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Portrait et anti-portrait chinois de Philippe Sollers

D 6 avril 2016     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Le portrait chinois de Philippe Sollers

Propos recueillis par Josyane Savigneau
LE MONDE | 05.04.2016 |

Chaque semaine, un artiste répond à un questionnaire de Proust revisité par « L’Epoque », le supplément du « Monde ». L’écrivain, qui vient de publier son vingt-septième roman, « Mouvement », a accepté de se prêter à l’exercice.

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Philippe Sollers, Musée Guimet, Paris, 10/02/2000
(c) Sophie Bassouls, Sygma/Orbis
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Sollers en 2013
(c) P. Normand, OPALE/LEEMAGE

Philippe Sollers a publié près de 80 livres depuis 1958 – il avait alors 22 ans. Mouvement, son vingt-septième roman, vient de paraître aux éditions Gallimard. Un roman philosophique comme il les aime. Ici, c’est de Georg Wilhelm Friedrich Hegel qu’il s’agit. Mais il n’est pas tout à fait le héros du livre, au sens où Nietzsche pouvait l’être dans Une vie divine (Gallimard, 2006), bien qu’on trouve dans Mouvement des détails biographiques très importants et éclairants. C’est plutôt la lecture de Hegel, la réflexion sur sa vie, ses amitiés – au premier chef celle qui le lie à Hölderlin –, sa philosophie, qui inspirent le narrateur, nourrissent le regard qu’il porte sur le monde comme il va – assez mal est un euphémisme –, orientent son rappel de l’Histoire, son ironie, ses intuitions sur les « mouvements » du futur.

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Ph. Sollers, Square Eglise Saint Germain des Prés, 30/10/1996
(c) Sophie Bassouls, Sygma/Orbis

Vous êtes un tweet.

« Lorsque par un décret des puissances suprêmes le poète apparaît dans ce monde ennuyé. » (Bénédiction, de Baudelaire).
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Vous êtes un hashtag.

#ToutSaufSollers :
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Vous êtes une photo qui disparaît une fois consultée.

Marion Maréchal-Le Pen.
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Vous êtes un complot ou une fausse rumeur.

Le pape François a étranglé le cardinal Barbarin.
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Stèle pour Philippe Sollers
(Fonds Chaval, Musée des Beaux-Arts, Bordeaux)

Vous êtes la fonction d’un robot intelligent.

Je démontre la bêtise des autres et célèbre mon intelligence.
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Vous êtes un lanceur d’alerte.

Sollers risque d’avoir le Goncourt. Voir Pivot. Tous aux abris.
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Vous êtes un réseau social.

A bas la société. Elle n’arrête pas de mentir et d’être de plus en plus soumise à un spectacle d’une vulgarité consternante.
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Vous êtes un geste pas écolo.

Interdiction des vins bio, sauf les bordeaux.
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Vous êtes un sandwich.

J’ai horreur des sandwichs donc je m’autodétruis.
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Vous êtes un mot à la mode insupportable.

Valeurs. Ce mot, constamment répété par les charlatans de tout bord, est l’un des plus dévalués de la langue française.
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Vous êtes un smiley.

Je n’aime pas ces petits visages absurdes et sourds. Certaines listes de smileys proposent des notes de musique. Je choisis la vie, c’est-à-dire la musique.
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Vous êtes une émission de télé.

La météo… Voir deux ou trois femmes caresser une carte de France me trouble beaucoup.

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Vous êtes fast-food ou slow-food ?
Slow-food, parce que ce qui m’intéresse d’abord, ce n’est pas ce qu’on mange mais ce qu’on boit avec. Or pas de vin de Bordeaux dans les fast-foods.

Vous êtes made in France ou tout à dix euros.

Si c’est chinois, tout à dix euros.
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Vous êtes Tinder ou fin de soirée arrosée ?

Fin de soirée confortable.
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Ph. Sollers, Musée d’Orsay, 07/01/1990
(c) Sophie Bassouls, Sygma/Orbis
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Vous êtes un néologisme.

« Oublire [1] » puisque plus personne ne sait ce qu’il lit.
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« Mouvement », Gallimard, 240 pages, 19 euros. de Philippe Sollers, Gallimard, 240 p., 19 €.

Josyane Savigneau
Journaliste au Monde

Crédit : lemonde.fr

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VOIR AUSSI :
Anti portrait chinois : Philippe Sollers - Archive INA

Philipe Sollers répond à l’anti portrait chinois (s’il était un défaut, une injure, une maladie, un insecte...). Emission "Lunettes noires pour nuits blanches" du 4 février 1989, présentée par Thierry Ardisson.
Crédit :
INA
YouTube

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Et Autoportraits
Autoportraits, ICI...

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Josyane Savigneau : "On m’a rappelée à l’ordre"

Fidèle en amitié vis à vis de Sollers. Une amitié qui n’est pas étrangère à son éviction du Monde en 2005.


Josyane Savigneau, ici en 2005. (©Baltel/Sipa). Celle qui a dirigé "le Monde des livres" pendant près de quinze ans, avant d’être destituée, raconte son parcours peu commun dans "Point de côté".

Entretien. avec Grégoire Leménager, publié dans l’Obs du 09 octobre 2008, ICI.

Au final, Josyane Savigneau, pas complètement interdite de séjour au Monde, puisqu’elle peut y publier ce portrait chinois,

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Quatre voix : le plaisir de la pensée

Document d’archive
Par Martine de Rabaudy
L’EXPRESS du 20/07/1995

Dans l’histoire de la philosophie, à de rares exceptions près, le plaisir occupe un strapontin. Nous avons rencontré avec Jean d’Ormesson, Michel Onfray, André Comte-Sponville et Philippe Sollers des écrivains et des philosophes qui ne le décrient pas. Chapitre par chapitre, ils le feuillettent avec plaisir.

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Mais qu’est-ce que le plaisir ?

Jean d’Ormesson : En ce moment, on rechigne à en parler, mais on peut essayer de le vivre, en se cachant. Plus généralement, je dirais que le plaisir ne vaut pas le bonheur, mais qu’il le remplace assez bien.

Michel Onfray : La quête d’une satisfaction physiologique, sans oublier que la physiologie englobe le cerveau. C’est une sensation, une émotion, une passion, fragmentaire et fugace. Je le vois comme le pointillisme ou le tachisme en art. On peut le chercher et le trouver, mais surtout le trouver quand on ne le cherche pas.

André Comte-Sponville : C’est une sensation agréable, dont l’agrément est plus ou moins vif.

Philippe Sollers : La grande question de la vie est non pas, comme le disent certains, le suicide, mais bien le plaisir. On l’évite, on en parle mal et peu. Le critère du plaisir reste la parole. Sinon on ne sait pas très bien à quoi on a affaire, si c’est de la simulation de sensations, de choses apprises par ailleurs, pas vraiment éprouvées.

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Ph. Sollers, Versailles, 1980
(c) Sophie Bassouls, Sygma/Orbis
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L’antidote de la souffrance ?

Jean d’Ormesson : Il arrive qu’il soit un adjuvant à la souffrance et au chagrin. Il révèle - c’est un thème classique du donjuanisme - la marque du désespoir. En tout cas, sa fugacité peut provoquer, d’une certaine façon, une souffrance. Le plaisir est un éclair. On ne peut pas vivre dans le plaisir comme on vit dans un bonheur calme.

Michel Onfray : Immanquablement, l’avers de la médaille hédoniste, c’est le tragique. Comment jubiler, jouir, si, par ailleurs, on n’a pas un sens aigu de la douleur ?

André Comte-Sponville : Pour Epicure, le plaisir est un corollaire de la souffrance. Moi, je n’en crois rien. Il y a des plaisirs qui n’ont pas besoin de souffrance préalable : les plaisirs esthétiques ou gustatifs.

Philippe Sollers : Associer douleur et plaisir est une conception sado-masochiste de la question. Dans certaines formes de névroses, le bénéfice qu’il y a à souffrir est considérable. Mais la forme classique du plaisir récuse la souffrance.

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L’aboutissement du désir ?

Jean d’Ormesson : Je crois de plus en plus au désir dont le plaisir n’est que l’aspect le plus superficiel, le plus facile. La marque du temps est un désir, la nécessité est un désir. En résumé, le plaisir serait l’écume du désir.

Michel Onfray : Il faut être en attente du plaisir. C’est ça le désir. Souvenons-nous de la phrase de Clemenceau disant que le meilleur moment de l’amour, c’est quand on monte l’escalier. Le plaisir esthétique n’a pas recours au désir : on ne désire pas une belle lumière qui s’impose à vous et le plaisir en est d’autant plus fort.

André Comte-Sponville : Sauf le plaisir sexuel, les autres plaisirs sont des plaisirs sans manque, donc sans désir.

Philippe Sollers : On arrive au plaisir sans passer par le désir si la force du simulacre est extrêmement importante. Le désir parfois contrevient au plaisir. D’où ce que Stendhal appelait le fiasco chez l’homme.

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Moral ou immoral ?

Jean d’Ormesson : La morale est extérieure au plaisir, mais elle peut le récupérer et le condamner.

Michel Onfray : Dans le judéo-christianisme, le plaisir est tenu pour péché. Saint Thomas d’Aquin précise que la sexualité en elle-même n’est pas un péché, mais le devient si l’on éprouve du plaisir. Le plaisir engendre une culpabilité. Il ressemble à une pomme de terre brûlante.

André Comte-Sponville : La plupart de nos plaisirs sont moralement innocents : manger, boire, écouter une musique, admirer la beauté des choses. Pour le plaisir sexuel, entre adultes consentants, aucun plaisir ne serait moralement coupable.

Philippe Sollers : Le plaisir échappe à la morale mais pas à l’éthique. La morale vient lorsque l’éthique, qui est la lucidité dans le plaisir, est abandonnée. Quand quelque chose a été rompu entre Eros et Logos (entre l’érotisme et le langage).

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Favorise-t-il la connaissance de soi et des autres ?

Jean d’Ormesson : Il peut tout aussi bien occulter cette connaissance. Le plaisir est un oubli de soi. On se noie dans le plaisir. Il procure une réconciliation éphémère avec soi ou les autres.

Michel Onfray : Oui, le plaisir participe d’un approfondissement de la connaissance. Je crois moins à la raison qu’à la passion, comme une belle occasion de se connaître et de mieux connaître les autres.

André Comte-Sponville : Quelqu’un qui n’aurait jamais joui, à supposer que cela puisse être, manquerait une part importante de lui-même et, de ce fait, des autres. L’Eglise l’a compris, car il y a quelque chose dans la sexualité qui rend l’idée de Dieu moins plausible. Voilà pourquoi, sans doute, elle impose la chasteté à ses prêtres.

Philippe Sollers : Bien sûr. C’est la seule qui soit réelle. On ne peut absolument jamais entrer dans la douleur de l’autre, alors qu’on peut le rejoindre et participer à son plaisir. Si le plaisir ne s’apprend pas, toutefois il peut s’enseigner, au sens de se développer.

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Le plaisir suprême ?

D’Ormesson : Le plaisir interdit.

Onfray : Celui de voir.

Comte-Sponville : La conversation.

Sollers : La lecture.

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Portrait chinois

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- 1. Si le plaisir était un philosophe

D’Ormesson : Epicure.
Onfray : Aristippe de Cyrène, le père fondateur, qui a tout dit sur le fonctionnement et la hiérarchie des plaisirs.
Comte-Sponville : Epicure.
Sollers : Casanova.

<small>Lydia Flem et Ph. Sollers devant le manuscrit de Casanova</small>
Ph. SOLLERS et Lydia FLEM devant le manuscrit de Casanova : Histoire de ma vie.
Bibliothèque Médicis le 12/03/2010, En marge de l’émission consacrée à « Casanova » à la suite du retour à Paris, à la BnF, de ce manuscrit. Lydia FLEM est psychanalyste et auteure d’un « Casanova ou l’exercice du bonheur » publié au Seuil.
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- 2. Si le plaisir était un écrivain

D’Ormesson : Casanova.
Onfray : Proust.
Comte-Sponville : Colette.
Sollers : Baudelaire.

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- 3. Si le plaisir était une ville

D’Ormesson : Capoue.
Onfray : Venise.
Comte-Sponville : Venise.
Sollers : Paris.

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Ph. Sollers au Louvre, 05/12/1994
(c) Sophie Bassouls, Sygma/Orbis

- 4. Si le plaisir était une femme

D’Ormesson : Presque toutes les femmes, sauf les malheureuses.
Onfray : Fanny Ardant.
Comte-Sponville : Marlene Dietrich.
Sollers : La marquise de Merteuil (« Les Liaisons dangereuses ».

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- 5. Si le plaisir était un musicien

D’Ormesson  : Mozart.
Onfray : Vivaldi.
Comte-Sponville : Mozart.
Sollers : Mozart.

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Philippe Sollers au piano forte de Mozart.
Maison natale de Mozart, Salsbourg, Photo D.R.

Plus ICI...

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- 6. Si le plaisir était une oeuvre littéraire

D’Ormesson : « A la recherche du temps perdu ».
Onfray : Tous les livres.
Comte-Sponville : « A la recherche du temps perdu ».
Sollers : « Les Illuminations » de Rimbaud.


Plus ICI...
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Dernier ouvrage paru :

Jean d’Ormesson , « La Douane de mer », Gallimard.
Michel Onfray, « La Raison gourmande », Grasset.
André Comte-Sponville, « Petit Traité des grandes vertus », PUF.
Philippe Sollers, « La Guerre du goût », Gallimard.

Crédit : http://www.lexpress.fr/informations/quatre-voix-le-plaisir-de-la-pensee_608938.html

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