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Vivre à hauteur d’inouï

François Jullien

D 3 mai 2019     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



L’inouï. Voilà, si je ne me trompe, au rythme éditorial et hivernal d’un, parfois deux livres par an, le trente-huitième essai de François Jullien, écrivain et philosophe qui travaille inlassablement, à l’écart, à interroger la philosophie (la métaphysique) occidentale, grecque essentiellement, à partir de son dehors, la langue-pensée chinoise, pour en dégager des ressources nouvelles pour la pensée et ce qu’il appelle « le vivre ». Jacques Henric lui pose quelques questions dans le numéro de mai d’art press et Adèle Van Reeth dans les chemins de la philosophie sur France Culture alors qu’un livre essentiel De l’Être au Vivre. Lexique euro-chinois de la pensée vient d’être réédité sous le titre La pensée chinoise — en vis-à-vis de la philosophie (folio essais 652).

L’inouï
Ou l’autre nom de ce si lassant réel
François Jullien

L’histoire que je raconte ici est celle de tout le monde…
Car qui ne s’est pas trouvé lassé, au fil des jours, du spectacle si merveilleux du ciel, ou du visage de l’Amante, et même d’abord d’être en vie ?
On s’en lasse parce qu’on n’en attend – on n’en entend – plus rien.
Ce qui s’étale, revient toujours, s’enlise en effet dans sa présence et dans sa récurrence et n’émerge plus, n’apparaît plus. On ne pourra y accéder qu’en découvrant ce qui s’en est enfoui d’in-ouï.
Non par dépassement dans un Au-delà, mais par débordement de notre expérience. _ C’est-à-dire en ouvrant une brèche dans ses cadres constitués et normés, libérant ainsi ce qui s’y révèle autre et qui se donne alors à rencontrer.
Aussi rendre ce si lassant réel à ce qu’il contient en soi d’inintégrable et donc de vertigineux, proprement inouï, est, en amont de toute morale, autour de quoi se jouent – basculent – nos existences.
L’inouï en devient ce concept premier, ce concept clé, ouvrant un minimum métaphysique où s’opère, ici et maintenant, un tel renversement.
Car que peut-on attendre d’autre – espérer entendre d’autre – que l’inouï ?

F.J.

LIRE LE PREMIER CHAPITRE : LA PLAGE, À L’AUBE : DÉCOUVREMENT

Grasset, janvier 2019

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art press 466, mai 2019.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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La suite de l’entretien dans art press 466

LIRE AUSSI : artpress2 n°46 « Philosophie de François Jullien »

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François Jullien © Chun-Yi Chang

Métier : philosophe

Les Chemins de la philosophie du vendredi vous emmènent chaque semaine à la rencontre de ceux qui ont fait de la philosophie leur métier.

La philosophie est-elle une vocation ? Comment viennent les idées ? Comment se fabrique un concept ? À quoi ressemble l’atelier du philosophe ? Et quel rôle le philosophe doit-il jouer dans la cité ?

L’invité du jour (3 mai) :

François Jullien, philosophe, helléniste et sinologue, professeur à l’université Paris-Diderot et titulaire de la Chaire sur l’altérité au Collège d’Etudes mondiales de la Fondation Maison des sciences de l’homme.

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La Chine, point d’écart par rapport à la langue grecque

La Chine n’est pas un choix en tant quel tel, c’est venu de mon rapport à la pensée grecque. Au départ je suis helléniste parce que ma rencontre, c’est celle de la langue grecque. Nous disons que nous sommes les héritiers des Grecs, mais que savons-nous de cet héritage ? J’ai fait le choix de la Chine non pas par amour mais pour trouver un point d’écart par rapport à la pensée grecque, pour interroger la philosophie du dehors.
François Jullien

Vivre un dépaysement de la pensée

Je suis allé en Chine pour vivre un dépaysement de la pensée : qu’arrive-t-il à la pensée quand elle sort de ses grands philosophèmes comme l’être, Dieu, la vérité, la liberté ? Comment pense-t-on ? Et puis quand on quitte la langue dans laquelle ces notions se sont articulées ? Et puis quand on ne peut plus remonter dans l’histoire des questions ? Vivre un décontenancement de la pensée en quittant l’Europe et en même temps revenir sur la pensée européenne pour l’interroger dans ce qu’elle n’interroge pas…
François Jullien

Un livre essentiel : De l’Être au Vivre. Lexique euro-chinois de la pensée qui vient d’être réédité sous le titre La pensée chinoise en vis-à-vis de la philosophie folio essais 652 (avril 2019).

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François Jullien : un chemin de traverse

La Conversation scientifique par Etienne Klein, 4 mai 2019.

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François Jullien est la superposition quantique d’un philosophe, d’un helléniste et d’un sinologue. En d’autres termes, dont je ne garantis pas qu’ils soient beaucoup plus clairs, sa vie intellectuelle pourrait se laisser représenter par un vecteur d’état très particulier au sein d’un espace de Hilbert peu fréquenté.

Car voilà un homme qui suit un chemin singulier, qui brouille inlassablement les lignes de démarcation, qui travaille surtout entre, entre telle discipline et telle autre, entre tel idiome et tel autre. On pourrait dire qu’il passe son temps à faire de la balançoire entre des pôles qui entretiennent en général d’intenses relations d’indifférence. Cela lui permet de déjouer la conjuration des habitudes de penser. Encore jeune normalien, il décidait de partir en Chine pour déranger la pensée européenne, pour la sortir de ses « rangements » matriciels et de l’ornière de ses questionnements.

Au fil des nombreux essais qui suivirent ce voyage inaugural, François Jullien a effectué toutes sortes de pas de côté. Il a continué de circuler entre l’Europe et la Chine, bien sûr, mais aussi entre la science et la philosophie, entre l’assigné et l’évasif, entre le temps des horloges et les temporalités de l’existence…

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L’an dernier François Jullien s’aventurait sur un chemin inattendu et publiait...

Ressources du christianisme
François Jullien

L’Europe est en malaise de ne plus savoir que faire, aujourd’hui, du christianisme.
Or, si nous évitons la question du christianisme, c’est, je crois, que le clivage entre « celui qui croyait au ciel » et « celui qui n’y croyait pas » n’est plus pertinent.
Aussi aborderai-je le christianisme à titre de ressources. Celles-ci sont, disponibles, à qui les explore et les exploite. À titre de ressources : l’écart des langues et des Evangiles ouvrant un entre réflexif ; qu’un événement soit possible et qu’il soit la vie même ; qu’il faille désadhérer du vital pour accéder à l’originairement vivant ; que Dieu Père dé-coïncide en son Fils pour s’activer en Dieu ; ou qu’il faille se tenir hors du monde pour rencontrer l’Autre…
Une reconfiguration radicale de la vérité.
Sans y entrer par la foi, on suivra, dans Jean, des filons féconds d’une pensée de l’existence.
Pourquoi s’en priver ?

« Vous vous demanderez pourquoi je m’oc­cupe aujourd’hui de cela : du « christia­nisme ». Qu’a-t-on encore à en faire ? Or je crois qu’il y a importance aujourd’hui à s’en occuper : à ne pas éviter la question du chris­tianisme. Non pour des raisons d’identité culturelle (l’Europe est-elle « chrétienne » ?), mais pour des raisons de fécondité culturelle et, plus précisément, en ce qui nous concerne, de fécondité pour la philosophie. Car il faut, après le temps de sa domination, puis celui de sa dénonciation, aujourd’hui de sa relégation, dresser le bilan de ce que le christianisme a fait advenir dans la pensée. »

Le livre reprenait une conférence prononcée à la BnF le 23 mars 2016.

Philosophie du christianisme

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Éclairer l’Évangile, jusqu’au seuil de la foi

La relecture de l’Évangile de Jean permet au philosophe François Jullien de montrer, « sans y entrer par la foi », combien le christianisme est toujours une « ressource » féconde pour connaître « la vérité qui fait vivre ».

Le titre de ce petit livre n’est pas trompeur. Et si François Jullien ne précisait, dès son introduction, qu’il entend « dresser le bilan de ce que le christianisme a fait advenir dans la pensée » sans, pour autant, «  y entrer par la foi  », le chrétien pourrait y lire une quasi-apologie de sa religion. Car la relecture philosophique de l’Évangile de Jean permet à l’éminent helléniste et sinologue, auteur d’une quarantaine de livres traduits dans plus de vingt-cinq langues, de démontrer combien le christianisme originel nous offre d’abord, entre autres bienfaits, la possibilité de ne pas confondre «  psuché », le simple fait d’être vivant, avec « zôé », la vie délivrée de son enlisement dans le monde.

La capacité éthique de se tenir près de l’Autre

En réalité, Ressources du christianisme est la « reprise » d’une conférence donnée, au printemps 2016, à la Bibliothèque nationale (Paris) et à l’Université catholique de Lyon. L’écriture de François Jullien y est pourtant particulièrement précise, et souvent poétique. Est-ce l’influence du grec de saint Jean, que l’auteur retraduit parfois au plus près du sens original ? Est-ce la rigueur de son exégèse du texte biblique, qui l’amène ainsi à tracer l’épure de l’Évangile  ? Quoi qu’il en soit, la lecture de ces quelque cent vingt pages de petit format doit se faire presque ligne à ligne, afin de bien suivre une pensée qui creuse jusqu’à la limite le sens des versets cruciaux de Jean, lequel « radicalise », selon le philosophe, « le message du Christ  » et son « exigence d’universel ».

Alors, le feu d’artifice (une invention chinoise…) des « ressources du christianisme » est éblouissant. Citons trois leçons essentielles que François Jullien laisse fuser, parmi tant d’autres, de l’Évangile. Premièrement, que Jésus dit cet « inouï de l’événement qu’est la vie en tant qu’elle est vivante » et « fait éclater (ainsi) jusqu’à la plus tenace évidence  : que la mort est mort  ». Deuxièmement, que «  croire en n’est pas crédule, mais confiant », à la différence de « croire à », et que « le témoignage » de «  la vérité du christianisme  » permet de « se tenir hors de ce monde enfermé dans ses rapports de force et, ne coïncidant plus avec lui, de proprement ex-ister ». Troisièmement, en écho explicite de Levinas, qu’il faut cultiver « la capacité éthique de se tenir près de l’Autre ou, comme le dit encore plus radicalement Jean, à se tenir en l’Autre »…

Un avenir nouveau

Il faudrait pouvoir rendre compte de nombreuses autres fulgurances du philosophe  : sur l’amour (agapé), « dont l’Évangile a promu un sens radicalement nouveau, comme vecteur de l’intime  », ou aussi sur «  la vérité qui fait vivre », ou encore sur cet «  advenir » christique qui ouvre « un avenir qui n’est pas déjà contenu dans ce qui l’a précédé »… Car la lecture de Ressources du christianisme démontre, à chaque page, combien la parole de Jésus « rompt avec tout ce qui a été dit par le passé, brise le sempiternel ressassement de la parole et défie toute inféodation de la pensée ». Rien de moins.

Antoine Peillon, La Croix du 29 mars 2018.

Critiques : Livres Hebdo - Philosophie Magazine - Le lorgnon mélancolique - Revue Etudes - Le Journal de la philo.

Croire ou ne pas croire, une question obsolète ?

Mardi des Bernardins, 2 octobre 2018.

Un débat pour éclairer, par la confrontation des pensées singulières de Rémi Brague et François Jullien, la question des apports de la religion.

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François JULLIEN sur Pileface

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