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Ironie 219 : Jeu V - Défense de l’ironie

Juillet/Août/Septembre 2023

D 29 mai 2023     A par Albert Gauvin - Lionel Dax - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Le n°219 est la poursuite d’une réflexion sur l’essence de l’ironie : Jeu V : Défense de l’ironie de Lionel Dax, préface du livre à paraître en juin 2023, Anthologie Ironie. Une signature du livre aura lieu le 3 juin lors du 3ème Festival Ironie au 111bis boulevard de Ménilmontant - 75011 Paris.
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Juillet/Août/Septembre 2023.
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Économie de la dépense

La défense de l’ironie passe au départ par une économie voulue de dépense. Les lectures de ce court essai de Bataille, La notion de dépense, écrit en 1933, de La Part maudite, et la découverte de Potlatch aux Éditions Allia en juin 1996 ont été déterminantes pour la sortie du premier numéro d’Ironie en juillet 1996. Il y avait en germe ce principe de la perte, de la dépense improductive et surtout cette volonté désirée déjà par Marcel Mauss et posée par Bataille dès La notion de dépense : « L’idéal, indique Mauss, serait de donner un potlatch et qu’il ne fût pas rendu ». L’idéal serait un don sans obligation d’un contre-don ou d’un retour, une revue en pure perte, perdue dans le réseau des affinités électives qui voyagerait selon. Ce voyage m’a amené a tiré cette revue photocopiée au début à 40 exemplaires, à la manière de Potlatch, et à presque de 400 exemplaires quatre ans plus tard vers les années 2000. Et passer par le courrier, telle une lettre bouteille à la mer, non pour crier un SOS, mais juste pour le plaisir de la dérive des textes.

Je ne compte pas les lecteurs d’Ironie rencontrés à des soirées, qui connaissaient l’existence de ce bulletin libre et qu’une de leur connaissance leur avait fait rephotocopier pour le plaisir de la circulation de cet esprit vivant.

Chaque mois, Ironie était une dépense de plus, une dépense essentielle, dionysiaque, vitale, une dépense partagée. À un moment, j’ai cru bon de proposer un abonnement timbré... Un carnet de dix timbres pour une année d’envoi de la revue. Même cette réalité s’est vite étiolée et a fini par disparaître pour laisser place à nouveau à cette magnifique économie de la dépense qui fait le suc d’Ironie, échapper au prix, une revue qui n’a pas de prix parce qu’elle touche au luxe, à la rareté des belles pensées.

Des destinations choisies

Les destinataires étaient multiples et variés... avec une visée internationaliste... En République tchèque, en Angleterre, aux États-Unis, en Italie, en Belgique, au Danemark, en Grèce, en Algérie... Parmi les destinataires d’Ironie, il y avait les rencontres d’un soir, les amis fidèles et des écrivains qui étaient importants pour nous comme Milan Kundera, Philippe Sollers, Marcelin Pleynet, Bernard Noël que je rencontre à Montolieu pour un festival du livre, Denis Roche, Pascal Quignard que je rencontre dans un bus et qui me donne son adresse pour recevoir la revue, Georges Didi-Huberman et d’autres revues contemporaines comme Lignes de risque (1997) avec Yannick Haenel et François Meyronnis, Le Trait (1998-2007) avec Christiane Lemire et Olivier Renault (Ironie est au sommaire du premier numéro sur l’Athéisme), Degrés (1996-1998) avec Benoit Casas avec qui on partage la passion de la lecture, des citations et de l’Italie, Spectre (1998-2004) avec Pacôme Thiellement et leurs soirées étonnantes, Tiqqun (1999-2001), Evidenz (1999- 2000) avec Chloé Delaume et Mehdi Belhaj Kacem, NRV (1996-1999) avec Frédéric Beigbeder, Florent Massot et Arnaud Viviant, Perpendiculaire (1995-1998) avec Nicolas Bourriaud, Christophe Kihm, Michel Houellebecq, Jean-Yves Jouannais et d’autres, Inventaire/Invention (1999-2009) avec Patrick Cahuzac, François Bon, Philippe Adam, Tanguy Viel et d’autres...

Il y avait dans le Paris de la fin du XXe siècle, une effervescence de revues, de désirs, de rencontres possibles. Ironie en a bien profité.

Surprise des rencontres et le jeu des amitiés furtives

Derrière chaque numéro, il y a aussi la dépense des conversations, des rencontres, des plaisirs qui constituent les idées et l’axe choisi. Dans ces choix, il y a eu des incompréhensions stratégiques que je souhaite ici commenter.

Les premiers sont ceux qui tiennent la corde du marché des revues en France. Je me souviens d’avoir été invité à l’Abbaye d’Ardenne qui deviendra plus tard le siège de l’IMEC à un salon des revues en 1998. À l’époque, plus une revue avait de contributeurs et de pages, plus le nom de « revue » était justifié. Ironie d’ailleurs n’a jamais voulu faire partie de ces revues, mais inventer une forme plus légère, plus directe, hors de tout cénacle littéraire. C’est lors de ce salon que je comprends le fossé entre le monde institutionnel et subventionné des revues, comme il existe un marché de la poésie, et l’esprit d’Ironie. C’est à cette occasion que je rencontre Benoit Casas qui s’occupe alors de la revue Degrés. De là nait notre complicité et notre rencontre sur ce qui nous lie encore aujourd’hui : une passion de la lecture et l’amour de l’Italie dont Venise.

Le directeur du salon critiquait l’objet Ironie et son contenu fragmentaire. Cela ne faisait pas un tout pour lui. Non pas une revue mais selon lui « une feuille de choux ». Un bulletin, un fanzine, une feuille pour son aspect léger et choux pour son aspect comestible, lisible et élégant.

Dès le début d’Ironie, j’ai été également confronté au malentendu entre littérature et philosophie, très présent dans notre implication politique de la fin du XXe siècle... La moraline philosophique était forte à l’époque. Je me souviens d’un moment où j’ai été pris à parti en marge d’une manifestation contre les lois liberticides de Pasqua qui visaient les sans-papiers. Je m’étais engagé auprès des sans-papiers de l’église Saint Bernard où je retrouvai un ami Philippe Adam. C’est ce dernier, très critique vis-à-vis du projet d’Ironie, qui convoque ses amis philosophes dans un petit café près de la gare de l’est. On voyait de la vitrine le défilé des manifestants, et l’on entendait leurs slogans politiques. Je me retrouve pour la première fois dans un piège idéologique et moral, fomenté par de jeunes philosophes qui critiquent ouvertement le concept d’Ironie en se trompant sur la marchandise, comme toujours quand l’idéologie est aux commandes.

Quelques années plus tard, je serai à nouveau en prise avec cette incompréhension, lorsque que je rencontre Rémy Bac en 2001 et Mehdi Belhaj Kacem en 2002, ouvertement fixés sur une philosophie de l’action politique. Dans un premier temps, le jeu des conversations et les dialogues profonds avec Rémy Bac, me convainquent de continuer à penser la critique politique et la poésie. Mais le rapprochement de plus en plus symptomatique vers la pensée de Badiou les enferme l’un et l’autre dans une impasse sans ironie. Je me souviens de cette rupture au téléphone où Rémy me dit « Toi, tu es trop dans la littérature et pas assez dans la philosophie ! » Il voulait me dire en bref « Tu es plus Sollers que Badiou ». Je ne l’ai plus jamais revu. De son côté, Mehdi publie chez mon ami Benoit Casas un essai contre l’ironie : Ironie et Vérité dont je fais une lecture toute personnelle en 2009 : Vérités de l’Ironie (voir en Annexe V, p.334). En effet, l’ironie participe à la guerre du goût ; et une pensée sans ironie n’est plus une pensée. Je rejoins ici mon ami Kierkegaard.

Il y a eu également des rencontres par livres interposés. Je me souviens, après la lecture de Guy Debord, la beauté du négatif de Shigenobu Gonzalvez, de lui avoir envoyer une carte pour le rencontrer. Il m’appelle deux jours plus tard vers minuit et m’invite à venir chez lui. C’est par son intermédiaire que je vais rencontrer en 1998 Joël Gayraud, Laurent Jeanpierre, Marc Dachy, Dominique Noguez et surtout d’anciens compagnons de route de Guy Debord.

Je me souviens de cette complicité immédiate avec Jean-Michel Mension au café l’Assignat et des lettres de Ralph Rumney. Un jour, ce dernier m’envoie un chèque de 100 francs pour m’aider à financer la revue. Je ne l’ai jamais encaissé ! La dépense avant tout.

De mon côté, avec David Guittet, nous mettons au point un site Internet pour mettre en ligne la revue. Ironie est l’une des premières revues en ligne en 1999. Elle s’y trouve encore aujourd’hui. On m’invite à un colloque à Rennes en 2000 pour parler de cette expérience d’une communauté invisible et impossible !

Il convient ici de parler aussi des soirées et des diners qui suivaient les séminaires de Jean-Louis Houdebine à Jussieu. Nous étions quelques-uns à suivre ces dernières analyses des livres de Philippe Sollers où il tissait des associations extraordinaires qui faisaient valser les littératures. C’était une écoute heureuse de l’art d’écrire et de dire. Et ensuite, on se retrouvait tous au café Jussieu pour une analyse vivante des jeux littéraires du moment. On y retrouvait Bernardo Toro, Daniel Figini, Pascale Fautrier, Simon Biasi, Christiane Lemire et Olivier Renault et parfois la soirée se terminait dans un couscous de la rue Linné où le Boulaouane gris coulait à flot. À la soirée de lancement du Trait à la librairie L’Arbalète du Faubourg Saint-Antoine, avec Jean-Louis nous croisons Philippe Sollers. Il me présente ainsi : « C’est Ironyman ! » un néologisme joycien typique de son humour vif.

Une autre rencontre a été capitale, celle de Yannick Haenel en 2005, au moment où je termine mon manuscrit Corps-Texte et où il écrit Cercle qui parait en 2007. Je cherche alors un éditeur pour la Correspondance Vauvenargues/Voltaire. On se voit dans un café, rue de la Gaité, La Liberté. Il me conseille d’envoyer le manuscrit à Philippe Sollers. Ce que je fais aussitôt. Sollers m’appelle en juillet 2005 pour me commander un texte pour L’Infini. Ce sera Les Subtilités du goût, une lecture condensée de la correspondance entre Vauvenargues et Voltaire qui sera au sommaire du numéro 93 de la revue. Avec Yannick, on s’écrit beaucoup, on se voit régulièrement jusqu’à son départ pour la Villa Médicis où il prépare Jan Karski. Nous échangeons sur la littérature et sur la peinture. Nous pensons même, avec la complicité de Guillaume Zorgbibe aux Éditions du Sandre, faire un livre d’entretiens sur quatre de nos passions qui se serait appelé Les Quatre raffinements : l’écriture, la peinture, l’aventure et le jeu des revues, et la musique. Nous réalisons les trois premiers entretiens laissés bruts à ce jour. Yannick abandonne le projet et publie son très beau livre avec François Meyronnis sur Moby Dick de Melville, Prélude à la délivrance en 2009.

D’autres rencontres viennent enrichir les projets d’Ironie, celle de Daniel Figini, Jean- Eudes Maille, Jacques Cauda, Christine Gaudin, Pascale Fautrier, Anne-Marie Milliot Wetzel, Maël Renouard et puis ceux qui m’envoient des textes par lettre comme Lucien Suel, Marc Dachy, Bernard Noël. Et surtout la rencontre avec Guy Tournaye à qui je vais proposer plusieurs cartes blanches. Il s’empare alors de l’espace d’Ironie pour poursuivre son travail de montage de citations commencé avec Le Décodeur et Radiation. Ces rencontres sont des moments d’intense partage sur l’art et la littérature.

Je propose alors une table ouverte en 2007 au Café Véronèse au carrefour Vavin, à deux pas du Balzac de Rodin juste en face de la place Pablo Picasso, café rebaptisé aujourd’hui « Mademoiselle Plume ». Ont lieu alors dans ce café des rencontres inédites et improvisées où nous imaginons les prochains numéros de la revue. On enregistre certaines rencontres comme celle sur la traduction avec Joël Gayraud, Augustin de Butler et Maël Renouard. Parfois je me retrouve seul et d’autres fois nous sommes cinq autour d’un verre pour penser la suite. J’ai aimé durant ces deux ans, cet espace ouvert à l’instant avec la devise « advienne que pourra ».

Ironie, c’est cette ronde des rencontres qui forment des projets d’un soir, une improvisation de la vie, un art des conversations qui m’a toujours ébloui chez les penseurs du XVIIe et du XVIIIe siècles. Un café, une nuit, une aventure amoureuse, un jeu sont les sources qui nourrissent encore et toujours le substrat de cette revue libre comme le vent. Bien sûr, beaucoup de numéros n’ont pas vu le jour comme cet entretien avec Chloé Delaume et Rémy Bac, chez elle, sur son rapport à la littérature, et bien d’autres, une nouvelle d’Augustin de Butler sur une chinoise à Paris... La part d’ombre et de lumière des archives.

Journal des instants vifs

On peut lire les différents numéros d’Ironie comme un journal des instants vifs que j’ai vécu. Ma rencontre avec Augustin de Butler a été, je pense, la plus importante pour l’avancée de la revue, lui donner un corps plus solide, une pensée plus structurée. Il m’a aidé à rassembler les morceaux d’Osiris, les fragments d’Ironie, pour dessiner un chemin plus précis. C’est par son intermédiaire que nous avons pu avoir accès à la publication avec notre livre sur le génial graveur Agostino Carracci et ses Lascives qui a été un moment clé donnant une autre dimension à l’aventure. Je l’en remercie et nous continuons au présent cette conversation qui a commencé en 1998...

Dans le navire Ironie, il y a aussi mes amis de longues dates qui avaient en eux le souffle de l’écriture, comme Hervé Rouxel, et les rencontres amoureuses qui dictaient mes choix de citations. Il y a également ma réflexion décalée sur le politique et le social où l’inactuel vient percuter le réel pour propulser de nouvelles pensées. Autres compagnons de route, fidèles encore aujourd’hui, Jean-Paul Fargier, Joël Gayraud, Benoit Casas, Guillaume Zorgbibe, Valérie Boudier, Samuel Rodary, Régis Hébette, Munro Galloway, Marcelin Pleynet et j’en oublie sûrement... C’est sur le terrain de l’amitié que se construit les plus belles aventures.

Festivals d’Ironie de 2009 et 2011 avec les Éditions du Sandre et La Galerie Épisodique

Parmi ces amitiés d’Ironie, je fais la rencontre de Jacques Frézal qui a lancé en 2005 sa Galerie Épisodique à laquelle j’ai participé pour organiser des soirées, des expositions, des catalogues et des lectures. Je fais la rencontre de plusieurs artistes pour qui je vais écrire des textes : Damien Valero, Jean-Claude Chianale, Julien Magre, Alexandra Roussopoulos, Thierry Costesèque, Bruno Moretti, Georges-Pascal Ricordeau, Patrick Hébrard, Emmanuel Barcilon, Arghaël, Joël Person, Flo Arnold, Camille Grandval... En 2006, je rencontre Guillaume Zorgbibe. Après avoir vu dans une librairie que sa maison d’édition, les Éditions du Sandre, venait de publier la correspondance entre Goethe et Carlyle, je me décide d’envoyer par la poste mon manuscrit sur la Correspondance Vauvenargues/ Voltaire. Il m’appelle deux jours après et le projet est lancé au café de l’Odéon. Il publiera mon journal poétique Corps-Texte et me commandera la présentation des Œuvres complètes de Nicolas Chamfort... J’ai aimé nos discussions, nos dérives noctambules jusqu’au bout de la nuit, le jeu des situations et notre amour de la bibliothèque et des livres.

Ces trois rencontres, Ironie, les Éditions du Sandre et La Galerie Épisodique avec l’aide graphique de Jean-Claude Chianale vont organiser coup sur coup deux nuits de l’Ironie, deux festivals avec des projections, des lectures, des situations improvisées, des danses et de la musique, du cinéma et de la poésie... Ces deux festivals ont été des expériences fascinantes où la vie et l’esprit d’Ironie prenait forme. Il serait trop long d’énumérer ceux qui ont participé à ces deux nuits de folies et de littératures vivantes. Il convient de dire que pour le festival de juin 2011, a été projeté pour la première fois en France, trente ans après son enregistrement audio, Paradis de Sollers. Ce dernier viendra lancer la projection avec Philippe Berling et Michel Gheude devant une foule toujours plus grandissante tout au long de la nuit.

Je me souviens à sept heures du matin des derniers mots de Paradis, moment rare partagé avec Jacques Frézal et Guillaume Zorgbibe. L’aube était déjà là. Du jour au nouveau jour, nous avions traversé cette belle nuit de juin : « le voyageur ressort par la petite porte latérale qui se referme derrière lui sans bruit il traverse la grande place se retourne plusieurs fois comme pour s’assurer qu’il n’a pas été suivi il va ensuite s’asseoir à la terrasse du café qui vient à peine d’ouvrir il commande un express serré qui lui est aussitôt servi le boit avale un verre d’eau glacé baille deux fois de sommeil allume une cigarette puis soudain relâché léger renverse négligemment la tête au soleil »

Dessiner les sillons libres de 2012 à 2022

La dernière décennie d’Ironie a été un temps qui a dessiné de nouveaux chemins.

La rencontre avec Marcelin Pleynet en octobre 2009, juste après la projection du film de Florence D. Lambert, Vita Nova, a été un moment fort d’Ironie. Je me trouvai alors avec Augustin de Butler et Samuel Rodary. Nous nous sommes approchés de Marcelin Pleynet et nous nous sommes présentés. Florence D. Lambert nous propose de venir chez elle pour continuer à converser. Nous nous trouvons dans son salon et nous discutons avec Marcelin Pleynet, du film, de littérature, de peinture... Après ce moment, nous nous retrouvons avec Augustin de Butler et Samuel Rodary à la terrasse de la Closerie des Lilas où nous vidons une bouteille de rhum pour fêter cet instant parisien. Augustin va très vite reprendre contact avec Marcelin Pleynet et il va lancer sa maison d’édition, les Éditions Marciana, en 2010, uniquement créée pour publier les livres et les journaux de Marcelin Pleynet. Nous participons à des lectures, aux projections des films de Florence D. Lambert. Je me souviens du lancement des Éditions Marciana avec Marcelin Pleynet et la publication de Comme la poésie la peinture en 2010 avec la présentation du livre juste devant La Danse de Matisse au musée d’art moderne de la ville de Paris en compagnie de Florence D. Lambert, d’Alain Veinstein et d’Anaël Pigeat ; je me souviens également de la soirée à la librairie L’Écume des pages avec Sollers derrière moi me félicitant de ma lecture du Voyage en Chine et ma rencontre avec Jacqueline Risset.

Parallèlement à ces rencontres, nous continuons de publier des livres, de dessiner des sillons, Renoir avec Augustin de Butler, Tintoret avec moi, et Manet avec Samuel Rodary et d’autres projets voient le jour...

Pour entrer dans plus de précisions, durant ces années, nous décidons de lancer des chantiers de réflexions sur l’art et la littérature et sur la philosophie vivante du projet d’Ironie. De 2012 à 2013, nous lançons l’année Manet qui voit l’émergence de plusieurs textes venant changer notre point de vue sur le grand peintre, textes de Samuel Rodary, de Juliet Wilson-Bareau et de Lionel Dax. Dans notre vision de l’art, nous n’oublions pas Cézanne et Picasso avec des textes de Marcelin Pleynet, de Philippe Sollers et de Jean-Paul Fargier qui devient un rédacteur régulier d’Ironie depuis 2013. Avec Augustin de Butler, nous décidons chaque mois de compulser les citations de nos lectures pour en faire des numéros à double entrée, revenant aux principes premiers de la revue. Ce jeu entre nous durera presque deux ans.

Dès 2013, je lance un chantier qui continue aujourd’hui sur les fondements spirituels de la revue, à travers un choix de citations mettant en lumière notre pensée profonde sur l’art et la littérature. Ce sera les numéros JEU I (Défense de l’ironie – 2013), JEU II (Constellations – 2013), JEU III (Savoir lire – 2016), JEU IV (Retour sur Ironie – 2016). Le JEU reste ouvert... Jeu avec l’écriture, la lecture, la peinture, le cinéma, les citations, l’aventure de la revue, la musique, jeu avec ce que nous avons appelé un temps avec Yannick Haenel les raffinements.

De 2016 à 2020, les numéros sont plus espacés dans le temps parce que nous travaillons de plus en plus à nos projets personnels, les livres à écrire, les éditions, et les projets de vie. Nous publions de très beaux textes de Marcelin Pleynet, de Jean-Paul Fargier sur le cinéma, son lien avec Pollet et Godard qui clôt d’ailleurs cette Anthologie, des textes inédits de Joël Gayraud, d’Hervé Rouxel et de Benoit Casas notamment son magnifique manuscrit sur Venise, « Venise toute ».

La dernière année de cette anthologie voit un focus sur l’aventure de Paradis Vidéo de Sollers et Fargier. Nous tenions avec Augustin de Butler de faire un point historique sur cette aventure incroyable, ce voyage dans la parole et les images.

En 2018, je décide à mon tour de créer une maison d’édition, Les Éditions Ironie, pour rassembler les textes de la revue sous forme de livres.

Pendant le confinement, l’activité d’Ironie continue de plus belle. Je lance en parallèle des numéros d’Ironie, Les inactuels, reprendre des textes récents ou anciens qui permettent de penser le temps présent par décalage et contournement. Choisir l’angle du contrepoint comme une stratégie de résistance et de pensée. Le premier numéro des inactuels est un texte de Joël Gayraud sur l’impossible monde d’après : « Derrière nous, le jour d’après » en mai 2020 pour le n°202. Ironie sculpte également le temps avec l’inactuel.

Les rencontres continuent et le projet se nourrit de toutes ces surprises du temps. Longue vie à Ironie...

Lionel Dax - Février 2023

« Que doit être une revue aujourd’hui ? C’est ce que nous allons essayer de dire, pas du tout par des définitions dogmatiques ou formelles, mais simplement par la voix multiple d’un certain nombre d’individus qui écrivent et qui essayent d’exprimer ce qui les tourmente, les ravage, les éblouit, leur plaît. L’Infini n’est rien d’autre que cette multiplicité de voix individuelles absolument irréductibles les unes aux autres, chacune avec leur singularité et enfoncées dans leur singularité. Toute autre forme de revue, à mon avis, doit être désormais récusée. Une revue qui se présenterait comme la réduction de différentes voix à une voix qui serait celle de son représentant principal, de son directeur, voire même de ce qui, derrière son directeur, se cacherait comme étant une voix sociale, ce type de revue doit être nié avec une énergie calme. Les revues sont-elles des ruses de la société feignant d’accepter les singularités pour les ramener, au fond, à une raison idéologique ou politique ? C’est fort possible. Ce que je sais, c’est que je ne lis, moi, que des styles, des façons d’attaquer les mots et les phrases. Maintenant, je vais m’effacer assez vite, et demander à chacun de parler de son projet fondamental. S’il vous semble que cet ensemble de voix, ici, est incohérent ou discordant, eh bien nous aurons gagné un pari, parce qu’une revue n’est que cela, si elle est vraiment guidée par la littérature. C’est la littérature qui juge l’idéologie non l’inverse. »
Philippe Sollers présente L’Infini au Théâtre du Rond-Point – 15 janvier 1985 Cahiers Renaud Barrault n°110

« Ce qui me vient immédiatement à l’esprit, c’est qu’une revue, c’est d’abord une aventure. Il se trouve que c’est exactement comme cela, sous cet aspect d’aventure, que j’ai toujours envisagé le rapport que je puis entretenir avec la littérature. (...) C’est cela qui me semble formidable dans une revue, qui a donc sa patience, ses urgences décalées, et du temps devant soi. (...) Disons tout simplement que c’est une façon de vivre ; de donner de l’intérêt à ce qu’on vit ; de rendre sa vie intéressante. »
Jean-Louis Houdebine présente L’Infini au Théâtre du Rond-Point – 15 janvier 1985 Cahiers Renaud Barrault n°111

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Juin 2023.
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Parution d’Anthologie Ironie le samedi 3 juin
dans le cadre de la nuit blanche et du 3ème festival Ironie
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Signatures avec Lionel Dax et les auteurs de la revue
De 19h à 2h du matin…
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Anthologie des Ironies
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J’ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d’or d’étoile à étoile, et je danse.

Arthur Rimbaud – Les Illuminations

L’aventure dure depuis plus de 26 ans. Chaque mois, j’entame alors une réflexion, une stratégie sérieuse et ludique pour le prochain numéro ; et à chaque fois, il y a le même désir : surprendre. Surprendre avec des textes surgis du passé, élaborés au présent, et pensant le monde à venir.
J’ai voulu, sans pour autant que ce soit le temps d’un anniversaire, d’une date fétiche, faire acte de cohérence, montrer le chemin parcouru, exposer la vivante pensée qui traverse tous les numéros depuis juillet 1996. Car malgré l’impression d’un tourbillon chaotique, Ironie suit une ligne claire depuis le début, prolonger le plaisir de la lecture en un acte de guerre, et choisir de mettre en lumière les citations qui amorcent la pensée du temps. Chaque Ironie répond à sa façon à cette question posée à André Gide par Arthur Cravan : « Où en êtes-vous avec le temps ? » Où en sommes-nous avec le temps ? Encore aujourd’hui cette interrogation critique et ludique de Cravan fonctionne telle un phare, un cap.

Pourquoi une anthologie ? Parce qu’il s’agit de faire un bouquet de ces fleurs éparses, une nature vivante de la pensée. Je décide donc de cueillir les fleurs des discours des Ironies... Je décide de garder un extrait léger de chaque numéro et de délivrer une suite logique de ces flèches libres qui mêlent depuis le début de la revue les textes originaux et les textes anciens.

Si chaque écrivain ou chaque phrase importante peut être considérée comme des fleurs de la pensée, cette anthologie est un bouquet bien dense et joyeux. Il s’agit par le mot même d’Anthologie de comprendre le projet d’Ironie : Carpe diem. Cueillir les pensées du temps. Et de lire l’essentiel. Et de relier ces essentiels à l’existence pour la rendre plus intense.

Il s’agit de mettre en musique l’histoire encore vivante de ces feuillets intempestifs, de comprendre les choix et les critiques qui illuminent ces nombreuses pages. Il me semble, après ce voyage dans ces pages, que se dégage un esprit libre, loin de toute communauté limitée et fermée.

Ironie est à lire comme un journal des époques traversées. Les rencontres forment des numéros et les numéros forment des rencontres. La vitesse des interactions est un facteur positif qui fabrique une philosophie de la vie heureuse. Il convient de se réinventer, de lancer des dés et des échos, d’écouter le temps et d’inscrire ce que nous considérons comme le nec plus ultra de l’intelligence. Il était temps pour nous, pour tous ces aventuriers de l’ironie, de révéler la symphonie des textes que l’on peut lire de façon aléatoire. Il suffit d’ouvrir au hasard et de lire un fragment et de laisser infuser ce fragment pour qu’il devienne un tout en vous. Ou vous pouvez lire dans la continuité ce chemin étrange, non tracé à l’avance, et essayer, dans ce frayage intuitif, de trouver votre pollen comme le dit si bien Novalis. Cette Anthologie Ironie offre des sentiers infinis de lecture. Que chacun des lecteurs en fasse un nouveau miel. Derrière ces réflexions, il y a le désir d’ouvrir encore plus la bibliothèque, de la faire danser.

Méléagre, ce grec né en Syrie, tente, avec cette première anthologie, La Couronne de Méléagre, en l’an 100 avant Jésus-Christ, de rassembler les morceaux de l’archipel poétique grec. Il préserve le suc de l’esprit grec. Cette Anthologie tente à son tour de rassembler les morceaux d’Osiris, de réunir ces différentes aventures de la revue pour en faire une nouvelle Couronne, cette guirlande et ces chaînes d’or, un véritable trésor.

Lionel Dax – Décembre 2022


Invitation Nuit Blanche Soleils et Festival Ironie 3 juin 2023.
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LIONEL DAX SUR PILEFACE

IRONIE SUR PILEFACE

Vous pouvez aussi relire LE PRINCIPE D’IRONIE

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2 Messages

  • Thelonious | 9 juin 2023 - 21:55 1

    Dialogue, le dernier livre de Lionel Dax porte en exergue cette phrase de Sollers:Les rencontres nécessaires ont lieu.
    C’est une rencontre de plaisir que j’ai eue ce samedi 03 juin où je venais saluer l’auteur de cette revue Ironie que je reçois gratuitement depuis des années. Nous avons un peu échangé et j’ai pu lui dire tout le plaisir que j’avais à le lire. Quelques minutes avant j’aurais pu croiser m’a t-il dit un des 2 rédacteurs de pileface. Une rencontre qui n’a pas eu lieu ! Mais l’essentiel bien sûr est la rencontre sur la page... Bon vent à pileface et Ironie.

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    • Si les rencontres nécessaires ont lieu, elle aura lieu ! Dire que je suis resté plus de cinq heures ! il est vrai en comptant les deux heures passées à la terrasse du restaurant d’en face avec deux autres rédacteurs de la revue et quelques amis ne manquant pas... d’ironie.

  • Albert Gauvin | 5 juin 2023 - 13:28 2

    Nuit blanche Ironie à la galerie Prép’Art. Lionel Dax dédicaçait ses livres et notamment son Anthologie Ironie. Dans une salle adjacente, projection de Paradis vidéo 2023. Sollers avait déclaré dans son entretien avec Jean-Paul Fargier de 1983 (cf. Crève l’hypnose) : "on pourrait essayer ça : une heure d’images pornographiques sur tous les écrans pendant que je lis Paradis. Car si je n’arrivais pas à démontrer que Paradis c’est vraiment l’antimatière sexuelle même — par la voix — je ne serais pas tout à fait content." Eh bien, Dax a relevé le défi : avec la complicité de Jean-Paul Fargier, il a choisi de projeter sur huit écrans des extraits de films pornographiques en négatif, volontairement à peine visibles.


    Lionel Dax (assis à droite) en discussion avec Joël Gayraud, écrivain et traducteur des livres de Giorgio Agamben.
    Photo A.G., 3 juin 2023. ZOOM : cliquer sur l’image.
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    Dédicace de Lionel Dax.
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    Paradis vidéo 2023


    Paradis vidéo 2023.
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    Un court extrait (un peu couvert par le son d’une autre vidéo projetée dans une salle voisine).

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