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Franz Kafka ne veut pas mourir : quand la vie de l’énigmatique écrivain devient roman

D 13 juin 2023     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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Gilles Hertzog

Une nouvelle critique du livre par Gilles Herzog
La Règle du Jeu, 30 mai 2023

Après s’être frotté à Stefan Zweig, Laurent Seksik raconte Kafka. L’homme qui « a passé sa vie à mourir ».

Laurent Seksik, domicile de l’écrivain, à Paris. Photo : Yann Revol.

Les grands romanciers explorateurs du cœur humain créent des personnages de fiction si vraisemblables, qui nous paraissent si neufs, si génériques, si signifiants, en qui nous reconnaissons nous-mêmes, nos semblables et le siècle en cours, que leurs créatures imaginaires deviennent bientôt pour nous des êtres en soi, comme s’ils étaient doués de vie. Êtres de papier passés du bestiaire littéraire au monde réel, devenus aux yeux de la postérité des figures intemporelles de la Comédie humaine, leurs patronymes font office d’identité supérieure, de manteau d’emprunt, pour qui, aux yeux d’autrui, de près ou de loin, à son insu ou pas, s’apparente à eux par un trait ou un autre. Ils incarnent des archétypes humains précis, qu’on plaque pour faire image sur les vivants qui leur ressemblent. Tel avaricieux sera dit un moderne Harpagon, tel snob un Swann ou un Charlus au petit pied, tel ambitieux un Rubempré impénitent, telle jeune fille au pair sans papier une nouvelle Cosette. Qu’ils se nomment d’Artagnan, Jacques le fataliste, Justine, Rastignac, Werther, le Rouge et le Noir, Frédéric Moreau, David Copperfield, Nana, Lantier, le Prince André, Raskolnikov, Madame Verdurin, le docteur Jivago, Joseph K., Gregor Samsa, Roquentin, Kyo Gisors, Solal, Ariane, Gatsby, Portnoy, ou Holden Caulfield, ce sont autant de personnages livresques devenus avec le temps des métonymies vivantes applicables à tous leurs frères humains.

Une autre famille de romanciers procède à l’inverse, part de personnages réels, historiques ou autres, pour en faire des personnages de fiction. Ainsi Hermann Broch s’emparant de la mort de Virgile. Ainsi, ici, Laurent Seksik qui, après s’être frotté à Stefan Zweig, affronte cette fois Kafka, sa famille, ses amis, ses amours et son temps, transformés par ses soins en autant de héros de roman. Un roman vrai, certes, mais un roman tout de même. Que ceux qui préfèrent les biographies définitives, les pavés scientifiques où ne manquent pas un fait, pas un geste, pas une parole, une lettre, une archive, une missive, passent leur chemin. Ici, tout est récit, dialogues – apocryphes ou pas –, confessions, monologues intérieurs, mises en scène d’anthologie. Cela sonne juste, on chemine en spectateurs muets avec les protagonistes en marche vers leur destin, on sent, à les voir et les entendre, la double tragédie s’approcher, la mort de Kafka d’abord, la peste nazie ensuite. Les spécialistes du proscrit de Prague, de Berlin et de Vienne, qui sont légion et veillent avec un soin jaloux sur sa mémoire posthume, verront peut-être matière à y redire.

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Portrait de Franz Kafka dessiné par Yann Moix

Mais, à lire Franz Kafka ne veut pas mourir, on se retrouve admis, avec un passeur émérite, dans l’intimité-des protagonistes des dernières années de Kafka, l’homme entre tous qui, comme il l’écrivit, a passé sa vie à mourir. Le parti pris du romanesque fonctionne avec naturel, qu’on se transporte au sanatorium dans les Carpates, sorte de Montagne magique avant la lettre, aux côtés de Kafka avançant à grand’peine dans la neige, ou, trois ans plus tard, au sanatorium de Kierling, près de Vienne, où Kafka toujours, souffrant le martyr, supplie son jeune admirateur, le docteur Klopstock : « Tuez-moi, sinon vous êtes un assassin », qui lui administrera la morphine finale. Ou encore, on assiste à la dispute entre Hermann Kafka, le pater familias, castrateur inébranlable, avec sa fille Ottla, à propos de Franz et de sa fameuse lettre au père, où il s’avoue habité à vie d’un sentiment de culpabilité irrémédiable. De même, nous visitons le bureau mortifère de Kafka à l’Office d’assurances contre les accidents du travail pour le royaume de Bohème, nous écoutons l’éloge du Directeur adjoint de son employé modèle, pour sa note si précise sur la loi d’extension aux tailleurs de pierre, puisatiers et entreprises de construction métalliques, de l’obligation d’assurance, et son travail si appliqué de tous les jours.

Autres tableaux vivants au fil du livre : ceux consacrés à Dora Dyamant, le denier amour de Kafka. Le premier tableau retrace la déambulation de Dora Dyamant à la recherche de son Prince éternel dans les rues de Prague déserte, au lendemain de la mort de son absolu bien-aimé. Dix ans plus tard, nous assistons chez la même Dora Dyamant à Berlin, remariée et devenue communiste, à la perquisition de la Gestapo, qui s’empare des papiers et des brouillons de Kafka ; ils seront perdus à jamais. Troisième tableau : communiste exemplaire, réfugiée à Moscou en 1936, les purges staliniennes la rattrapent. Interrogée pour la forme, en vue de sa déportation immédiate au Goulag, par un enquêteur du NKVD ubuesque, sur ses relations avec Kafka comme écrivain bourgeois contre-révolutionnaire, elle lui parle du Procès où l’accusé ne sait jamais quelle est sa faute et finit par se faire l’instrument de sa propre destruction. « Prophétique, magnifique ! On croirait lire un attendu d’un procès du procureur Vychinski. Ton Kafka s’inscrit dans la noble lignée du roman réaliste soviétique ! » s’extasie l’enquêteur. Qui, subjugué par l’œuvre de son premier mari, sauve la vie de Dora Dyamant… et lui recommande de fuir sans perdre une minute.

Quant au docteur Klopstock, il sera victime, lui d’un procès en judaïté, de la part du professeur sous les ordres de qui il opère les tuberculeux depuis des années dans un hôpital à la périphérie de Berlin. Son maître, à peine édictées les lois antisémites de 1934, le chasse séance tenante. « Y a-t-il une médecine juive et une médecine non-juive ? » demande Klopstock. « Il y a bien une manière juive d’écrire » lui est-il répondu. Le docteur Klopstock s’exilera en Amérique en 1938.

Un morceau d’anthologie, au cœur du livre, nous fait revivre une soirée littéraire clandestine au printemps 1934 à Berlin d’intellectuels et d’écrivains juifs interdits de publication et bientôt d’existence, réunis dans un appartement glacial pour débattre en secret de Kafka, le jour du dixième anniversaire de sa mort. C’est un festival d’échanges, d’intelligence, de sensibilité, de doutes, une oasis de fraternité douloureuse entre gens de pensée et de mots qui, tous, se savent condamnés, entourés de toutes parts d’un océan de bestialité.

Avec eux, derniers gardiens d’un monde civilisé en ruines, Franz Kafka l’Annonciateur s’enfonce dans la nuit du monde. Ses sœurs Elli et Valli périront dans le ghetto de Lödz ; Ottla, sa préférée, sera assassinée à Auschwitz.


Laurent Seksik, Franz Kafka ne veut pas mourir, Gallimard, 2023.

Laregledujeu.org

Extrait du livre


Dans notre précédent article dédié à ce livre, ICI, nous avons déjà présenté deux chapitres :


- le "Prologue" qui met en perspective le contexte du livre et ses acteurs. Un texte de référence pour comprendre l’univers dans lequel se mouvait Franz Kafka.


- le chapitre "Robert", le « Docteur Klopstock, l’ami de Franz Kafka, "étudiant en médecine", rencontré lors d’un de ses passages en sanatorium, l’ami fidèle qui n’hésitera pas à délaisser ses études pour accompagner la fin de vie de Kafka

Ici, nous publions le chapitre initulé "OTTLA", sa soeur aimée et dévouée.

3 juin 1924

OTTLA

Elle avait pensé, en se couchant plus tôt que d’ordinaire, s’endormir plus facilement que les autres soirs. Peu de temps après le repas, elle a dit bonsoir à ses parents – elle est revenue vivre dans l’appartement familial pour se tenir à leurs côtés dans l’attente angoissée du retour de son frère du sanatorium de Kierling. Elle est allée dormir, avec l’espoir que cette nuit serait différente des autres nuits. Mais cette nuit est semblable aux autres, avec son cortège d’effrois et de questions sans réponses. La pendule vient de frapper trois coups, Ottla Kafka cherche encore le sommeil.

Elle espérait depuis le matin des nouvelles de Kierling, une lettre de Franz, un appel de Robert, de Dora ou même du docteur Hoffmann. Mais le soir est venu, aucune nouvelle n’est tombée.

Cette nuit, elle a vu son frère en pensée, moribond, immobile sur son lit, ou était-ce en rêve, un mauvais rêve, comme elle en fait ces temps-ci. Cette image de Franz l’obsède. Elle se pelotonne sur elle-même, blottit son cou dans l’édredon, prend une ample respiration, souffle profondément puis chuchote : « Franz est bien vivant. »

Elle s’efforce de ne plus penser, ne plus bouger. Ne plus entendre la pendule, être sourde aux bruits de la rue, ne plus voir danser sur le mur l’ombre menaçante du rideau. Ne pas se laisser dominer par la peur. Croire aux prémonitions, n’est-ce pas aussi stupide que de croire au golem ? Le soir transforme la moindre appréhension en épouvante. Au matin, comme chaque fois, il s’avérera qu’elle s’est laissé abuser par son inquiétude naturelle. Et ses craintes apparaîtront comme à l’ordinaire le seul fruit de son imagination, de son amour de sœur, un amour plus grand que tous les amours. Ses frayeurs seront dissipées à la blancheur du jour aussi vite que l’aube pâlira les étoiles. Mais l’aube semble si loin, une armée de chimères la sépare du jour.

Elle relève la tête, laisse aller son regard dans la pénombre, s’arrête sur le tableau accroché au mur face au lit, s’abandonne à la contemplation de la reproduction du coucher de soleil sur Prague, puis dirige les yeux vers le cadre en verre de Murano qu’éclairent à travers la fenêtre les réverbères de la rue. Mais rien, pas même le gros meuble à tiroirs, si riche en souvenirs qu’à peine on en effleure le bois de chêne les parfums de l’enfance vous montent au visage, ne parvient à la délivrer du terrible pressentiment qu’à quatre cents kilomètres de là il est arrivé malheur à Franz.

Peut-être suffit-il d’attendre que le nuage passe et l’épuisement au bord duquel ce combat contre elle-même la conduit finira, comme de guerre lasse, par l’abandonner au plus profond sommeil – même si ce sera alors, et comme toutes les nuits depuis que l’état de Franz a empiré, un sommeil qui ne répare rien, laisse intacte la tristesse du soir et dont elle émerge au petit matin dans un accablement semblable à celui de la veille.

Elle inspire et expire amplement et, au fil des minutes, ses tempes cognent moins fort, son angoisse reflue. Le nuage a passé et mon frère vit encore, espère-t-elle. Elle ferme les paupières, étend les bras le long de son corps et attend que le sommeil l’emporte. Le tic-tac de la pendule égrène les secondes.

Quelques mois auparavant, revenu dans l’appartement familial après son long séjour à Berlin, Franz lui avait expliqué que le bruit de l’horloge l’empêchait de dormir.

« Essaie de ne pas l’entendre », lui avait-elle conseillé.
Il était parti dans un éclat de rire avant d’être secoué par une quinte de toux comme elle n’en avait jamais entendu. Au bout de longues secondes, la toux avait cessé. Leurs regards à tous deux étaient alors tombés sur la tache de sang au fond de son mouchoir. Franz avait murmuré d’une voix douce et désolée, sur un ton d’excuse, que ce n’était pas grave, absolument rien, pas de quoi s’alarmer.

Le séjour en Allemagne dans le froid redoutable de l’hiver berlinois et la misère ambiante de l’année 1923 avaient aggravé la maladie. Jusqu’aujourd’hui, elle se sentait coupable d’avoir encouragé son voyage. Elle aurait dû dire non, ce n’est pas raisonnable, reste ici, avec nous, pour ta santé, pour toi et si ce n’est pas pour toi, alors reste pour moi. Il l’aurait écoutée, il l’écoutait toujours, elle était la seule dont il suivait les conseils. Mais comme à l’ordinaire, elle avait préféré prendre fait et cause pour lui et le soutenir dans sa résolution de quitter Prague. Elle s’était opposée une nouvelle fois, à tort cette fois, à son père qui, depuis que Franz en avait émis l’idée, considérait ce voyage comme une pure folie : « Partir vivre à Berlin, quand ce garçon peut à peine traverser le pont Charles ! » Son père avait vu juste, elle devait l’admettre. Berlin avait eu raison des forces du garçon. À la fin du séjour, il pesait cinquante kilos. Elle le revoyait sur le pas de la porte, en avril, à son retour à Prague, défait, les traits tirés, sa maigreur terrifiante et sa pâleur extrême, un cadavre ambulant. Son père avait lancé un bonjour volontairement distant mais qui ne parvenait qu’imparfaitement à masquer l’ampleur de son effroi. Sa mère avait serré longuement son fils entre ses bras, les larmes ne cessant de couler sur ses joues. Était venu son tour à elle d’étreindre ce frêle arbuste d’os qu’elle craignait de briser en le serrant trop fort, ce frêle arbuste d’os, emmitouflé dans son manteau de laine malgré la douceur du jour, qui avait alors déclaré comme s’il venait seulement de saisir ce que son état pouvait avoir d’inquiétant :

« Ne vous faites pas une idée si terrible de ma maladie. Ce matin par exemple, je ne dépasse pas trente-huit.

— Qu’est-ce que ces foutus médecins te donnent pour faire baisser la fièvre ? avait lancé son père.

— Pour l’instant on me recommande seulement des inhalations. Mais je continue de refuser les injections d’arsenic.

— Si les médecins te le recommandent, pourquoi diable les refuses-tu ! »
Le garçon avait souri d’un air gêné qui semblait implorer la clémence. Quelques jours plus tard, il était hospitalisé en urgence dans le service du professeur Hajek à Vienne, spécialisé dans les cas désespérés.

La vie de la famille tout entière avait basculé, sept ans auparavant, cette maudite nuit d’août 1917 où le garçon s’était réveillé en crachant du sang. La catastrophe s’était produite alors que l’existence semblait enfin lui sourire. À trente-six ans, il était parvenu à quitter l’appartement familial. Il avait réussi, au prix de tergiversations infinies, à louer le petit appartement du palais Schönborn qu’elle lui avait trouvé. À peu près à la même époque il s’était fiancé avec Felice. Et cette deuxième fois serait la bonne, priait-elle alors, même si elle n’avait jamais réellement cru à la sincérité de cette union. Le garçon opérait sa tardive mue d’homme. Il donnait pleinement satisfaction à l’Office d’assurances. Son installation dans ce minuscule deux pièces, son premier véritable chez-soi, le comblait. Il semblait plus heureux qu’à l’appartement de la Langegasse, qu’elle avait toujours détesté, ou même que dans cette maison de poupée de l’Alchimistengasse. Il disait adorer se promener le soir dans la ruelle silencieuse, entendre craquer ses pas dans la neige, poursuivre en direction du château.

Mais, après six mois de ce bonheur simple, dans le modeste appartement du palais Schönborn, il avait débarqué chez elle, un matin, blême et incapable de prononcer un mot.

« Qu’est-ce qui ne va pas ? avait-elle demandé. C’est Felice ?... L’Office d’assurances, peut-être ?... »
Mais ça n’était ni l’Office d’assurances, ni Felice.
« Quoi, alors ? Tu peux me le dire, Franz, je peux tout entendre. »
Alors et comme un peu honteux, il avait avoué à sa sœur avoir craché du sang.

Et maintenant Franz est à Kierling depuis quelques jours, Kierling après Vienne et le terrible service du professeur Hajek. Jusqu’où tout cela nous mènera-t-il ? Elle a passé la matinée à guetter par la fenêtre la venue du facteur. La dernière lettre remonte à la semaine passée. En la réceptionnant, elles ont dansé, ses deux sœurs, Nati et Elli, et elle, sous les yeux ravis de leur mère et avec autant de ferveur que si leur avait été annoncé le retour du fils prodigue. Puis on a communié dans la lecture, chaque mot comme un sort jeté au malheur. Pour l’avoir lue et relue, elle connaît cette lettre presque par cœur, mais à cet instant, elle nourrit l’espoir de découvrir entre les lignes un message qui aurait échappé à ses précédentes lectures, quelque chose de rassurant, qui atténuerait son angoisse. Elle allume la lumière, et ouvre le tiroir de la commode où sont conservées les lettres de Kierling. Elle tire celle au-dessus de la pile. Et commence à lire. Elle murmure chaque phrase comme on dit ses prières :

Kierling

Très chers parents,

À propos d’une prochaine visite dont vous parlez quelquefois, j’y pense chaque jour car c’est une chose très importante pour moi. Ce serait si beau. Il y a si longtemps que nous n’avons pas été ensemble. Être paisiblement à nouveau quelques jours ensemble dans une belle contrée tout seuls. Et puis boire ensemble un bon verre de bière. Au fait j’y repense souvent maintenant, pendant les grandes chaleurs nous avons déjà bu régulièrement de la bière ensemble il y a de cela bien des années quand père m’amenait à l’école civile de natation. Tout cela et bien d’autres choses parlent en faveur de votre visite mais trop de raisons parlent contre. Premièrement père ne pourra probablement pas venir à cause de la difficulté d’obtenir un passeport... Surtout mère, je ne suis toujours pas très beau, je ne vaux pas du tout la peine d’être vu. Vous connaissez mes difficultés les premiers temps ici et à Vienne. Elles m’ont quelque peu mis à bas, elles ont empêché une chute rapide de la fièvre ce qui a contribué à m’affaiblir davantage. La surprise de la laryngite tuberculeuse m’a aussi plus affaibli qu’il ne lui revenait de le faire objectivement.

C’est seulement maintenant qu’avec l’aide de Dora et de Robert – que serais-je sans eux, une aide absolument impossible à imaginer de loin – que je commence à sortir de tout cet affaiblissement. Mais maintenant j’ai encore des troubles. Malgré la bonne nourriture que l’on mange ici et la cure de plein air que je fais presque chaque jour, je ne suis pas encore vraiment rétabli. Je ne suis même pas en aussi bon état que je l’étais, disons dernièrement, à Prague. Si vous ajoutez à cela que je ne peux parler qu’en chuchotant, et encore pas trop souvent, vous aurez envie vous-mêmes de différer votre visite.

Mais tout est engagé pour le mieux. Un professeur a constaté une amélioration notable du larynx. Ainsi mes chers parents ne devrions-nous pas renoncer pour l’instant ? Outre les visites occasionnelles de spécialistes, Robert ne me quitte pas un instant et pense de toutes ses forces à moi au lieu de penser à ses examens.

Affectueusement

F.

Elle répète pour elle-même : « Tout est engagé pour le mieux... » Elle se sent soulagée. Elle a eu peur pour rien. Elle tient entre ses mains la preuve que Franz va mieux. Elle dépose un baiser sur la feuille, comme avant lorsqu’elle embrassait le front de son frère quand il avait la fièvre. Elle repose la lettre au-dessus de la pile. Elle va pouvoir dormir et demain ses pressentiments ne seront plus qu’un simple mauvais souvenir.

Plus sur le livre sur pileface

Un peu plus sur Kafka


Kafka fait partie de notre panthéon
et nous avons suivi ses pas jusqu’à Prague, un voyage mémoriel dont nous avons rendu compte ICI dans le troisième volet d’un dossier que nous lui avons consacré

Cycle Kafka (III) - Autour de la Société Franz Kafka à Prague

Le mystérieux cavalier Franz Kafka à côté de la synagogue à Prague.
Il regarde d’en haut touristes et Pragois.

Nous avons aussi suivi et soutenu les publications de Laurent Margantin qui a consacré de nombreuses années à la traduction des journaux et divers textes de Kafka. En 2014, Laurent Margantin s’est lancé dans un projet que l’on pourrait qualifier de prométhéen : traduire les 1000 pages du Journal de Kafka. Traduire et non retraduire tant la version qu’il propose est différente de celle à laquelle les lecteurs français avaient alors accès (signée Marthe Robert), une version amendée par Max Brod, coupée, délestée de tout ce qui pouvait faire scandale (la fréquentation des bordels) ou paraissait extérieur à la pratique diaristique) comme le souligne Diacritik dans un bel article.

Dans un premier temps, ses traductions étaient en libre accès sur son site « Œuvres ouvertes » devenu par la suite « le journal de Kafka » jusqu’à ce que Laurent Margantin décide de publier ses traductions en version papier et ferme ses sites en accès libre. Six cahiers sur les onze prévus initialement sont aujourd’hui disponibles sur amazon.

Projet malheureusement interrompu dans son élan. Quelques beaux restes de ce projet demeurent sur pileface mais nous avons dû supprimer tous les liens à ses sites devenus obsolètes :

A titre d’exemple :

Journal de Kafka. Nouvelle traduction à partir du manuscrit

Franz Kafka, Les Dessins


Laurent Margantin présente ici son travail autour de Kafka (pileface, 12 Juillet 2019).

Sur la Métamorphose . Quant au récent « lynchage » du livre « La Métamorphose » nous vous invitons à (re)lire :

- Cycle Kafka (II). La Métamorphose » - Interview Yannick Hannel, partie du dossier évoqué plus haut et publié en 2018

- Relecture KAFKA : La Métamorphose. Par Alain Fleischer (2020)

Trouvé aussi ce dessin d’humour juif à la Société Franz Kafka à Prague


Kafka et Freud. Crédit Société Franz Kafka, Prague