Après la série en 10 épisodes « Louis-Ferdinand Céline, le voyage sans retour », publiée récemment ICI, il existe une autre série très intéressante : un tryptique : Céline à Paris, Copenhague Meudon, une archive de 1980, commentée par Philippe Sollers, rassemblée et republiée par France Culture dans la série « un homme, une ville » avec une nouvelle présentation.
Ce tryptique a déjà été abordé de facon disséminée sur pileface, ici et là :
Céline à Paris / Céline à Copenhague / Céline à Meudon

Afin de redonner toutes ses lettres de noblesse, son unité et son homogénéité à ce tryptique, nous le présentons ici de façon rassemblée dans le présent article (unité de lieu et de temps…), c’est-à-dire en mode majeur (plutôt qu’une simple brève de synthèse avec deux liens sur des sections d’articles). Voici ici, un article à part entière dédié à ce tryptique doublement précieux : par son contexte historique et le commentaire de Philippe Sollers aujourd’hui disparu. Une façon pour nous de prolonger sa Deuxième Vie.

À propos de la série

La vie et l’œuvre de Céline parcourues par Philippe Sollers, autour de trois itinéraires, autant de lieux qui font écho au génie et aux pensées les plus sombres de l’écrivain, voilà ce que proposait la série "Un homme, une ville" à l’été 1980.
La série “Un homme, une ville” invite à rencontrer un auteur à travers les lieux qui ont marqué sa vie. Pour suivre l’écrivain Louis-Ferdinand Céline, Jean Montalbetti a fait appel à Philippe Sollers comme médiateur. C’est en sa compagnie que pendant trois émissions nous partons à la découverte des lieux où l’écrivain-médecin a vécu, au cours de trois itinéraires : à Clichy et à Paris avant et pendant la guerre, au Danemark où il s’est exilé et enfin à Meudon où il a vécu les dix dernières années de sa vie.

Cette errance célinienne à travers ces trois parcours a pour but non seulement d’explorer les lieux où Céline a habité et de donner un cadre géographique à son œuvre, mais aussi de révéler ce que son écriture a apporté à la littérature du XXème siècle sans occulter la part sinistre de ses pamphlets. En plus de Philippe Sollers, on entendra les paroles de René Héron de Villefosse, historien de Paris et ami de Céline ; François Gibault, biographe de Céline et Frédéric Vitoux, auteur de plusieurs livres consacrés à Céline.

Série produite par Jean Montalbetti, réalisée par Christine Bernard-Sugy et proposée par Albane Penaranda dans Les Nuits de France Culture .

Épisode 1/3 : Céline à Paris, Ferdinand le démystificateur

Le premier itinéraire de la série parcourt Clichy où Louis-Ferdinand Céline s’installe comme médecin pendant qu’il rédige “Voyage au bout de la nuit”, puis Montmartre où il vit jusqu’à son départ de Paris en juillet 1944 en passant par le passage Choiseul de son enfance où sa mère était dentelière.

Avec
• Philippe Sollers, Écrivain français

Photo : Louis-Ferdinand Céline en 1951
© Getty - Keystone-France/Gamma-Keystone

30 juin 2022 • 1h 15

Pour ouvrir cette série de “Un homme une ville” consacrée à l’écrivain Louis-Ferdinand Céline, Philippe Sollers commence par rappeler le “scandale immédiat” qu’a entouré la sortie du Voyage au bout de la nuiten 1932 et cela pour plusieurs raisons : pour son style antiacadémique et pour le défi qu’il représentait dans la vision bienpensante de la guerre et de la nation française. “D’entrée de jeu, c’est une explosion considérable”, selon lui et pour Céline lui-même ce livre était essentiel et a marqué toute sa vie. “L’humanité est dans une sorte de somnambulisme” affirme Sollers, car elle ne voit pas l’horreur qui est sous ses yeux pendant la Première Guerre mondiale.

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Au cours de cet itinéraire sur les pas de Céline, Philippe Sollers évoque non pas la misère matérielle de Céline mais son “étroitesse” de vie, c‘est cela surtout qui transpire de ses écrits sur son enfance. Céline a vécu dans une famille de résignés, comme sa mère qui “pleurniche” beaucoup, fait-il observer. L’attitude de Céline sera de refuser ce point de vue boutiquier sur la vie, de sortir de ce destin malgré une situation de départ ingrate.
La visite continue au 98 rue Lepic sur les hauteurs de Montmartre, où Céline a vécu de 1931 à 1938. Ce sont les années d’écriture des pamphlets antisémites où le complot juif devient une “idée fixe” de Céline pour comprendre l’histoire mondiale. Puis la visite se poursuit au 4 rue Girardon toujours à Montmartre où l’écrivain vécut pendant la guerre, période où il écrit énormément. Si Sollers parle de Céline comme d’un grand écrivain, il ne le considère pas comme un intellectuel.

• Producteur : Jean Montalbetti
• Réalisation : Christine Bernard-Sugy
• Un homme une ville - Céline avec Philippe Sollers : 1/3 Céline à Paris, Ferdinand le démystificateur
• Avec : Philippe Sollers ; René Héron de Villefosse ; Dominique Rolin
• Lecture d’extraits de textes de Céline : Michel Vitold
• Date de première diffusion : 04/07/1980
• Archive Ina – Radio France

Épisode 2/3 : Céline à Copenhague, Destouches en fuite, une débâcle de style

Deuxième temps de ce voyage sur les traces de Louis-Ferdinand Céline en compagnie de Philippe Sollers qui nous emmène au Danemark où l’écrivain a vécu en exil à la fin de la guerre. L’occasion pour lui de revenir sur l’acharnement de Céline dans son travail d’écriture.

Avec Philippe Sollers

Photo : Louis-Ferdinand Céline en 1932, année où il obtint le prix Renaudot pour son roman "Le Voyage au bout de la nuit". - Agence de presse Meurisse/Bibliothèque nationale

1 juill. 2022 ; 1h 10

Dans cet épisode de "Un homme une ville“, on suit Céline dans sa fuite au Danemark en juillet 1944, à travers une Allemagne bombardée et en ruines. Il n’arrive à sa destination finale, Copenhague, qu’en mars 1945. L’aventure danoise durera 6 ans jusqu’en juin 1951. Ces années de fuite et d’errance, Céline en a donné sa vision, et sa version, dans deux de ses derniers romans, Nord etRigodon. En décembre 1945, il est arrêté par la police danoise dans l’appartement d’une amie danseuse où il s‘était réfugié puis est emmené en prison.

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Pour Philippe Sollers, “Céline a toujours été un homme du Nord qui voulait aller vers le Nord”, il éprouvait même de la “répulsion” pour la touffeur du Sud. Les souffrances physiques de Céline sont décrites avec beaucoup de détails dans son œuvre et tout particulièrement pendant son séjour au Danemark, cela devient même “le thème général”, “il y a une sorte de cri permanent” selon Sollers. Céline “déteste tout et tout le monde” à cette période de la vie. “L’expérience de la prison est fondamentale” lui semble-t-il. Il y reste 18 mois avant d’être relaxé.

Dans cet épisode, on visite les deux résidences, celle d‘été au bord de la mer Baltique et celle d’hiver dans les terres, où Céline s’est installé après sa sortie de prison. L’occasion pour Sollers d’aborder l’écriture de Louis-Ferdinand Céline qui s’en prend au style littéraire classique qu’il voyait se reproduire éternellement dans les mêmes histoires. Céline est un “homme de vérité” qui cherche à faire sortir le fond des choses et pour décrire sa sensibilité, il lui faut travailler beaucoup :
“C’est le contraire de l’écriture automatique, c’est le contraire de l’inspiration, c’est le contraire du mensonge poétique et de l’effusion non travaillée”

En conclusion, ce que lui a apporté l’œuvre de Céline, "c’est une leçon d’audace” qui ne connaît plus de limites mais surtout il est celui qui a su imposer son rythme.

• Producteur : Jean Montalbetti
• Réalisation : Christine Bernard-Sugy
• Un homme une ville - Céline avec Philippe Sollers : 2/3 Céline à Copenhague, Destouches en fuite, une débâcle de style
• Avec : Philippe Sollers ; René Héron de Villefosse
• Lecture d’extraits de textes de Céline : Michel Vitold
• Date de première diffusion : 11/07/1980
• Archive Ina – Radio FranceMathias Le Gargasson

Épisode 3/3 : Céline à Meudon de 1951 à 1961, un héros convulsif de l’horreur moderne

Dernier volet de la série consacrée par Jean Montalbetti à Céline, dans “Un homme, une ville”. Après Paris et Copenhague, c’est du côté de Meudon que s’achève cette marche dans les pas de l’écrivain, dans sa maison où il vécut les dix dernières années de sa vie entre 1951 et 1961.

Avec
• François Gibault Avocat et biographe de Céline. Co-ayant droit, avec Véronique Robert-Chovin, de Lucette Destouches et de Louis-Ferdinand Céline
• Philippe Sollers Écrivain

Photo : Louis-Ferdinand Céline © Maxppp - Keystone Pictures USA/ZUMAPRESS

2 juill. 2022 • 1h 15

Au printemps 1951, Louis-Ferdinand Céline est amnistié. Exilé au Danemark, il rentre en France après sept ans d’absence. En juillet, il s’installe dans un pavillon à Meudon, en banlieue parisienne, retranché de la société tel un misanthrope. C’est là qu’il écrit ses trois derniers romans D’un château l’autre, Nord et Rigodon. Malgré ce retrait de toute vie publique, il devient aussi à la fin des années 1950 un écrivain célèbre qui entre de son vivant dans La Pléiade.
“Un homme une ville” achève cette série consacrée aux lieux de Céline par la visite de la maison de l’écrivain à Meudon en compagnie de son biographe, François Gibault. Ce dernier nous décrit l’atmosphère qui y régnait du temps où l’écrivain y vivait avec sa femme Lucette Destouches qui y donnait des cours de danse. On y apprend que la mort de Céline est restée secrète pendant trois jours pour que la cérémonie se passe dans l’intimité des amis et de la famille, à l’abri de tout journaliste.François Gibault explique en quoi tous les livres de Céline, hormis les pamphlets, sont écrits à partir d’événements vécus, que bien des années après l’écrivain transpose et transforme avec toutes les distorsions possibles.

L’émission redonne la parole à Philippe Sollers pour clore cette série de “Un homme une ville”. La place que Céline occupe dans sa bibliothèque personnelle est la même que celle “des très grands classiques”. “C’est avec cette distance-là qu’il faut apprécier Céline, distance difficile à obtenir car nous sommes encore probablement trop prêts du fait que quelque chose a explosé là”, tente-t-il d’expliquer. Et d’ajouter :
“Nous sommes encore dans la domination de la vision politique du monde qui veut empêcher à travers un certain nombre de tabous de parler de la littérature. Il faut absolument dépasser ces tabous et prendre Céline en bloc comme une très grande aventure du délire humain.”

Pour autant, concernant les pamphlets, aucune hésitation n’est possible : “Céline est abominable”. Sollers conclut sur ce que représente in fine l’écrivain du Voyage au bout de la nuit pour lui : une solitude et une “dissection de l’horreur moderne”.
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• Producteur : Jean Montalbetti
• Réalisation : Christine Bernard-Sugy
• Un homme une ville - Céline avec Philippe Sollers 3/3 : Céline à Meudon de 1951 à 1961, un héros convulsif de l’horreur moderne
• Avec : Philippe Sollers ; François Gibault
• Lecture d’extraits de textes de Céline : Michel Vitold
• Date de première diffusion : 1
• 8/07/1980
• Archive Ina – Radio France