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Ronds de ficelle

Jacques-Alain Miller, Le nouvel âne n°7, octobre 2007 ; Jacques Lacan, Séminaire XX, Encore.

D 25 janvier 2008     A par Albert Gauvin - C 6 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« — Vous pensez que vous avez vécu comme il fallait vivre ?
— Oui.
— Pas la moindre hésitation ?
— Non.
— Vous recommenceriez tout de la même façon ?
— Absolument.
— Encore ?
— Encore. »

Ph. Sollers, Une vie divine, 2006 (Folio, p.113)

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« Il réfléchit ensuite trente secondes, montre en main, à l’expression « en ce moment même ». Puis il se demande s’il a toujours fait ce qu’il fallait quand il fallait. Réponse : oui. Erreurs comprises ? Oui encore.
C’est bien, il va pouvoir revisiter sa vie en détail. »

(idem, p.412)

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« Enfin cette chance, mettons-la sous le signe d’au petit bonheur — encore. »

Lacan, Du baroque (Séminaire XX, Encore, 8 mai 1973).

*


Jacques Lacan. « Ronds de ficelle » (extraits)

« Il faut que vous vous mettiez à lire des auteurs - je ne dirai pas de votre temps, je ne vous dirai pas de lire Philippe Sollers, il est illisible, comme moi d’ailleurs - »

Lacan, Séminaire XX, Encore, La fonction de l’écrit, 9 janvier 1973, p.37.

C’est lors de la séance du 23 octobre 1973 du Séminaire que Lacan, après avoir répété sa formule célèbre - il n’y a pas de métalangage - et, paradoxalement, affirmé que la formalisation mathématique est [son] but, [son] idéal, a noué ces ronds de ficelle :


« Quand vous gribouillez et moi aussi, c’est toujours sur une page et c’est avec des lignes, et nous voilà plongés tout de suite dans l’histoire des dimensions.

Ce qui coupe une ligne, c’est le point. Comme le point a zéro dimension, la ligne sera définie d’en avoir une. Comme ce que coupe la ligne, c’est une surface, la surface sera définie d’en avoir deux. Comme ce que coupe la surface c’est l’espace, l’espace en aura trois. (p.110)

[...] Avec le noeud borroméen, nous avons à faire avec ce qui ne se voit nulle part, à savoir un vrai rond de ficelle. Figurez-vous que, quand on trace une ficelle, on n’arrive jamais à ce que sa trame joigne ses deux bouts. Pour que vous ayez un rond de ficelle, il faut que vous fassiez un noeud, noeud marin de préférence. Faisons avec notre ficelle ce noeud marin. Voilà. Grâce au noeud marin, nous avons là, vous le voyez, un rond de ficelle. Nous allons en faire deux autres. Le problème alors posé par le noeud borroméen est celui-ci - comment faire, quand vous avez fait vos ronds de ficelle, pour que ces trois ronds de ficelle tiennent ensemble, et de façon telle que, si vous en coupez un, tous les trois soient libres ?

[...] Il suffira que dans un troisième rond vous preniez le second pour que les trois soient noués - noués de telle sorte qu’il suffit bien que vous en sectionniez un pour que les deux autres soient libres. (p.112)

[...] Est-ce que ça vous éclaire sur l’intérêt qu’il y a à partir du rond de ficelle ? (non...) Le dit rond est certainement la plus éminente représentation de l’Un, en ce sens qu’il n’enferme qu’un trou. C’est d’ailleurs en quoi un vrai rond de ficelle est très difficile à fabriquer. Le rond de ficelle dont j’use est même mythique puisqu’on ne fabrique pas de rond de ficelle fermé.

Mais encore qu’en faire, de ce noeud borroméen ? Je vous réponds qu’il peut nous servir à nous représenter cette métaphore si répandue pour exprimer ce qui distingue l’usage du langage - la chaîne précisément. (p.115)

Les noeuds dans leur complication sont bien faits pour nous faire relativer les prétendues trois dimensions de l’espace, seulement fondées sur la traduction que nous faisons de notre corps en un volume solide. Non qu’il n’y prête anatomiquement. Mais c’est bien là toute la question de la révision nécessaire - à savoir, de ce pourquoi il prend cette forme - apparemment, c’est-à-dire pour notre regard. (p.120-121)

[...] J’en conclus que l’espace n’est pas intuitif. Il est mathématicien - ce que tout le monde peut lire de l’histoire de la mathématique elle-même. Ceci veut dire que l’espace sait compter, pas beaucoup plus loin que nous - et pour cause -, puisque ce n’est que jusqu’à six, pas même sept.
C’est bien pour cela que Yahvé s’est distingué de sa férule de la semaine.
Bien sûr que le chiffrage populaire chiffre jusqu’à 10, mais c’est parce qu’il compte sur les doigts. Il a dû depuis en rabattre, avec le 0, c’est-à-dire qu’il a tort - il ne faut compter sur rien qui soit du corps apparent, ni de la motricité animale.

[...] Pour revenir à l’espace, il semble bien faire partie de l’inconscient - structuré comme un langage. (p.122) »

Jacques Lacan, 22 octobre 1973 (Le séminaire, livre XX, Encore, Seuil, 1975)

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Bernini, L’extase de Sainte Thérèse.

« ... Sainte Thérèse - vous n’avez qu’à aller regarder à Rome la statue du Bernin pour comprendre tout de suite qu’elle jouit, ça ne fait pas de doute. Et de quoi jouit-elle ? Il est clair que le témoignage essentiel des mystiques, c’est justement de dire qu’ils l’éprouvent, mais qu’ils n’en savent rien.
Ces jaculations mystiques, ce n’est ni du bavardage, ni du verbiage, c’est en somme ce qu’on peut lire de mieux - tout à fait en bas de page - Y ajouter les Ecrits de Jacques Lacan, parce que c’est du même ordre. Moyennant quoi, naturellement, vous allez tous être convaincus que je crois en Dieu. Je crois à la jouissance de la femme en tant qu’elle est en plus [...] »

Jacques Lacan, Dieu et la jouissance de la femme, 20 février 1973, p.71.

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6 Messages

  • Thelonious | 9 février 2022 - 15:07 1

    Un petit tour en librairie et je tombe sur cette nouvelle revue, Année Zéro, de Yann Moix ; au sommaire du numéro consacré à Gide, divisé en cahiers, il y a carrément un cahier Sollers !
    Plus de 10 pages d’un entretien réalisé par Moix le 11 septembre 2020.
    Bientôt à lire sur Pileface ?

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  • Pierre Vermeersch | 23 janvier 2017 - 17:11 2

    ’’…ce personnage qui regarde, on le souligne, vers vous spectateurs - Dieu sait si on a spéculé sur cette orientation du regard- ce personnage a précisément le regard le moins tourné vers l’extérieur qui soit.
    Ceci n’est pas une analyse qui soit personnelle. Maints auteurs, la grande majorité l’a remarqué : l’aspect en quelque sorte rêveur, absent, tourné vers le disegno interno… ’’
    Lacan, le Séminaire, leçon du 11 mai 1966.

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  • Pierre vermeersch | 20 juillet 2015 - 22:34 3

    Nul paradoxe dans la déclaration de Lacan dans sa leçon du 22 octobre 1973 car la formalisation mathématique relève de l’écriture.
    « Il n’y a aucun métalangage, en ce sens où on ne parle jamais qu’à partir de l’écriture ». (Le Séminaire L.XVIII, D’un discours qui ne serait pas du semblant, p. 92).
    Quant au nœud borroméen, il est une écriture qui vient d’ailleurs que du signifiant (L. XXIII, Le sinthome p. 145).
    C’est dans cette même leçon du 22 octobre 1973 que Lacan nous dit « L’écriture donc est une trace où se lit un effet de langage. C’est ce qui se passe quand vous gribouillez quelque chose » (L. XX, p. 110). Or les effets de langage il les situe sur le caractère chinois szu qu’il fait fonctionner comme un graphe (L. XVIII, p. 64).
    Nous lui apportons un commentaire dans la note du 29 /06 /2015, A propos du caractère szu, l’Unique Trait de Pinceau de Shitao, dans notre blog :
    http://theoriedelapratique.hautetfort.com


  • A.G. | 28 janvier 2008 - 18:10 4

    « Aurais-je souhaité rencontrer Gide autrefois ? Si on m’a lu jusqu’ici, on comprend que non, et pourquoi. »
    Et aussitôt après : « Et Sartre ? Il semble devenu indifférent à la littérature, qu’il assimilera bientôt à une névrose (Les Mots). » (Un vrai roman, p.71)

    Comment en finir avec Gide ? C’est le titre d’un chapitre du livre de Bernard-Henri Lévy Le siècle de Sartre où, sous le titre Le siècle de Gide, il écrit :
    « Littérature.
    Au commencement, il y a Gide.
    Non seulement la rivalité, mais l’imprégnation gidienne. »
    Et : « Il y a Les mots dont on a pu montrer que, lorsqu’ils disent vouloir en finir avec "la" littérature, ils entendent, en réalité, la littérature d’André Gide [...] » avec cette intéressante « Hypothèse : et si Sartre avait, en fin de compte, perdu la partie face à Si le grain ne meurt ? [...] Et si c’était l’une des raisons pour lesquelles Sartre, après Les mots, décide de se taire, y parvient dans une certaine mesure et n’écrit, de fait, plus de romans ? » (p.113)

    Gide : littérature, mais : pas de femmes.
    Sartre : des femmes, mais : plus de littérature.
    Sollers : « A choisir : les femmes ou la littérature ? »
    « Les deux car je n’arrête pas d’écrire que c’est la même chose. »

    « Sollers, c’est notre Gide. »
    N’est-il pas quand même possible de supposer un peu d’ironie à J.A. Miller ?
    Ou un certain humour ?
    Surtout quand il s’agit promouvoir Sollers en Pléiade pour y voir son propre « article pléiadisé dans la foulée » ?

    Sollers en Pléiade : le moyen d’« en finir » avec Gide, de gagner « la partie » ?
    D’affirmer : « Car je puis dire que la victoire m’est acquise » (Rimbaud, Adieu, dans Illuminations)


  • A.G. | 27 janvier 2008 - 23:44 5

    " quelqu’un a-t-il le souvenir d’avoir lu que Sollers ait fait usage de "travelos" "pour pimenter le tout" ? "

    Ni "travelo" ni "piment", mais une allusion à "quelques passes" p.43...


  • D. | 27 janvier 2008 - 10:22 6

    "Sollers, c’est notre Gide."

    Voilà comment un beau-fils se venge de celui qui a sorti Lacan de Gide en lui montrant Joyce... C’est du propre. Gide, Montherlant, petits garçons... Voilà voilà... tout un programme.

    Au fait, mon inconscient a peut-être opéré un refoulement, mais quelqu’un a-t-il le souvenir d’avoir lu que Sollers ait fait usage de "travelos" "pour pimenter le tout" ? Je n’ai pas non plus remarqué que Sollers semblait particulièrement inquiet pour sa Pléiade - mais c’est ce qui semble tarauder JAM, voyez cet extrait de conversation entre lui et Sollers en 2005 (voir l’entretien entier dans le lien ci-dessous) :

    Ph.S : C’est prodigieux, les curiosités de Quincey.

    JAM : Voilà, il faudrait mettre en chantier de Quincey dans la Pléiade, après la Pléiade Sollers qu’on attend.

    Ph.S : Que vous me souhaitez. Coleridge, dont je me sers au début de Paradis pour montrer la rapidité...

    Voir en ligne : Entretien Sollers - Miller 2005