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Le Suaire de l’Histoire et le Suaire de la Foi

A paraître "Le Saint Suaire de Turin" par Jean-Christian Petitfils

D 17 août 2022     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Le saint suaire est conservé dans la cathédrale Saint-Jean-Baptiste de Turin. Photononstop via AFP
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ENTRETIEN - avec Jean-Christian Petitfils

Par Jean Sévillia

12/08/2022

L’historien Jean-Christian Petitfils se passionne depuis plus de quarante ans pour le mystère du saint suaire de Turin. Il publie dans quelques jours un livre-enquête afin de lever le voile sur l’énigme que pose cette relique.

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LE FIGARO -. Vous êtes un historien de l’Ancien Régime, mais après votre « Jésus » paru en 2011 et votre « Dictionnaire amoureux de Jésus » paru en 2015, vous sortez pour la troisième fois de votre spécialité…

JEAN-CHRISTIAN PETITFILS-. Sans doute. Vous noterez cependant que dans les deux ouvrages cités j’ai consacré plusieurs pages déjà à cette relique insigne de la chrétienté qui ne cesse d’interroger l’Histoire et la science. La question est de savoir si ce grand linge sépulcral de 4,40m de long sur 1,10m de large, qui présente, dans une couleur variant du beige au sépia, les faces ventrales et dorsales d’un crucifié mort, flagellé, torturé, avec tous les signes de la Passion, a bien servi à l’ensevelissement de Jésus au soir du 3avril de l’an 33, après la descente de la Croix. Je m’intéresse depuis quarante-quatreans à cet étonnant mystère, dépouillant les études françaises et étrangères, les revues spécialisées, les comptes rendus de colloques, les rapports d’experts, notant les avancées de la recherche, les difficultés d’interprétation comme les trouvailles extraordinaires pour lesquelles de multiples disciplines ont été convoquées : histoire, archéologie, médecine légale, hématologie, palynologie (science des pollens), exégèse, droit, numismatique, spectrographie optique, imagerie polarisée,etc.

C’est l’ensemble de ce dossier, à jour des dernières découvertes, que j’ai voulu mettre à la disposition des lecteurs dont les connaissances restent souvent fragmentaires, voire déformées. Disons-le sans ambages, le saint suaire ou linceul de Turin présente toutes les caractéristiques de l’authenticité. Le doute, aujourd’hui, n’existe plus. C’est la science qui le dit, car l’histoire, malheureusement, ne permet pas de remonter de façon certaine aux origines.


« Conservé précieusement dans la chapelle impériale, le linceul échappa en 1204 au sac de Constantinople par les croisés. Il fut transféré en France en 1241 »

Jean-Christian Petitfils

Alors que certains affirment que l’existence du suaire n’est attestée qu’à partir du XIVesiècle, en Champagne, sur quels éléments vous appuyez-vous pour reconstituer son origine ?

Au début du Vesiècle, cette image achéiropoïète, c’est-à-dire « non faite de main d’homme », est déjà vénérée dans la ville d’Édesse (Urfa, en Turquie), où se rend en particulier le bienheureux Daniel de Galash. Elle a dû y arriver à la fin du IVesiècle, peut-être en 387-388, venant de la grande ville chrétienne voisine d’Antioche en proie alors à des violents troubles. En tout cas, à partir de cette époque, on constate un changement fondamental dans les représentations iconographiques du Christ en Orient puis en Occident. Au lieu des premiers visages de Jésus inspirés d’éphèbes imberbes, aux cheveux courts, à la manière des dieux gréco-romains, on voit apparaître sur les monnaies impériales, les icônes et les tableaux, un modèle standard dérivant de l’image d’Édesse, transférée en août 944 à Constantinople : un visage allongé, des arcades sourcilières prononcées, des pommettes saillantes, un nez légèrement aquilin, une barbe à deux pointes, des cheveux longs séparés par une raie au milieu, une petite mèche sur le haut du front… Au total une quinzaine de signes caractérisés qui, comme l’a noté en 1939 le biologiste Paul Vignon, se retrouvent parfaitement sur le linceul de Turin. À noter que les artistes ont pris pour une mèche de cheveu la coulée de sang le long des sinuosités du front.

Conservé précieusement dans la chapelle impériale, le linceul échappa en 1204 au sac de Constantinople par les croisés. Il fut transféré en France en 1241 avec le deuxième lot de reliques ayant suivi la cession de la sainte Couronne à Saint Louis par le dernier empereur latin Baudouin II de Courtenay et fut conservé dans le trésor de la Sainte-Chapelle. C’est Philippe VI de Valois qui, comme je l’ai établi, céda la relique à son porte-étendard Geoffroy de Charny, en septembre1347, sans se rendre compte de la valeur immense du cadeau qu’il faisait. Le chevalier de Charny commença à la présenter aux pèlerins dans sa petite collégiale en bois de Lirey vers 1355. Sa petite-fille, Marguerite, la céda à la maison de Savoie en 1453. D’abord conservée à Genève, puis à Chambéry, elle se trouve à Turin depuis 1578.


C’est en 1898, en développant un cliché du Saint Suaire, que le chevalier Secondo Pia vit apparaître en négatif le visage présumé du Christ. Leemage via AFP
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Votre ouvrage expose la controverse scientifique autour du linceul. En 1988, des analyses au carbone 14 ont daté celui-ci du Moyen Âge. Comment ce résultat peut-il être contesté ?

En 1988, en effet, l’analyse de la relique au C14 par trois laboratoires spécialisés donna une fourchette de dates (1290-1360) qui semblait remettre en cause les premiers acquis de la science, en particulier les très sérieux travaux américains du Shroud of Turin Research Project (STURP) de 1978 qui avaient donné lieu à des tests microchimiques, de spectrographie, des études de radiométrie infrarouge, de microscopie optique, de fluorescence ultraviolette prouvant que le linceul ne pouvait être un faux du Moyen Âge.

Après un moment de sidération, on s’aperçut que l’analyse au C14 avait été effectuée dans des conditions peu respectueuses du protocole défini et posait de graves problèmes de cohérence statistiques. La publication en 2017 des résultats bruts des laboratoires, obtenus du British Museum grâce aux démarches du chercheur français Tristan Casabianca, montra que la dispersion des résultats entre les échantillons était infiniment plus grande que celle annoncée. Dès 2005, d’ailleurs, un remarquable chimiste du Los Alamos Scientific Laboratory au Nouveau-Mexique, Raymond N. Rogers, avait prouvé que la zone où les échantillons avaient été prélevés était une zone de ravaudage.

Cependant, même les adversaires de l’authenticité du suaire se heurtent à une énigme : celui-ci ne peut pas être l’œuvre d’un faussaire, car « fabriquer » une telle image aurait nécessité des connaissances scientifiques inconnues au Moyen Âge…

L’image n’est pas une peinture. Aucune trace de coups de pinceau, aucun contour même n’ont été observés au microscope électronique. Il faut exclure aussi l’hypothèse d’un frottis, d’une application d’un bas-relief de bois ou de marbre, d’une statue métallique préalablement chauffée. L’image correspond à un léger brunissement dégradé n’affectant que le sommet des fibrilles de lin sur une épaisseur de 20 à 40 microns. Donnant une image tridimensionnelle, elle semble produite par émanation à distance du corps et projection orthogonale, de sorte que son aspect latéral est absent. Un mystère total !



« Le mystère de la Résurrection ne peut s’entendre ni se vivre que dans la foi »

Jean-Christian Petitfils

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Pour l’Église catholique, aujourd’hui propriétaire du saint suaire, quel est le statut du linceul ?

Même si au cours des siècles plusieurs souverains pontifes, de Sixte IV à Jules II - ce dernier ayant institué en son honneur un office particulier célébré le 4mai - à saint Jean-Paul II, l’ont tenu pour authentique, il est évident qu’aujourd’hui, du fait des controverses scientifiques, l’Église ne sacralisera pas cette relique, même si, comme c’est enfin le cas, elle présente le niveau d’exigence requis.

Vous avez abordé le suaire en tant qu’historien. Mais dans la dernière partie de votre livre, qui est un récit de la passion du Christ à travers le linceul, ne laissez-vous pas affleurer votre foi chrétienne ?

À la vérité, c’est cette pièce archéologique absolument unique qui nous interroge et nous oblige à nous poser la question de la résurrection du Christ ! Elle n’en est évidemment pas une « preuve », car le mystère de la Résurrection ne peut s’entendre ni se vivre que dans la foi, mais elle ne nous permet pas de comprendre pourquoi le cadavre de ce crucifié ne présente aucune trace de décomposition, ni comment celui-ci a pu sortir de son linge sépulcral sans laisser sur le modelé des nombreux caillots de sang la moindre trace d’arrachement.

Propos recueillis par Jean Sévillia

Crédit : Le Figaro Magazine

Jean-Christian Petitfils : Le Saint Suaire de Turin,


Jean-Christian Petitfils : Le Saint Suaire de Turin, Tallandier, 463p., 26€.
le livre sur amazon.fr
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En librairie le 25 août. SDP

Le résumé du livre sur amazon.fr

Le Saint Suaire de Turin est ce linceul conservé dans la cathédrale Saint-Jean-Baptiste qui présente la double empreinte ventrale et dorsale d’un crucifié mort, flagellé et torturé, avec tous les signes de la Passion (traces du coup de lance et de la couronne d’épines…). A-t-il vraiment été le témoin de l’ensevelissement de Jésus le Nazaréen à Jérusalem le 3 avril de l’an 33 ?
Il existe un décalage abyssal entre ce que répètent des personnes mal informées, qui s’obstinent à soutenir des thèses dépassées, comme la malencontreuse analyse au carbone 14 de 1988, faussée par plusieurs pollutions et assignant de façon erronée à cette célèbre toile de lin une datation médiévale, et les dernières expérimentations scientifiques, toutes convergentes, allant en sens contraire.

Dans cette synthèse complète, loin de tout esprit polémique, Jean-Christian Petitfils montre, de façon claire et convaincante, qu’il n’y a plus aucun doute aujourd’hui : le Saint Suaire de Turin est bien authentique. Non seulement les renseignements qu’il fournit sur la Passion du Christ sont exceptionnels, mais les caractéristiques uniques et déroutantes de l’image, que l’on n’a jamais pu reproduire à l’identique malgré toutes les techniques modernes – inversion des couleurs, tridimensionnalité, projection orthogonale sans effet latéral, absence de la moindre trace de décomposition du corps ni d’arrachement des caillots de sang –, semblent nous introduire à un autre mystère…

A propos de l’auteur


Jean-Christian Petitfils, né à Paris le 25 décembre 1944, est un historien et écrivain français.
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Études au lycée Claude-Bernard à Paris, à la Faculté de droit de Paris, à Sciences-Po Paris et à la Sorbonne. Docteur d’État en science politique, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, maître en droit public, licencié en histoire-géographie, diplômé de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de Paris, il est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages historiques, essais et biographies, sur Louis XIV, Louis XVI (Prix Combourg 2005) prix du Nouveau Cerle de l’Union, Le Régent, Lauzun, Madame de Montespan, Fouquet, Et aussi Jésus et le Dictionnaire amoureux de Jésus – qui ont rencontré tous deux un vif succès –, suit depuis de très nombreuses années les travaux français, italiens et américains sur la célèbre relique du Saint-Suaire de Turin.


Collabore aux revues Historia, L’Histoire et au Figaro littéraire.

Membre du jury du prix Hugues Capet, du prix du XVIIe siècle, du prix Combourg. Membre du Comité scientifique de la revue Versalia, revue de la Société des amis de Versailles.

Il fut récompensé par l’Académie des sciences morales et politiques pour l’ensemble de son ouvre et par l’Académie française pour Le Véritable d’Artagnan et Louis XIV, pour lequel il a reçu le grand prix de la biographie.

Il est chevalier de la Légion d’honneur, chevalier de l’ordre national du Mérite et chevalier des Arts et Lettres.

Emmanuel Le Roy Ladurie a jugé son "Louis XIV" "très remarquable et très complet" ("Saint-Simon ou le Système de la Cour"). Le professeur David J. Sturdy, à propos de ce même ouvrage, écrit : "Petitfils has written an excellent study which achieves a high level of objectivity", et le professeur Richard Wilkinson : "If I had a palm, it would be to Jean-Christian Petitfils (Perrin, 2002), perceptive, judicious, entertaining". Dans son Journal d’outre-tombe, journal intime paru à titre posthume en 1998 aux éditions Michalon, Jean-Edern Hallier juge le Louis XIV de Petitfils « très supérieur à celui de François Bluche ».

(source Amazon et wikipédia)


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1 Messages

  • MN | 17 août 2022 - 20:27 1

    Il faut le répéter, le bourdonner, le claironner : sans s’en douter la datation par carbone travaille sur un tissus rajeuni de quatorze siècles par le flash résurrectionnel du corps du Christ.
    Voir les travaux du bio-physicien Jean-Baptiste Rinaudo.