beauté, de même que le voile effaré qui passe sur le visage des femmes. Les musulmans font ça plus tard, sur des garçons de 11ans, mais c’est moins convaincant, et oblige à égorger ensuite des moutons pour faire le poids du sacrifice. Un bébé coupé de sa mère est offert au service profond des mères. Dieu en personne veille sur l’opération, qu’on déguise platement en mesure d’hygiène, négation de la sublimité du sujet.
[…]
on est encore étonné, de nos jours, de voir passer, dans la rue, un adolescent juif, avec sa kippa de velours sur la tête. Son prépuce allégorique le relie à Dieu. »
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L’histoire des trois coffets. Shakespeare et Freud

« Passons à l’une des pièces les plus ténébreuses du démoniaque Shakespeare, qu’on appelle étrangement « comédie ». Il y a deux pièces dans la pièce, dont l’une, et pas l’autre, a fortement retenu l’attention de Freud. C’est l’histoire des trois coffrets, dont l’un contient le portrait de la belle Portia. Le premier est en or, et porte l’inscription suivante : « Qui me choisit aura ce que beaucoup désirent. » Le deuxième est en argent, et dit : « Qui me choisit aura autant qu’il le mérite. » Le troisième, enfin, ne paie pas de mine, il est en plomb, et déclare : « Qui me choisit doit donner et risquer tout ce qu’il a. » Dans quel coffret se trouve le portrait de la délectable Portia ?
[…]
La musique, « nourriture de l’amour », joue un grand rôle chez Shakespeare. Conduit par la musique alchimique, on ne peut pas se tromper, et le plomb se transforme en or. En choisissant le plomb, Bassanio voit le portrait de Portia lui sourire. Grâce à la musique, il a gagné son désir, qui répond à celui de Portia. Drôle de marchandage à Venise. »
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Après nous voir décrit quelques horreurs, meurtres, ignominies… cette note du narrateur :

« Dante et Shakespeare sont de grands experts en tortures, mais aussi en joies. »
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ou de l’ambivalence des sentiments humains et de la nature humaine.

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Mémoire (le devoir de)

Où le narrateur fait dire à Nora ce qu’il pense des diktats et comportements dans l’air du temps, dont journaux et magazines nous abondent :

« Nora est évidemment « de gauche », mais avec méfiance. La mémoire comme devoir lui paraît une aberration, dont chaque cas clinique lui donne un exemple. Elle trouve ridicules les hommes et les femmes politiques, leurs reniements, leur recherche éperdue de la caméra, leur narcissisme, leurs livres que personne ne lit. Elle repère instantanément l’antisémitisme ou la fausse virilité. Dans cette région, elle ne pense de bien de personne. Elle regarde un peu la télé, mais refuse toute demande d’apparition médiatique ou de signature de pétitions. Derrière tout ce bruit, elle le vérifie chez ses patients et ses patientes, il y a toujours autre chose. Elle n’aime pas que l’analyse tourne à l’idéologie (c’est malheureusement en cours). Dans l’œil du cyclone, on peut fermer les yeux, mais on entend tout. Elle veut savoir d’où viennent les opinions. Elle a plutôt des goûts que des opinions.
[…]
Malgré les meilleures intentions, elle pense que le formatage socio-historique des souvenirs bloque l’accès à la mémoire individuelle, la seule qui s’approche de la vérité. Le mot « Mémorial » envahit l’espace, les victimes du terrorisme sont mélangées à celles de la Shoah, on publie des photos, on lit des listes, on entasse des fleurs, on montre son émotion. C’est bien, c’est soporifique, on réunit, pour un peu de temps, les proches les uns des autres, et voilà les grandes cérémonies de l’oubli. Tout à coup, sur son divan, Nora entend surgir un souvenir très enfoui d’un patient ou d’une patiente. C’est un moment unique, décisif, de l’interprétation. Un souvenir-écran vole en éclats, une porte s’ouvre sur l’amnésie infantile. Le problème est là : ce sont les adultes qui confisquent la mémoire, et la transforment, scolairement, en « devoir » »
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Eloge de Freud / des procédés stylistiques de Sollers

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Dans le chapitre NEGATION, on trouve cet éloge de Freud :

« Freud a compris que l’être humain est un tissu négatif : déni, dénégation, scotomisation, annulation rétroactive, forclusion, hallucination. Il est fait de la même étoffe que les rêves, et sa petite vie est enveloppée par la mort. Le rêve, gardien du sommeil, se débat dans des hiéroglyphes qu’on peut déchiffrer, par couches successives, comme un palimpseste. Voilà l’art de Nora. Elle tisse, elle détisse, tient le fil d’une histoire, trame. Les corps arrivent chez elle (avant l’heure, c’est l’angoisse, après l’heure, l’agressivité), ils s’allongent comme des momies vivantes, ils parlent, et Nora les écoute de façon flottante, et, parfois, en dormant un peu dans son confortable fauteuil. Dites-moi votre négation, même si elle est féroce.
Le patient, ou la patiente, devient lecteur ou lectrice de soi-même.C’est pénible, émouvant, passionnant : longues plages d’ennui, souillures, flétrissures, détresse, revendications, déceptions, humiliations, frustrations, colère. Et puis, un tournant. Et puis ça recommence, ça n’en finit pas, et pourtant, un jour, c’est fini. Ce philosophe est là depuis cinq ans, il n’arrive pas à tuer son père. »
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Au passage, on peut noter une des figures de style aimée de Sollers : l’accumulation : « Freud a compris que l’être humain est un tissu négatif : déni, dénégation, scotomisation, annulation rétroactive, forclusion, hallucination. »

Ou bien pour Nora :« C’est pénible, émouvant, passionnant : longues plages d’ennui, souillures, flétrissures, détresse, revendications, déceptions, humiliations, frustrations, colère. ». Ici, l’accumulation devient même hyperbole, pour amplifier l’effet, en même temps que l’ironie sous jacente.

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Le suicide, une fausse espérance

« Certains pensent que nous tournons en rond dans la nuit, et que nous sommes consumés par le feu. Ils ne peuvent pas poser la négation à sa place. La négation de la négation leur échappe. Dans cette dimension, le suicide est fréquent. Or, quoi qu’on dise, le suicide est un acte d’espoir. J’ai plusieurs fois été tenté [1] par cette fausse espérance. »
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PROGRES

Dans le chapitre PROGRES, l’ironie sollersienne est à l’œuvre pour stigmatiser quelques mots et expressions « serinés » par les médias

L’hystérie toujours là. Vous avez dit bipolaire…

« Toute fondation demande à être périodiquement refondée, toute grande découverte attend sa redécouverte. Freud découvre l’hystérie : c’est un continent nouveau, bientôt recouvert par un océan d’images. Elle est là, pourtant, l’hystérie, très changée, mais toujours la même. Bien que très déprimée, elle n’arrête pas de parler. Effervescente ou glacée, mutique ou jacassante, frigide ou déchaînée, vous pouvez l’appeler bipolaire.C’est le vrai pôle Nord de l’humanité. »
« « Bipolaire », c’est plus chic que le nom ancien de psychose maniaco-dépressive. Une star bipolaire se remarque aussitôt. C’est l’étoile du spectacle un peu partout au café, au restaurant, à la radio, sur un plateau de télé. Les hommes n’ont pas le choix : soit ils s’identifient à cette astronomie perturbante, soit ils se taisent, se mettent entre parenthèses, de plus en plus déboussolés par des ellipses aussi convulsées. Un homme doit être une bipolaire comme une autre, mais il n’y arrive pas forcément. Il lui manque l’aide de la banquise profonde. »
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D’autres litanies avec « être ensemble », « restons unis »

« L’analyse est l’absolu contraire du « être ensemble », seriné par la propagande sociale. « Restons unis », clame la névrose sur fond d’attentats. « Tirez-vous de là », répond le silence. « La vérité vous rendra libre », a dit quelqu’un de grande envergue. « Un peu plus libre », propose modestement l’analyse. Pas de grands mots, seulement les mots. Revenez sur votre rêve de la semaine dernière. Non, pas celui-là, celui d’avant »
« Nora est surtout impressionnée par une montée générale de vulgarité. Il y avait encore des traces de pudeur chez la bipolaire. Maintenant elle parle de sexualité de façon tranchante, ne craint pas la crudité agressive, et se trouve beaucoup plus réussie que les bipolaires masculins. Elle a quand même un doute, et vient en analyse pour donner un sens à sa vie. Selon elle, la viedoitavoir un sens. Il sera compliqué de lui faire admettre qu’elle n’en a aucun
[…]
N’oubliez pas de saluer la mémoire du marquis de Condorcet (1743-1794), arrêté pendant la Terreur comme Girondin, et qui s’est empoisonné après avoir écrit Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humain. Mais oui, avec Nora, malgré la dévastation générale, je crois plus que jamais aux progrès de l’esprit humain. »
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Où comment l’écrivain retombe sur ses pieds en terminant sur le mot progrès, aussi le titre du chapitre.

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Clin d’œil à Rimbaud au chapitre CHARME

« Le vrai charme appartient à celui, ou à celle, qui est allé, les yeux ouverts, dans son propre enfer. C’est très rare, et il s’ensuit une gaieté spéciale, teintée d’un grand calme :
« Ce charme a pris âme et corps
Et dispersé les efforts. »
Juste avant, Rimbaud écrit :
« J’ai fait la magique étude
Du bonheur, qu’aucun n’élude. »

Grâce au charme de Nora, je poursuis, sans effort, ma magique étude. »

Mais ceci n’était qu’un prétexte d’auteur pour revenir sur le thème sous-jacent de la mort du narrateur. Que fera Nora après sa mort de tout ce matériau littéraire accumulé pendant leur vie commune ? Lisez :

« Supposons :
Je suis mort, et, deux ans après ma disparition, Nora publie un livre qui devient immédiatement un best-seller international. Love Transfer est d’abord un grand succès aux États-Unis. La petite fille de Leonard Bernstein et son French lover. A controversial writer ! Awomanizer ! Hot side story ! Nora rit de ce scénario, et n’a pas l’air pressée de me voir mourir. »
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Tout ceci est dit d’un ton léger, mais témoigne bien que le sujet de sa disparition n’est pas tabou, ni évacué de ses pensées. Et il n’y a là rien que de normal chez un homme lucide, écrivain ou pas.

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Don de sperme

Le narrateur poursuit en relatant « un don de sperme sur Internet », un thème souvent stigmatisé par Sollers. Toujours avec ironie. Au rire de Nora, succède celui de cette patiente anglaise de 38 ans. Dans l’enchaînement des thèmes, la psychanalyste verrait peut-être un désir inconscient du narrateur de « survivre » à sa disparition ? Freud au secours !

« Un rire plus sombre, en revanche, touche cette jolie patiente anglaise de 38 ans, qui a commandé, pour 1100 euros, un don de sperme sur Internet. Elle a invité des copines pour faire le choix du donneur, défini par son ethnie, la couleur de ses yeux et de ses cheveux, sa taille, son niveau d’études et sa religion. Il y a eu de longues discussions entre les acheteuses, et, finalement, l’élu a été un Danois. Cette charmante Anglaise, qui vient, deux fois par mois, pour raconter tout ça à Nora, est aujourd’hui enceinte de 6 mois, mais se sent quand même coupable : « J’ai cliqué, dit-elle, et le sperme m’a été envoyé congelé, comme un livre sur Amazon. »
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Bonjour Madame, voici votre échantillon congelé, envoyé par Spermaton, une filiale d’Amazon. Vous aviez commandé un livre par le même envoi ? Il est là : Le mystère des Pyramides. »
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Des milliers de bébés virtuels circulent sur la Toile. Puissent-ils arriver à bon port ! Ça ne marche pas à tous les coups, mais les réussites sont très nombreuses. Les pays nordiques fournissent la majorité des donneurs : danois, hollandais, norvégiens, suédois, islandais sont les plus choisis par les femmes blanches occidentales. Mais attention : il y a aussi les Canadiens, les Américains, les Lituaniens, les Russes. Le donneur français est peu demandé, sa réputation sexuelle reste sulfureuse. L’Allemand, en revanche, est bon pour les ventes. Les Siegfried, les Sigurd, et même les Sigmund, sont très appréciés, mais les Adolf sont impitoyablement rejetés. Les demandeuses n’ont pas de préjugés, Wagner ou Freud, ça fera l’affaire. »
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Les géniteurs ont des prénoms, mais pas de noms. Leurs prénoms, d’ailleurs, ne sont pas forcément les leurs, et leurs identités nominales sont tenues secrètes. Les enfants inséminés porteront donc le nom de leur mère, c’est-à-dire, dans la plupart des cas, celui du père de la mère. Un enfant qui, plus tard, voudra s’orienter dans cette brume, pour savoird’où il vient, aura fort à faire. Dans quel but ? Découvrir un grand-père célèbre ? Un arrière-grand-père criminel ? Mieux vaut aplatir la chose. Un clic, une livraison, une injection, action. C’est peu romantique, mais très pratique. »
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« L’espèce humaine, et c’est son charme, est très ancienne. On peut déjà parier que les filles voudront toujours avoir un père (et un enfant de lui, plus ou moins imaginaire) et que les garçons réclameront aussi un père, pour le haïr et le surclasser. La pièce de cette tragi-comédie est déjà jouée, elle est vieille comme le monde, même si on change de fond en comble les décors. Je suis content de connaître une femme comme Nora, dans ce tournant de l’histoire. Le même type de lucidité féminine a-t-il déjà existé ? Je ne crois pas, et c’est là qu’on peut vérifier que Freud, avec son charme de cosmonaute psychique inattendu, a fait un pas de géant sur la Lune. . »
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Nota : Le chapitre s’intitulait CHARME. Il a commencé avec le charme de Nora, il se termine avec celui de FREUD, même s’il s’agit d’un « charme de cosmonaute psychique inattendu. ». Ainsi se tisse le « roman » sollersien. Avec du métier et du soin.

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Portrait de Lacan

« Sherlock Freud débrouillera ce mystère [Il s’agit de la coke que Freud utilise et prescrit ; elle apaise la neurasthénie de base, ouvre la clé des rêves. Un chapitre difficile à écrire note, plus haut, le narrateur]. J’ai bien connu son successeur, Sherlock Lacan. Il ne parlait jamais pour ne rien dire. C’était un fou de grande envergure, qui disait de lui-même qu’il en était resté à l’âge de 5 ans. Lui aussi, grand détective. Le plus remarquable, dans les deux cas, l’un extrêmement pudique, l’autre plutôt exhibitionniste, était la présence d’une raison inflexible. Un juif athée, un catholique baroque, deux aventuriers de la vérité vraie. _J’exagère sur la cocaïne de Freud et la folie de Lacan, mais il est nécessaire de déranger la routine.Routine de la philosophie, routine du marché féroce, hyper-routine de la publicité sur fond de massacres. Et voici, une fois de plus, les fêtes de fin d’année, familles avec sapins, cadeaux, bouffe, bruit, alcool, enfants, petits-enfants, nouveau-nés miracles. J’imagine Nora faisant des courses dans la bousculade. Très vite, elle prend quinze jours de vacances dans sa maison du Midi. Plus de divan, plus de discours plus ou moins foireux, de l’air bleu. »


« Nora aime beaucoup une photo de Lacan, prise lors d’un de ses séminaires. Il est debout, devant un tableau noir, où il a écrit, à la craie, le titre de son sujet de l’année : « D’un discours qui ne serait pas du semblant ». Dans l’énergique corruption en cours, servie par la niaiserie sexuelle, tous les discours sont devenus du semblant. Nora pourrait mettre une plaque sur son cabinet d’analyste : « Ici, on analyse le semblant ». »
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Sur la psychanalyse

« Malgré tous ses dévoiements et ses atermoiements, la psychanalyse reste un scandale possible dans un monde où plus rien ne peut faire scandale. Vous me direz que ça ne risque pas d’arriver : l’analyse est dépassée, décriée, exténuée, débordée par le spectacle mondial et les neurosciences, elle ne peut plus intéresser que de vieux croûtons viennois qui rêvent de leur belle époque. Je connais pas mal de psys français ou françaises, je lis leurs brochures, notamment le Lacan quotidien qui se traîne toujours. Je constate que ces braves gens vont beaucoup au cinéma, au théâtre, qu’ils font même parfois de la critique littéraire fade et précieuse (toujours des livres étrangers), bref que l’horreur de la tragédie humaine leur échappe dans un confort de défense professionnelle. Lacan appelait ça « les petites pointures ». »
« Qu’est-ce qui s’est voulu à travers la psychanalyse ? Avant tout, le démasquage de l’hystérie, c’est-à-dire de la nature humaine la plus profonde. On pourrait en tirer un roman génial invendable : Voyage au bout de l’ennui. »
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CATHOS

Le catholique baroque affirmé qu’est Sollers se devait de réserver une entrée aux cathos, confrontés à de nouvelles questions face à la théorie du genre…

« Rien de plus cocasse, et, en un sens, de plus beau, que la messe de Minuit, à Rome, la veille de Noël. Tout est en place, la crèche est énorme, et le pape, tout en blanc, va aller déposer un joli bébé en cire, entre le bœuf et l’âne traditionnels.
L’enfant divin est bien là, dans sa paille : c’est un tout petit migrant accueilli dans un luxe inouï.
Une petite fille va-t-elle choisir une poupée mâle ? Pourra-t-elle s’identifier à la Vierge Marie ? Ce bébé a-t-il un sexe sous son pagne ? Est-il déjà circoncis ? Autant d’épineuses questions, vite emportées par l’euphorie générale. Une Américaine de passage est éblouie, les féministes sont révulsées par ce grotesque machisme fanatique. Nora, qui est pourtant d’un athéisme à toute épreuve, sourit. Elle est étonnée de la survivance inébranlable de cette illusion. Le Vatican est devenu un musée théâtral à la régulation impeccable. Essayez de supprimer Noël, c’est-à-dire Christmas ! Cadeaux de Noël ! Business Christmas !
La PSA, Procréation Spirituellement Assistée, est une trouvaille fabuleuse. On aura beau médicaliser à outrance la reproduction, elle subsistera comme fantasme fondamental. »
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Heidegger et le Pape

« Fils d’un tonnelier, qui était aussi sacristain de l’église catholique de son village, le penseur Heidegger, symptôme œdipien, s’est toujours montré hostile à Rome, et à tout ce qui était romain. De son point de vue, il n’a pas tort. Il a intitulé un de ses livres Chemins qui ne mènent nulle part, en sachant très bien que tous les chemins mènent à Rome. Il serait très surpris de voir un jésuite de 80 ans à la tête de la vénérable maison, d’autant plus que ce pape, François, se prononce (un comble !) pour la béatification de Blaise Pascal, l’auteur des terribles Provinciales hostiles à la Compagnie de Jésus. Rome a les clés du temps, et il est juste de déclarer Bienheureux le génie mathématique qui, à l’âge de 19 ans, a inventé la machine à calculer. Béatifier les Pensées de Pascal ! Il fallait y penser. »
« On se souvient de la formule de Heidegger : « Ni théisme, ni athéisme, et encore moins indifférentisme. » Il a quand même fini par dire que « seul un dieu pourrait aujourd’hui nous sauver ». L’indifférentisme a gagné, et Allah est remonté en première ligne. Lacan, subtil, a dit que Dieu était inconscient. En tout cas, mort ou pas, il ressurgit tous les ans, à Rome, sous la forme d’un bébé de cire. La biologie s’occupe du reste, en dehors de toute cogitation. »
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Sollers face au NÉANT

« Le vieux pape jésuite argentin, François, ne respire que d’un seul poumon. Il a déclaré dans un avion, à des journalistes, qu’il faisait un boulot impossible, « un métier de fou ». Il est debout à 5 heures du matin, enchaîne messe sur messe, mange à peine, reçoit, parle, et se couche épuisé à 10 heures du soir. Les jours de fêtes, évidemment, c’est l’enfer. Son prédécesseur démissionnaire, Benoît XVI, a fini par craquer. Ces deux derniers papes (les derniers) ont pu mesurer l’hostilité sourde et perverse de la Curie romaine, infectée par l’inlassable Démon. »
« Doute-t-il de sa religion ? C’est probable, mais il continue à brandir l’hostie avec conviction. Lacan pensait-il que la psychanalyse était foutue ? Beaucoup de ses messages le prouvent, comme son acharnement à peloter des brins de ficelles pour en arriver à un nœud central. La dernière flèche empoisonnée de Freud aura été pour Moïse. Mais, sans Moïse, pas de Jésus, et, sans Jésus, c’est l’abîme. »
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« J’ose l’avouer : je vis chaque minute comme une préparation à être savouré par le néant. Il m’attend, il salive, je suis sa proie préférée, je lui dois tout, même si rien n’est tout. Aucun désespoir, le soleil brille, et voici le soir charmant, ami du criminel. Pas de four crématoire, mon squelette a le droit de penser. Pas non plus de suicide, sauf cas de douleur extrême. Pas de prélèvements d’organes, ma pourriture doit se mélanger à mes os. Je tiens à ce qu’on puisse retrouver mon ADN, ne serait-ce que pour réfuter des grossesses imaginaires. Comme je n’ai tué personne, il est exclu qu’on vienne me déranger. »
« Freud s’est fait euthanasier avec l’accord de sa fille. Il n’en pouvait plus. Tout indique qu’il a quitté sans regret l’océan de la connerie humaine, transformée aujourd’hui en télé-irréalité. Kafka, au comble de la souffrance, dit à son médecin : « Si vous ne me tuez pas, vous êtes un assassin. » La plupart des humains préfèrent la souffrance au néant. En revanche, des clandestins, pour ne pas parler sous la torture, se sont supprimés. Saluons-les. »
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Toupet-Onfray

Où Sollers règle ses comptes avec son pourfendeur Onfray, Dans son livre, il est affublé du nom moqueur de Toupet. Démolisseur aussi de Freud. Quelle arrogance, quel toupet !

« L’hostilité envers la psychanalyse est normale, mais elle prend parfois des dimensions bizarres. Le clergé intellectuel, surtout philosophique, fait encore, quoique désagrégé, des crises de nerfs à ce sujet. Prenez Toupet, par exemple. C’est un brave garçon, qui ne perd pas une occasion de rappeler que son père était ouvrier agricole. Il a conçu très tôt une vive aversion contre des enseignants curés catholiques. Cette aversion obsédante l’a conduit à détester Freud et à vomir Sade. Freud, surtout, est un imposteur et un charlatan bourgeois. Rien d’intéressant n’a pu se passer à Vienne. Le seul grand philosophe est Proudhon, ce penseur anarchiste de la misère, lâchement attaqué par Karl Marx. Du coup, les magazines le célèbrent et lui consacrent des pages entières avec photos au milieu de publicités croûteuses. Ô Province ! Je ne sais plus d’où vient ce gigantesque Toupet. De l’Orne ou de l’Yonne, je crois, à moins que ce ne soit de la Somme. Il n’a jamais vu l’océan, c’est clair. »
« Ce Toupet n’est pas seul à critiquer l’insurrection de mai 1968 en France, et ce qu’il appelle, avec d’autres, les « soixante-huitards ». Selon lui, ces élites énervées ont trahi le peuple et foncé dans tous les mensonges du temps pour prendre le pouvoir comme promoteurs de l’hyper-capitalisme libéral. Il n’a pas tort : le poison distillé par l’infâme Mao ne pouvait déboucher que sur cette trahison radicale. Curieusement, pourtant, c’est Freud qui l’indigne. Au fond, la folie marxiste a disparu, mais l’angoisse sexuelle persiste, et ce n’est pas la pression islamiste qui va l’apaiser. Après tout, pourquoi pas la pureté de’islam plutôt que le très vicieux catholicisme ? Le raisonnement se tient. »
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Dans "Ce soir (ou jamais !)" du 25/07/2006, Frédéric Taddéï recevait Philippe Sollers à l’occasion de la parution de son livre « Fleurs ». Invité : Michel Onfray. « On est sur des planètes opposées » (Michel Onfray). Vif échange avec Sollers vers la fin de l’enregistrement. Lecture libre : l’alors encore jeune philosophe se paie la tête du vieux mâle dominant…
Cette charge envers Onfray dans son dernier livre « Centre », de 2018, témoigne que Sollers est non seulement hypermnésique, mais qu’il a la mémoire longue.
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Trans-humanisme

Comme pour les évolutions des sciences de la matière et du cosmos, évoquées plus avant, Sollers suit avec attention les évolutions des sciences du vivant (Cf. « Au cœur du vivant », une recension dans ses écrits des commentaires et digressions de Sollers sur ce thème. Ce qu’il dit ci-après du trans-humanisme pourrait en constituer une nouvelle entrée.)

« Ce trans-humanisme criminel peut paraître étrange. Mais, à l’heure de la « post-vérité », rien ne saurait surprendre.

VOIR AUSSI

Le vrai est un moment du faux, lequel est lui-même le moment d’un autre faux. Deux expertises minutieuses peuvent donner des résultats différents. Dans les exhumations, on ne découvre plus grand-chose : un crâne sans mâchoire redouble son silence. Le trans-humain privilégié bénéficie du suicide assisté, son cocktail terminal est en cours de préparation en Suisse. Si vous voulez vous évader, les portes et les fenêtres sont ouvertes. Pas besoin de théâtre, la disparition est à votre portée. La mort, a osé proclamer la Révolution française, est un sommeil éternel. Robespierre a vite compris le danger réactionnaire de cette atmosphère de cimetière. Il a décrété aussi sec que la mort était le commencement de l’immortalité. »

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REBONDS

Sollers s’est toujours piqué de science Cf. Sollers et la science - une recension des commentaires ou digressions scientifiques dans ses écrits. . En voici un nouvel exemple :

« Si le mouvement des galaxies dépend à la fois d’une attraction gravitationnelle et d’une répulsion, le vide compte autant que le plein dans la mobilité de la Voie lactée.

Ce n’est pas tout : si les constituants ultimes de la matière sont de minuscules filaments en état de vibration, le Big-Bang pourrait être plutôt un Big-Bounce, c’est-à-dire un Grand Rebond précédant l’explosion. Ces filaments vibrants feraient de l’Univers un clavecin cosmique. C’est la théorie des cordes : je me pince en l’entendant. »

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POST

Un nouvel exemple de dérive langagière de notre époque, mais qui au-delà de l’usage immodéré révèle aussi une société en cours de mutation.

« À l’ère du Spectacle mondialisé, la « post-vérité » s’impose. D’ailleurs, tout est devenu « post ». Post-moderne, post-sexuel, post-religieux, post-politique, post-climatique. Un « post » et une « post » n’ont plus grand-chose à se dire, et restent penchés sur leurs smartphones, en contact constant avec d’autres « post ». Les « post-ovocytes » sont sur le marché, de même que les « post-spermatozoïdes » qui se font de plus en plus rares. Le « post-utérus » est en cours. Ainsi va le « post », déjà dépassé, dans la cyber-guerre, par l’« hyper-post ». Plus de postérité, plus de posthume, rien que des postures postiches sans avenir. »
« En tant que post-humain, je ne me débrouille pas si mal. Évidemment, les anciens humains continuent de se reproduire et encombrent le paysage, mais ils n’y croient plus, ils pressentent l’orage dévastateur. Je me faufile, j’avance masqué, j’ai gardé, pour me renseigner, une apparence humaine. Je suis son garde du corps, ou plutôt son ange gardien. Je vis à ses côtés, invisible. Un ange ne parle pas, il prévient. »
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Chinois

Sollers, ...jamais immodeste, mais reconnaissons lui de s’être vraiment intéressé à la culture chinoise. Aussi à Mao, mais ceci est une affaire classée.

« J’ai mis longtemps à comprendre que j’étais un des premiers Occidentaux à être carrément chinois. Le tao [2] le yin-yang, le livre des mutations me tendaient les bras dès l’enfance. Ce garçon singulier passe d’un extrême à l’autre en suivant sa voie.

VOIR AUSSI

Il n’a jamais admis, par la suite, les classifications et les hiérarchies qui lui étaient proposées, à commencer par la supériorité supposée du Yang sur le Yin, c’est-à-dire du masculin sur le féminin, vieux truc féodal relayé par le conformisme des rites, sous l’autorité de Confucius (en réalité beaucoup plus marrant qu’on ne croit). Le yin-yang en mouvement, spirale hélicoïdale, ne doit surtout pas s’interpréter comme sado-masochisme. C’est une liaison de raison qui n’a rien à voir avec la raison des philosophes. Ce n’est pas non plus une Sagesse, mais un art des transformations ».

« Un cycle prend fin, un autre commence. Là où c’était, j’étais déjà autre, sans forcément en avoir conscience. Depuis que j’ai commencé cette phrase, je suis déjà très loin d’elle. Il pleuvait, le soleil est là. »
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« Mes romans sont des liaisons de raisonnements. J’entends des voix, je les transcris, ma voix est mêlée à elles. »
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Crédit : Gallimard

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Invité de l’émission « Quotidien » animée par Yann Barthès l (vidéo)

Le 15/03/2018, sur la chaîne TMC.

Partie 1 : Philippe Sollers, 81 ans, présente son 81ème livre « Cercle », une partie de bonne tenue, malgré l’affiche un rien pamphlétaire - c’est le ton de l’émission - avec des documents sur Lacan.

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Partie 2 : Philippe Sollers commente l’actualité, se lâche et fait son spectacle médiatique quand il s’est mis à parler alcool et drogue. Habitué à transgresser les règles de la bien-pensance, Sollers a commencé par remercier l’équipe d’avoir mis à sa disposition, dans sa loge, une bouteille de Bordeaux. "Qu’il faut boire avec modération", a alors précisé Yann Barthès (en ajoutant « je suis obligé de le dire ») . Une remarque immédiatement contrée par Philippe Sollers : "Ohhh non...".

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Un monde de livres : invités Philippe Sollers et Vincent Roy sur RCJ

RADIO RCJ
Diffusé en direct le 29 mars 2018
Les Mensuelles - Un monde de livres – Emission présentée par Josyane Savigneau qui reçoit Philippe Sollers, écrivain et Vincent Roy, éditeur

Soyons Claire, France-info, Entretien avec Claire Chazal, 30 juin 2018

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[1Voir le lien et l’ensemble de l’entretien avec Catherine Ceylac (La séance de tir)

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36 Messages

  • Benoit Monneret | 14 novembre 2020 - 19:15 1

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    relax Sollers
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    On saute du néant à l’être, et de l’être au néant, sans qu’il y ait ni fin ni commencement, personne ne sait d’où il est éclos.
    HUAINAN ZI (en exergue du livre)


  • Viktor Kirtov | 10 septembre 2018 - 10:20 2

    Cher DB, merci de votre commentaire sur le centre et le cercle qui n’ont de cesse d’inspirer l’homme depuis des millénaires, inspiration étendue au carré et à la sphère chez les savants, philosophes, théologiens, loges maçonniques…

    Très modestement, en guise d’interlude ludique, voici quelques éléments pour prolonger cette réflexion :

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    Nicolas de Cues et Blaise Pascal :

    Dieu est un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part.
    Nicolas de Cues, XVe siècle,
    repris par Blaise Pascal dans ses Pensées
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    Platon : la figure circulaire est la plus parfaite

    Plus loin dans le temps, Platon nous a laissé cette réflexion :

    Celui qui constitua le monde (...) lui donna comme figure celle qui lui convenait et qui lui était apparentée. Au vivant qui doit envelopper en lui-même tous les vivants, la figure qui pouvait convenir, c’était celle où s’inscrivent toutes les autres figures. Aussi est-ce la figure d’une sphère, dont le centre est équidistant de tous les points de la périphérie, une figure circulaire, qu’il lui donna comme s’il travaillait sur un tour -figure qui entre toutes est la plus parfaite et la plus semblable à elle-même - convaincu .
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    Le cercle et l’homme par Léonard de Vinci

    Notons aussi le dessin célèbre de Léonard de Vinci qui inscrit l’homme dans un cercle avec le nombril comme centre de ce cercle…


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    L’harmonie des sphères de Pythagore

    Pythagore et ses disciples croient que les nombres préexistent à l’univers sensible, et que la cosmologie est fondée sur la mathématique comme la géométrie ou la musique. De même que l’harmonie musicale repose sur des rapports numériques fixes entre les sept notes de la gamme, l’astronomie doit rechercher "l’harmonie des sphères", c’est-à-dire des sept planètes (incluant le Soleil et la Lune), à partir de l’évaluation de leurs dimensions et de leur distance à la terre.

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    Le compas (cercle) et l’équerre (carré) au cœur des symboles de la franc-maçonnerie

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    La forme du carré et du cercle est liée au problème d’Euclide « La quadrature du cercle », déclaré être l’objectif principal de l’artisanat maçonnique. La quadrature du cercle, cependant, dans ce cas ne se réfère pas à un problème mathématique : C’est une référence spirituelle à la quête instinctive de l’homme pour harmoniser ses natures physiques et spirituelles. Noter la lettre G (God, Gravitation etc dans la symbolique maçonnique) associée au cercle et au carré.

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    Depuis l’Antiquité, le carré a représenté le corps physique. Le cercle, d’autre part, a toujours représenté l’âme. L’Équerre et le Compas symbolisent ainsi l’état de l’homme comme une âme éternelle se manifestant dans un corps temporaire.

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    Le Big Bang et l’univers en expansion

    Selon le modèle du Big Bang, l’univers actuel a émergé d’un état extrêmement dense et chaud il y a environ 13 milliards et demi d’années, même s’il ne s’agit pas véritablement d’une explosion. Pour les scientifiques, le terme de Big Bang renvoie à la violence de ce mouvement d’expansion, mais pas à un « lieu » privilégié. En particulier il n’y a pas de « centre » du Big Bang ou de direction privilégiée dans laquelle il nous faudrait observer pour le voir.
    …L’univers n’aurait pas de centre, dommage ! Mais les modèles théoriques ne sont pas immuables !


  • D.B. | 7 septembre 2018 - 13:51 3

    "Une réserve dans un point central doit garder la circonférence ; je vous l’ai déjà expliqué dans mes instructions." Potsdam, 25 octobre 1806, Napoléon à son frère Louis.


  • Viktor Kirtov | 27 juin 2018 - 19:06 4


    Un inconnu sur un banc, parc Monceau à Paris, lisant Centre de Philippe Sollers
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    La lecture est un sport de compétition qui peut se pratiquer en plein air. Une course contre ses propres préjugés, un plongeon à l’intérieur de soi. En témoigne ce lecteur plongé dans “Centre” de Philippe Sollers, un excellent échauffement avant sa séance chez le psy, à l’heure du match. Un inconnu, un lieu, un livre. Chaque semaine, Marine Landrot capture un instant littéraire.

    Le parc Monceau, à Paris, est envahi par des supporters sioux porteurs de tous âges, les joues peinturlurées de drapeaux et les jambes branchées sur une horloge interne infaillible, prêtes à tricoter à grande vitesse vers l’écran le plus proche, à l’heure du match. Nonchalamment assis sur son banc de touche vert fougère, un homme fait volontairement tâche avec sa tenue de sport d’un autre âge. Son jogging gris avachi, toutes poches dehors, ses baskets nuits charentaises, tous lacets traînant, tranchent sur les panoplies pimpantes des fans de foot environnants. Et sa chemise blanche, étranglée par son petit pull du dimanche, est un clin d’œil plus germanopratin que Paris Saint-Germain. C’est que le monsieur est un rebelle sournois, en rogne contre cette injonction actuelle à la ferveur collective, qui voudrait que nous ne fassions qu’un, pour boire jusqu’à la lie la coupe d’un monde qui ne tourne pourtant pas tout à fait rond. Posé sur son bidon rebondi comme un ballon, le roman qu’il lit en se tenant le menton s’insurge précisément contre l’utopie du bras dessus bras dessous. Malgré son titre consensuel, Centre de Philippe Sollers furète vers les extrêmes. C’est un drôle de patchwork cérébral, étonnamment léger, qui tente de remettre au goût du jour une pratique un peu décriée ces derniers temps : la psychanalyse, « l’absolu contraire du “être ensemble” seriné par la propagande sociale. “Restons unis” clame la névrose sur fond d’attentats. “Tirez-vous de là” répond le silence. Malgré tous ses dévoiements et ses atermoiements, la psychanalyse reste un scandale possible dans un monde où plus rien ne peut faire scandale », écrit Philippe qui s’est réclamé de sa compagne psychanalyste Julia Kristeva pendant la promotion de son roman, en mars dernier, tout en garantissant l’inébranlable discrétion de la dame, quant à ce que lui disent ses patients entre les quatre murs de son cabinet.

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    Toute ressemblance n’est pas fortuite

    Car l’héroïne de Centre est psychanalyste, et maîtresse d’un romancier français qui s’autodéfinit comme « controversé peu nobélisable ». Toute ressemblance avec des personnes existant réellement n’est donc pas fortuite, sauf en ce qui concerne les patients, est-on en droit d’espérer. Qu’en pense-t-il, le lecteur en survêt et casquette de guinguette, de ces confessions de divan et d’alcôve, racontées avec une fausse désinvolture et une vraie concision ? Perçoit-il une once de second degré, ou bien une tonne de phallocratie, à la lecture de cette citation de Freud par Philippe Sollers : « l’infériorité intellectuelle de tant de femmes est une réalité indiscutable » ? Se sent-il pousser des pieds de pyjama, et retourner dans le berceau de ses débuts suffocants, quand il lit : « Depuis l’enfance, vous êtes en état d’urgence. Votre vie va finir dans l’heure qui suit, et vous avez décidé d’être en alerte maximale comme un animal » ?

    Au coup d’envoi du match, il composera le code d’un bel immeuble de la plaine Monceau, et montera jusqu’à l’étage de son psychanalyste. La porte s’ouvrira toute seule, et à pas de loups sur le tapis feutré, il ira jusqu’à la salle d’attente dont il scrutera les murs immaculés, savourant ce que Sollers nomme « centre », dans le titre de son roman, « d’un calme si extraordinaire que je n’ai plus rien à comprendre. Quelques phrases d’autrefois traînent encore, mais ne s’inscrivent pas, ma main les refuse. La seule vraie couleur est le blanc ». Voilà ce qu’il apprécie, dans ce livre qu’il n’aurait jamais cru lire un jour, et encore moins aimer. Cette abdication contemplative devant le silence, celui d’après les mots, d’après la parole. Ce que Peter Handke appelait L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty,sa prochaine lecture de plein air.

    Crédit : telerama.fr


  • eva Hadas-Lebel | 29 mai 2018 - 17:07 5

    Très chouette cette article recension...


  • Viktor Kirtov | 13 mai 2018 - 12:26 6

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    Philippe Sollers, écrivain, était l’invité d’Anna Cabana, dans "Conversations", le jeudi 10 mai 2018, sur i24NEWS. Il est notamment venu nous parler de son dernier ouvrage intitulé "Centre" (Ed. Gallimard). Philippe Sollers a également répondu aux questions de Nicolas Domenach, journaliste politique. Puis, le débrief d’Antoine Buéno.


  • Viktor Kirtov | 12 mai 2018 - 12:59 7


    Photo : Jacques Demarthon Agence France-Presse L’auteur de « Femmes » et de « La guerre du goût » s’amuse ici avec ironie du désarroi de ses contemporains.

    Christian Desmeules
    LE DEVOIR.com, 12 mai 2018

    Qu’est-ce qui nous empêche encore et toujours d’être libres ? Depuis les découvertes de Freud au début du XXe siècle, c’est un peu l’objet de la « science des rêves ».

    Écrivain, le narrateur « hypermnésique » et un peu misanthrope de Centre se pose lui aussi la question et se demande quoi faire de son imagination, tout en pourfendant la nouvelle morale, sourire en coin. Il vit avec Nora, une psychanalyste parisienne et polyglotte de 40 ans qui est la petite-fille, nous dit-il, du chef d’orchestre et compositeur américain Leonard Bernstein.
    Oreille musicale, mais oreille aussi vouée à capter les préoccupations et l’inconscient de ses patients, la jeune femme « a plutôt des goûts que des opinions ». Leur relation est une sorte de « rêve qui dure ».

    Sous une forme légèrement différente, l’écrivain de 81 ans persiste dans la manière et les thèmes qu’il manie depuis longtemps, incapable de résister à nous livrer une énième fois son inventaire personnel des névroses de l’époque — religieuses, sexuelles ou criminelles.

    L’auteur de Femmes et de La guerre du goût s’amuse ici avec ironie du désarroi de ses contemporains, de leur indépassable pulsion de mort et de leur esclavage librement consenti face aux séductions du Spectacle et de la technologie. « J’ose l’avouer : je vis chaque minute comme une préparation à être savouré par le néant. »

    Avec Centre, plus que jamais chez Sollers, marié depuis longtemps à la philologue et psychanalyste Julia Kristeva, le commentaire mange le roman et le « réduit » tel un cercle concentrique. « Je continue, j’écoute les voix de mes multiples soeurs, le fil de mon existence se déroule et s’enroule, le passé se joue du futur, le présent est toujours central. »

    Une théorie intime des exceptions en forme de méditation romanesque, où la psychanalyse renvoie tantôt à la théorie des cordes, tantôt à Dante ou à la musique classique. Alors que « la platitude et la régression l’emportent », à sa manière, Centre est à la fois un grand rire de liberté, une profession de foi et un coup d’épée dans l’eau.

    EXTRAIT DE « CENTRE »
    La dette est colossale, le chômage explose, les attentats crépitent, les prisons sont pleines, les banques règnent, les lobbys médiatiques sont déchaînés, le climat est détraqué, l’hystérie, et sa voix saccadée, est à son comble, mais l’eau coule toujours sous les ponts, les arbres fleurissent, et, comme d’habitude, ma complicité est totale avec les oiseaux. Apocalypse ? Non, mutation et transmutation. »

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    Crédit : ledevoir.com


  • Viktor Kirtov | 8 mai 2018 - 11:21 8


    Philippe Sollers, Christian Estrosi, le maire de Nice, et Nicole Rubi pendant la 2ème édition du "Prix littéraire de la Petite Maison" à Nice, le 5 mai 2018.
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    La 2ème édition du « Prix littéraire de la Petite Maison » a mis à l’honneur son grand gagnant, ce 5 mai 2018 à Nice. Et cette année, le jury présidé par Patrick Besson a accordé son prix à l’écrivain Philippe Sollers pour son roman Centre, publié en mars dernier.

    "Le Prix de la Petite Maison" créé par Nicole Rubi vise à récompenser un roman français paru dans l’année est doté d’un montant de 7000 €.
    Nicole Rubi, fille du sculpteur César, à la tête du restaurant « La petite Maison », poétesse des nourritures terrestres, en rêvait. Lorsque son amie, la patronne du Café de Flore et de La Closerie des Lilas, à Paris, l’invita pour la remise du prix de Flore, ce fut le déclic.« Pourquoi pas un prix similaire à La Petite Maison ? » s’interrogea Nicole. Sitôt dit, sitôt fait. Grâce notamment à l’entremise efficace de Catherine Couton-Mazet au copieux carnet d’adresses. Ce fut un succès. L’année dernière, lors de la remise du prix à Anne Akrich, on n’arrivait même plus à passer sous la célébrissime enseigne de la rue Saint-François-de-Paule. Le gratin niço-parisien était partout.

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    Philippe Sollers était en compétition avec Christine Orban (Avec le corps qu’elle a chez Albin Michel), Jean-Marie Rouart (La vérité sur la comtesse Berdaiev chez Gallimard), Eric Dupond-Moretti (Le dictionnaire de ma vie chez Kero). Tous des pointures de la phrase. Connus. Reconnus. Et alors ? « Le prix n’est pas forcément destiné à un inconnu, explique Patrick Besson.

    Crédit : nicematin.com et purepeople.com


  • Viktor Kirtov | 2 mai 2018 - 10:45 9

    Par Jérôme Dupuis
    L’Express, le 01/05/2018

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    « L’Express », Sollers le rappelle souvent, ne fait pas partie de ses fans, et la plume trempée dans l’acide de Jérôme Dupuis y veille.

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    De l’influence de la télévision sur les ventes de livres. Getty Images/iStockphoto
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    Un simple passage télévisé dans une émission exposée suffit souvent à hisser un livre dans notre classement. La preuve cette semaine avec Philippe Sollers.

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    Demandez à des attachées de presse du monde de l’édition quelles sont les émissions de télévision dans lesquelles elle rêvent de voir "leurs" auteurs invités et vous pouvez être sûr qu’elles citeront en tête On n’est pas couché et La Grande Librairie (certaines ajouteront aussi la chronique Livres de Télématin). Ces deux émissions très prescriptrices touchent des cibles différentes - gros lecteurs pour François Busnel, public plus large pour Laurent Ruquier - mais il n’est pas une semaine sans que l’un de leurs invités ne se retrouve propulsé dans le classement des ventes de livres de L’Express.

    Ainsi, cette semaine, c’est Philippe Sollers qui fait subitement son entrée à la seizième place avec Centre, pourtant déjà paru depuis plus de six semaines. L’ancien fondateur de Tel Quel était l’invité de Laurent Ruquier samedi 14 avril. Ses mines entendues de conspirateur des lettres et ses éclats de rire, rodés il y a des lustres sur les plateaux d’Apostrophes et de Droit de réponse, font toujours leur petit effet.

    D’autant qu’en face Yann Moix et Christine Angot, une fois n’est pas coutume, se sont livrés à un éloge nord-coréen du "plus grand écrivain français d’aujourd’hui" (sic). La "société du spectacle", si souvent décriée par l’auteur de Femmes, a parfois du bon...

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    Centre, par Philippe Sollers

    Soixante ans après son entrée fracassante dans le monde des lettres, le grand timonier de L’Infini revient avec l’un de ces brefs ouvrages aux paragraphes courts qu’il affectionne. On y croise une jolie psychanalyste et un romancier sulfureux - toute ressemblance avec Julia Kristeva et son époux Philippe Sollers ne serait pas pure coïncidence... Dans ces pages parfois un peu testamentaires, on retrouve aussi les marottes du romancier - Freud et Lacan, bien sûr, mais aussi tous les maudits de la littérature mondiale.

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    La joie et l’allégresse. Exhortation apostolique, par Pape François

    On l’ignore parfois, mais depuis des années les ouvrages signés par les papes en exercice sont des best-sellers que s’arrachent de multiples éditeurs. Preuve en est avec ce texte publié par six (!) maisons d’édition d’obédience religieuse - Artège, Parole et Silence, Emmanuel, et, enfin, Le Cerf, Bayard et Mame qui se sont associées. Si l’on additionnait les chiffres de ventes de toutes ces éditions, le Pape François se situerait beaucoup plus haut dans notre classement. Sic transit...

    oOo


  • Viktor Kirtov | 29 avril 2018 - 21:05 10

    Merci cher Thelonious pour votre commentaire qui remet en perspective la dernière critique de Roland Jaccard à propos de Centre de Sollers.
    Cela méritait d’être rappelé.

    « Bipolarité » chez Jaccard, l’auteur du « Journal d’un homme perdu » (1998), comme vous le soulignez, et dont la présentation de l’éditeur se termine par ces mots : « Le journal intime recueille les miettes de ce qu’on croyait être une vie et qui n’est qu’une douce duperie. » Roland Jaccard s’est ainsi beaucoup trompé, à commencer sur lui-même !

    « Bipolarité » vis-à-vis de Sollers chez d’autres aussi, et vous relevez un autre cas avec le « Journal d’André Blanchard ». On pourrait aussi ajouter le cas de Jean-Louis Kuffer dont nous avons également publié récemment une critique plutôt élogieuse de Un vrai roman, mémoires, et qui publie, en même temps, sur son site, une de ses premières critiques de jeunesse, une attaque au lance-flammes contre Sollers. Depuis, son rapport magnétique à Sollers oscille du négatif au positif et vice versa.

    Notons qu’en 1998, au temps du « Journal d’un homme perdu » les troubles bipolaires étaient connus comme « troubles maniaco-dépressifs ». Si même les mots pour désigner nos maux sont aussi soumis à l’humeur du temps, alors…


  • Thelonious | 29 avril 2018 - 17:05 11

    La T.A.J est donc dissoute ! Son plus éminent représentant vient de publier un article louangeur sur le dernier roman de Sollers ( malgré quelques erreurs d’inattention : L’Année du Tigre est son journal de l’année 1998 et non pas 1996, année du Rat ; et le livre qu’il a entre ses mains s’appelle Centre et non pas Cercle...).
    Comme c’est étrange ! L’auteur du Journal d’un homme perdu, a-t-il perdu la tête ? Lui qui sur son site relaye les divagations de D. Taelman. Jaccard Janus...c’est à ne rien comprendre. Reprenons Journal d’un oisif ( son journal du début du siècle) et constatons qu’il y dit pis que pendre. C’est la fête à Sollers !
    Donc je déteste/j’aime ou la bipolarité des sentiments. Sont-ce vraiment les femmes les plus douées pour cette névrose ?

    J’ai découvert il y a peu l’extraordinaire journal d’André Blanchard édité par Le Dilettante. Sur près de 40 ans l’auteur, relativement anonyme, a noirci des carnets magnifiques, une ode à la littérature ( Proust, Flaubert, Léautaud, Green, Calaferte reviennent constamment, tout comme ses chats et sa femme : K). A l’instar de Jaccard, il ne peut s’empêcher d’avoir la dent dure avec Sollers dans différents carnets, fustigeant ses apparitions médiatiques ; puis soudain cette note dans "Autres directions" : " On peut débiner Sollers. Pour ma part, j’ai pas mal donné. Sauf à être étroit du bulbe, est-ce que cela empêche de lui rendre justice quand il y a lieu [...] il manifestait, intacte, cette chose qui se perd, la passion littéraire. C’est ce qui doit être salué".
    Revenons à l’infâme Jaccard, l’homme aux multiples masques ( tiens, tiens...) que Beigbeder qualifie d’anti-Sollers, , ne nous mènerait-il pas en bateau ? Ne brouillerait-il pas les pistes ? Reprenons une dernière fois son Journal d’un oisif : " On croit que les mères donnent la vie. Erreur. Elles donnent la mort". Ça ne vous rappelle rien ?
    En tout cas, accueillons ce texte écrit pour Causeur, " c’est là ce qui doit être salué".


  • Viktor Kirtov | 26 avril 2018 - 16:04 12

    PHILIPPE SOLLERS post-monde

    Philippe Sollers
    Centre
    Gallimard, 128 p., 12,50 euros

    Face à la désolation contemporaine, la psychanalyse est-elle la clé pour réinventer le monde ? Telle est la question que pose Philippe Sollers dans son dernier roman.

    « La dette est colossale, le chômage explose, les attentats crépitent, les prisons sont pleines, les banques règnent, les lobbys médiatiques sont déchaînés, le climat est détraqué […]. Apocalypse ? Non, mutation. » Philippe Sollers engage le fer avec l’amertume dont nous accable, chaque jour, le monde contemporain. Les choses vont-elles si mal ? C’est pire, répond le romancier : « L’actualité est désastreuse. »
    À l’ère du spectacle généralisé, tout est devenu post. Post-sexuel, post-religieux, post-p o l i t i q u e , p o s t - c l i m a t i q u e . « L e s “post-ovocytes” sont sur le marché, de même que les “post-spermatozoïdes” qui se font de plus en plus rares. Le “post-utérus” est en cours. » Aujourd’hui, la frénésie générale signifie que le temps s’est arrêté. Il n’y a plus de postérité ni de posthume, rien que des « postures-potiches » sans avenir. Voyage au bout du désastre ? Ne comptez pas sur l’écrivain pour s’abandonner à la dévastation. L’écriture est une relève et Sollers nous invite à nous relever, en gardant foi dans « les progrès de l’esprit humain ». Voyez le cercle chinois, qui opère un mouvement de saisie du temps par la négation de la négation. C’est toute l’aventure de Centre, roman du voyage où se croisent amoureusement les lieux, les siècles et les langues. En compagnie de Nora, dont le grand-père est le célèbre Leonard Bernstein, le narrateur oppose aux crocs de l’angoisse « la science des rêves », qu’il faut réinventer, pour autant qu’elle permette mille redécouvertes, mille créations, dans la gaieté et l’humour. Face à la désolation contemporaine, la psychanalyse est-elle la clé pour réinventer le monde ? Oui, car elle ouvre vers la lecture, l’écriture, la musique, le secret, la sensation, le plaisir, la redécouverte, l’évasion, le voyage, le bonheur, le détachement. Avec Freud pour guide, Sollers revisite le Marchand de Venise de Shakespeare, chez qui la musique – « nourriture de l’amour » – joue le premier rôle. Il suit, dans les rues enneigées de Varsovie, Nicolas Copernic, qui se demande si le moment est venu de présenter au monde la bouleversante nouvelle du De revolutionibus orbium coelestium. Il retrouve avec Nora les Paradis artificiels de Baudelaire, et aussi Dante, Michel-Ange, Bach et Mozart. L’esprit des Lumières face aux terreurs de la nuit. « D’un côté, lumière, rapidité, couleur, silence, intelligence immédiate. De l’autre, lourdeur, brouillage, bêtise, débilité, bruit, laideur. »
    Le dispositif de contre-attaque, « dans l’œil du cyclone », est celui de l’écoute. Triple entente : celle du psychanalyste, du musicien et de l’écrivain. À quoi s’ajoute le geste sportif, comme celui de Roger Federer, héros du rebond, dont Sollers loue « la calme virtuosité, au filet et le long des lignes ». C’est que l’art du roman réside dans la réalisation du désir, et le monde a besoin d’un nouveau souffle. En littérature, le processus est le même que sur le divan. Il opère par condensation, dramatisation et transposition. Rebondir, oui. Sollers invite à la fois à la déprise et à la reprise : « Toute fondation demande à être périodiquement refondée, toute grande découverte attend sa redécouverte. »

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    SHERLOCK FREUD
    Il y faut un peu de désinvolture, une désinvolture armée, pour mettre au jour les problèmes de nos sociétés et les angoisses déposés sur le divan, lors des séances chez la thérapeute. La psychanalyse fait toujours scandale ; elle reste la meilleure lunette grossissante, pour saisir à la loupe les travers et les doutes. « Il suffit de jeter un œil sur l’actualité pour voir que tout demande, à cor et à cri, l’interprétation freudienne. » Avec Sherlock Freud, l’inspecteur Sollers mène l’enquête : dons de sperme sur internet, et business des géniteurs virtuels sur la Toile ; techniques de procréation médicalement assistée (stimulation ovarienne, insémination artificielle, FIV, ICSI) ; nihilisme des philosophes qui détestent Freud et Sade ; les cinquante ans de Mai 1968 qui ne passent pas – « La folie marxiste a disparu, mais l’angoisse sexuelle persiste » – ; transhumanisme et post-vérité à la mode ; confusions du vrai et du faux, du mal et du bien ; promesses de nouvelles planètes à vivre, extragalactiques, où « le grand Attracteur » déplace, à la vitesse de 630 km par seconde, la Voie lactée et Andromède, notre constellation boréale. Jusqu’à la réponse favorable du pape François pour béatifier Blaise Pascal, dont les Provinciales avait été mis à l’index par la papauté. Il est vrai que ce bon vieux pape « fait un boulot impossible », lui qui se couche, épuisé, tous les soirs – et « les jours de fêtes, évidemment, c’est l’enfer ».

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    Philippe Sollers (Ph. Francesca Mantovani)

    Conclusion : attention aux mirages ! « La pièce de la tragi-comédie est déjà jouée, vieille comme le monde, même si on change les décors. » Sollers est un des rares Occidentaux à être chinois, à penser le cercle, le centre et le point : « Le centre vient de partout, tourne autour de lui-même, pointe vers un zéro que je n’atteindrai jamais. » Ses romans développent l’art des transformations et des mutations. « Un cycle prend fin, un autre commence. » Si l’Église et la psychanalyse ont le pouvoir de lier et de délier, voici le relais radiophonique, qui invite à rester à l’écoute : « Mes romans sont des liaisons de raisonnements. »■

    Aliocha Wald Lasowski

    Crédit : artpress, mai 2018


  • Viktor Kirtov | 23 avril 2018 - 10:29 13

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    par Roland Jaccard
    22 avril 2018

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    Son dernier roman "Centre" est un jeu de massacre

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    Philippe Sollers. Sipa.
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    Par hasard – mais chacun sait que le hasard n’existe pas – j’ai apporté avec moi chez Toraya (en français : le Tigre) un salon de thé japonais où l’on savoure de délicieux gâteaux aux noms évocateurs, Nuits de Printemps ou Horizon de Cerisiers, accompagnés d’un Matcha de Uji (Kyoto) au vert profond et à la saveur amère, le dernier livre de Philippe Sollers : Centre.

    Facétieux, érudit, séducteur

    Je l’avais un peu délaissé ce cher Sollers depuisL’Année du Tigre, son journal de l’année 1996. J’avais souvent médit de lui – mais que serait la littérature sans la médisance et le snobisme ? Bref, il est là à côté de moi, fasciné par le large bol en céramique que je tiens délicatement dans la paume de ma main. C’est qu’il est plutôt chinois que japonais, l’ami Sollers. J’ouvre au hasardCercle et je lis : « J’ai mis longtemps à comprendre que j’étais un des premiers Occidentaux à être carrément chinois. » Mais il n’est pas que chinois, il est aussi un peu freudien et lacanien. Peu nobélisable certes, comme il le souligne, mais parfois facétieux, souvent érudit, toujours séducteur. Sa liaison avec Nora, une psychanalyste dans la quarantaine, est un rêve – et même un rêve qui dure, tient-il à préciser. Et nous voici donc installés sur le divan de Nora.

    La bipolaire, notre nouvelle star

    Pour qui a tâté de la psychanalyse, l’exotisme est au rendez-vous. L’érotisme aussi. Mais Sollers ne s’appesantit pas. Il se borne pour titiller Nora à citer des provocations insupportables de Freud du style  : « L’infériorité intellectuelle de tant de femmes est une réalité indiscutable » ou à évoquer la veine franchement incestueuse qui coule dans tous ses écrits et qui lui vaut une mauvaise réputation de la part des coincés de tous bords.

    Sollers est très drôle quand il écrit que Nora est impressionnée par la montée générale de la vulgarité chez les bipolaires – majoritairement des femmes. Elles parlent de leur sexualité de façon tranchante, ne craignant pas la crudité agressive et se trouvant beaucoup plus réussies que les bipolaires masculins. La bipolaire serait-elle notre nouvelle star ? Quant aux psychanalystes, il ne les ménage pas non plus : l’horreur de la tragédie humaine leur échappe totalement dans un confort de défense professionnelle. Lacan appelait ça « les petites pointures ». Allons plus loin : ce sont désormais « les chaussons pour bébés. »

    De l’avantage des criminels sur les écrivains

    Les romans l’ennuient et on le comprend : écrits par des femmes pour des femmes ils sont en parfaite conformité avec la vulgarité insipide de l’époque. Sollers leur préfère les faits divers criminels. « La réalité, écrit-t-il, dépasse de loin la fiction en vertige. » On l’imagine sirotant un whisky et se délectant en regardant Faites entrer l’accusé ! ou Chroniques criminelles. Les criminels ont sur les écrivains un énorme avantage : ils n’écrivent pas, ils agissent. Cet auteur se plaint de la vie ? On lui épargne ce souci. Ce philosophe pérore sur la Décadence ? Vous lui prouvez la Renaissance d’une rafale de Kalachnikov. Et il ne ménage personne, pas même Nora. « La psychanalyse m’assomme », lui assène-t-il. Mais il faut bien feindre de s’intéresser à ce qui passionne les femmes : elles-mêmes.

    Centre, Philippe Sollers, Gallimard, 2018.


  • Louis M. | 17 avril 2018 - 11:17 15

    Merci à Philippe Sollers pour cette troublante démonstration de ce que Guénon a nommé "Les états multiples de l’être". Beau titre pour un livre bien rude auquel j’ai dû renoncer dès le premier chapitre.


  • Viktor Kirtov | 17 avril 2018 - 10:13 16

    31 minutes d’entretien avec Augustin Trapenard pour l’émission Boomerang (France Inter)

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    Duo d’intelligence entre l’interviewer et l’interviewé


  • Viktor Kirtov | 15 avril 2018 - 11:35 17

    Le 14/04/2018, avec Laurent Ruquier, Yann Moix, Christine Angot sur France 2..

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  • L’oeil du cyclone | 13 avril 2018 - 19:51 18

    "Le texte de Sollers tourne, plonge, s’extrait. Tout cela avec une étrange légèreté, l’allègement trouvé dans la sensation de qui est le là, l’accord donné au mouvement d’expansion-condensation, dilatation-densification, transformations infinies. A chaque page, Sollers capte un constat, puis il pousse plus loin le commentaire : il rebondit."


  • Viktor Kirtov | 13 avril 2018 - 15:18 19

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    Il est là, assis à la terrasse de la Closerie des Lilas, et il parle, semblable à son image. l’intelligence mordante et ramassée, prête à bondir. Il tire sans interruption sur son· fume-cigarette qui l’enveloppe d’un perpétuel nuage de fumée. Il a les yeux mi-clos, tel un bouddha énigmatique, mais on y distingue un air rieur et comme une nuance d’ironie. Il a le goût de l’ellipse et il s’engouffre de temps à autre dans des raccourcis qui l’emmènent loin, très loin. Une certaine intelligentsia germanopratine le boude depuis peu, s’étant entichée d’autres figures, d’autres raisonnements, d’autres imaginaires. Mais les modes passent et Sollers reste Sollers.
    C’est-à-dire un bloc immuable de réflexion, de culture et de subtilité littéraires. Entre deux phrases qui crépitent d’intelligence se glissent les ombres de quelques-uns des hommes qui ont le plus compté pour lui :
    François Mauriac, André Breton, Georges Bataille. « Ce dernier, se souvient-il, m’avait dit un jour ces mots que je n’ai jamais oubliés : "C’est quand les cauchemars deviennent agréables que c’est grave". »

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    La phrase du livre à retenir (page 62)
    " Ceux qui ne comprennent rien comprennent mieux que ceux qui comprennent mal "
    CENTRE,
    de Philippe Sollers,
    Gallimard, 120 p., 12,50 €.

    C’est que, comme les surréalistes, Sollers accorde un grand crédit aux rêves - ainsi qu’à la psychanalyse, omniprésente dans son dernier roman. Marié à la ville avec Julia Kristeva, il reprend pour les besoins de cet ouvrage la trame de sa vie quotidienne : un romancier français ’qui s’estime infréquentable, époux d’une psychanalyste, enquête sur Freud et Lacan. Tout en dressant la typologie des êtres qui consultent un psy, le narrateur tient une espèce de livre de comptes avec règlements : il éreinte Michel Onfray, s’interroge sur la portée de l’ œuvre de Michel Houellebecq, cite Shakespeare ou Spinoza et finit par s’affronter à la théorie du Big Bang. Au fond, Philippe Sollers est un Jean d’Ormesson qui ne croirait pas en Dieu. Autrement dit : un homme qui a été conduit par son intelligence au bord du désespoir métaphysique.

    Crédit : Le Figaro Magazine / 13 avril 2018.


  • Viktor Kirtov | 30 mars 2018 - 17:17 20

    Centre est un précieux roman écrit dans l’œil du cyclone, du centre du tourbillon contemporain. Un roman placé sous la protection d’étranges étrangers qui ont pour noms Freud et Lacan – Un juif athée, un catholique baroque, deux aventuriers de la vérité vraie –, et sous le regard complice de Nora, douée pour les langues et la psychanalyse, une voix vivante qui sait se taire quand il faut [...]
    L’intégrale ICI


  • Viktor Kirtov | 30 mars 2018 - 12:08 21

    Un monde de livres : invités Philippe Sollers et Vincent Roy sur RCJ.
    Ajout vidéo de l’entretien


  • Viktor Kirtov | 23 mars 2018 - 10:26 22

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    "Centre" de Philippe Sollers, par Philippe Lançon, Charlie Hebdo. Un des plus beaux éloges sur Sollers que j’ai lu ! Et venant d’un survivant de l’attentat contre Charlie Hebdo accompagnant la mort de sa mère, ce texte est tranchant et poignant.

    L’intégrale ICI


  • Viktor Kirtov | 21 mars 2018 - 15:38 23

    « Je quitte peu à peu le cercle, je dépasse la noria des images et des gestes, je rejoins le Centre. Et là, d’un coup, le monde nouveau se déploie ». Ce dernier paragraphe du roman pourrait venir juste avant le premier : « C’est maintenant l’œil du cyclone, au centre du tourbillon. Tout est d’un calme si extraordinaire que je n’ai plus rien à comprendre… » Le texte de Sollers tourne, plonge, s’extrait. Tout cela avec une étrange légèreté, l’allègement trouvé dans la sensation de qui est le là, l’accord donné au mouvement d’expansion-condensation, dilatation-densification, transformations infinies. A chaque page, Sollers capte un constat, puis il pousse plus loin le commentaire : il rebondit. A sa table d’écriture, il vit sur Terre et au centre de l’Univers.

    Mais ce n’est point par hasard que dans le roman il est beaucoup question de la psychanalyse. Les « rentrées littéraires » depuis quelques années offrent en effet une quantité de récits qui ressassent les mêmes plaintes et problèmes et embarras psychologiques comme doit les écouter, professionnellement Nora, la psychanalyste du livre de Sollers.

    En passant, voici qu’apparaît Jacques Lacan, après sa journée (ennuyeuse) : « Ensuite, au restaurant, avec le champagne rosé, quelle gaieté ! Le mot d’esprit en lui-même. Une sorte de bonté. »… Je dirai que l’écriture de Sollers est pétillante --- et d’une grande bonté.

    Je pense parfois que de nombreuses connaissances « classiques » peuvent manquer aux poètes d’aujourd’hui. Par exemple : qui a lu Guez de Balzac ? Je propose que l’on mette au programme du baccalauréat littéraire la lecture de Centre et du Prince.

    Claude Minière

    Philippe Sollers, Centre, Gallimard, 128 p., 12,50€
    Crédit : poezibao


  • Viktor Kirtov | 19 mars 2018 - 16:16 24

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    « J’ose l’avouer : je vis chaque minute comme une préparation à être savouré par le néant. Il m’attend, il salive, je suis sa proie préférée, je lui dois tout, même si rien n’est tout. Aucun désespoir, le soleil brille, et voici le soir charmant, ami du criminel. Pas de four crématoire, mon squelette a le droit de penser. Pas non plus de suicide, sauf cas de douleur extrême. Pas de prélévement d’organes, ma pourriture doit se mélanger à mes os. Je tiens à ce qu’on puisse retrouver mon ADN, ne serait-ce que pour réfuter des grossesses imaginaires. Comme je n’ai tué personne, il est exclu qu’on vienne me déranger. »
    Philippe Sollers,
    Centre
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    Certains se lassent, moi pas, et même pas du tout, et toujours moins depuis que l’époque s’enfonce dans l’ignorance et le ressentiment.

    Voici donc le dernier Sollers, chez Gallimard, collection Blanche comme il se doit (cocaïne pure), […]
    Il y a des nuées, un tourbillon de fumée, un grand calme, du temps qui ne s’écoule plus en s’écoulant vertigineusement, un sommeil, une apparition, un éclair peut-être.

    Il y a Nora, la psychanalyste, un esprit, une écoute, belle bourgeoise libre, lucide, plus freudienne que joycienne, quoique. Clientèle internationale, don des langues, feu de la Pentecôte tous les jours, ou quand elle le souhaite quand il s’agit d’organiser des retrouvailles avec son amant (le narrateur en ses IRM).

    Il y a des considérations inactuelles, de la musique savante, des prépuces de Philistins, un rabbin vorace.
    Les chapitres s’enchaînent allegro vivace. Pas besoin de plus ou de mieux, puisque maintenant les mots se changent en écriture, c’est-à-dire en puissance de vie.
    […]

    Fabien Ribery

    Découvrir l’intégrale de la critique sur son toujours excellent blog « L’intervalle »


  • Viktor Kirtov | 18 mars 2018 - 09:10 25

    Dans son nouveau roman, Cercle, où le personnage féminin est une psychanalyste de 40 ans, Nora, Philippe Sollers rappelle que « l’hostilité envers la psychanalyse est normale », et souligne au passage que l’époque est « de plus en plus hystérique ». Il en profite pour décrire un Freud éloigné des stéréotypes imposés par les marathoniens des médias, invités officiels de la pensée unique. Le docteur Sigmund voyage en Italie, en compagnie de sa belle-sœur, Minna, qu’il présente dans les hôtels comme sa femme. Il boit, mange, fume, il a trop chaud, se baigne à Naples. Bref, il jouit de la vie. Sollers conclut (provisoirement) : « Dans le style voyage en Italie avec une belle-sœur, Freud a un précurseur sulfureux qu’il ignore : Sade. »

    Pascal Louvrier
    Causeur - 17 mars 2018


  • Viktor Kirtov | 17 mars 2018 - 22:22 26

    Par Jean-Michel Olivier
    13/03/2018

    Copernic ou Freud ? Héliocentrisme ou toute-puissance de l’Inconscient ? Ces deux révolutions ont modifié fondamentalement notre vision du monde. Mais qu’est-ce que le monde ? Et surtout : où est le centre, s’il y en a un ? Nicolas Copernic (1473-1543) renverse l’ordre des choses : au centre, il y a le soleil, et la Terre tourne autour.

    À son époque, personne n’y croit. C’est une folie ! Et pourtant il a raison. Pour Sigmund Freud (1856-1939), le psychanalyste viennois, au centre, il y a l’Inconscient, surveillé par le terrible Sur-Moi. C’est un continent perdu, que Freud compare aux Enfers, un cloaque, un cimetière remplis de morts-vivants.

    Dans son dernier roman, Centre*, Philippe Sollers plonge tout de suite au cœur du tourbillon, dans l’œil du cyclone. Mais le centre ne se laisse pas aussi facilement approcher. Il faut franchir les paliers successifs de l’humaine comédie. Avoir un guide, des mots, la lumière du désir. Dante avait sa Béatrice ; le narrateur de Centre a sa Nora, 40 ans, psychanalyste, accoutumée aux plaintes et aux ruses de l’âme humaine.

    Tout le roman procède par cercles concentriques et par associations. On passe ainsi de la Bible à Shakespeare (l’énigme d’Othello, raciste, antisémite, islamophobe ?), de la révolution freudienne à Baudelaire, de Rome à Venise, puis à Naples, d’un fait divers à la Trinité chrétienne, etc. Comme toujours avec Sollers, le ton est allègre, la navigation agréable. Le narrateur, qui est un « voyageur du temps », se laisse porter par les images et les mots. Les mots surtout, qui sont le centre névralgique du livre. « Le centre vient de partout, tourne autour de lui-même. » Seuls les poètes, peut-être, nous y donnent accès. Ce n’est pas un hasard, d’ailleurs, si Rimbaud, Baudelaire et un certain isidore Ducasse, dit aussi Comte de Lautréamont, traversent ces pages lumineuses et aériennes.

    « Là où c’était, je dois advenir », écrivait le psychanalyste Jacques Lacan dans une de ces formules dont il avait le secret. « Le cercle s’élargit, le centre s’approfondit, avec, comme conséquence, une commotion intense des dates. » Si la réalité est une passion triste, « le désir est un réel joyeux ».

    Comme la terre tourne autour du soleil, et le conscient autour du gouffre inconscient, le roman de Sollers se rapproche de ce pointde fusion, en nous et en dehors de nous, où, par la grâce des mots, la poésie, la fulgurante des images, se déploie devant nos yeux un monde nouveau.

    Philippe Sollers, Centre, roman, Gallimard, 2018
    Crédit : Jean-Marie Olivier


  • Viktor Kirtov | 17 mars 2018 - 17:21 27

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    « Nora aime beaucoup une photo de Lacan, prise lors d’un de ses séminaires. Il est debout, devant un tableau noir, où il a écrit, à la craie, le titre de son sujet de l’année : « D’un discours qui ne serait pas du semblant ». Dans l’énergique corruption en cours, servie par la niaiserie sexuelle, tous les discours sont devenus du semblant. Nora pourrait mettre une plaque sur son cabinet d’analyste : « Ici, on analyse le semblant ». »
    Extrait de Centre de Philippe Sollers

    Voir le portrait complet Freud/Lacan, ICI


  • Viktor Kirtov | 16 mars 2018 - 14:46 28

    C’était le 15/03/2018 sur la chaîne TMC
    Dans une première partie, Philippe Sollers a présenté son livre avec des documents vidéo sur Lacan etc. A voir.
    Et dans une deuxième partie, Philippe Sollers a fait son show en commentant l’actualité, la promotion de la drogue, la prière, ce qu’il pense sur Emmanuel Macron etc. Question de Barthès : « Et si Macron était un livre, ce serait… ? » Réponse dans la vidéo de la partie 2 ICI.


  • Nadja | 6 mars 2018 - 21:24 29

    "Indépendamment de ce qui arrive, n’arrive pas, c’est l’attente qui est magnifique." André BRETON


  • Viktor Kirtov | 6 mars 2018 - 17:46 30

    La critique de « Centre » par RITAB
    05 mars 2018 sur Babelio.com

    Il y a des livres qui sont faciles à résumer : tout se tient.

    Voici donc un livre qui chemine entre la psychanalyse, l’histoire, la littérature, la poésie, pour, à travers des digressions intéressantes, servir un unique dessein : l’analyse et le constat de l’état de notre société. Alors, allongez-vous et écoutez. C’est bien plus efficace qu’une séance de divan pour endiguer ses petites névroses. C’est plus sombre mais plus fouillé qu’un Woody Allen.

    Si vous en avez assez de toutes les dérives sociétales et que vous vivez en bonne entente avec notre cher Sigmund Freud, ce livre agira comme un exutoire ; sinon, passez votre chemin. Je pense que c’est un auteur que l’on aime ou que l’on n’aime pas. Il n’y a pas de consensualité dans cette écriture.
    C’est un livre dense qu’il vaut mieux cependant lire d’un trait (ce que j’ai fait aujourd’hui) car les chapitres, sans lien apparent, sont en réalité reliés, et dans le rythme et dans les échos qui rebondissent d’un chapitre à l’autre. J’ai particulièrement aimé le chapitre sur l’inceste qui retrace l’histoire de la transmission de l’amour, des caresses à travers les siècles. Il écorche au passage quelques personnes médiatiques : Sollers a dû faire de l’escrime quand il était petit.

    Attention, à force de tout dynamiter, Sollers explose en vol. Mais ensuite il revient : à l’enfance, à la foi, à ses amours, aux caresses reçues ; et le tourbillon se tasse, et le cercle se réduit. Se referme.

    J’aurais aimé que le livre finisse p. 103 après le poème de Rimbaud : « le mot le plus important, ici, précédé et suivi de points de suspension, est etc... Ça pourrait continuer indéfiniment comme ça. »

    Je conseillerai de lire Sollers après Pautrel (dont le dernier livre est sorti récemment) ou Pautrel après Sollers. L’un écrit par ondulations et l’autre par poussées fiévreuses. Deux écritures donc à alterner… Poussé à l’infini, Pautrel tend vers Sollers !_
    Et pour finir, p. 28 : « …il existe des intérêts privés qui m’interdisent formellement un travail de ce genre. Il me faudrait pour cela découvrir quelques-uns de mes sentiments intimes, qui m’ont été révélés par l’analyse, mais que je n’aime pas m’avouer à moi-même. Mieux vaut se taire. » (Freud)

    *

    Lien : HTTP ://LAPAGEDERITA.BLOGSPOT..

    Babelio.com

    oOo


  • Viktor Kirtov | 3 mars 2018 - 20:55 31

    Au chapitre POST, de son roman Centre, Sollers a placé une entrée Post-humain. Il pourrait, aujourd’hui, ajouter l’information publiée dans Le Point du 1er mars 2018 et intitulée :

    « Ces Chinois qui traquent les gènes de l’intelligence »
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    avec ce chapeau :

    « Vertige. Au BEIJING GENOMICS INSTITUTE, on crée des minicochons et de nouvelles plantes. En attendant de doper le QI humain ? »
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    LIRE l’intégrale de l’article, ICI (pdf)

    Nous nous étions déjà émus dune autre vertigineuse avancée des Chinois, c’était en matière de clônage ICI.

    ...Ainsi, les chinois sont aux avant-postes ! A suivre...


  • Nadja | 3 mars 2018 - 16:35 32

    "Toutes les jouissances liées aux désirs du bas monde se rapportent à l’âme, laquelle disparaît à la mort, tandis que la jouissance conférée par la connaissance de la Seigneurie se rapporte au cœur et perdure car le cœur ne disparaît pas à la mort. Bien au contraire, la jouissance du cœur devient, après la mort, plus intense et sa luminosité plus grande parce qu’il sort alors des ténèbres vers la lumière."
    AL-GAZALI
    L’ALCHIMIE DU BONHEUR


  • Unchauve | 3 mars 2018 - 11:57 33

    Toupépetes pris dans les mailles du show-bizz gigote et expose à TV Pépette un verbe et le teint jaunis de pipelette sur tel ou telle Laetitia, furieux qu’on lui eût accordée une année c’est bébête la castratrice nous casse les bonbons à quand mon tour l’année du Nobel.


  • Viktor Kirtov | 3 mars 2018 - 10:20 34

    Premiers pépiements de lecteurs :

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    @PhilippeSollers


  • Viktor Kirtov | 1er mars 2018 - 14:37 35


  • Pierre Vermeersch | 28 février 2018 - 18:46 36

    Nous en sommes en effet arrivés aux Services spéciaux : une avant-garde qui ne se voit pas.