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Alain Mabanckou refuse de participer au projet Langue française & Francophonie de Macron. Pourquoi ?

LETTRE OUVERTE ACERBE À EMMANUEL MACRON.

D 20 janvier 2018     A par Viktor Kirtov - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


L’écrivaine franco-marocaine LEILA SLIMANI, qui a obtenu le prix Goncourt 2016, a été nommée le 11 novembre 2017 « représentante personnelle » d’Emmanuel Macron à la Francophonie.

Leïla Slimani avec Emmanuel Macron pour faire du français la deuxième langue du monde.
Voir ICI

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Le président de la République a proposé à ALAIN MABANCKOU de collaborer avec Leïla Slimani pour « contribuer aux travaux de réflexion autour de la langue française et de la francophonie ». L’auteur de Verre cassé répond dans une lettre ouverte publiée sur BibliObs le 15 janvier 2018. Il explique pourquoi il décline et tacle Emmanuel Macron.

Alain Mabanckou s’était retrouvé au cœur de l’organisation de l’événement Francfort en français, qui voyait la France invitée d’honneur de la Foire du Livre de Francfort en octobre dernier. Mais il garde un souvenir amer du discours du président Macron prononcé à cette occasion : le président n’a cité « aucun auteur d’expression française venu d’ailleurs », se concentrant sur Goethe et Nerval.

Il n’a pas du tout apprécié, non plus, le discours d’Emmanuel Macron à l’université de Ouagadougou le 28 novembre 2017. Réponse cinglante !

Un faux pas d’Emmanuel Macron ? Ainsi, ne vole-t-il pas que de victoire en victoire !
Dommage pour la francophonie, Alain Mabanckou, né à Pointe-Noire (République du Congo) – - en Afrique donc, le continent montant de la francophonie -, qui enseigne à l’université UCLA à Los Angeles, avait bien la stature francophone et internationale pour la représenter.au mieux.

V.K.


ALAIN MABANCKOU : LETTRE OUVERTE À EMMANUEL MACRON

Monsieur le Président,

Dans votre discours du 28 novembre à l’université de Ouagadougou, puis dans un courrier officiel que vous m’avez adressé le 13 décembre, vous m’avez proposé de « contribuer aux travaux de réflexion que vous souhaitez engager autour de la langue française et de la Francophonie. »

Au XIXème siècle, lorsque le mot « francophonie » avait été conçu par le géographe Onésime Reclus, il s’agissait alors, dans son esprit, de créer un ensemble plus vaste, pour ne pas dire de se lancer dans une véritable expansion coloniale. D’ailleurs, dans son ouvrage « Lâchons l’Asie, prenons l’Afrique » (1904), dans le dessein de « pérenniser » la grandeur de la France il se posait deux questions fondamentales : « Où renaître ? Comment durer ? »
Qu’est-ce qui a changé de nos jours ? La Francophonie est malheureusement encore perçue comme la continuation de la politique étrangère de la France dans ses anciennes colonies. Repenser la Francophonie ce n’est pas seulement « protéger » la langue française qui, du reste n’est pas du tout menacée comme on a tendance à le proclamer dans un élan d’auto-flagellation propre à la France. La culture et la langue françaises gardent leur prestige sur le plan mondial.

Les meilleurs spécialistes de la littérature française du Moyen-Âge sont américains. Les étudiants d’Amérique du Nord sont plus sensibilisés aux lettres francophones que leurs camarades français. La plupart des universités américaines créent et financent sans l’aide de la France des départements de littérature française et d’études francophones. Les écrivains qui ne sont pas nés en France et qui écrivent en français sont pour la plupart traduits en anglais : Ahmadou Kourouma, Anna Moï, Boualem Sansal, Tierno Monénembo, Abdourahman Waberi, Ken Bugul, Véronique Tadjo, Tahar Ben Jelloun, Aminata Sow Fall, Mariama Bâ, etc. La littérature française ne peut plus se contenter de la définition étriquée qui, à la longue, a fini par la marginaliser alors même que ses tentacules ne cessent de croître grâce à l’émergence d’un imaginaire-monde en français.

Tous les deux, nous avions eu à cet effet un échange à la Foire du livre de Francfort en octobre dernier, et je vous avais signifié publiquement mon désaccord quant à votre discours d’ouverture dans lequel vous n’aviez cité aucun auteur d’expression française venu d’ailleurs, vous contentant de porter au pinacle Goethe et Gérard de Nerval et d’affirmer que « l’Allemagne accueillait la France et la Francophonie », comme si la France n’était pas un pays francophone !

Dois-je rappeler aussi que le grand reproche qu’on adresse à la Francophonie « institutionnelle » est qu’elle n’a jamais pointé du doigt en Afrique les régimes autocratiques, les élections truquées, le manque de liberté d’expression, tout cela orchestré par des monarques qui s’expriment et assujettissent leurs populations en français ? Ces despotes s’accrochent au pouvoir en bidouillant les constitutions (rédigées en français) sans pour autant susciter l’indignation de tous les gouvernements qui ont précédé votre arrivée à la tête de l’Etat.

Il est certes louable de faire un discours à Ouagadougou à la jeunesse africaine, mais il serait utile, Monsieur le Président, que vous prouviez à ces jeunes gens que vous êtes d’une autre génération, que vous avez tourné la page et qu’ils ont droit, ici et maintenant, à ce que la langue française couve de plus beau, de plus noble et d’inaliénable : la liberté.

Par conséquent, et en raison de ces tares que charrie la Francophonie actuelle – en particulier les accointances avec les dirigeants des républiques bananières qui décapitent les rêves de la jeunesse africaine –, j’ai le regret, tout en vous priant d’agréer l’expression de ma haute considération, de vous signifier, Monsieur le Président, que je ne participerai pas à ce projet.


Alain Mabanckou

Santa Monica, le 15 janvier 2018

Alain Mabanckou, bio express

Né en 1966 à Pointe-Noire (République du Congo), Alain Mabanckou est notamment l’auteur de « Verre cassé », « Mémoires de Porc-Epic » (prix Renaudot 2006) ou encore « Lumières de Pointe-Noire ». Il enseigne à l’université UCLA, à Los Angeles, et a occupé en 2016 la chaire annuelle de création artistique au Collège de France.

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Crédit : BibliObs

Sur le thème de la francophonie on peut aussi lire :
"Francophonie, des paroles et des actes" ICI

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Macron à Ouagadougou : « ...Il est parti réparer la clim »

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2 Messages

  • Viktor Kirtov | 26 février 2018 - 07:46 1

    UNE FRANCOPHONIE EN PANNE
    Les colonisés ne sont pas ceux que l’on pense


    Christian Rioux
    23 février 2018
    CHRONIQUE
    www.ledevoir.com (Québec)

    Il y a un mois, on apprenait que le théâtre Le Tarmac allait fermer ses portes. La petite scène du boulevard Gambetta, dans l’Est parisien, est pourtant la seule en France, et ailleurs dans le monde, dont la vocation est essentiellement tournée vers la Francophonie. C’est là que de jeunes artistes québécois ont pu entrer en contact avec des troupes africaines, des auteurs libanais ou des metteurs en scène palestiniens, nous expliquait récemment un jeune dramaturge québécois.

    Ce fait divers passé inaperçu ne serait pas si grave s’il n’était l’illustration du désarroi dans lequel se trouve la Francophonie. Elle est loin, l’époque où le Québec et la France frappaient à la porte de l’UNESCO pour faire adopter une convention sur la protection de la diversité culturelle. Loin l’époque où les premiers ministres français et québécois faisaient une mission commune au Mexique. Encore plus loin l’époque où des artistes africains, français et québécois attiraient les foules sur les plaines d’Abraham.

    Depuis au moins deux décennies, on avait rarement vu la Francophonie dans un tel état d’abandon. Ce n’est pourtant pas faute de locuteurs puisque ceux-ci sont en recrudescence un peu partout dans le monde. En Afrique, dont le décollage économique n’est peut-être pas si éloigné, on se bouscule en effet pour apprendre notre langue. À Madagascar et au Togo, on manque cruellement de maîtres francophones. À Lomé, l’université accueille des fonctionnaires et des hommes d’affaires du Nigeria qui veulent commercer avec l’Afrique francophone. Même à Madrid, à Londres et à Rome, il est souvent plus facile pour un journaliste de faire des entrevues en français qu’à Toronto.

    Alors, où est le problème ? Certains s’inquiètent des relents coloniaux qui subsisteraient dans la Francophonie. Ils ont raison. Pourtant, les colonisés ne sont pas ceux que l’on croit. Ces colonisés, on les retrouve plutôt sur le Plateau-Mont-Royal et à Saint-Germain-des-Prés. Ils ne se baladent ni en boubou ni en sandales. Non, ils écoutent plutôt les rengaines anglicisées de Dead Obies et ne jurent que par la presse américaine quand ils n’affichent pas fièrement leur soumission à l’anglais en écrivant sur la tour Eiffel « made for sharing ».

    Alors que le Québec et les élites françaises s’anglicisent dans l’indifférence, on ne s’étonnera pas que la Francophonie soit mal en point. L’ancien secrétaire général de l’OIF Abdou Diouf le savait, lui qui remettait régulièrement la France devant ses responsabilités. Son successeur n’a ni ce pouvoir ni cette volonté. Or « la France est le pays francophone qui a le plus laissé de côté la Francophonie », rappelait récemment la Française Marie-Béatrice Levaux, de l’influent Conseil économique, social et environnemental.

    La crise interne qui déchire l’Organisation internationale de la Francophonie n’est qu’un symptôme de ce malaise plus profond. Le froid est tel avec l’Élysée que, dans son discours-fleuve de Ouagadougou en novembre dernier, le président Emmanuel Macron n’a pas même mentionné l’OIF et sa secrétaire générale, Michaëlle Jean. Un véritable camouflet.

    Qui pouvait s’imaginer qu’une ancienne représentante de la reine d’Angleterre couronnée par un François Hollande à bout de souffle contre une partie de l’Afrique pouvait relancer la Francophonie ? Ajoutons-y les révélations duJournal de Montréalsur son train de vie (lui aussi d’inspiration coloniale) et le vase est plein. Tout cela, alors que la secrétaire générale avait hérité d’une organisation qui n’était peut-être pas une Formule 1, mais qui était en ordre de marche.

    Pour peu que l’on veuille bien sortir des clichés, les chantiers sont immenses. C’est ce qu’a révélé la conférence organisée récemment à Paris par l’Institut français. Un peu partout en France, les propositions fusent. On sent que l’on s’active en préparation de l’important discours que doit prononcer Emmanuel Macron le 20mars prochain. Serions-nous à l’aube d’un réveil ? Rien n’interdit de le penser. Après s’être demandé s’il existait « une culture française », voilà le président qui prophétise que le français pourrait être demain « la première langue du monde ». On n’en demandait pas tant !

    Entre les deux, n’y aurait-il pas place pour un engagement ferme et déterminé de la France ? L’idée de recentrer enfin la Francophonie sur ses missions premières que sont l’éducation, la culture et la langue paraît aujourd’hui une évidence. À l’heure de Netflix, la Francophonie a notamment oublié qu’elle avait entre les mains la seule chaîne de télévision du monde véritablement internationale, TV5.

    Mais le défi est aussi chez nous. En effet, comment les Africains pourraient-ils croire aux discours québécois sur l’avenir du français alors que, lorsqu’ils immigrent au Québec, on les accueille par un « bonjour/hi » ? Comment croiront-ils aux discours français si, à l’heure où le Royaume-Uni s’en va, la France n’est même pas capable de faire respecter sa langue dans l’Union européenne ?

    Il ne s’agit pas de faire la danse du ventre en prétendant « déringardiser le français », mais de cesser de plier l’échine devant une mondialisation qui veut nous imposer sa langue, sa morale et sa culture.


  • Viktor Kirtov | 16 février 2018 - 09:25 2

    Kinshasa capitale de la francophonie ? C’est le scénario le plus probable pour 2050. Selon les données de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), la République Démocratique du Congo pourrait devenir à cette date le plus gros pays francophone, et l’Afrique concentrer 85% des locuteurs de la langue de Molière.

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    VIDEO : « La question du jour » TF1, 14/02/2018

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    Emmanuel Macron souhaite dépoussiérer l’image de la francophonie, tant en France qu’à l’étranger.

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    Comment dépoussiérer l’image de la francophonie, tant en France qu’à l’étranger ? Le président Emmanuel Macron présentera un « grand plan » pour le développement du français le 20 mars.
    Il s’appuiera notamment sur une plate-forme Internet, www.monideepourlefrancais.fr lancée mi janvier, destinée à recueillir toutes les idées sur le sujet.