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Tel Quel fait sa pub...

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D 12 juin 2006     A par D. Brouttelande - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


1981, rayons de la FNAC. On a encore de la place pour présenter de vieilles éditions. Un jeune client fouille dans les rayons. Il vient de découvrir Sollers et achète l’Intermédiaire, édition de début 1963. Dix-huit ans après ! A l’intérieur, une feuille de pub d’époque pour la revue Tel Quel qui n’a alors que deux ans : la rédaction de Tel Quel y présente son "produit" selon les canons marketing de la revue et du temps... Un petit morceau d’anthologie !
V. K..

L’avenir est à eux

ORTF, 6 avril 1963.

Dans la cour des Editions du Seuil, rue Jacob, des membres du groupe Tel Quel évoquent leur situation littéraire, leurs projets et leurs intentions ; les écrivains qu’ils haïssent, et ceux qu’ils admirent : Ponge, Paulhan, Bataille et Alain Robbe-Grillet. Portrait de famille des membres dans la cour : Michel Maxence, Jean Ricardou, Jean Louis Baudry, Jean Thibaudeau, Marcellin Pleynet et Philippe Sollers (06min 50s).

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Collection D. Brouttelande


La situation de Tel Quel en 1962

La revue Tel Quel (trimestrielle) a débuté le premier trimestre 1960 et le secrétariat général en a été confié à Jean-Edern Hallier, le seul dispensé de service militaire, suite à la perte d’un oeil dans son enfance. Fin 1962, date de référence du tract publicitaire ci-dessus, quelle est la situation de Tel Quel ? Philippe Forest nous le dit dans son « Histoire de Tel Quel » (1960-1982), Seuil, 1995 :

Le Gouvernement Hallier en question

Comme Philippe Sollers, mais pour des raisons fort différentes, Jean-Edern Hallier semble, en 1962, traverser une passe très difficile. Menant une vie peu réglée, il met à rude épreuve un équilibre physique et nerveux déjà précaire. Faisant preuve de peu de discipline dans sa propre existence, il en met moins encore dans la gestion d’une revue à l’intérieur de laquelle, en l’absence de Sollers, il exerce bientôt tous les pouvoirs.

Dès décembre 1960, dans une lettre adressée à Boisrouvray, Sollers exprimait son impatience devant la désorganisation du comité. Seule la perspective de son départ prochain pour l’armée le dissuadait de demander à Paul Flamand d’assurer en son nom propre la direction de Tel Quel
.
Le témoignage de Hallier, dans Je rends heureux, rejoint celui de Sollers : « Nos conflits intellectuels étaient d’autant plus violents qu’ils n’étaient que les déguisements de nos ambitions nues — cette avidité insatiable, dont tout nous servait de prétexte. Les comités duraient des heures, se prolongeaient tard dans la nuit, s’achevaient même parfois à l’aube en des compromis de lassitude au Pied de Cochon sagesse de l’épuisement ... Nous votions le sommaire — et son ordre hiérarchique s’établissait en des négociations au couteau. Le hit-parade de nos engouements, c’était le résultat d’âpres calculs — selon l’équilibre des forces de l’édition parisienne, et la montée de notre influence dans la presse. »

Lorsque, remis de ses épreuves militaires, il revient à Paris, Sollers peut constater que, malgré les renouvellements opérés, la situation au sein du comité n’a fait qu’empirer. L’auteur de « Background » a, on s’en doute, des raisons personnelles de souhaiter le départ de Hallier mais il peut également constater que ce dernier est parvenu progressivement à faire presque l’unanimité contre lui. Fin 1962, la fiction d’une « démocratie littéraire » régnant à Tel Quel a depuis longtemps volé en éclats. Pour faire « tourner » la revue, en l’absence de Sollers, au sein d’un comité privé de toute consistance par la défection des uns et l’exclusion des autres, Hallier a pris en main le destin de Tel Quel La qualité des numéros offerts aux lecteurs prouve qu’il a su s’acquitter de cette tâche. Il n’en reste pas moins que la plupart de ceux qui participent à l’entreprise ont le sentiment que la revue va à vau-l’eau. La manière à la fois désinvolte et tyrannique dont Hallier mène Tel Quel suscite un mécontentement général. Au lieu d’exécuter les décisions prises par le groupe et de représenter celui-ci, le secrétaire dissimule des textes envoyés au comité, il refuse de révéler l’identité véritable de certains auteurs, a tendance à composer maintenant les sommaires à sa guise et se montre incapable de la rigueur minimale que nécessite une entreprise éditoriale. Tout se passe comme si, multipliant les extravagances, les mouvements d’humeur et les provocations, Hallier cherchait à voir jusqu’où il était possible pour lui d’aller trop loin. Une « reprise en main » de la revue semble ainsi nécessaire dont certains membres du comité — Sollers, Ricardou et Thibaudeau, notamment — imaginent mal qu’elle puisse avoir lieu sans l’éviction de l’actuel secrétaire général. Le 19 décembre 1962 doit se tenir une réunion où se décidera sur quelles bases saines doit repartir Tel Quel
A la demande de Philippe Sollers, qui tient à ce que la réunion ne dégénère pas et qu’elle débouche sur des décisions concrètes, Paul flamand, usant d’un droit prévu dans le contrat, assiste au comité. Le compte rendu établi à l’issue de celui-ci n’est guère plus qu’une reprise des principes contenus dans la charte intérieure de Tel Quel . En une proclamation quelque peu solennelle, le comité commence par réaffirmer sa souveraineté, puis il précise à nouveau les règles qui doivent présider au fonctionnement interne de la revue et à l’établissement de ses sommaires. Que ces règles doivent ainsi être rappelées indique assez à quel point elles étaient devenues « lettre morte ». Depuis la préparation du quatrième numéro, au mépris de toutes les conventions et en raison des circonstances évoquées plus haut, Jean-Edern Hallier exerce un pouvoir de fait sur Tel Quel Aux yeux des membres du comité, l’heure semble être venue de corriger cette « dérive » vers un « présidentialisme autoritaire », d’en revenir à un « régime d’assemblée », bref de rétablir, au sein de la revue, un certain fonctionnement démocratique. Les choses paraissent un moment reprendre leur cours normal. En présence de Paul Flamand qui « souhaite à Tel Quel une année de bonne harmonie et de travail », une réunion du comité se tient paisiblement le 9 janvier 1963. Il semble cependant que Jean-Edern Hallier ne se soit pas résolu à la perte effective de l’essentiel de son pouvoir. Contre tous les autres membres de la revue, le secrétaire général entend conserver la direction de Tel Quel. Visiblement affecté par cette affaire, il est nerveusement à bout et ne supporte pas que la préparation du prochain numéro lui échappe. Les choses prennent rapidement un tour ubuesque. Pour se prémunir contre toute éventuelle manipulation opérée par le secrétaire général et tout retrait subreptice d’un texte, les membres du comité font circuler entre eux un troisième jeu d’épreuves dont ils dissimulent l’existence à Hallier.

Le 31 janvier, la mesure étant amplement dépassée, la décision est prise de « renverser » Hallier. Une lettre lui est adressée signée par tous les membres du comité, à l’exception de Renaud Matignon, qui, fort éloigné de toutes ces intrigues et assez indifférent au sort de Tel Quel, a conservé sa confiance à son ancien camarade d’école. Jointe à la lettre, la note suivante relève Hallier de ses fonctions :

Les membres soussignés constatent que les décisions prises par le comité souverain ont été régulièrement contestées par le secrétaire général actuel qui pourtant avait la fonction définie de représenter cette souveraineté. Le travail commun s’en trouve perturbé, l’avenir de la revue compromis. Ils estiment donc qu’il est nécessaire de procéder à l’élection d’un nouveau représentant dès le comité du 6 février. Ils proposeront quant à eux Marcelin Pleynet comme secrétaire de rédaction.

C’est alors que va se dérouler l’épisode du « voyage en Suisse, » où une délégation de Tel Quel se rendra pour expliquer la situation à l’intéressé et au Général Hallier son père, venu à la rescousse. La rencontre Sollers-Général Hallier fera des étincelles... (suite dans un prochain article)

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2 Messages

  • A.G. | 2 février 2014 - 22:39 1

    Archives — 6 avril 1963. Des membres du groupe Tel Quel, Michel Maxence, Jean Ricardou, Jean Louis Baudry, Jean Thibaudeau, Marcelin Pleynet et Philippe Sollers, évoquent face à Jean Prasteau leur situation littéraire, leurs projets et leurs intentions ; les écrivains qu’ils haïssent, et ceux qu’ils admirent. Voir la vidéo de l’INA au début de cet article.


  • A.G. | 27 septembre 2009 - 18:17 2

    En décembre 1972, Jean-Edern Hallier publie La cause des peuples, livre dans lequel il revient à sa manière sur les débuts de Tel Quel dont Philippe Forest fait le récit ci-dessus. Le livre d’Hallier est encensé par la presse, toutes tendances confondues.
    _ Tel Quel réplique dans Le Monde du 28 décembre 1972 et dans Le Magazine littéraire de janvier 1973. Au centre de la polémique : la question de la guerre d’Algérie. Voici ces deux documents d’archives.

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    ZOOM : cliquer sur l’image

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    En février 1973 Tel Quel, dans son numéro 53, revient plus longuement sur le livre d’Hallier avec un article de Jean-Louis Houdebine intitulé La cause des peuples ? et sous titrée D’extrême gauche en apparence, d’extrême droite en réalité. Il est amusant — et intéressant historiquement — de voir que le personnage politique pris pour cible par Houdebine au début de son article n’est autre que Jean-Pierre Chevènement, le même Chevènement qui fera l’objet de l’ironie de Sollers, en 1999, vingt-sept ans plus tard, à la fin de son article sur La France moisie.
    _ Voici ce qu’écrivait Houdebine dans Tel Quel :
    _ « Prudent, M. Jean-Edern Hallier avait cru bon d’orner la couverture de son livre récent, intitulé sans doute par anti-phrase la Cause des peuples, d’une " revue de presse imaginaire " : les formulations en apparaissent bien pâles, au regard des articles de presse, bien réels ceux-là, dont chacun a pu en effet composer l’anthologie ces dernières semaines. Embrassade générale : le Figaro, l’Express, le Nouvel Observateur, Politique-Hebdo, et j’en passe. Que n’a-t-on pas lu !
    _ La palme revient, en l’occurrence, au Nouvel Observateur dont le numéro 425 (du 30-12-72 au 7-1-73) s’ouvre sur on article de M. Chevènement, qui vante la nouvelle union économique (de la gauche (?)), et s’achève sur une apologie du livre de M. Hallier, signée du même M. Chevènement. Voilà une coïncidence qui mérite réflexion. Car M. Chevènement n’est pas le premier venu : membre du secrétariat de la social-démocratie française, " énarque " comme quelques autres du même tabac, il s’y connaît en chiffres, opérations financières, etc. Le peuple ? On le fera voter ; entre-temps, il pourra contrôler la " gestion des outils de production " ; pour le reste, il travaillera : dur, de préférence, car tout repose dans la nouvelle union économique, comme d’ailleurs dans la vieille, sur l’expansion de la production. Quant à la conduite politique et idéologique de ce beau dispositif, M. Chevènement et ses acolytes s’en chargent. M. Hallier aussi : car la technocratie, c’est bien ; mais ça n’exclut pas les « sentiments » ; et c’est précisément chez l’étrange gauchiste Hallier que Chevènement s’en va chercher les sentiments dont il a besoin pour sa politique chiffrée. C’est " splendide ", s’écrie M. Chevènement lisant M. Hallier : " La politique est affaire de sentiments, sinon elle n’est rien. " Pardi ! Ce n’est surtout pas de penser que le peuple a besoin : M. Chevènement est là pour ça ; c’est de sentir : à toi, Jean-Edern (comme dit M. Chevènement quand il n’en peut plus d’enthousiasme) ! »

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