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A propos de « La chasse spirituelle » attribuée à Arthur Rimbaud

Un nouveau manuscrit de Rimbaud ?

D 22 novembre 2012     A par Albert Gauvin - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Extrait du manuscrit de La Chasse spirituelle, attribué à Arthur Rimbaud (©Léo Scheer).


Le 21 novembre 2012, Bibliobs, sous le titre « Et si le plus célèbre des faux Rimbaud était... un vrai Rimbaud ? », se fait l’écho de la publication, le 5 décembre prochain, par les Éditions Léo Scheer, de La chasse spirituelle, manuscrit attribué à Rimbaud, accompagnée d’une longue postface de Jean-Jacques Lefrère, le biographe du poète :

Tiens, il pourrait y avoir du nouveau chez Rimbaud. Cette fois, il n’est plus question de son « orientation LGBT (lesbien, gay, bi et trans) » qui, selon madame Najat Vallaud-Belkacem, « explique une grande partie de son œuvre ». Il est question d’une partie douteuse de son œuvre. C’est largement aussi intéressant.
Cette partie douteuse de l’œuvre du poète, c’est la fameuse « Chasse spirituelle », ce texte mythique après lequel ont galopé toutes sortes de chercheurs, de collectionneurs et de maniaques pendant des décennies.
« La Chasse spirituelle » proprement dite y occupera une douzaine de pages, elles seront suivies d’une postface de plus de 400 pages rédigée par Jean-Jacques Lefrère, le biographe bien connu de l’auteur du « Bateau ivre ».
(Le Nouvel Observateur)

Quatre cent pages de postface pour douze pages de Rimbaud : « l’affaire est d’une complexité effroyable », aurait prévenu sobrement Lefrère, contacté par téléphone. Effectivement. Surtout quand on constate que le manuscrit attribué à Rimbaud, au moins ce qui nous en a été révélé (cf. fac-similé ci-dessus), semble être celui du texte déjà publié en 1949  [1] et dénoncé comme un « faux » par André Breton qui n’hésitait pas à écrire dans Flagrant délit :

L’affaire de la Chasse spirituelle ne paraît momentanément complexe que parce qu’on n’en connaît pas encore bien les dessous. Mais patience. On les forcera à s’éclairer non pas en insistant sur l’absolue carence intellectuelle de ceux qui ont osé mettre le nom de Rimbaud en avant d’un texte aussi bien formellement que foncièrement indigne de lui, que dis-je, de nature à entraîner la protestation immédiate...

Breton se serait-il formellement et foncièrement trompé ? La polémique, qui ne manquera pas de rebondir, risque d’avoir une dimension tout autre que celle qui porta hier sur « Le rêve de Bismarck » ou sur telle photographie retrouvée.

*


La Chasse spirituelle chez Léo Scheer

On lit sur le site des Éditions Léo Scheer :

La Chasse spirituelle d’Arthur Rimbaud est un des grands mystères de la littérature française. L’affaire, que l’on croyait enterrée depuis soixante ans, resurgit aujourd’hui grâce à l’investigation minutieuse du spécialiste incontesté qu’est Jean-Jacques Lefrère. En menant l’enquête, le biographe de Rimbaud a découvert de nombreux indices qui confirment qu’à l’origine de La Chasse spirituelle il existait bel et bien un authentique manuscrit du poète.

D’habitude, les savants viennent démontrer que tel chef-d’œuvre trônant dans les musées ou les bibliothèques n’est, en réalité, qu’un faux. Ici, nous assistons à l’inverse : ce qui avait fini, après d’âpres polémiques, par être classé au rang des pastiches refait surface avec tous les attributs d’un vrai Rimbaud, dont le manuscrit avait été perdu (peut-être le verrons-nous d’ailleurs réapparaître à l’occasion de cette nouvelle publication).

Que s’est-il passé en 1949 ? Nicolas Bataille, comédien, et Akakia Viala, metteur en scène de théâtre, sont déçus. Leur adaptation sur scène d’Une saison en enfer, selon la critique et le public, méritait bien son nom. Ils décident de se venger. Amis du libraire Maurice Billot, lui-même proche de Maurice Saillet, Maurice Nadeau et Pascal Pia, ils lui confient, en exigeant la plus grande discrétion, un manuscrit attribué à Rimbaud. C’est alors que tout s’emballe : Saillet publie le chef-d’œuvre retrouvé sous forme d’une plaquette préfacée par Pia, et Nadeau lui consacre la une de Combat. André Breton, ayant toujours un compte à régler avec quelqu’un, saute sur l’occasion pour dénoncer la supercherie et écrit un pamphlet, Flagrant délit, destiné à décrédibiliser le livre (Nadeau ne s’en remettra d’ailleurs jamais complètement). La presse s’empare de l’affaire, qui devient un énorme scandale international, dont on a du mal, aujourd’hui, à imaginer les répercutions.

Voici donc la publication de La Chasse spirituelle, texte dont rien ne permet plus désormais d’affirmer qu’il est ou n’est pas de Rimbaud avec en postface l’incroyable travail de Jean-Jacques Lefrère, accompagné des documents qui lui ont permis de mener ses recherches (celles-ci l’ayant conduit jusqu’à des personnages aussi fascinants qu’Emmanuel Peillet). Éditions Léo Scheer.

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ARCHIVES : L’AFFAIRE RIMBAUD

«  La chasse spirituelle (ce faux Rimbaud grotesque démasqué, en son temps, par André Breton) »

Philippe Sollers, Le fusil de Rimbaud.

En attendant de découvrir le fruit des recherches de l’infatigable Jean-Jacques Lefrère, ce « découvreur, le contraire d’un assis universitaire », cet « enquêteur précis et inspiré » (Sollers), il n’est sans doute pas inutile de rappeler ce que disait l’un des principaux protagonistes de l’affaire de la fausse Chasse spirituelle (mai-juillet 1949), le comédien Nicolas Bataille (1926-2008).

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Edition originale. Un des 60 premiers exemplaires sur vergé d’Arches.

Nicolas Bataille, Comment j’ai fait un faux Rimbaud

Comment j’ai fait un faux Rimbaud. L’histoire de la Chasse spirituelle, suivi de la lecture de La Chasse spirituelle, 57’, document audio paru en février 1991.

1. Comment j’ai fait un faux Rimbaud

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André Breton et les auteurs du pastiche :

[...] je mets délibérément hors de cause les auteurs avoués du pastiche. Qu’il soit bon ou mauvais, les raisons qui leur ont dicté de l’entreprendre sont acceptables : on sait qu’il s’agissait pour eux de se venger de critiques de mauvaise foi auxquelles ils avaient été en butte lors de leur participation à un spectacle tiré d’Une Saison en Enfer. On aurait mauvaise grâce à les chicaner sur le procédé qui, à cette fin, leur a paru le plus expédient, d’autant plus que celui-ci a atteint son but, qu’en efficacité il a même porté bien au-delà. On leur doit d’entendre souffler ce vent salubre. L’émotion qu’ils ont montrée devant les proportions que prenait l’aventure et la mise au point qu’ils se sont hâtés de faire sont, de toute manière, à leur honneur.

Dans « l’affaire de la Chasse spirituelle » M. Saillet, réfugié derrière ses zébrures, n’est mis nommément en cause qu’assez tard, mais du premier coup de manière plus grave que tout autre. C’est M. Billot, commis-libraire, qui conte, à la conférence de presse du 24 mai : « Au mois de mai dernier, mon camarade Nicolas Bataille m’a apporté un texte : il me confiait sous le sceau du secret qu’un admirateur d’Une Saison en Enfer lui avait permis, toujours sous le sceau du secret, de compulser ce texte et même d’en prendre copie. Au bout de deux jours, j’ai quand même porté ce texte à Maurice Saillet, en lui confiant — sous le sceau du secret — qu’il s’agissait du fameux inédit de Rimbaud la Chasse spirituelle. Une dizaine de jours plus tard, Saillet m’annonça que le texte allait paraître au Mercure de France... — Une chose n’est pas éclaircie, demanda M. Benjamin Péret : Comment votre texte est-il passé de Saillet au Mercure ? — C’est M. Maurice Saillet qui l’a remis à M. Pascal Pia, affirme alors M. Billot [2]. » (André Breton, Flagrant délit. Je souligne. A.G.)


2. Lecture de La chasse spirituelle

par Jacques Roland.

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avec une sixième partie intitulée Amours bâtardes.

La chasse spirituelle en pdf (sans la sixième partie).

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André Breton écrivit Flagrant Délit en juillet 1949.

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Illustration : La Guerre, lithographie du Douanier Rousseau.

« Flagrant délit » : André Breton dénonce la mystification littéraire

Flagrant Délit. Rimbaud devant la conjuration de l’imposture et du truquage fut publié en juillet 1949 chez Thésée. La lithographie du Douanier Rousseau qui illustre la couverture est éloquente : c’est La Guerre. Jean-Jacques Pauvert republia Flagrant délit en 1964, dans sa collections Libertés, puis à nouveau en 1979, dans le recueil « André Breton, La clé des champs » (1ère édition, 1953, éd. du Sagittaire) [3].
On trouve dans ce dernier volume au titre magnifique, à la suite de Flagrant délit, les lettres où Breton manifeste ses critiques immédiates (le jour même de la publication d’extraits dans le journal Combat) à propos du faux Rimbaud publié sous le titre : La chasse spirituelle. Critiques qui portent d’abord et essentiellement sur la question de la langue avec la lucidité dont Breton avait déjà fait preuve en 1923 à propos de la réimpression d’un sonnet attribué à Rimbaud intitulé Poison perdu.

En 1949, André Breton considérait que « l’existence du manuscrit de la vraie Chasse spirituelle » demeurait « des plus problématiques ». Mais d’autres manuscrits semblaient exister (ceux de « Lys » et des « Remembrances ») qu’il proposait de « soumettre à une analyse graphologique ». Breton n’en émettait pas moins de sérieuses réserves sur les limites d’une telle méthode :

L’examen superficiel de l’écriture, tel qu’y procèdent les personnes non spécialisées, ne saurait bien entendu suffire. En cas de fraude de ce genre, on a tout lieu de s’attendre à ce que l’écriture soit imitée. La méprise est d’ailleurs facile même si la mauvaise foi n’intervient pas : qu’on en juge par la publication, en 1919, sous le contrôle de Paterne Berrichon, de quarante et un poèmes donnés comme fac-similé des manuscrits de Rimbaud et dont dix, réunis pourtant en cahier, ne seront reconnus qu’au bout de plusieurs années pour des « copies » prises par Verlaine. Il n’est pas moins confondant de voir M. de Bouillane de Lacoste, après l’expertise qui a mis fin à la « querelle de Poison perdu », réexaminer le manuscrit lettre à lettre pour aboutir d’ailleurs aux mêmes conclusions (espérons que les graphologues professionnels disposent de moyens de vérification plus perfectionnés).
Avant d’en venir à ces extrémités de laboratoire, je pense qu’il faut avoir épuisé l’étude interne d’un texte et s’être fait une opinion précise sur la validité ou la non-validité de sa structure. (André Breton, Flagrant délit. Je souligne. A.G.)

*


L’affaire de La chasse spirituelle, avant que Breton n’écrivit Flagrant délit, donna lieu à quelques lettres préalables.

Lettre à Combat

Paris, le 19 mai 1949 [4].

Messieurs,

Il n’est pas un « rimbaldien » véritable dont l’émotion, à découvrir ce matin la page littéraire de Combat, n’ait dû faire place presque aussitôt à l’inquiétude, pour se muer peu après en indignation. Je déplore, une fois de plus, pour ma part, que le responsable de cette page puisse tomber dans des pièges aussi grossiers. Il faut, en effet n’avoir jamais rien entendu à Rimbaud pour oser soutenir que les « quelques phrases » citées sont de lui. La médiocrité extrême de l’expression, que ne parvient pas à masquer un travail laborieux de pastiche, entraîne d’emblée le préjugé le plus défavorable en ce qui regarde l’authenticité d’un tel document. Bien que cela fût superflu pour en avoir le cœur net, j’ai tenu à me procurer l’ouvrage annoncé sous le titre « la Chasse spirituelle » et j’ai eu la patience de le lire. Il n’y a absolument rien là qui soit de nature à laisser subsister le moindre doute : la paraphrase constamment maladroite aussi bien des thèmes que des modes de formulation de Rimbaud, l’absence de tout éclair au cours de ces quelque vingt-cinq pages (et c’est trop peu dire !) — par-dessus tout l’odieuse vulgarité de « ton » — ôteraient à elles seules toute envie d’argumenter plus longtemps. Les mystifications littéraires ne sont pas toujours dénuées de charme et je me souviens, en particulier, de « Poèmes libres d’Apollinaire » qui, pour ne pas être dus à cet auteur, - en singeaient pas moins brillamment sa griffe. Mais, cette fois, M. Pascal Pia exagère. Pour s’en tenir sur le plan des épithètes et des images, à qui — d’un peu sensible et informé — fera- t-on croire que Rimbaud succombe à des associations telles que chats griffus, mariées hypocrites, mammouths furieux, soit assez en peine d’analogies pour se contenter de la tête sonore comme un coquillage géant, d’une terre chaude comme un oiseau  ? Les verbes ici en usage (Des chansons niaises groupaient des rondes dans ma tête), employés parfois en toute ignorance de la langue (Je titube les soixante vies du cycle) ne le cèdent en indigence qu’aux représentations aspirant à être de tout luxe : Je vois sans hésitation (sic) des falaises de quartz, etc... Il est à peine utile d’observer que le Rimbaud de 1872 — au faîte de son génie — n’eût pu connaître d’aussi graves et continuelles défaillances sans qu’il faille rejeter le principe d’identité. Je pense que Combat s’honorerait en déclarant sans tarder que sa bonne foi a été surprise et que l’ouvrage publié sous le titre « la Chasse spirituelle » est un faux, de caractère particulièrement méprisable.

ANDRÉ BRETON

*


Un mot à André Breton

Je ne crois pas que l’affaire de « la Chasse spirituelle » ait été un « piège grossier ». J’en vois par contre un où Breton est tombé tête la première : Pascal Pia. Je suis encore convaincu de l’authenticité du texte. Si c’est un faux ou un demi-faux (un texte de Rimbaud « arrangé » par ses copieurs), assez de bons esprits le tiennent ou l’on tenu pour vrai pour que je me console d’être en leur compagnie. Mlle Akakia et M. Bataille n’ont fourni aucune preuve de leur travail de pastiche, les plus simples et les plus immédiates, celles que je leur demandai de présenter, nos lecteurs s’en souviennent, dans un article paru ici-même, mardi dernier.
Le « une fois de plus » à propos de « piège grossier » demande à être illustré par des exemples. J’espère que Breton n’aura que la peine de les énumérer dans un article que je me ferai un plaisir de publier dans cette page, à la tête de laquelle il ne me voit pas sans aigreur. Depuis quand ? Depuis un certain article qui ne lui a pas fait plaisir sur ses malheureux « Poèmes », alors que quelques mois auparavant, je lui avais causé, m’a-t-il dit « une des plus grandes joies de sa vie ». Mais Prévert n’écrivait-il pas déjà en 1930 : « Pour une coupure de presse, il se met au lit » !
Il n’y a donc qu’un « piège » où je reconnaisse aujourd’hui avoir été pris : celui que m’a tendu cet homme que je continue malgré tout d’aimer et d’admirer, quand il a voulu me faire croire qu’il était d’une autre envergure que celle, très ordinaire, de l’« homme de lettres ».

MAURICE NADEAU.
(Combat, 26 mai 1949.)

*


Lettre au Figaro

Paris, le 27 mai 1949.

Je m’explique mal pourquoi M. Pascal Pia veut faire croire que je lui attribue la paternité du texte abusivement publié sous le titre « la Chasse spirituelle » et que je n’en démords pas après que ce texte a été revendiqué en toute propriété par deux comédiens.
Dans la lettre de protestation que j’adresse à
Combat le 19 mai — soit le jour même de sa « révélation » dans ce journal — je me borne à écrire qu’en matière de mystification littéraire « cette fois M. Pascal Pia exagère ». A ce moment précis, M. Pascal Pia est, en effet, le seul responsable que je puisse mettre en cause. En tant que signataire de l’introduction pdf , il se porte garant de l’authenticité de l’« œuvre » présentée. Cette œuvre étant de toute évidence un faux, il est normal qu’on lui en demande compte sans perdre de vue d’autres apocryphes, tels ces « Poèmes libres d’Apollinaire », à la publication desquels la rumeur publique veut qu’il ne soit pas étranger. De tels exploits marquent le goût d’une activité assez particulière pour que, en présence de toute nouvelle « trouvaille » de M. Pascal Pia, nous nous tenions sur nos gardes. Ceci dit — et faisant la part du goût et de l’humour dont il s’est rarement départi — je n’ai pas un instant supposé qu’il fût l’auteur du texte qui nous occupe, je n’ai pas cessé de répéter à qui voulait m’entendre que s’il était de lui il serait presque sûrement meilleur.
Pour qui a suivi les développements de l’« affaire Rimbaud », l’intérêt n’est d’ailleurs plus tout à fait là. Aujourd’hui la véritable question est de savoir quelles tractations, commerciales et autres, ont abouti à la publication sous le nom de Rimbaud, au Mercure de France, à 3.310 exemplaires numérotés, d’un texte dont Jean Paulhan peut dire objectivement qu’il relève de « la poésie moderne comme on l’imagine dans les provinces reculées ». Qui a trempé dans ces tractations ? Espérant, bien en vain, noyer le poisson, M. Nadeau tente de faire croire que j’assouvis contre lui une rancune personnelle. Je lui rétorquerai que lorsque, en 1923, j’ai soutenu contre Forain lui-même que le sonnet « Poison perdu » ne pouvait être de Rimbaud, ce qui est acquis aujourd’hui, j’obéissais déjà à la même horreur de l’imposture. Il est humain que je me tienne pour largement dédommagé des récentes attaques de MM. Nadeau et Saillet par la manifestation au grand jour de leur totale incompétence critique. Tout ce qu’il leur reste à sauver au- delà est leur « honorabilité ».

ANDRÉ BRETON

*


« L’AFFAIRE RIMBAUD » TROUVE SON ÉPILOGUE

L’affaire de « la Chasse spirituelle » dont le Figaro et le Figaro littéraire ont largement entretenu leurs lecteurs, vient de trouver son épilogue. Elle se dénoue de la façon la plus heureuse, puisque nous apprenons que le Mercure de France, éditeur du fameux pastiche, abandonne le bénéfice de cette édition au Musée Rimbaud. D’après la lettre de M. Hartmann au conservatoire du Musée de Charleville, il s’agirait « d’une somme assez considérable ».

Le Figaro littéraire,
2 juillet 1949.

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Photographie reproduite dans La clé des champs (Pauvert, 1979)
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En quête de la chasse spirituelle

Le dimanche 18 septembre 2011, France Inter présentait une courte pièce radiophonique de Bertrand Leclair qui retraçait l’histoire de la mystification.

Avec :
Nicolas Bataille : Stéphane Varupenne
Akakia Viala : Estelle Meyer
André Breton : Alain Rimoux
Henri Matarasso : Philippe Touzet
Louise : Frédérique Cantrel
La cliente : Christèle Wurmser

Réalisation : Christine Bernard-Sugy
Assistante de réalisation : Delphine Lemer
Bruitages : Bertrand Amiel
Prise de son, montage, mixage : Jean-Michel Bernot - Marie Lepeintre

*

« Chasse spirituelle » ou « combat spirituel » ?

Akakia Viala et Nicolas Bataille, afin de prouver qu’ils étaient bien les auteurs du pastiche La chasse spirituelle, ajoutèrent une sixième partie intitulée Amours bâtardes (cf. l’enregistrement audio ci-dessus). La dernière phrase dit :

« Dieu ne sera pas nommé au matin de nos oublis. »

Arthur Rimbaud écrit (en 1873) dans le texte qui conclut Une saison en enfer :

« Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d’hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul [...] ».

Son titre ? Adieu.

***


Entretien avec Jean-Jacques Lefrère

Depuis la rédaction de cet article, J.-J. Lefrère est revenu sur l’affaire qui fit grand bruit en 1949. A l’issue de l’entretien accordé à L’Express, le mystère reste entier sur le manuscrit de La chasse spirituelle attribué à Rimbaud (rendez-vous le 5 décembre)...

Mais qui est l’auteur du faux Rimbaud ?

La Chasse spirituelle, un inédit de huit pages d’Arthur Rimbaud, surgit spectaculairement un beau jour de 1949 dans Combat, qui constelle les kiosques de Paris d’affichettes révélant son scoop. Que savait-on de ce poème jusqu’alors ?

On n’en connaissait guère que le titre. Il s’agissait d’un manuscrit en prose, confié par Rimbaud à Verlaine, lequel l’avait laissé au domicile conjugal lorsqu’il avait quitté brusquement la France, en 1872, pour suivre son ami, dans l’équipée qui allait conduire les deux compagnons d’enfer à Bruxelles, avec la fin brutale et tragique que l’on sait. Verlaine, par la suite, tentera de rentrer en possession de divers effets personnels et manuscrits laissés dans le foyer abandonné, dont plusieurs écrits de Rimbaud, mais sans résultat : La Chasse spirituelle resta dans sa belle-famille, comme les autres écrits de Rimbaud, comme ce poème magnifique, intitulé Famille maudite, que l’on a retrouvé il y a quelques années, en provenance presque directe de la belle-famille de Verlaine. Plus tard, alors que Rimbaud était parti pour d’autres horizons, Verlaine montrera une constance remarquable, durant plusieurs années, pour remettre la main sur, je cite, ce "manuscrit dont le titre nous échappe et qui contenait d’é­tranges mysticités et les plus ai­gus aperçus psychologiques".

En même temps que Combat, Le Mercure de France publie l’intégralité de cette Chasse spirituelle sous forme de livre. Est-ce du "bon", du grand Rimbaud ?

Le texte a beaucoup déconcerté à sa parution, et il y avait sans doute de quoi. Il rappelait tout à fait, par son ton, bien des passages d’Une saison en enfer. D’un autre côté, j’ai quelque difficulté à concevoir ce que peut être du "bon" Rimbaud, ce qui implique qu’il en est du mauvais. Il est clair que si l’on publiait aujourd’hui Un coeur sous une soutane ou les pièces de l’Album zutique, sans reproduire leur manuscrit en fac-similé, nombre de gens crieraient au faux en clamant que c’est trop "mauvais" pour être du poète de Bateau ivre.

A peine La Chasse spirituelle parue, un homme et une femme prétendent en être les auteurs. Qui sont-ils ? Et pourquoi auraient-ils commis ce faux Rimbaud ?

Ils s’appellent Nicolas Bataille et Akakia Viala (un pseudonyme, dont le prénom signifie en grec "sans malice"). Le premier a été figurant dans Les Enfants du Paradis et sera plus tard le metteur en scène de la Cantatrice chauve au théâtre de la Huchette ; la seconde est bibliothécaire à l’Idhec (Institut des hautes études cinématographiques). Ils ont porté sur les planches, l’année précédente, Une saison en enfer, et la critique n’a pas toujours été tendre pour leur initiative. Aragon, notamment, a fustigé leur mise en scène... sans même être allé voir la pièce ! Nicolas Bataille et Akakia Viala prétendront que, pour se venger, entre autres d’Aragon, ils ont composé un faux Rimbaud, en le coiffant du titre de cette oeuvre perdue, La Chasse spirituelle. Pour habiller leur geste, ils expliqueront qu’un vieux collectionneur les a contactés à l’issue d’une représentation et leur a montré le fameux manuscrit.

Comment parviennent-ils à piéger des spécialistes de Rimbaud ?

Via un libraire auquel Bataille et Viala l’ont glissé, de grands connaisseurs du poète, Maurice Saillet, Maurice Nadeau et Pascal Pia, ont entre les mains ce texte. Ils ne croient pas du tout à leur version. Ils viennent de publier des passages de La Chasse dans Combat et la totalité du texte en volume. Pascal Pia révèle qu’il a eu connaissance, il y a longtemps, de la vente du manuscrit de La Chasse spirituelle par un libraire. Les protagonistes sont en place, la bataille Rimbaud va commencer. Est-elle terminée ? Les jours prochains le diront.

Alors que Mauriac fut à deux doigts de publier dans Le Figaro un article s’extasiant sur cette Chasse spirituelle, un homme, et non des moindres, André Breton, prétendra, le jour même de la sortie de Combat, à partir d’une simple analyse littéraire du texte, que le poème de Rimbaud est un "faux". Soixante ans après, on ne peut que saluer sa clairvoyance. Pourtant, on vous sent un peu réservé sur sa réaction. Pourquoi ?

Loin de moi l’idée de desservir le rôle de Breton dans la circonstance. Mais les choses ne se sont pas passées comme la postérité les a rapportées. On a parlé de la clairvoyance d’un grand poète pour juger l’oeuvre d’un autre grand poète. L’explication n’est pas fausse, mais elle est incomplète, car elle fait abstraction de ceci : Breton avait déjà eu à débattre sur des attributions de textes à Rimbaud et connaissait parfaitement le contexte biographique et historique du poète, et surtout il avait été prévenu par deux libraires que le texte qu’allait publier le Mercure de France n’avait pas la garantie d’authenticité que peut conférer la découverte d’un manuscrit autographe. Qui plus est, le nom de Pascal Pia, qui l’avait déjà piégé avec un faux poème d’Apollinaire, ne pouvait que le conforter dans ses soupçons. Il n’empêche qu’il faut reconnaître la fermeté et le courage de sa lettre dénonçant le faux : si le Mercure de France avait répliqué en exhibant un manuscrit, Breton aurait perdu la face.

Les deux auteurs du faux, Bataille et Viala, ne pensaient pas que leur canular prendrait les dimensions d’une polémique nationale. Ils organisent une incroyable conférence de presse pour s’expliquer, chez Lipp, mais, étrangement, ne parviennent pas à prouver qu’ils sont bien les auteurs de cette Chasse spirituelle. Pourquoi ?

En effet, leur explication n’a pas convaincu tout le monde. Ils ont eu beau présenter des notes de travail, des pages de brouillon, on leur a rétorqué qu’ils auraient très bien pu les fabriquer après coup. En réalité, il faut se replacer dans le contexte de l’année 1949. On vivait à l’heure de Rimbaud : découvertes et publications se multipliaient. La publication de La Chasse spirituelle a eu un écho immense, car elle répondait parfaitement à une attente : l’espoir de retrouver ce texte mythique. Et voilà que deux comédiens inconnus annoncent qu’ils en sont les véritables auteurs, qu’ils ont monté un canular. Ceux qui ont donné foi au texte prétendent que c’est la revendication de la paternité de ce texte qui est en réalité une mystification ! Ajoutez-y les désirs de règlements de compte entre surréalistes et critiques et les oppositions politiques entre journaux qui s’emparent de l’affaire (Le Figaro contre Combat)...

Vous avez été proche du grand critique Pascal Pia (1903-1979), dont vous avez d’ailleurs récemment préfacé les Chroniques littéraires (Editions du Lérot), ainsi que de Maurice Nadeau, aujourd’hui âgé de 101 ans. N’ont-ils pas été imprudents en publiant un texte dont ils n’avaient jamais vu le manuscrit ?

Il est incontestable qu’ils n’avaient pas vu le manuscrit, mais Pia avait appris la survie et donc l’existence d’un manuscrit de La Chasse spirituelle. Tous deux ont fait confiance à Maurice Saillet, dont ils tenaient le texte et qui n’était pas le premier venu en matière d’histoire littéraire. Il est évident que l’objectif de Pia, avec la publication de ce texte, était de débusquer le manuscrit, en espérant que son détenteur se manifesterait, ne serait-ce que pour dire que le texte publié n’était pas conforme au manuscrit. Le problème est qu’aucun collectionneur ne s’est fait connaître en 1949.

Breton ira jusqu’à consacrer un pamphlet entier à l’affaire, Flagrant délit, ne ménageant pas Pia, Saillet et Nadeau. Ce dernier dira, plus tard avoir traîné cet épisode comme une "casserole". Ces trois hommes ont-ils été durablement marqués par cette polémique ?

Ce que je puis dire, c’est que les protagonistes de La Chasse spirituelle avec lesquels les hasards de la vie m’ont mis en relation ne m’ont pas donné l’impression d’être sortis indemnes du combat. Il faut dire que la polémique de 1949 a été très violente, et qu’elle survenait sur un fond de grande tension entre Breton et ces trois grands critiques, qui ne l’avaient vraiment pas ménagé. Saillet et Nadeau, surtout, avaient fait montre, dans leurs articles sur Breton, d’une ironie que ce dernier ne pouvait tolérer. Pour Breton, cette occasion d’une revanche était trop belle.

Vous publiez un étrange fac-similé du manuscrit du poème en quatrième de couverture de votre livre. De quoi s’agit-il exactement ?

Comme vous, je constate que la quatrième de couverture du volume reproduit un fac-similé du manuscrit de La Chasse spirituelle. Ce manuscrit fameux aurait donc survécu ?

Propos recueillis par Jérôme Dupuis, L’Express du 26-11-12.

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A propos de « La chasse spirituelle » attribuée à Arthur Rimbaud (II)

6 DÉCEMBRE 2012

J’ai donc acheté le livre de Jean-Jacques Lefrère le 5 décembre chez mon libraire, le seul exemplaire disponible était encore dans la caisse des arrivées du jour. Et je l’ai lu.

Bibliobs en titrant le 21 novembre « Et si le plus célèbre des faux Rimbaud était... un vrai Rimbaud ? », L’Express en s’interrogeant, par la plume du « beau Jérôme Dupuis », le 26 novembre (Mais qui est l’auteur du faux Rimbaud ?) m’avaient alléché (ça, c’est de la pub !). Alors, La chasse spirituelle ? De Rimbaud ? Un vrai ? Un faux ? Un vrai-faux ? Un faux-vrai ? Un faux-faux ? Qu’en est-il ? C’est donc avec avidité que j’ai acheté le « célèbre » et si discuté texte d’Arthur Rimbaud La chasse spirituelle , comme l’ont sans doute fait, en quelques jours, les lecteurs du Mercure de France en mai 1949.

Sur la page de couverture, en grosses lettres rouges : Arthur Rimbaud. Puis, le titre : LA CHASSE SPIRITUELLE. En quatrième de couverture, un texte manuscrit, celui reproduit au début de mon article précédent, où le lecteur qui possède les Illuminations, L’œuvre manuscrite (Bibliothèque de l’Image, 1998), croit reconnaître l’écriture de Rimbaud (la longue barre des t, la forme des d, etc...) [5].

Sous le titre, en petits caractères noirs, en italiques : Postface de Jean-Jacques Lefrère .

Le livre publié aujourd’hui aux Editions Léo Scheer est un essai de 445 pages, pas moins.

Il est composé de trois parties de dimensions inégales : La chasse spirituelle (p. 9 à 16). C’est le texte attribué à Rimbaud, déjà publié en 1949 au moment de « l’affaire ». Peu de différences, à l’exception de quelques signes de ponctuation et un certain nombre de phrases mises en italiques. C’est la version courte, celle déjà publiée par le Mercure de France, c’est-à-dire sans la sixième partie ajoutée par Nicolas Bataille et Akakia Viala en juin 1949, appelée Amours bâtardes (que Lefrère reproduit p. 189-192). C’est logique : cette partie était, dès l’époque, déclarée comme un pastiche.

La dernière partie du livre (p. 283 à la fin) est un recueil de tous les « pastiches, parodies, imitations, écrits attribués et contrefaçons » de Rimbaud, publiés de 1886 (à l’insu de Rimbaud, encore vivant) à... 2010. Avec la mention de leurs auteurs véritables. Il y a là de vraies petites perles. J.-J. Lefrère l’a appelé La pêche spirituelle.

La « postface » compose la partie centrale du livre. C’est évidemment la plus intéressante. Celle sur laquelle tout lecteur va se précipiter pour découvrir — enfin ! — la « vérité » sur La chasse spirituelle (vrai Rimbaud ? faux Rimbaud ? etc...).

Jean-Jacques Lefrère, avec les talents de bénédictin qu’on lui connaît (ou de détective, comme vous voudrez), y relate, au jour le jour, de « ce jour de novembre 1872 » où Verlaine mentionne, pour la première fois, « un manuscrit sous pli cacheté, intitulé La Chasse spirituelle par Arthur Rimbaud » (Lefrère ne voit aucune raison de mettre en doute l’existence du texte et du manuscrit à partir de cette citation de Verlaine qui est le point de départ de toutes les spéculations [6]), au... 30 janvier 1998, date à laquelle Maurice Nadeau, l’une des grandes « victimes » de l’« affaire » de mai 1949, confie, dignement, qu’il en a été « le jobard ».

La partie essentielle de la postface concerne l’affaire qui éclata en mai 1949 et ses conséquences durables. Elle se lit comme un polar. Les documents sont innombrables (articles, lettres) qui montrent la lutte qui opposa pendant de longs mois les « chasseurs » et les « anti-chasseurs ». A la lecture de ces documents, on voit s’animer tout un petit monde composé d’écrivains (peu d’ailleurs, et plutôt discrets, excepté Breton, à la pointe du combat), de critiques (Pascal Pia, Maurice Saillet, Maurice Nadeau, Bertrand d’Astorg, tant d’autres...), de journalistes (en France et à l’étranger, Le Figaro contre Combat, mais aussi, Arts, Les Lettres françaises, Action, La Gazette littéraire, j’en passe...), des libraires (le crucial Billot, Matarasso, Gheerbrant/La Hune), des acteurs (Nicolas Bataille), des bibliothécaires (Akakia Viala), un sous-bibliothécaire/typographe (François Caradec), des éditeurs (le Mercure, mais aussi, furtivement, Gaston Gallimard !), des pataphysiciens (Peillet), des susceptibles, des enthousiastes, des imprudents (François Mauriac, sauvé in extremis !), des prudents (Bouillane de Lacoste), des détachés, des pince-sans-rire, des courroucés, des juges improvisés, des blessés, une brasserie (Lipp) où se tient, le 24 mai 1949, « une rencontre — plus qu’importante : décisive », et des bières [7]. Certains ne s’en relèveront pas. L’arrière-plan politique (avec de curieuses alliances), parfois sexuel, n’est jamais loin, les rôles sont incertains. Souvent la confusion règne. Qui a fait quoi, qui a dit quoi ? Qui a fait dire quoi et à qui ? Dans quel but ? Qui a lu, vraiment lu ?

Comme dans tout bon polar, Jean-Jacques Lefrère accumule les indices, les preuves, les démentis, les fausses pistes, les témoignages, les contre-témoignages, ménage le suspens. On avance, on revient en arrière. On finit par s’y perdre. Qui a manipulé qui, et pourquoi ? Où l’enquêteur lui-même nous mène-t-il ? Le sait-il lui-même ?

Arrivé à la page 274, on croit toucher au but. La vérité, enfin ? Ce « Rimbaud », vrai ou faux ? Et ce manuscrit, a-t-il existé ? Où se cache-t-il ? Et le cache-t-on (il doit valoir cher) ?

Un dernier espoir ? Un dernier leurre ? Page 275 :

« Dans Le Figaro du 22 février 1999, Nicolas Bataille, qui venait de mettre en scène au Théâtre de La Huchette L’Heure verte de Roger Défossez — une évocation de la vie de Verlaine, dans laquelle le souvenir de Rimbaud était au premier plan —, confiait à une journaliste, Marion Thébaud, qu’avant de composer son faux, il avait « pris connaissance d’un manuscrit, La Chasse spirituelle, qui était inachevé » ! Si l’on pouvait être sûr que la journaliste n’a pas compris de travers... « Ce serait curieux que Bataille reconnaisse ce que Saillet a toujours soutenu », nous écrivait François Caradec [8] dès le lendemain, en joignant la coupure de presse à sa lettre. »

Coup de théâtre ? Nicolas Bataille, comédien et metteur en scène confirmé, cinquante après les faits, a-t-il réellement tenu ces propos (il ne mentionne pas ce manuscrit dans l’entretien qu’il donna au Magazine littéraire, en février 1973 [9], ni dans son témoignage enregistré en 1991, Comment j’ai fait un faux Rimbaud.) ? Les a-t-on vérifiés auprès de la journaliste ? Pourquoi personne, à ce sujet, ne semble avoir interpellé Bataille (mort en 2008) ? Nouveaux mystères.

Vous refermez le livre. Vous regardez à nouveau le manuscrit reproduit en quatrième de couverture. D’où vient-il ? Vrai Rimbaud ? Faux Rimbaud ? Etc... Vous n’en savez pas plus. Une fois de plus, Jean-Jacques Lefrère nous a « emballé » (à tous les sens du terme). L’éditeur (cher Léo) a réussi son coup.

*


Post-scriptum

C’est « la vraie fin » de la postface qui ne conclut pas. J.-J. Lefrère y « réhabilite » Maurice Nadeau (p. 278) :

Maurice Nadeau a encore bon pied bon œil au moment où nous écrivons ces lignes. En 1990, dans son livre Grâces leur soient rendues, il a évoqué l’histoire de La Chasse spirituelle :
Je me suis porté au premier rang dans cette affaire, j’ai donc à subir les coups, m’efforcer de les rendre en évoquant des mystères que j’ignore moi-même. Les plus rudes me sont assénés par André Breton. Je veux négliger le témoignage d’Emmanuel Peillet [10] présent lors de ma lecture chez Adrienne et qui m’écrit : « Défendez-vous ! j’étais là, je suis prêt à dire que vous n’étiez qu’à moitié convaincu. » À quoi bon ? Vais-je confesser, sans preuve certaine, qu’en effet je me suis trompé ? Et, surtout, vais-je lâcher mes amis ?

Ce témoignage de Peillet en sa faveur, Nadeau a toujours refusé d’en faire état publiquement. Le 25 janvier 1998, Caradec l’interrogea à ce sujet :

Ce petit mot pour vous entretenir d’un projet, et vous laisser le temps d’y réfléchir avant de vous rencontrer. Je ne voudrais pas quitter cette vallée de larves avant d’avoir écrit clairement ce que je sais de l’aventure survenue à deux amis perdus, Pascal Pia et Mautice Saillet, et à laquelle vous avez été mêlé, puisqu’il s’agit de la Chasse Spirituelle, et moi aussi puisque j’étais bibliothécaire à l’IDHEC en même temps qu’Akakia Viala. Ceci essentiellement pour dire à ceux qui ne le savent pas ou ne veulent pas le savoir, qui était visé et qui s’est cru visé, mais aussi pour montrer l’importance, presque l’encombrement, de Rimbaud dans les années d’après-guerre, et jusqu’à l’origine rimbaldienne du Collège de ’Pataphysique. Vous m’aviez dit un jour que vous aviez reçu une lettre d’Emmanuel Peillet au sujet de la Chasse. Pourrais-je la voir — car le lien entre Peillet et Saillet, c’est Rimbaud et toujours Rimbaud, et cette lettre devrait éclairer les débuts mal connus du Collège. J’aurais pu vous dire cela au téléphone, mais j’ai voulu vous laisser le temps de la réflexion. Car je peux aussi laisser tomber, si ces souvenirs vous agacent. [...]

La réponse de Nadeau est datée du 30 janvier :

Cher Caradec,
Je sais, j’ai été le jobard. Mais jobard avec Pia, Saillet, Adrienne Monnier, Sylvestre de Sacy, cela ne fait pas une mauvaise compagnie. Et je me suis consolé de l’aventure, même s’il y a toujours un Matignon (Bernard ou Renaud, je ne sais plus [11]), pour la rappeler aux lecteurs du Figaro.
Pour vous dire que, votre projet, du moment que c’est le vôtre, je l’approuve.
L’embêtant, c’est que la lettre de Peillet — vous comprenez que je m’en souvienne —, je ne sais plus où je l’ai fourrée. J’aurais de l’ordre, je la retrouverais, mais voilà...
Ce qu’elle disait n’avait pas de rapport direct avec Saillet (tiens, au fait, j’ai reçu, à l’époque, une iconographie de Rimbaud de la part de Peillet, à publier je pense), mais peut-être en effet quelque rapport tout de même. Peillet me disait, en substance — j’avais dû dire après qu’Adrienne Monnier m’eût montré le manuscrit : « en tout cas, c’est bien imité », ou quelque chose de ce genre — maintenant c’est Peillet qui parle : « vous n’aviez pas tellement l’air d’y croire » (en substance, je ne garantis pas les termes). Ma bêtise est de n’avoir pas excipé de cette lettre pour tirer tant soit peu mon épingle du jeu, mais je n’avais pas envie de la tirer, cette épingle, pour les motifs que vous devinez.

Lefrère conclut ainsi :

L’épisode de La Chasse spirituelle n’a rien d’une mystification plaisante. Il est même, par ses enjeux comme par ses conséquences, assez tragique. Cette blague qui a mal tourné, dont les auteurs ont fait beaucoup plus de dégâts qu’ils ne l’avaient envisagé, est assurément l’histoire d’un malentendu, d’une erreur, d’une bataille, qui a eu ses vainqueurs et ses perdants. Elle est aussi, pour le dernier survivant, celle d’une fidélité à des amitiés — une fidélité qui dure, par-delà la mort, depuis soixante années.

Double hommage à l’amitié. Mais aussi, souvenirs confus, propos de pataphysiciens ; lettre citée, mais lettre... égarée [12]. Lettre volée ?

Là on se dit que le détective Lefrère, qui n’a pas trop confiance dans la police (fût-elle universitaire [13]), semble nous inciter, pour y voir clair, à chausser les lunettes du chevalier Auguste Dupin.

« Je sais qu’ils sont deux frères, et ils se sont fait tous deux une réputation dans les lettres. » (Edgar Poe) [14]

*


Post-scriptum bis

J’ai reçu ce mail qui ne manque pas d’humour :

Le 9 déc. 12 à 20:12, akakia.viala a écrit :
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Cher Albert,

mon message est passé. Merci, si c’est grâce à toi. Dis-donc tu es vraiment fort. Lire le livre (assez pénible) et faire ce magnifique article le lendemain c’est fabuleux. A moins que le cher Léo t’ait confié le livre avant la sortie, les deux dossiers ayant été soigneusement préparés avant... Ce n’est qu’une hypothèse. En tout cas grâce à toi c’est la ruée. Le livre est devenu introuvable comme tu le remarques. Une immense polémique se prépare dans la presse pire qu’en 1949 ! Tout le monde se demande où est le manuscrit. Caché chez un collectionneur jaloux. (un collectionneur est toujours jaloux !)
Ton dossier, le premier surtout, est du travail de vrai pro. Si tu l’a fais seul, chapeau ! On ne trouvait pas ma Chasse sur le net, c’est fait. L’enregistrement de mon copain Nicolas, les illustrations, la présentation, les liens judicieux etc. Finalement c’est franchement mieux que le livre. C’est une trouvaille d’avoir mis la pub pour Jeancolas.

Toutes mes félicitations,

Akakia

La vraie Akakia étant décédée, je ne sais si tu es la soeur ou le frère, mais merci « Akakia »... A.G.

*


Jean-Jacques Lefrère

Jean-Jacques Lefrère est docteur en médecine de l’université Paris Descartes, spécialisé en hématologie. Chercheur à l’hôpital Saint-Antoine, il est médecin hématologue au CHU d’Amiens et à l’Institut national de transfusion sanguine. Ses recherches portent sur les agents pathogènes transmissibles par le sang, notamment les prions, et donc sur la transfusion. C’est à ce titre qu’il dirige une unité de recherche à l’Institut national de transfusion sanguine.
Parallèlement à cette carrière de chercheur et d’enseignant, il consacre ses loisirs à l’histoire littéraire, et l’histoire des représentations en général. Il a consacré de nombreux travaux à l’histoire de la transfusion et à son iconographie, ainsi que, du côté littéraire, à différents auteurs de la fin du XIXe siècle français. Parmi les plus connus, Arthur Rimbaud et Lautréamont, sur lesquels il a écrit des biographies sans concessions, minutieusement documentées. Ses enquêtes de terrain (jusqu’à Aden sur les traces de Rimbaud) lui permettent d’exhumer de nombreux documents inédits dont la seule photo connue d’Isidore Ducasse, dit Lautréamont ou une photo retrouvée d’Arthur Rimbaud.

Dernier entretien radiophonique le 25 avril 2012 :
cette fois, J.-J. Lefrère, tout en nous parlant de ses centres d’intérêt multiples, nous fait partager ses goûts musicaux.

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Crédit : Les traverses du temps

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J.-J. Lefrère maintient le suspense

France Musique, 18-12-12.


Jean-Jacques Lefrere - la Matinale - 18/12/12

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Jean-Jacques Lefrère, né à Tarbes le 10 août 1954, est mort le 16 avril 2015 à Paris.

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Jean-Jacques Lefrère, spécialiste de Rimbaud, est mort

L’hématologue et écrivain, célèbre pour ses biographies de Rimbaud et de Lautréamont, est décédé jeudi 16 avril 2015.

En exergue de sa biographie monumentale d’Arthur Rimbaud (Fayard, 2001), dont il était un éminent spécialiste, Jean-Jacques Lefrère avait placé cette réplique de Tintin tirée de L’Affaire Tournesol : « Je ne prétends rien, capitaine, j’essaie simplement d’y voir clair.  » Clairvoyant, cet auteur et médecin, mort jeudi 16 avril à l’âge de 60 ans, l’était. Il y avait même quelque chose du sourcier et du fin limier chez cet infatigable chercheur d’inédits, né en 1954, auquel on doit quantité de trouvailles ayant enrichi l’histoire littéraire.

Son premier fait de gloire est précoce. Isidore Ducasse, dit Lautréamont (1846-1870), était passé par le lycée de Tarbes où lui-même est scolarisé. L’été de ses 17 ans, il prend son Solex et entreprend de retrouver ceux qui, en Bigorre, l’ont connu. C’est ainsi qu’il découvre dans un album de famille la seule photo de l’auteur des Chants de Maldoror, auquel il consacrera plusieurs ouvrages.

Erudit obstiné

Par la suite, Jean-Jacques Lefrère identifie l’ultime pellicule que possédait Che Guevara le jour de sa mort, localise la maison de maître où Rimbaud a vécu à Aden (Yémen), et met la main sur son portrait réalisé par Forain. Pour exhumer un document précieux, il n’hésite pas à s’envoler pour Moscou ou New York. Il part ainsi sur les traces de Rimbaud à Harar (Ethiopie) et de Lautréamont à Montevideo (Uruguay). Parfois les inédits étaient tout proches, sans que quiconque le sache. Par exemple, ce rare exemplaire des Poésies d’Isidore Ducasse, dormant à la Bibliothèque nationale, ou le dossier contenant l’original de la Lettre du voyant, de Rimbaud, qui, contrairement aux croyances des spécialistes, n’avait jamais quitté Paris. Ces trésors sous la semelle, à portée de pas, Jean-Jacques Lefrère, tête et barbe de corsaire, en parle comme du « syndrome de Rackham le Rouge ».

Il appartient à cette race d’érudits obstinés, des hommes de démesure qui collectent tout, vérifient tout. Au point que Bernard Pivot a dit de lui : « Où Jean-Jacques Lefrère passe, les biographies ne repoussent pas. » Son édition de la correspondance d’Arthur Rimbaud, en trois volumes de plus de 1 200 pages chacun, pour laquelle Lefrère apprend même le dialecte amharique d’Abyssinie (empire d’Ethiopie), fut, à cet égard, un chantier titanesque. Il eût suffi à une vie d’homme. Pas à lui. Au fil des ans, l’historien s’est également attaché à l’œuvre de Jules Laforgue, aux poésies de François Caradec, a étudié les romans de Catulle Mendès, rédigé des ouvrages sur les symbolistes Rodolphe Darzens et Jean Ajalbert, sorti de l’oubli, avec Philippe Oriol, la figure de l’anarchiste Zo d’Axa (La feuille qui ne tremblait pas, Flammarion, 2013).

Double carrière

L’homme n’a rien d’un universitaire retranché derrière ses archives. Drôle de parcours que celui de cet hématologue de profession, titulaire de trois doctorats (médecine, biologie, ès lettres), qui a mené une double carrière pendant plusieurs décennies : la semaine pour la science, le week-end voué à la littérature. Expert en virologie, et professeur à l’université Paris-Descartes, Jean-Jacques Lefrère codirigeait l’Institut national de transfusion sanguine de Paris. A ce titre, il a signé plus de trois cents articles dans des publications scientifiques réputées. Avec la même rigueur, il a cofondé les Cahiers Lautréamont, parus de 1987 à 2010, ainsi que la revue Histoires littéraires, avec son complice Michel Pierssens.

Depuis 1997, tous deux organisaient le Colloque des Invalides sur des thèmes aussi divers qu’insolites : « Les ratés de la littérature », « Querelles et invectives », « Films et plumes », « Curieux curiosa », « Alcools », etc. Une règle lors de ces séminaires : pas de communication excédant cinq minutes. Aussi ne s’y ennuyait-on jamais. Et l’on en sortait avec une palanquée d’anecdotes, y apprenant le nombre de boissons alcoolisées imbibant les pages de la comtesse de Ségur ou que, entre 1949 et 2007, un admirateur anonyme déposa chaque année une bouteille de cognac sur la tombe d’Edgar Allan Poe.

Avec Jean-Jacques Lefrère s’éteint l’héritier spirituel de l’érudit Pascal Pia et de l’éditeur Maurice Nadeau, qu’il avait eu la chance de fréquenter et avec lesquels il partageait sa passion pour l’histoire littéraire, ses chemins de traverse et ses mystifications.

Macha Séry, Le Monde du 17 avril 2015.


[1Vous pourrez le vérifier en lisant le texte et en écoutant la lecture de La chasse spirituelle à la fin du témoignage de Nicolas Bataille.
En 1949, on ne connaissait pas l’existence du manuscrit. Et, jusqu’à récemment, certains en contestaient même l’existence.

[2Le Figaro, 25 mai 1949.

[3On trouve désormais Flagrant délit dans le Tome III des Œuvres complètes de Breton en Pléiade (1999).

[4Publiée dans Combat le 26 mai.

[6« Ce jour de novembre » : Lefrère n’en précise pas la date. On se souvient qu’elle donna lieu à polémique il y a quelques années. Cf. Jacques Bienvenu, La Chasse spirituelle dans les éditions de la correspondance de Verlaine et de Rimbaud. Note du 11-12-12.

[7Il y eut aussi des parodies de l’affaire de La chasse spirituelle. Ainsi celle, très drôle, du « vrai faux manuscrit de Platon, rédigé par Diogène Laërce », publiée le 4 juin dans Le Rassemblement, feuille gaulliste (p. 176-178).

[8François Caradec a toujours assumé le fait d’avoir cru en la véracité de La chasse spirituelle. Cf. L’affaire de « La Chasse spirituelle ».

[9Une supercherie : la Chasse spirituelle, entretien avec Emmanuel de Roux. Magazine littéraire, n° 73.

[10Emmanuel Peillet (1914-1973), fondateur du Collège de ’pataphysique en 1950 et membre de l’Oulipo, était enseignant à Reims. Il aurait demandé à ses élèves, dont Jean Baudrillard, de confectionner une « seconde » Chasse spirituelle, nous dit J.-J. Lefrère (p. 161). Demi-révélation puisque... Léo Scheer lui-même l’affirmait en juillet 2007, ajoutant sur son blog : « Si nous voulons faire connaître notre site, il faut commencer à trouver des scoops... »

[11Il s’agit de Renaud Matignon, celui-là même qui participera aux débuts de la revue Tel Quel.

[12On peut lire l’article de Maurice Nadeau à la lecture de l’essai de Lefrère dans La Quinzaine Littéraire du 16-12-12 : Journal en public pdf .

[13J.-J. Lefrère n’a pas la plume légère. Il avait déjà critiqué vertement le Lautréamont de Steinmetz en Pléiade (cf. Lautréamont en Pléiade, le rendez-vous manqué). Il n’a pas été plus tendre avec la réédition des Oeuvres complètes de Rimbaud par André Guyaux dans la même collection (cf. Rimbaud dans une « Pléiade » sans étoiles). Si la polémique peut paraître sévère, on ne peut pas dire que Lefrère manque d’arguments. Cela lui vaut parfois des répliques bienvenues (c’est la loi du genre). Cf. Droit de réponse concernant la Chasse spirituelle et, du même auteur, Les vrais faussaires de La Chasse spirituelle d’Arthur Rimbaud .

[14Phrase évidemment détournée. Cf. Edgar Poe et La Lettre volée (The Purloined Letter) (I).

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3 Messages

  • Albert Gauvin | 8 août 2020 - 18:21 1

    A la recherche du chef-d’œuvre perdu de Rimbaud
    En 1949, la publication d’un inédit du poète intitulé « la Chasse spirituelle » provoqua une violente polémique. C’était un faux. Mais alors, où se cache le vrai manuscrit ? LIRE ICI.

    Après avoir écrit, en 2012, Le plus célèbre des faux Rimbaud est-il un vrai Rimbaud ? afin de promouvoir l’essai de Jean-Jacques Lefrère sur « la Chasse spirituelle », Grégoire Leménager veut toujours y croire... Il écrit cette fois dans L’OBS du 8 août en citant le faux Rimbaud :

    « C’est un torrent de punchlines qui font des étincelles à chaque ligne. Ici, des phrases ont la force surréaliste des messages de Radio-Londres :
    "Les empereurs catarrheux cracheront sur les foules endormies. (…) Les femmes guettent les invalides avec gratitude."
    Et là, des bilans désabusés semblent tourner la page du fameux dérèglement de tous les sens :
    "J’ai pleuré jadis sur de vains attachements. Je ne crois pas à la famille, aux devoirs, aux bonheurs garantis par l’estime."
    Ou encore : "Ni regrets, ni démence désormais." »

    et il conclut ainsi son article :

    « On sait aujourd’hui que les faussaires disaient la vérité. Mais même après avoir refermé le livre passionnant consacré à cette affaire par le regretté Jean-Jacques Lefrère, on peut, comme lui sans doute, trouver qu’il était plus beau d’avoir tort avec Nadeau que raison avec Breton. »

    Rendez-nous Breton ! Rendez-nous Lefrère (sa magistrale biographie d’Arthur Rimbaud est d’ailleurs rééditée en collection Bouquins/Robert Laffont, avec une préface de Frédéric Martel) !


  • Collet Alain | 7 juillet 2020 - 00:01 2

    Mon message est le suivant : je vous invite à lire le dernier article posté sur mon blog :
    aulivrebleu.unblog.fr
    "Guy Michel, dit de Tours, Rimbaud et La Chasse spirituelle : origine probable du titre du poème perdu de Rimbaud La Chasse spirituelle".
    Très cordialement,
    A. Collet


  • A.G. | 28 novembre 2012 - 23:55 3

    Jean-Jacques Lefrère nous en dit plus (mais pas trop) avant la sortie de sa postface à La Chasse spirituelle (5 décembre 2012). Lire : Mais qui est l’auteur du faux Rimbaud ?, L’Express du 26-11-12.