Enfin le royaume
Quatrains
Editions Gallimard
ISBN 9782072767456
Parution : 08-02-2018
Forme brève, mais moins abrupte que le haïku, le quatrain ne s’en tient pas au lapidaire, il sait donner du rythme à la pensée, à l’émotion, à la surprise, il sait initier un questionnement, amorcer une méditation, esquisser un chant.
À la suite des poètes chinois des origines, mais aussi d’Omar Khayyâm et d’Emily Dickinson, François Cheng atteste ici du pouvoir singulier de ce mode d’expression resserré, pourtant si peu enclos, si ouvert aux résonances, aux errances fertiles, voire à une manière salutaire d’envoûtement simple.



François Busnel reçoit François Cheng
La grande librairie, 22 février 2018.
François Busnel reçoit François Cheng, académicien et poète, à propos de « Enfin le royaume », recueil à la gloire du quatrain. A ses côtés, le psychiatre et psychothérapeute Christophe André, qui publie « La vie intérieure », une compilation de chroniques autour de la connaissance de soi. Le philosophe Robert Maggiori et Charlotte Casiraghi présentent leur ouvrage à quatre mains, fruit de leurs échanges : « Archipel des passions ».

Le roi Cheng
"À mesure que j’avance en âge, je reviens à cette forme essentielle qu’est le quatrain. Le quatrain a ceci de spécial : c’est la forme la plus concentrée, mais il a un contenu très complexe. C’est un diamant qui irradie dans tous les sens." François Cheng
Né en Chine, arrivé en France à 18 ans, passionné de littérature française sans en connaître la langue, il va apprivoiser le français, et apprendre à exister comme le narrateur du Dit de Tianyi. Solitaire intempestif avant de faire communauté autour des mots et de la pensée, avec Roland Barthes, Julia Kristeva, et tant d’autres, il enseigne, traduit nos classiques en chinois, de Victor Hugo à René Char, et entre en littérature, corps et âme. Et de l’âme, il écrit : « Ton âme, tu la sais sans la voir, mais tu vois / Celle d’un autre quand il s’émeut ou se confie. / Miracle des regards croisés, fenêtre ouverte : / Voyant l’âme de l’autre, tu vois la tienne propre. »
Il s’agit là d’un extrait de ce nouveau recueil Enfin Le Royaume chez Gallimard. Un recueil de quatrains où il explore le sens de la vie, esquisse un chant.
Il est également l’auteur de trois méditations sur la beauté (2006), sur la mort (2013) et sur l’âme (2016) réunies aujourd’hui dans un coffret, chez Albin Michel
"Grâce à la poésie, notre existence, au lieu d’être une clôture étouffante, rejoint l’ouvert." François Cheng

L’exil et le royaume
François Cheng, quoiqu’ayant obtenu sa naturalisation en 1971, n’est pas toujours perçu comme Français mais « Chinois ». Néanmoins, son entrée à l’Académie française l’a renforcé dans cette racine d’adoption. Il l’a fait sienne et l’évoque dans un de ses quatrains : « Nous voici, réunis, non au pays / de notre lointaine naissance / Notre lieu, notre heure sont là où / naît la nouvelle advenance ». D’autant qu’il a trouvé dans la langue française une précision et une capacité d’analyse qui lui ont permis un hymen entre ses deux cultures et une métamorphose.
De ses racines premières il a conservé et entretenu l’idée du « Souffle-Esprit » à la base de sa conception unitaire et organique de toutes les entités vivantes, les reliant en un gigantesque réseau en marche et en transformation appelée Tao (Voie). Ses quatrains sont animés de ce souffle primordial, de cette résonance « divine » ou « ardore » qui ne cherche pas l’effet mais la lumière intérieure. Ils évoquent parfois la douleur mais surtout la communion avec le vivant et l’affirmation d’une irrépressible communion avec le monde.
Chaque texte est habité d’un rythme incantatoire. Mais il ne se perd pas dans le lyrisme affecté. Cheng y unifie le double royaume des vivants et des morts. La fin de l’être elle-même donne sens au vivant et oblige aux dépassements. C’est pourquoi le poète parle d’un « événement-avènement ». D’autant qu’il a épousé la voie christique qui selon lui donne « une réponse radicale au problème du mal absolu et du bien absolu. L’humain rejoint le divin, et le visage de l’homme s’en trouve transfiguré. »
En son nom et celui du Tao, au milieu de « l’immonde de notre nuit/trouée de mille cris » et en écho aux souffrances des exilés « s’ouvre à nouveau la Voie qui du Rien/Avait fait naître le Tout, où la Vie/Vécue se découvre en neuve partance ». Si bien que là où tout finit, tout commence pour celui qui donne une scansion particulière à l’émotion, et la méditation.
Sans partager la foi du poète, il est possible d’en apprécier la langue et ses envoûtements. Chacun peut y puiser ce qu’il vient y chercher au sein d’un « fascinus » aussi minuscule que cosmique. Il peut satisfaire avec une autre piété que celle du poète la crue « religieuse » de l’existence et une forme de paix. Le poète refuse les rages humaines de ceux qui, au nom de leur lumière, éteignent les feux qui ne sont pas les leurs avec des incendies.
Face à eux, Cheng préfère la bienveillance. Le dionysiaque s’efface au profit d’un hymne à la sérénité en marche.
jean-paul gavard-perret, lelitteraire.com
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deux quatrains, deux tercets
https://www.youtube.com/watch?v=XNt7EcucljI
François Busnel reçoit François Cheng. La grande librairie, 22 février 2018. VOIR ICI.