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Déambulation en compagnie de Jean-Hugues Larché, De Kooning, Soutine et les autres

D 15 mai 2020     A par Viktor Kirtov - Jean-Hugues Larché - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Il y avait longtemps que nous n’avions pas eu de nouvelles de Jean-Hugues Larché dans la Tribune libre :

Cher Victor,voici le lien de deux émissions de radio le 13 et le 14 mars de ’Lectothèque’ la première où je reviens sur mon parcours avec une lecture du ’Rire de De Kooning’, puis la seconde où je fais une visite de ma bibliothèque et une lecture du début de mon nouveau texte ’Danse avec Soutine".
Vous pouvez bien évidemment découper les extraits de ces émissions si vous le souhaitez.

Je vous adresse toute mon amitié. Jean-Hugues

Lectothèque [La tête dans les bouquins] est une émission littéraire diffusée sur la Radio Paul Bert, qui se fait l’écho de la vie locale Bordelaise. Pas de vedettariat ici, l’animatrice se présente par son seul prénom : Delphine. (Peut-être Delphine Devil ?) que l’on nommera ci-après : Delphine de Lectothèque. Elle est enjouée, empathique avec son invité, et ponctue régulièrement ses interventions par des éclats de rire jubilatoires communicatifs.. Le ton est bon enfant, non académique, naturel – en langage parlé, spontané sans le carcan de la forme - comme une conversation entre amis qu’un micro caché aurait captée.

Avant de nous immiscer dans la confidence, rappelons le contexte qui nous a conduit à nous intéresser à Jean-Hugues Larché que l’on pourrait qualifier d’honnête homme du XXIe siècle, hors de la Société du Spectacle, qui vit pour l’être et l’action et non pour le paraître :

Nous avions donné un écho à son texte le ‘Rire de De Kooning
Sollers avait accueilli Jean-Hugues Larché dans les colonnes de sa revue L’Infini N° 128 pour ce même texte.

J-H. Larché a aussi réalisé deux documents audio-visuels autour de Sollers :-
- un DVD « Nietzsche, miracle français par Phlippe Sollers », DVD repris dans le CD « Ecoute de Nietzsche »
- un CD « Déroulement du Dao / La Chine dans les romans de Philippe Sollers »

Nous avions aussi salué sa participation à l’aventure éditoriale flamboyante, de feu la revue littéraire Sprezzatura : ICI er LA (Le troisième œil)

« Sprezzatura, c’est l’évidence italienne dans toute la splendeur du libertinage vénitien, par exemple. Et dans son surdosage, c’est le grand évitement de cette gravité qui selon La Rochefoucault cache les défauts de l’esprit, (question de masque). » (J-H. Larché)

Ajoutons que Jean-Hugues Larché est Bordelais, libraire, éditeur. C’est dire la passion des livres que l’on retrouve aujourd’hui dans ces deux émissions radio.

DEAMBULATION 1 en compagnie de Jean-Hugues Larché, guidée par Delphine de Lectothèque


« Léger et exigeant, Jean-Hugues Larché nous entraîne dans l’art de dériver entre les lignes de son univers littéraire ».
Delphine de Lectothèque

Nota : découpage et titrage pileface. Transcription libre (V.K.)

TRANSCRIPTION VOLET 1 : LA MARMITE LITTERAIRE PRIMORDIALE


Autoportrait à 45 ans
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Déambulation avec, auprès, en compagnie de Jean-Hugues Larché qui va nous parler de son rapport à la lecture, et donc à l’écriture, et donc à la musique, et donc…

Bonjour Jean-Hugues

Bonjour Delphine

Grosso modo, nous intéressera de savoir comment tu es tombé dans :

a) La marmite littéraire

b) L’objet littéraire

c) L’obsession littéraire

d) Ici, ta définition

Je suis tombé dans la marmite littéraire assez tardivement finalement, on va dire tardivement pour certains et peut-être tôt, aussi, vers 17 ans, 18 ans, je croise l’œuvre de Camus. Camus tout de suite m’ouvre à des écrivains qui sont à la fois des penseurs, c’est-à-dire Nietzsche, Sade et Lautréamont. Donc, déjà on est sur des hauts niveaux. Est-ce que je comprends l’amplitude de leur œuvre, c’est pas sûr, mais en tout cas, c’est ça qui m’interpelle dans l’œuvre de Camus en lisant L’homme révolté, et en lisant aussi Le mythe de Sisyphe, c’est-à-dire les choses sur l’absurde. Donc dans la marmite littéraire, je tombe un peu dans l’absurde avec Camus.

Je vais t’arrêter juste un petit peu. On va revenir à notre entretien préalable chez Auguste où tu m’as parlé aussi de quelque chose qui était contre la lecture, finalement, de tes parents, aussi.

C’est vrai que dans mon milieu familial j’ai trouvé qu’il y avait un manque de curiosité comme dans beaucoup de familles françaises, voilà. C’est pas sûr que les familles soient souvent au parfum de ce qui est le plus intéressant dans la littérature, donc c’étaient les lectures q’on me donnait, ou que j’apportais. C’était Pierrre Loti avec Ramuntcho, Premier de cordée de Frison-Roche, par exemple

Des choses que je trouvais un peu trop régionalistes, même si c’était l’alpinisme et la pays basque. Et pour la musique, ça ne dépassait pas la sphère d’Offenbach – musique que je réécoute aujourd’hui avec plaisir, mais qu’à l’époque m’apparaissait un peu ringarde ;

Comment expliques-tu que tu as pu être critique par rapport à ça… ?

Je ne sais pas. On me parlait de Zarathoustra. Mon intérêt littéraire a croisé Nietzsche assez rapidement.

Alors tu as confronté…

J’ai confronté et en fait j’ai trouvé que tout ça c’était conventionnel, c’était bourgeois, de l’ordre du préjugé, il y avait du préjugé
Là, c’était de la littérature réflexive, il y avait un sujet littéraire qui était au-delà de ce qu’on trouvait à proximité. Il fallait que j’aille chercher çà - que je n’avais pas à disposition ni dans les collèges, ni dans ma campagne, du côté de Blaye

Dans notre entretien préalable, au café chez Auguste, de suite il y a quelque chose que tu as abordé et cela m’a frappée : tu as vu que l’on pouvait aussi écrire la pensée.

Oui, l’écriture pour moi ne sert pas qu’à se distraire. Tu as parlé très vite de rapport à l’exigence, dont j’ai pas vraiment conscience, à ce moment-là. L’exigence, c’est de ne rien laisser échapper, en fait. C’est la question du savoir, en fait : soit on se distrait, soit on apprend, et moi j’aime bien apprendre …pas à l’école. . J’ai été élevé dans un milieu scolaire, en fait : ma mère était directrice d’école, et mon père, lui, était plutôt féru d’histoire, un peu à la petite semaine, je dirais, et donc il y avait autre chose à voir que tout ça. Et les copains qui étaient parfois plus avancés, ou avaient fait des rencontres, je ne sais pas, me parlaient d’auteurs comme Nietzsche, comme Camus, comme d’autres écrivains...

Donc, à 17 ans, tu fais connaissance avec ces auteurs…

Je me dis, je ne peux pas en rester là. Quand je vais à Bordeaux, je découvre la musique, c’est la période du New-wave, des Rolling Stones…

C’est chez toi, quelque chose indissociable, qui se tisse ensemble…

Les arts sont parallèles, ils s’interpénètent aussi. Il faut qu’il y ait de la musique. Il faut que dans la littérature il y ait de la musique. Il faut peut-être que dans la musique il y ait un peu de littérature. Il faut peut-être que dans le cinéma aussi – j’aime beaucoup les adaptations littéraires. J’aime ce que fait Orson Welles avec Shakespeare ; je voyais ces derniers jours les adaptations de Tennessee Williams, par exemple, qui est un grand écrivain, adapté par Joseph Mankiewicz, dans La chatte sur un toit brûlant [1] ou Soudain l’été dernier [2], [les deux films ont Elisabeth Taylor comme interprète, mais seul le deuxième a été réalisé par Mankiewicz (note pileface)]. Et le cinéma sait rendre compte de la littérature et ça, ça m’étonne aussi. Moi, je me sens obligé de travailler tout ensemble, donc d’être un peu cinéphile, et dans l’exigence d’aller vers les gens qui ont une aura - une œuvre, en fait, on va dire ça comme ça.

A propos de ta définition de l’œuvre, …dans ton rapport à l’œuvre des gens que tu interviewes [plus avant, on parlera de tes documentaires], j’avais l’impression que tu tissais aussi, mine de rien, quelque chose d’une œuvre… Pour la définition de « Œuvre » , le français tardif fait panser à U Vré … Où est VRAI…

L’œuvre, c’est là où c’est vrai, et la question du lieu, c’est la question de la vérité.

Où, c’est quelque chose du jeu, en fait…

Oui en 68, c’était « D’où parlez-vous ? ». Parlez-vous de la position du maître ou parlez-vous librement ?. Moi, j’ai toujours été fasciné par la position du maître. Pas à l’école, mais ensuite, c’est-à dire tous ces gens libres qui avaient une œuvre, que ce soit Sollers, que ce soit Chebel, que ce soit Jullien, que ce soit Zagdanski, que ce soient d’autres gens, les autres DVD que j’ai faits, en tout cas, les principaux. Ou pour le DVD Gérard Guest qui n’est toujours pas sorti, il y avait cette espèce d’autorité de ces gens. Donc il fallait aller les questionner, peut-être pour soi-même et avancer dans sa propre pensée. La collection s’appelait « Penseurs du XXI ». Comment on pouvait penser le XXI (le XXIème siècle). J’avais commencé par un film sur Nietzsche avec une douzaine d’intellectuels français. Une dizaine-douzaine. Je voulais savoir comment la réception était en français, et ensuite, c’est devenu des DVD.

On va faire aussi une sorte d’hyperlien dans l’émission en parlant d’un entretien qui est disponible sur le Net, sur Wok…


…CultureWok avec mon ami Renaud Garcia. C’était il y a 10 ans. J’espère ne pas trop me répéter au bout de 10 ans, mais sûrement que je vais me répéter.

Donc voilà les débuts, 17 ans, il y avait Camus, Nietzsche… est-ce qu’il y avait déjà Lautréamont ?

Lautréamont, oui ! A cette époque beaucoup de gens lisaient Les chants de Maldoror, un peu au premier degré, tous les gens un peu dépressifs lisaient Lautréamont, mais il y avait aussi les Poésies que je continue depuis ce temps-là, donc ça ne nous rajeunit pas, et les poésies c’était quelque chose d’ironique. Donc ce qui m’intéresse aussi chez Lautréamont, chez Nietzsche, chez Voltaire ou chez Sollers, c’est cette ironie des choses. D’accord, il y a un pathos de fond mais la littérature nous tire vers le haut, la littérature nous amène vers des chemins dégagés du pathos du XIXe siècle comme Philippe Muray, l’a dénoncé dans son livre Le XIXe siècle à travers les âges, que tu as sur ta bibliothèque…

…là, que je n’ai pas fini. Moi, ce qui m’intéresse dans ce que tu dis là, et c’est en rapport avec cette émission qui s’intéresse au lecteur, c’est quand même particulier chez toi, et ce n’est pas particulier chez tous les lecteurs – c’est pourquoi on peut faire après des distinguos sur ce qu’est un lecteur. De suite, tu es dans un état, en fait, tu prends ce que dit chacun, mais tu vas le renouer dans quelque chose, et je reviens ecore sur cette idée de « œuvrer ». Mais oeuvrer, c’est peut-être « oeuvrier »…

Oeuvrier, oui, on est des ouvriers quand on fait un travail, même artistique…

Tu es toujours au travail par rapport à ça…

Peut-être malgré moi, c’est vrai qu’il y a une curiosité permanente et on n’a pas envie, même si je ne suis pas spécialiste de quoi que ce soit, on n’a pas envie de laisser des champs inconnus, on peut s’intéresser à l’astronomie, on peut s’intéresser à la botanique…, moi je m’intéresse à tout ça de façon un peu transversale, comme disait mon ami Pascal Enard, qui nous a quittés, malheureusement, en fin d’année dernière. Voilà, il y a une transversalité et il me disait « Si tu as réussi à les interviewer [Sollers, Jullien, Zagdanski, Chebel…] alors que tu n’avais ni un statut, ni de professeur,ni d’universitaire, ni de journaliste, c’est parce que tu avais une vision transversale, donc les questions étaient transversales, et me disait-il, ils sont obligés de répondre, puisque c’est pas un spécialiste qui vient les interroger. » Et voilà, il y a donc une certaine liberté, et dans ces documents, ces DVD ; j’ai essayé de leur laisser l’entière parole. Ce qui m’intéresse, c’est de laisser l’entière parole. Pour faire ça, il faut quand même lire les œuvres, et ensuite de trouver une idée qui n’a pas été relevée par d’autres, une idée un peu rigolote. Dans le cas de Chebel, Malek Chebel, par exemple, c’était l’érotisme dans Les Mille et Une Nuits, et donc Shéhérazade, …la question des femmes. Il avait fait un livre, mais il ne voulait pas trop en parler quand même, parce qu’il était embêté du côté de sa religion, là-dessus. Lui, disait-il, c’est trop dans la connaissance de la sexualité féminine pour que ce soient les hommes qui aient écrit ça. Donc ça, m’intéressait énormément, c’était très intéressant.

…Sous entendu, l’auteur pourrait-être…

… une femme ou des femmes… Donc, à chaque fois, il y avait des choses qui émergeaient…

… Tu ne prends pas pour argent comptant ce qui t’est donné à lire.

Non, non. Pour revenir à la lecture, les gens disent « j’ai lu Proust ». Ils ont lu Proust mais ils ne savent pas trop où se trouvent les passages, parce que si on lit Proust, il faudrait travailler pendant six mois, le stylo à la main ; eh bien chaque fois on relit, on revient, et c’est une lecture permanente des choses. Dans la pensée juive on dit que les livres s’ouvrent sur un passage dont vous avez besoin dans votre vie, et j’ai pu vérifier ça, un peu comme ça, mais sans côté cabalistique, ni rien, c’est un truc ludique comme on se tirerait le Yi King pour rigoler. Donc, il y a des livres qui vous parlent, en fait. Et Edmond Jabès [3] qui disait que la nuit, les livres sortent de la bibliothèque et un peu comme des paillons ils volent dans la bibliothèque et puis quand vous allez vous lever, ils se rangent comme ça…

Sur le mot liberté, je ne sais plus avec quel auteur…

Liberté… la liberté dans la création, ça me paraît l’essentiel. Si on ne sort pas des carcans qu’on nous a inculqués, si on ne sort pas des carcans sociaux, si on ne sort pas des carcans que l’économie, même artistique, propose, à ce moment-là, il n’y a pas de liberté, donc la question de l’artiste, à laquelle je réfléchis, c’est comment lorsqu’il produit une œuvre, c’est comment il ne se laisse pas récupérer, comment il peut continuer à développer une liberté, c’est-à-sire être l’envers absolu de Jeff Koons ; qui ne produit aucune liberté, à mon avis, simplement du plastique accroché au plafond, et qui veut devenir absolument bankable. Donc, un article tel que le conçois – avec le grand exemple de Cézanne, par exemple, qui ne pense absolument pas à ce qu’il va devenir ; il est sur le motif, il travaille son motif et il respire…

…C’est la trame de sa vie…

Il vit entièrement, en liberté face à son motif. …La liberté, c’est peut-être ce qui permet d’aller plus loin, ou d’avoir conscience, qu’elle est pas encore advenue la pleine liberté

… Alors moi je rajouterai, je me permets… : « de revenir plus loin »

« Revenir plus loin », oui, oui. On revient plus loin, mais je pense que l’on est toujours obligé de revenir sur ses bases – on a toujours des bases. C’est les grands auteurs que l’on a croisés, et qui sont là dans la bibliothèque. Ca peut être la pensée chinoise pour moi, ça peut être la pensée juive, ça peut être le catholicisme aussi.

Il faut aussi une vision anthropologique et tu as, je crois, une vision anthropologique de tout çà

…universelle. C’est l’universalité qui fait que ça intéresse.

…Mais tu peux critiquer aussi cette idée d’universalité

Pour le reciter, mon ami Pascal Enard pensait qu’il y avait un « pôle universel ». Bon ça le regarde, moi, je vais pas aller jusque là.

Ah c’est joli, ça !

L’universalité c’est ce qui permet une plus grande liberté parce que c’est l’accueil d’une autre culture et aujourd’hui malgré l’acculturation du monde par l’empire économique et libéral, on a accès à tout ça et il y a une liberté de circulation – en Europe, on peut circuler librement

…Je pense Titouan Lamazou, que je connais très peu ,mais qui a dit une chose à propos de la liberté qui avait énormément régressé, justement par rapport à cette liberté de circuler…

Le problème, c’est que le monde devient uniforme, c’est ça le problème. …Tout le monde s’habille en jeans…

…même le bourgeois, moi je ne suis pas une bourgeoise …on va faire une première interruption. On va écouter un morceau que tu as choisi

Oui, un morceau de Charlie Parker que j’aime beaucoup qui s’appelle « In the sea, in the night » avec le Dave Humbert Quartet. C’est du chant puis le saxophone absolument libre, très très libre de Charlie Parker.

TRANSCRIPTION VOLET 2 : SOLLERS ET LES AUTRES

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Nous revoici en compagnie de Jean-Hugues Larché dont je n’ai pas dit comment nous avons fait connaissance. Moi, j’aime bien faire ça aussi. Et en fait, on peut venir à ta rencontre certains jours, le dimanche, place Saint Michel [à Bordeaux] puisque tu as une activité aussi de bouquiniste depuis quelques années. Ce sont des périodes de 10-15 ans dans ta vie tu m’as dit aussi tout à l’heure : 17 ans, la première bifurcation par rapport à tes connaissances littéraires. Après, c’était 27 ans alors…

Oui 27 ans, il y a quand même la rencontre avec d’autres gens comme ça qui m’intéressent : Sollers que j’estime être un grand passeur des Lumières, qui commence avec la revue Tel Quel en face des Cahiers de l’Herne… La revue Tel Quel qui embarque avec elle Bataille, Francis Ponge, Deleuze, Foucault, Barthes évidemment, qui est un ami, Kristeva et Marcelin Pleynet, donc ça c’est quelque chose que je découvre, un peu tard et que je vais suivre jusqu’à aujourd’hui. Ensuite, je découvre l’œuvre de Joyce, qui alors là est une œuvre pivot… Joyce m’interpelle beaucoup parce que sa liberté de langue dont on parle est quasiment infinie ; il y a là une difficulté qui me paraît irrattrapable ; je lis Ulysse…

… des lectures qui te résistent, que tu peux creuser…

Absolument, si ça résiste pas, c’est pas intéressant ; après ça fait du bien aussi de lire des choses plus fluides, je dirais. Camus, c’est fluide quand même, Beckett que t’aimes bien, c’est fluide aussi…

…ça résiste aussi…

Ca peut résister, …Shakespeare, ça résiste beaucoup. Et puis, il y en a qui résistent à tous, c’est Martin Heidegger, le penseur allemand compromis un moment dans la politique. Voilà, c’est le rapport au langage

Heidegger, je ne l’ai pas lu mais commence à m’y intéresser avec ce rapport à l’angoisse…

Absolument ! Le rapport à l’angoisse qui est déjà abordé par Kierkegaard dans son Concept de l’angoisse. Kierkegaard écrit, à la fois, Le Concept de l’angoisse et aussi le Traité du désespoir, et le Traité du désespoir, c’est pas un Traité pour faire l’éloge du désespoir, mais c’est son contraire, c’est-à-dire on traite le désespoir, le désespoir peut se traiter. Il se traite par la foi dans la vie. On peut sortir du désespoir. Heidegger, lui, c’est compliqué, c’est un philosophe très complexe, qui a beaucoup travaillé sur le langage, beaucoup travaillé sur la question de l’être et sur la question de l’habitation du monde - on ne le sait pas trop, mais comment habiter le monde en poète ? Donc c’est pour ça que Heidegger - même s’il y des choses qui peuvent un peu fâcher au départ – il y a quand même une obsession chez lui d’habiter le monde, en poète, avec du langage. C’est pour ça qu’il faut toujours aller voir du côté ses essais et conférences ce qu’il dit de Parménide, de Héraclite, des présocratiques, donc. Et ça, ça m’a toujours suivi. J’ai toujours lu Heidegger entre trois heures et quatre heures du matin ; on est vraiment dans des réflexions métaphysiques. Dans la sociologie, on est dans le social, le rapport au social et à l’humain, le rapport à l’humanisme.

Moi, je crois que je dois faire de l’anthropologie transversale et métaphysique… Comment tu les a connus quand même ?

Au départ, je vais un peu en sociologie. Je me retrouve en sociologie parce que je vais avoir 19 ans. On a envie, quand même, d’aller faire des manifestations, contre le pouvoir en place. …On a envie de culture générale, peut-être et alors, très vite ça dérive avec un professeur qui s’appelle Jean-Paul Abribat  [4], on est intéressé par la philo, on est intéressé par la psychanalyse …on va chercher les arts, aussi, la peinture, la sculpture.

…Ca n’arrive pas comme ça…

C’est surtout des rencontres, en fait, je crois, des rencontres où on te dit,« tu ne connais pas ci, tu ne connais pas ça.. » Après, il y a des gens qui, eux, sont dans les tuyaux de l’éducation, de l’université, qui deviennent spécialistes… Et moi, à ce jour, je suis toujours spécialiste de rien et je peux parler à peu près de tout, mais en transversalité comme tu dis. De toute façon, en littérature, pour moi, ce qui est intéressant, c’est ce qui peut t’aider à vivre. Si les choses ne t’aident pas à vivre, ça ne vaut pas une minute d’attention, dirais-je. Donc la peinture m’aide à vivre, les arts m’aident à vivre, la philosophie, …au départ les stoïciens, puis les épicuriens, puis…

Est-ce que t’as pas une sensation de rechercher une sorte de communauté, justement…

Alors, c’est une communauté qui n’a pas trop lieu dans mon entourage, c’est-à-dire qu’en fait pour parler de certains sujets il a fallu aller à Paris – monter à Paris comme on dit – pour pouvoir parler ou en tout cas se faire parler de ces sujets là et pouvoir débattre un peu autour. Jai des copains avec qui on peut parler, peu, mais il y en a quelques uns, mais dès qu’on a un peu d’exigence sur la philo, il vaut mieux aller voir un grand professeur. J’ai suivi les séminaires de Gérard Guest, pendant cinq six ans, le samedi après-midi, un séminaire sur Heidegger à côté du boulevard Montparnasse. Moi, j’ai toujours essayé d’apprendre des choses et là j’avais l’impression, avec Gérard Guest, que la pensée se produisait au fur et à mesure et malheureusement, malgré ses apparitions médiatiques fréquentes, est quand même dans la marge…

Je dirais une certaine marge…

En tout cas, si on prend sa revue, dans sa revue, il y a quand même une exigence énorme…
…Ce que j’ai aimé chez Sollers, c’est qu’il est vivant, et en plus dans tout ce qu’il opèreen littérature, c’est vivant. J’essaie de faire ça à mon tout petit niveau : ne m’intéresse que les gens qui sont dans la vie de l’écriture, dans le vif de la littérature.

…Qui sont dans le souffle aussi… il y a un an j’ai fait un enregistrement avec Jean-François Chapelle [5] qui disait « la poésie qu’est-ce que c’est ? C’est du souffle » donc puisque c’est vivant il y a l’insufllation

FRANCOIS JULLIEN

Chez les Chinois, c’est une notion centrale, la notion du souffle ; c’est pour ça qu’on les voit dans les jardins pratiquer le Taï chi, les lettrés vont dans la montagne

Tu pourrais nous parler de François Jullien, aussi, j’aime beaucoup son œuvre…

C’est une bonne transition, François Jullien cà été ça, Ca été l’envie, si j’ose dire d’en découdre avec la Chine, depuis ma position provinciale, donc je suis allé l’interviewer et il a répondu, c’est vraiment très bien. Donc, on a refait un parcours sur la Chine,..comment la pensée chinoise s’est déployée un petit peu en Occident ? J’ai toujours été fasciné par la Chine. Mon père m’a offert un dictionnaire de chinois quand j’avais 18 ans que j’ai d’ailleurs pas forcément travaillé mais que j’ai toujours…

Tu sais un peu lire le chinois ?

[Et Jean-Hugues Larché, de prononcer quelques mots en chinois],

Qu’est-ce que ça veut dire ?

« Je suis Chinois et tu es… », non « Je suis Français, tu es Française » …Je ne lis pas du tout, enfin j’ai pris des cours avec les Amis du Dragon…

Tu déchiffres un peu…

Je pourrais déchiffrer un peu, c’est pas si compliqué que ça, …ce qui est bien chez les Chinois, c’est qu’il y a un mélange tout de suite entre la calligraphie, donc la représentation picturale, et la lettre, et la poésie, donc les arts. Le lettré chinois, c’est celui qui n’a pas de barrières entre ces spécialisations…

Comme autrefois le lettré dans nos civilisations, même si c’était destiné à une certaine élite et qu’aujourd’hui on peut tenter d’aller vers cette philosophie de vie sans être bourgeois, d’alleurs les bourgeois est-ce qu’ils y vont, en fait, vers cette philosophie… ?

Il y a un bien-être à la chinoise, qui est très récupéré par la bourgeoisie, peu importe …La Chine c’est le souffle d’abord ; c’est quelque chose d’un peu exotique …mais chaque fois que je retourne au chinois, je respire un peu mieux, …les ppoètes chinois Li Bai, et les autres - j’oublie les noms.

… c’est un détour pour mieux revenir…

D’ailleurs, c’est un des livres de François Jullien qui s’appelle Le Détour et l’accès.

Tu l’as connu peut-être plus tard que Sollers…

C’est même Sollers qui m’a filé son numéro pour dire les choses, comme ça c’est fait. C’était en 2006, ca. Ce documentaire a intéressé les gens ; on a cru que j’étais un spécialiste de la pensée chinoise, et on voit bien - ce que je peux en dire aujourd’hui -, ce n’est pas le cas, mais en tout cas, le document

s’est fait.

Ton intérêt se porte sur des gens qui ont fait œuvre…

…Qui font encore… Ils sont vivants, en plus, sauf Malek Chebel, qui malheureusement nous a quittés il y a deux ans et ça c’était une grande peine parce que c’était un ami qui venait justement me voir sur mes points de vente ; on était très amis. Ca, c’est Malek !

On peut dire aussi, c’est ça que je trouve beau, c’est que ton histoire de lecteur t’as fait sortir vraiment du strict format de la lecture, et aller vers d’autres auteurs. Et puis, même, ça a eu des incidences sur ta vie, ton activité, aussi, de bouquiniste…

Ca m’oblige à lire, …à récupérer des livres…

Je précise que j’ai trouvé un exemplaire, chez toi, la dernière fois, de Frédéric Rouques [?] , un auteur trop peu lu, trop peu connu, que je lis avec une grande joie.

…La joie, c’est très important dans la lecture.

Et c’est rare ! Est-ce que tu as des souvenirs de joie, …qui t’ont rassuré quant à l’humanité ?

Oui, paradoxalement, quand j’ai lu Candide de Voltaire, où Candide, il lui arrive des aventures absolument horribles et tout ça mais c’est toujours traité avec une ironie. Voltaire a 60 ans, il est en pleine forme. Candide est un peu naïf, comme son nom l’indique et il lui arrive plein d’aventures, il perd Cunégonde, il perd Pangloss, …il les a perdus, mais comme par magie, ils reviennent, un peu comme dans un dessin animé, c’est drôle et, à la fin, il finit par cultiver son jardin. Pour moi, c’était un peu le chemin à suivre, supporter les aventures qui nous arrivent, supporter les affres et les tragédies parfois, les chaos, les traumatismes, mais on sait qu’il faut toujours revenir à cultiver son jardin. Et puis, après, il y a Le jardin d’Epicure. Donc, la littérature, peut-être c’est – en tout cas la lecture – …la lecture dans un jardin, déjà c’est bien…

Je reviens sur quoi je t’avais amené …les souvenirs qui t’ont rassuré quant à l’humanité…

…Les auteurs, c’est tes alter-ego, si tu sais bien les choisir, si tu sais bien les voir, et puis un jour, tu essaies de gribouiller les choses, comme ça,…

Justement, y-en-a-t-il que tu n’oserais jamais rencontrer, moi je sais qu’il y en a que je n’oserais pas rencontrer ?

Moi, tous ceux que je voudrais pas rencontrer, en fait je les ai rencontrés

C’est super !

…Sollers, vu son aura, je savais pas trop, Jullien c’est pareil. …je regrette de ne pas avoir rencontré, par exemple,

DANS L’UNIVERS DE MARCEL CONCHE

La Grand Librairie, 2017

Marcel Conche  [6], grand philosophe. Je regrette de ne pas avoir rencontré Paul Veyne [7]. Je regrette de ne pas avoir rencontré Marcel Detienne [8] qui était un grand spécialiste de Dionysos et de la Grèce, qui, malheureusement, lorsque je faisais mon DVD sur Nietzsche, m’avait répondu une très belle lettre en disant « je ne peux pas, mais sur Dionysos peut-être… ». C’étaient toujours des gens très exigeants dont l’œuvre dont la dimension me dépassait complètement mais que j’avais envie de rencontrer, pour apprendre, pour cultiver mon propre jardin, déjà…

Bon, Jean-Hugues, je vais un peu te couper, on va passer au deuxième morceau que tu as choisi…

Le deuxième morceau s’appelle Burning Down the House, c’est un groupe que j’écoute depuis très longtemps dont le leader est David Byrne du groupe Talking Heads.

Tu ne nous parleras pas du livre que tu viens juste d’acheter…

C’est joli parce que c’est un livre tout orange avec marqué « Qu’est-ce que la musique ? » et avec un petit logo de haut-parleur…

Tu es passionné par ce gars aussi…

J’ai eu la chance de le voir en concert avec mon ami Jean Laurenti  [9]. On est allé le voir aux Nuits de Fourvières en 2008. C’était juste formidable. C’est un groupe new-yorkais, qui, moi me paraît être le plus atypique des groupes new-yorkais, en tout cas des groupes américains, peut-être même des groupes mondiaux, c’est autre chose, …après Bowie, il y a cette musique-là qui commence au milieu des années 70 et qui est une musique , un peu ce qu’a fait Peter Gabriel, plus poussé que ce qu’a fait Peter Gabriel, c’est une musique du monde, qui inclut des chants soufies, qui inclut des percussions africaines et ça fonctionne très bien, c’est très généreux. David Byrne, c’est quelqu’un que j’aime bien, j’ai eu la chance de le voir à moins d’un mètre, et quand il est arrivé sur scène, il a dit « Vous pouvez vous lever », contrairement à ce qu’avaient dit les organisateurs, « vous pouvez prendre des photos, surtout vous pouvez venir danser », contrairement à ce qu’avaient dit les organisateurs. Nous, on était contents, voilà, par contre Burning Down the House c’est un peu la maison qui brûle, c’est encore d’actualité avec les incendies de forêt en Australie et ailleurs ; la planète est en train de brûler.

TRANSCRIPTION VOLET 3 : DES AFFINITES ELECTIVES

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On va continuer …tu t’intéresses à l’hébreu, moi je m’y étais intéressé grâce à une émission radiophonique. Là je suis sur le terme « qu’est-ce que c’est ? » que l’on peut transcrire « MANE », « é », en latin, c’est le matin. Ca veut dire qu’il y a une transversalité dans le film… Alors « Qu’est-ce que c’est ? » pour toi.

Après mes études de sociologie, j’ai pris le risque absolu de faire des études de théologie. J’ai fait un peu de théologie, donc j’ai fait un peu de grec, ce que j’avais très mal fait quand j’étais au collège. J’ai fait un peu de latin, un peu de grec et j’ai fait de l’hébreu… au milieu de ces gens, très concentrés dans la prière, j’ai fait une petite UV sur Duns Scot, une exégèse du Livre de Ruth dans la bible

Ah oui ! Tu ne m’avais pas dit ça encore…

Je t’avais pas dit …je peux pas dire tout d’un coup, c’est-à-dire que moi, après avoir rejeté tout ça, dans mes quatorze ans, une quinzaine d’années après, j’ai eu besoin d’y revenir, surtout par le biais s’un livre qui s’appelle Le Génie du christianisme de Châteaubriand, qui est un super livre qui explique un peu la raison du christianisme de façon généalogique, depuis Homère jusqu’à aujourd’hui. J’ai trouvé ça très bien écrit, très intéressant, et qui reprenait tout ce qui était du christianisme dans le meilleur de ses aspects.

…Alors, je vais te demander quelque chose : est-ce que tu prends des notes quand tu lis ?

Il faudrait que j’en prenne plu ; je pense que de toute façon si on nne prend pas de notes, on n’est pas un très bon lecteur, et quand on écrit après… j’ai des carnets, des cahiers avec beaucoup de citations. Peut-être plus de citations que de phrases personnelles, d’ailleurs… Je voudrais faire un florilège, un jour peut-être…

En terme de phrases personnelles, on va parler – peut-être que tu en liras un morceau plus tard – on va encore dérouler des choses, mais tu as produit quand même aussi un livre en 2019. Là, on va directement à la peinture…

Oui, oui, ce qui m’a intéressé aussi dans le rapport à la religion – pourquoi je suis revenu après le Génie du christianisme, un peu sur la question de la religion, c’est qu’il y a les arts et qu’on peut pas se passer, contrairement à ce que dit Michel Onfray, on peut pas se passer de la question des arts. Les arts sans la Bible, on n’y comprend rien. Je suis très très intéressé par la question des arts. Je suis un chrétien - je ne sais pas si je suis un bon chrétien…sûrement pas – mais en tout cas j’aime les arts, et Nietzsche disait d’ailleurs – qui n’était pas forcément un bon chrétien non plus – il disait qu’en fait le philosophe doit être ariste. S’il n’est pas artiste, c’est pas un bon philosophe, en tout cas, il doit faire de sa vie, une œuvre d’art en quelque sorte.

Ah tu vois, tout à l’heure tu me disais non …il faut que ce soit Nietzsche qui te le dise…

Est-ce qu’on peut faire à la fois de sa vie une œuvre d’art et puis faire une œuvre ? Moi, j’ai pas fait d’œuvre. Je pense que je suis pas capable d’en faire une, faire de sa vie une œuvre d’art non plus, c’est-à-dire ce serait souffrir le moins possible, je dirais, et dans le cas de Nietzsche, ce n’était pas ça, c’est quelqu’un qui a beaucoup souffert, on voit ça dans ses correspondances.
…La question de la peinture, elle remonte pour moi au fait qu’avec mon père qui est un peintre amateur, il m’a fait copier un tableau de Cézanne Les joueurs de cartes, et les Régates à Argenteuil de Monet. Tout de suite, je m’aperçois dans ces moments-là, dans ces heures que je passe à faire ces copies, il y a une sérénité totale, il y a une plénitude, quelque chose de sorti du temps, comme pour se remettre encore plus dans son temps à soi. En tout cas. Et puis le temps passe, le temps passe, jusqu’en 2019.

LE RIRE DE DE KOONING

…2019. Mon éditeur Jean-Paul Brussac, enfin un éditeur, qui s’appelle Jean-Paul Brussac qui tient La Librairie Olympique, à Bordeaux, qui est un grand libraire, grand lecteur, grand artiste, et petit éditeur, puisque je fais partie de sa Collection. Il décide de publier Le Rire de De Kooning parce que c’est un grand connaisseur de la peinture américaine, des arts, de la théorie des arts. Donc je vais commencer par les remerciements, ce livre, il été aussi possible par mon ami Sandrick Le Maguer avec qui j’avais fait la revue Sprezzatura à partir de 2009 en compagnie de Metie Navajo

…Tu vas un peu plus nous en parler juste après…

ET puis après, je remercie Jacques Bernar, Camille Bousquet, Cécile Dallemagne, Alexis Berdoulat et Muriel Déchaut, qui ont eu une très bonne réception de ce livre. L’histoire du Rire de De Kooning, c’est cette photo que je trouve dans un catalogue, où De Kooning est pris dans un terrain vague…, c’est pour ça qu’on a appelé le livre comme ça. Il se trouve que ses Femmes, aussi, sont toujours en train de rire, de leurs grandes dents, ces dents qu’il va lui-même découper dans des magazines et qu’il va coller sur la toile. Chez De Kooning, il y a du rire. La peinture de De Kooning m’a interpellé sur la question des Women, évidemment, c’est-à-dire à un moment où l’expressionnisme abstrait américain, c’est plutôt de l’abstrait, lui, il figure ses Women au front de la peinture, il les amène au front de la peinture : elles sont frontales et elles tiennent tout le tableau, elles vous regardent un peu comme les Demoiselles d’Avignon. C’est un peu l’expression que j’avais : une seul femme arrive comme ça, donc la Woman 1 vous regarde, vous fait peur, vous fait rire, vous emmerde ; c’est très très vivant, ses peintures sont très colorées. Je me suis posé la question « pourquoi ces femmes… » et j’y réponds un peu dans la troisième partie du livre. Je les décris, je m’amuse avec, je fais jouer des citations de De Kooning…

…Avec des reproductions…

PLUS SUR, Le Rire de De Kooning et l’univers de J.H. Larché, ICI,

…des reproductions, puis après, je décis une sculpture qui s’appelle Standing Figure que De Kooning a commencé à faire sous une forme, peut-être 20 cm sur 10… Lors d’un séjour à Rome, on lui prête un atelier donc il fait cette sculpture en terre et va la décliner de 1969 jusqu’en 1984. Elle va finir à 6 m. de long 2 m. de haut, et en 2012, elle est exposée dans le cadre de la FIAC - moi, je crois que la sculpture de De Kooning va rester dans Le Jardin des Tuileries. Non, c’est juste pendant la FIAC et cette sculpture me donne envie de la parler. Donc je la parle. De fil en aiguille ce texte est relayé par un site, et fera aussi l’objet d’une publication dans la revue L’Infini, en 2014. Donc, les choses mettent du temps. Avant de faire ce livre, en 2019, il a fallu faire tout ça. Voir si ce qu’on disait n’était pas trop léger ou trop abscons.

….Ce temps, c’est aussi une manière de voir les choses qui te va aussi. Avant l’émission, on parlait de blancs, de silences…

On va peut-être en faire un, de quinze secondes…

…Avant l’émission, nous avons parlé de la parole médiatique …c’est quelque chose qui me travaille aussi, ça m’intéresse que tu achoppes aussi sur cette question

Moi, j’ai toujours eu l’impression que mes Médias, c’étaient un peu des broyeurs de personnalité. C’est la première chose qui me vient. Moi, je suis pas du tout aguerri à l’exercice que je fais aujourd’hui avec toi, mais comme c’est très sympathique, ça passera, ou ça passera pas…

Tu préfères interroger l’autre, toi, plutôt qu’être cuisiné…

Mais cuisiner c’est bien, parce que c’est une bonne cuisine vraisemblablement. J’ai beaucoup interviewé, et puis là, comme le livre est sorti, on me pose pas mal de questions, puis c’est un peu avancer dans l’expression, dans l’oralité après l’écrit., il faut « présenter… », mais c’est ordre de tout cadre commercial. La plupart des auteurs vont vendre leur livre parce que leur éditeur… - moi, mon éditeur, il en a strictement rien à faire, il trouve qu’on en a trop vendu…

Vous allez faire une réédition, tu m’as dit…

On fait une troisième édition augmentée d’un texte qui s’appelle « L’aquatique De Kooning » qui parle de la dernière période où les Women deviennent de plus en plus fluides, quitte à disparaître…

Quand ?

…Quand ça va sortir : dans un mois, un mois et demi maximum

LA REVUE SPREZZATURA

On revient sur la revue Sprezzatura

Sandrik Le Maguer, mon ami de longue date avec Metie Navajo, donc Sandrik Le Maguer, brestois, on se retrouve lors d’un séminaire de Gérard Guest à Paris et puis on se dit : on a peut-être des choses à dire, on peut peut-être constituer quelque chose, et on a constitué cette revue qui a vu 6 numéros. Donc, c’est une revue, un peu exigeante, mais à la fois très éclatée qui va, disons, du Talmud au commandant Marcos [rire], c’est quand même assez large comme champ, grande liberté. Il y a 7 intervenants principaux. C’est une revue un peu confidentielle, que mo, j’ai considéré comme un atelier d’écriture. Je gribouillais des choses. Evidemment, je préparais les entretiens que je faisais, et là, je me suis dit je vais constituer des textes, des textes un peu formatés, 7-8 pages. …Ce qui était bien, c’est que je savais que j’allais être édité, en plus, contrairement quand tu l’envoies [en espérant être publié]. Là, j’étais sûr que ça passait. Et puis, toujours par un hasard, ou pas - Sollers encore – a récupéré, sans me le dire, mon texte Virtuosité du cœur [10] qui était sur Bordeaux, sur les femmes, sur le taoïsme, sur les Dogons, sur plein de choses Et donc, ca a été mon premier texte dans une revue nationale, chez Gallimard. Ca met du temps tout ça. Cette revue, elle a été active et aujourd’hui elle va devenir plutôt maison d’édition, donc ily aura des textes qui vont sortir. Pour l’instant je peux pas en dire plus. C’est mon ami Sandrick qui va s’occuper de ça principalement.

Ne pas manquer, la naissance de Sprezzatura, ICI

LES DOGONS

Tu as aussi employé un terme - c’est quelque chose, je sais, qui t’intéresse de près - : Les Dogons. Comment est arrivé ton intérêt pour les Dogons ?

Les Dogons, ça part quand même de cette revue qui s’appelle Le Minnotaure, où Michel Leiris fait un texte sur les Dogons avec Marcel Griaule. Ils vont faire Le Dakar-Djibouti, ils croisent le peuple Dogon, et là, ils vont voir qu’il y a une cosmogonie, qu’il y a un univers que les Occidentaux n’ont absolument pas remarqué avant eux, et qui est d’une puissance symbolique très très forte. L’Afrique c’est formidable, l’Afrique qu’on on voudrait écraser colonialement…

C’est un endroit particulier de l’Afrique…

C’est le Mali, c’est la Falaise de Bandagiara, c’est des masques particuliers, c’est des défilés funéraires aussi très singuliers avec des grands masques qui font 6 ou 7 mètres de haut. Après Griaule et Leiris, il y a Jean Rouch qui, par le cinéma, avec Germaine Dieterlen va filmer les Dogons de tout près. On a des super documents. ET il y a une esthétique, cette terre ocre où le renard pâle vient poser ses pattes. Il y a toute une ritualisation, c’est une vraie religion en tant que telle

…Et on imagine que tout ce qui est art et religion est encore relié… et incarné. C’est pas dans la marge…

Du tout, du tout, comme disait Nietzsche : « Dieu est mort », mais pas là-bas ; il y a un rapport à la divinité, il y a un rapport au sacré, il y a quelque chose de sacré qui nous est très difficile de comprendre. C’est traditionnel : on a envie d’aller, en 2028, pour le prochain Sigui, voir un ppeu ce qui va se passer – c’est pas très loin, c’est dans 8 ans ! L’Afrique, aussi très importante : il y a des corps, il y a de la joie, il y a de la danse, il y a de l’intelligence, il y a du regard, il y a quelque chose qui nous éclaire depuis ce continent noir, qui n’est pas si sombre que ça, il y a des cultures, il suffit de voir les masques, pas que des Dogons, des Dogons, bien sûr, mais d’autres aussi. Vive les Dogons.

Bon, très cher Jean-Hugues, on va passer le troisième morceau de l’émission puis on fera un quatrième volet

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Nous allons écouter Marylin Horne dans un morceau qui s’appelle Nel profondo cieco mondo de mon musicien préféré Antonio Vivaldi, avec une résonance de Venise.

TRANSCRIPTION VOLET 4 : RICOCHET SUR DES AUTEURS

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Après cette parenthèse, nous allons quitter les Dogons et allons continuer à survoler ton univers littéraire. Je reviens à notre entretien préalable, au café chez Auguste, et j’aimerais que tu ricoches sur des noms d’auteurs, tu n’as toujours pas évoqué l’art, tu n’as pas évoqué Philip Roth, de Beauvoir… Ca va partir dans tous les sens : Pasolini, Sade, Zagdanski. On commence par où tu veux :

PHILIP ROTH

Philip Roth, évidemment, c’est un auteur dont je ne rate aucun livre depuis, on va dire, une vingtaine d’années. Il a écrit notamment un livre Opération Shylock, c’est-à-dire sur la question du double – de l’écrivain et du double. C’est un écrivain qui ironise beaucoup sur son milieu d’origine – son milieu juif américain d’origine. C’est quelqu’un qui parle beaucoup d’érotisme. Il y a deux facettes dans son œuvre : une facette sombre et une facette plus claire - comment dire ça – plus gaie. Je préfère effectivement la facette solaire de Philip Roth. IL faut lire tous ses livres : à chaque fois, il y a une énergie, une précision, il y a une ironie aussi – c’est ça qui m’intéresse beaucoup - de sa position d’écrivain. Dans Opération Shylock, c’est l’histoire d’un double qui s’appelle également Philip Roth, qui est en Israël, qui est antisémite… Donc, il l’appelle et lui dit : Philippe Roth, c’est moi, je m’appelle Philipe Roth…, il ne sait pas trop comment démêler cette histoire de double, cette imposture de personnage. C’est très drôle, c’est assez complexe – des moments, on a un peu du mal à s’y retrouver dans les films de Roth qui sont très très complexes…

…Tu as dit les films de Roth…

Oui, c’est ça, les films de Roth, les livres, ça se mélange !

BEAUVOIR

…On continue, tu survoles, on est bien d’accord… de Beauvoir, tu ne m’as parlé beaucoup de femmes…

Malheureusement ! Beauvoir, ce qui m’intéressait, c’était son manifeste Le deuxième siècle, que je lisais quand j’étais à Nancy, malheureusement enrégimenté dans une histoire pitoyable d’obligation militaire. Beauvoir, c’est la parole féminine, la liberté, par rapport à Sartre, IL y a, à la fois, une revendication et un maintien de sa féminité : cette image où elle est de dos, nue, c’est à la fois un peu provocateur, et à la fois très féminin ; c’est grâcieux. ‘est d’une grande intelligence, le beau voir c’est une belle vue. Simone de Beauvoir nous permet de comprendre comment l’homme et la femme devraient coexister le mieux possible, sans tension, avec un respect mutuel. Moi, j’ai été élevé par des femmes et ça s’est toujours bien passé. Moi, j’ai toujours été accompagné de femmes dans ma vie et Beauvoir m’a beaucoup intéressé, parce que j’ai pas trouvé qu’il y avait trop de militantisme, comme c’était un écrivain, elle n’était pas dans l’idéologie, vraiment, elle dépassait ça. Même dans ses romans, on voit bien que c’est un positionnement très libre, c’est une situationniste avant l’heure, je dirais…

DEBORD

…Tu n’as pas parlé de Debord, aussi…

Debord, oui, c’est la critique, essentielle de ma société du spectacle dans laquelle nous nous trouvons englués, jusqu’au cou, …il faut savoir s’en sortir : Guy Debord et Sollers, c’est les deux grands pôles, moi je pense, de la pensée de la fin du XXe siècle. Bon, Sollers est encore là au début du XXI, bien sûr et il y en a un qui a choisi une surmédiatisation pour mieux ne pas se faire voir : c’est Sollers, et il y en a un qui a choisi une position de repli, leurs deux stratégies sont pour moi complémentaires. Il y en a un qui est plus romancier évidemment Sollers et plus littéraire, l’autre – comment dire ça – qui est plus essayste, analyste. Donc, La Société du Spectacle, les Nouveaux Commentaires sur la Société du Spectacle - comment depuis Hitler, en passant par Staline, en passant par la phase américaine, comment ces différents spectaculaires intégrés, spectaculaires diffus et spectaculaires concentrés – je crois que je les ai dit dans le désordre, mais c’est pas grave - nous permettent de comprendre dans quel carcan on vit. On vit quand même dans le carcan du Spectacle : si on va dans le Spectacle, on est connu, si on passe pas dans le spectacle on est inconnu.

C’est ce qu’il dit au début. Tout ce qui se disait autrefois d’une manière sans témoins, en fait, aujourd’hui…

…Ca s’appelle la surveillance. IL y avait sous Staline - oh combien – avec la STASI, et qui est aujourd’hui avec l’empire américain, quand même.

Et qui est introjectée…

…qui est introjectée dans nos portables, …des films et le problème c’est qu’on peut à la fois le critiquer mais on peut pas en sortir. Personne peut en sortir, même le dernier berger des Landes qui vit dans un coin reculé, sinon c’est Robinson Crusoé…

SADE

Après, …Sade…

…Sade, c’est le gros morceau

Malheureusement, c’est un peu la peau de chagrin de l’émission…

… Pour moi, les pourfendeurs du préjugé social, ou en tout cas de la société, c’est Sade d’abord…

… Alors il faut le recontextualiser aussi

Lui, Sade, il n’écrit, selon moi, que sur l’hypocrisie sexuelle. Il raconte pas ses affres sexuelles, parce qu’il ne pourrait pas en faire le centième, d’ailleurs il n’a assassiné personne, il a un peu molesté des filles de joie – je ne sais pas si ça s’appelait comme ça, à l’époque, et donc, après, son œuvre est une œuvre théâtrale, c’est une œuvre romanesque. C’est ça qu’il faut comprendre : si on prend Sade au premier degré, au secours ! Sade, c’est un auteur. Je ne sais pas si on peut dire ça à la radio, c’est la pulsion sexuelle, …c’est faire avouer que l’on a une pulsion criminelle en nous, et que si l’on n’a pas conscience de cette pulsion criminelle, on devient assassin, mais si on lit Sade, justement, on sera préservé, peut-être, de ce passage à l’acte qui est le meurtre.

PASOLINI

… Du coup, on peut faire un lien aussi avec Pasolini et son cinéma sur Sade qui est insoutenable…

Complètement ! Qui est insoutenable…, le livre est déjà insoutenable : Les 120 Journées de Sodome  [11].

…Je crois qu’il a un peu regretté ce film…

…c’est la partie des excréments, pour dire ça dans un langage un peu châtié, la partie tortures ? Oui mais bon, on a Tarentino qui fait ça très bien. Mais l’ excrément, à partir de Waters personne n’a montré ça comme ça. John Waters, si, c’est un peu plus ludique. On parlait de l’underground, avec Pasolini, avec Sade, avec John Waters, avec Burroughs on est dans l’underground, c’est sous la terre, c’est ce qu’on ne veut pas voir. A Bordeaux, il n’y a pas d’underground puisque le tramway est aérien…

[rire]

Mais Pasolini, après, c’est aussi un immense poète, un grand scénariste. Il y a un film de [Mauro] Bolognini si je me trompe pas qui s’appelle Les Garçons [12] avec [Laurent] Terzieff et [Jean-Claude] Brialy , qui est extraordinaire. Tout le monde couche avec tout le monde du début à la fin du film, donc je ne sais pas si on peut dire ça, mais je le dis quand même : c’est un grand film.

…On va pratiquement arriver à la fin, tu peux peut-être nous parler de l’écrivain d’abord et ami Stéphane Zagdanski. Pour finir, tu nous liras un passage de De kooning. Et on prendra rendez-vous pour un deuxième volet chez toi…

…J’espère que je serai à la hauteur.

Parce que là, c’était une émission un peu spéciale, où l’enregistrement s’est déroulé dans l’ancien atelier de Claude et Sophie Chambard  [13]

…Quel honneur !

STEPHANE ZAGDANSKI

Stéphane Zagdanski, c’est quelqu’un que j’ai rencontré à Toulouse dans les années 2000 et j’étais intéressé parce que c’était à la fois la question Céline, et la question Proust. J’avais lu dans L’Infini, un article Céline et Proust. Et je me dis « comment on peut faire ça ? ». quelqu’un qui est capable de faire cette synthèse, à la fois sans préjugés sur Céline et puis la cathédrale qu’est l’œuvre de Proust…

…Alors que lui-même, tu veux dire, en plus, est juif…

Oui, oui, bien sûr, donc cette question des pamphlets, en tant que effectivement, appartenant à la communauté juive c’était assez exceptionnel. Puis il a écrit un livre assez extraordinaire qui s’appelle

De l’antisémitisme, ou il l’avait écrit, avant, je ne sais plus, on s’est rencontrés, et il y a eu une amitié effectivement. J’ai toujours été impressionné parce qu’il avait une oeuvre considérable, et aujourd’hui, il a décidé, plutôt, de se consacrer aux arts plastiques.

… Mais d’une manière radicale, quand même…

… De toute façon, dans tout ce qu’a fait Stéphane, ça toujours été radical, et c’est en cela que c’est remarquable et que ça a pu entraîner dans le milieu…, des frictions irréconciliables, mais je ne voudrais pas parler de ça. Après on a fait un film, en 2006. Me concernant, ce film qui s’appelle Résurrection de Prout…

… Donc, il y a une vidéo ? …Que tu vends aussi ?

… que je vends.

C’est compliqué pour vous parce qu’on les voit pas sur Internet. C’est pas marchand, la Société du Spectacle, avec toi, elle a pas de beaux jours…

On a fait ce film et on a eu la chance - ça c’est un peu pour rigoler parce que c’est à la fois la frime et que c’était un peu rigolo, en filmant un petit peu au Ritz. Stéphane commence et il dit « Qu’est-ce qu’un classique ? C’est quelqu’un dont tout le monde parle et que personne ne lit. »

Cher Jean-Hugues, voilà bientôt une heure et quart que nous déambulons. J’aimerais que tu me fasses le plaisir de me lire un passage de ton ouvrage Le Rire de De Kooning

Je vais essayer

Mais oui et je te dis : A très bientôt chez toi, où on va faire connaissance avec des livres en particulier, tes livres.

LECTURE D’UN EXTRAIT DU RIRE DE DE KOONING


Standing Figure, 1965-1985
ZOOM : cliquer l’image
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Elle se tient toute seule cette explosive apparition dans le Jardin des Tuileries...

DEAMBULATION 2 : dans la bibliothèque de J-H. Larché

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FITZGERALD

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Pile de livres d’auteurs littéraires, livres de cinéma, romans libertins du XVIIIe...

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le livre sur amazon.fr

Fitzgerald, c’est un auteur que j’aime beaucoup, notamment pour ses portaits de jeunes filles.

J’ai longtemps préféré Faulkner mais Fitzgerald c’est très léger comme écriture

Comment l’as tu découvert ?

Découvert avec « L’envers du Paradis » paru en 1920. [JH Larché retire le livre de son étagère et lit la Quatrième de couverture :

[...] J’étais comme un seau vide, si abruti après avoir écrit tout l’été que je m’étais embauché pour réparer les toits des wagons dans les ateliers de la Northern Pacific. C’est alors que le facteur sonna à ma porte, et ce jour-là je plaquai mon travail et je courus dans les rues, arrêtant les autos pour dire à mes amis et connaissances que mon roman, L’envers du Paradis, avait été accepté par un éditeur. Cette semaine-là, le facteur sonna et sonna, et je payai mes terribles petites dettes, achetai un costume et me réveillai chaque matin dans un monde d’excitation et de promesses ineffables. » F. Scott Fitzgerald.

Il a aussi écrit Gasby le Magnifique, Tendre est la nuit

C’est un univers de l’amour. Je suis dans ma deuxième péroide, tu te souviens, à Toulouse. J’ai 27 ans Je lis Fitzgerald, Faulkner et je découvre Bataille...

BUKOWSKI

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Sur l’écriture, Charles Bukowski

Il sait qu’il va être connu, reconnu, liberté qui touche jusqu’’à l’obscène mais on rit. Rabelaisien
Pause musicale

Petit rapport avec De Kooning avec aussi un livre intitulé Women

Pas le misogyne qu’on imagine. Ses poèmes sont très inspirés.

Poème sur sa fille, poème sur sa femme qui est magnifique

Il aime Erza Pound, Céline. Il aime les sulfureux. Lui-même est un sulfureux !

APOLLINAIRE

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Alcools ; catalogue d’exposition Apollinaire BnF, 1969, illustré avec des portraits d’Apollinaire par Picasso. Ils ont été très proches et Picasso, à l’approche de sa mort en 1973, aurait dit « j’ai une pensée pour Apollinaire ». (Un rapport d’amitié de plus de cinquante ans, Apollinaire était mort en 1918)

La Dame

Toc toc Il a fermé sa porte
Les lys du jardin sont flétris
Quel est donc ce mort qu’on emporte

Tu viens de toquer à sa porte
Et trotte trotte
Trotte la petite souris

Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913


Après Baudelaire et Rimbaud, je mets Apollinaire, tout de suite.


BASQUIAT, LE ZOHAR, LA PENSEE JUIVE

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Le Zohar

La pensée juive

Une pensée de liberté

On n’a jamais fini d’interpréter les textes sacrés

LE ZOHAR

Le Zohar fait partie de la tradition juive midrashique et constitue un des quatre textes les plus célèbres de cette tradition :
avec Le Midrash Rabba et les deux Talmud [14]. Tous ces textes reposent sur une connaissance précise et virevoltante de l’hébreu [15]. Le midrash est d’abord un questionnement du texte biblique, un fouillage incessant de sa langue, de ses sauts, de ses apparentes contradictions : une recherche qui à son tour génère du texte. En termes plus modernes, nous pourrions le définir comme une forme maximale d’intertextualité.

Sandrik Le Maguer
Portrait d’Israël en jeune fille / Genèse de Marie
(note pileface)

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Pause musicale : Just a Gigolo Telonious Monk

On ne peut aijourd’hui circonscrire ce qu’a écrit …Shakespeare, Montaigne

Le Zohar disponible en version pdf ICI


MARCEL DETIENNE

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Un philosophe spécialiste de Dionysos qui a écrit un très grand livre avec Jean-Pierre Vernant : Les ruses de l’intelligence ; la metis chez les Grecs, quasiment un livre de stratégie. Reprend la ruse du renard, la ruse du poulpe qui jette son encre pour se défendre et le renard qui se couche et fait le mort pour attraper les oiseaux. Les Grecs avaient une grande conscience de cette intelligenve animale.
Sur Dionysos, il a notamment écrit Dionysos mis à mort.


LE RAYONNAGE CHINOIS

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Tout d’abord, arrêt sur un livre sans titre, sans nom d’auteur :

Et j’ai su que ce trésor était pour moi.

... c’est la page blanche de Mallarmé. Je le mets là parce que c’est un peu le symbole de tout ce que j’ai envie de lire.
Là, c’est le rayonnage chinois :
Anthologie de la littérature chinoise de Jacques Pimpaneau

Comment tu es tombé dans la littérature chinoise ?

...C’est plutôt la poésie chinoise. Il y a celui qu’on appelle Li Bai qui fait des poèmes à la Lune, qui fait des poèmes dans l’ivresse, dans une grande nostalgie.
_...la poésie de type philosophique avec Lao Tseu.
Il y a quelque chose de naturaliste - je ne sais pas si c’est le mot juste - : il y a une contemplation de la nature, des arbres, de la rivière, des prés, de la montagne, des nuages... Il y a une grande conscience, chez les Chinois, de leur position dans le monde : ils se représentent tout petits dans les peintures de paysages.


PHILIP ROTH, L’ECCLESIASTE

Mon livre préféré de Philip Roth, c’est Le Théâtre de Sabbath. J’avais dévouvert Philip Roth avec un livre qui s’appelle Le Saint...

J-H. Larché lit un extrait de L’Ecclesiaste

Pause musicale avec Mozart, Cosi Fan Tute , écrit avec Da Ponte, un extrait suave.

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ET AUSSI "LE CAS HOMERE", "LE DUENDE", LAUTREAMONT, "LA GUERRE DU GOÛT" DE SOLLERS

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LECTURE : DANSE AVEC SOUTINE (extrait et commentaires)

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Début : Lecture par J-H Larché d’un extrait son nouveau texte "Danse avec Soutine"

J’aime Soutine pour son prénom Chaïm

Qui signifie vie en Yidish

La peinture de Chaim est-elle le furet du bois joli ?

On la suit à la trace, on la perd

On tente de l’attraper du regard,

On ne la capte pas aisément

D’impasses en routes principales

De pentes montantes ou descendantes

De sentiers improbables

En troncs parfaitement bancales

D’arbres en forêts

De cabanes en immeubles

Elle passe partout

Cette liberté sans concession

Et elle redonne forme

A tout ce qu’elle croise.

J’ai toujours été fou de Soutine, de toutes ses peintures.
W. de Kooning

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Soutine par Modigliani

Chaïm Soutine (1893-1943)
(note pileface)

Souvenir d’enfance : « J’ai vu une fois le boucher du village trancher le cou d’une oie et laisser s’écouler le sang. Je voulais crier, mais son air joyeux me nouait la gorge... Ce cri, je le sens encore là. Lorsque j’étais enfant et que je dessinais un maladroit portrait de mon professeur, j’essayais de me libérer de ce cri, mais en vain. Lorsque je peignais une carcasse de boeuf, c’était toujours ce même cri dont je voulais me débarrasser. Je n’ai pas encore réussi. » Ce cri qui possède Soutine, c’est l’épreuve de l’insoutenable et fabuleuse tragédie du vivant qu’il essayera toute sa vie d’incarner sur la toile. Dans son oeuvre, tout est mouvement, déséquilibre, instabilité, précarité. Aucun point fixe auquel s’accrocher. Aucune certitude en laquelle se reposer. L’univers de ce peintre est fait de formes toujours provisoires, mouvantes, se faisant et se défaisant au gré d’un flux qui nous échappe. Les choses y sont assujetties (Paysage de Céret, Les Maisons), mais aussi les êtres (Le Petit Pâtissier), dont les contours parfois semblent se fondre dans le décor, brouillant toute distinction, rendant vaine toute définition sérieuse de l’existant. L’oeil de Soutine dissout les lignes, les silhouettes et enveloppes, réduisant et condamnant le monde à l’impermanence. Mais il perçoit aussi la convulsive féerie de ces incarnations précaires, et la riche sensualité de sa matière picturale en témoigne, tout comme la violence fauve de ses couleurs incandescentes (Enfant de choeur, La Femme en rouge).

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Soutine, La femme en rouge, 1922
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L’aquatique De Kooning (extrait)

illustrations de pileface

(supplément au Rire de De Kooning)

[…] Les théories (dites artistiques) de De Kooning sont une pensée mouvante en acte, en écrits ou en entretiens, elles respirent la vie de l’atelier et non le concept. Fin des années soixante et début des années soixante-dix, les réflexions du peintre l’amènent à accentuer la dilution picturale orgiaque des vingt années précédentes. De Kooning se transforme en Poséidon, il pense les eaux et marche véritablement dessus.


DE KOONING, Whose Name Was Writ in Water Musée Gugenheim
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Dont le nom a été écrit dans l’eau (…Whose Name Was Writ in Water) est une toile non signée de 1975. Le peintre n’a plus besoin de signer. Le nom s’est dissous, il a fui dans l’air des paroles, il a été oublié d’une époque à l’autre et n’existait pas encore à la préhistoire. Mais il se recompose sans fin, le nom. Il cherche à retenir le temps. Le Verbe, lui, s’est fait chair en son temps dans notre civilisation, au commencement. Comment De Kooning écrit-il encore son nom ? Simplement par une superposition de traits ou une glissade de peinture ou par une trace de couleur s’exposant en lumière. Son nom s’écrit dans la moindre touche du pinceau, se reconnaît dans son propre mouvement, à chaque tremblement ou reflet, à chacun des gestes sur l’aquatique surface de la toile. Le goût absolu n’a plus à écrire son nom.

J’ai travaillé sur une série sur l’eau où les figures flottent comme des réflexions dans l’eau, la couleur est influencée par la lumière naturelle.


Woman Accabonac (1966) et Man Accabonac (1971) forment le couple idéal de cette peinture aux grandes eaux.
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Improbables figures humaines grandeur nature métamorphosées en traces tortueuses dans un bain de couleurs où chacun attend sa dissolution ou sa réincarnation. Peut-être une star de magazine et peut-être un athlète sont ici intégralement peinturlurés comme les premiers habitants du territoire de la presqu’île de Long Island avant l’arrivée des européens. C’est De Kooning qui les ressuscite ainsi par la voie sa-crée de sa vision picturale. Ils ont été conçus à deux pas de la route Accabonac à Springs, tout près de l’océan vivifiant.

Une des dernières Women en maillot de bain rouge éclatant est Femme dans l’eau en 1972, bien campée sur ses deux jambes dans un courant d’eau claire, les bras et la tête informes, fondue à la saturation du contexte multicolore. Elle rit franchement cette naïade d’être dans un tableau de De Kooning. Elle s’extasie d’être autant terre que feu et eau que air dans ce mélange d’éléments ex-plosifs à l’oeil. Le tableau entier rit dans son rayonnement coloré. La chair criante en obscénité répand sans retenue ses généreuses couleurs.

On est pour toujours complètement perdu dans l’espace. On peut y nager, voler, flotter en lui et aujourd’hui le mieux ou le plus à la mode semble d’y trembler.


© The Willem de Kooning Foundation, c/o Pictoright Amsterdam/Stedelijk Museum Amsterdam

Lumière Atlantique Nord (The North Atlantic Light), 1977 au voilier suspendu sur l’océan ciel a des couleurs bigarrées dans une atmosphère où tous les temps sont possibles. Il y a comme une arche d’espace temporelle ouverte où le bateau pourrait s’engouffrer pour passer de l’autre coté de l’Atlantique, ou passer directement à l’océan Pacifique, à l’océan Indien ou à la mer de Chine. L’espace du monde est désormais dilaté dans des formes serpentines. Il s’ouvre au grand rire de la pein-ture. Tout se dilate dans le plaisir de jouir de plus de lumière. Les peintures de De Kooning sont un océan. Et si le temps se gâte, le navigateur d’atelier sait aussi traverser la tempête.


Pirate (Untitled II), 1981
Huile sur toile,88 x 77 inches
The Museum of Modern Art, New York,
Sidney and Harriet Janis Collection Fund
Digital Image © MoMA, N.Y.
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Ainsi Pirate (Untitled II) de 1981 a résisté au flux des courants et a pris le contrôle de l’océan des arts. Pas par la force, mais en évanescence, en suggestion blanche et jaune, en apparition fantomatique de pure joie. C’est un tour de passe-passe fondu dans la peinture contre les illusions du marché et de sa rentabilité. Une Woman-pirate vous jette à la face : « Marché de l’art… Laissez-moi rire ! » pour retourner ironiquement les flibustiers de la collection et les négociants des galeries précipités sur le butin.


William de Kooning, Morning : The Springs
© The Willem de Kooning Foundation, c/o Pictoright Amsterdam / Stedelijk Museum Amsterdam
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En 1983, il y a Matin : Les sources (Morning : The Springs), tableau en réveil frais aujourd’hui visible à Amsterdam. Un glissement de fraîcheur retourne vers son origine. Le blanc de l’eau claire a enfin filtré les figures des Women qui s’écoulent désormais en fines particules (non toxiques) dans le matin musical des sources. C’est le énième bain de jouvence dans l’atelier en paquebot de verre de Long Island. Les grandes toiles de Willem De Kooning continuent de lui sourire.

Librairie Olympique*
23, rue Rode
33 000 Bordeaux

ARCHIVES : les entretiens réalisés par Renaud Garcia (CultureWok)

Entretiens en trois épisodes avec Jean-Hugues Larché, réalisateur et créateur de la collection DVD "Penseurs du Vingt et Un". Entretiens réalisés par Renaud Garcia (CultureWok).

Episode 1/3

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Je voudrais que tu te présentes

Je m’appelle Jean-Hugues Larché, je suis originaire de Bordeaux et j’ai vécu à Toulouse une quinzaine d’années. J’ai toujours aimé le cinéma, la littérature, la philosophie. J’ai tours voulu faire des films. La première idée qui m’est venue, c’est de faire un film sur Nietzsche, une idée que j’ai depuis longtemps. Alors j’ai commencé à filmer pas mal d’intervenants autour de Nietzsche. Et à un moment donné j’ai eu l’idée de faire une collection de DVD.

J’avais fait quelque chose avec Sollers, en commençant par Sollers, et donc j’ai tenté de faire une petite collection, comme ça, de façon on dira …comment dire ça …artisanale et indépendante.

Donc ça partait de l’idée de faire des films, l’amour de la philosophie en particulier, d’aller vers Sollers parce qu’il a beaucoup parlé de Nietzsche, en fait…

Voilà, entre autres Sollers, entre pas mal de gens. L’idée, c’était de prendre des gens qui avaient fait un livre sur Nietzsche et donc de les interviewer sur ce livre en particulier. Au départ, c’était ça par rapport à Nietzsche, ensuite ça s’est un peu transformé, Sollers avait une œuvre entière, alors il s’agissait aussi de le faire parler de ça, de la façon dont Nietzsche traversait son œuvre, par exemple. Chez François Jullien, le deuxième DVD, et là il avait fait une vingtaine de livres sur la pensée chinoise, et là il s’agissait de voir pourquoi il avait fait cette œuvre-là, comment il se situait, par exemple, entre philosophie et sinologie, ce que les sinologues lui reprochaient parce qu’il était top philosophe pour les sinologues, et trop sinologue pour les philosophes - …quelque chose comme ça.
Ensuite, il y a eu Stéphane Zagdanski sur Proust, qui est un ami, qui lui aussi avait une œuvre autour de la pensée juive, de la philosophie, de Céline et de Proust, donc on a fait quelque chose autour de Proust. Voilà, et puis le dernier en date, c’était Malek Chebel, produit autour des questions érotiques dans l’islam. Il vient de sortir un Dictionnaire amoureux des Mille et une nuits après avoir publié Dictionnaire amoureux de l’islam…

_ La parole est alors donnée à Malek Chebel etc. La suite dans l’enregistrement audio.

Episode 2/3

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Sur le type d’interview : pourquoi ce choix de s’effacer de l’image ?

Ou sur le making of des DVD de J-H. Larché :

Tu m’aurais posé cette question il y a quatre ans, je ne sais pas si j’aurais pu répondre comme ça, parce que j’avais pas trop confiance, je voulais d’abord me retirer dans un deuxième temps - car j’étais dans l’interview - je voulais redonner pleinement la parole à ces gens, ce qui ne se fait pas. Dans les interviews, on voit ça à la télévision, même sur Arte, l’interviewer prend, des fois, plus de place que l’interviewé, donc là, c’est peut-être un choix catégorique aussi, un peu radical de dire, bien non on efface, ça vit par le silence, on redonne la parole à l’interviewé, c’est une forme de respect total. On me l’a souvent dit, ça pourrait faire l’objet, uniquement, de CDs, pas forcément de DVDs, mais ce qui m’intéressait aussi, c’était de mettre des gens …de voir Sollers, par exemple, pendant une heure et demie sans montage ou quasiment sans montage, …c’est intéressant de voir ça aussi. C’est commme si des gens venaient vous parler chez vous pendant une heure. Evidemment, il y a montage, mais il est le plus atténué possible.

Etc.

Voici le résultat, avec un extrait du DVD de Sollers sur Nietzsche

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Dans l’interview que l’on fait maintenant, on n’est pas dans le rapport à la pensée, on est dans le rapport à une explication de travail. Là, dans la démarche que j’avais on allait chercher une pensée essentielle de la personne que j’interviewais, voilà, et à ce moment-là, les silences, ça compte ; Peu de gens s’y risquent parce qu’il faut que tout aille vite. Aujourd’hui dans le cinéma, il y a des gens qui prennent un peu de risques, …qui arrivent à faire des plans d’une minute vingt, une minute 30, mais pas trop longs quand même, et là, ce sont des plans qui sont beaucoup plus longs. Moi, je me suis aperçu d’un truc, c’est que la parole humaine, la réponse à une question - et on le voit bien dans mes DVD - c’est entre six et sept minutes. Au-delà de sept minutes, un discours est quasiment obligé d’être relancé. Dans le cas de ces interviews DVD, on est quand même dans un cadre professionnel, le type répond mais il a quand même le formatage télé, le formatage radio, inconsciemment. Avec Chebel, c’était un peu différent parce qu’avec Chebel, il y a un rapport d’humanité directe, de grande attention à l’autre, et lui, à un moment donné il pourrait partir beaucoup plus, à bâtons rompus, ce qui n’est pas trop le jeu parce qu’il fallait dans le cas de Chebel, il fallait plutôt serrer sur Shéhérazade, sur la féminité sur les Mille et Une Nuits, et on a toujours envie d’en savoir plus sur son parcours, sur d’autres œuvres. Moi, ce que je voulais, c’était quand même aussi, serrer sur un sujet précis.

…Le fait d’avoir fait un choix de lissage maximal, c’est-à-dire que tu ne fais pas ou très peu de montage, ça fait ressortir la rugosité.


Oui, oui, ça finit par être expérimental, alors que ça voudrait pas l’être, c’est ce qu’on vient de dire là, on est rattrapé par autre chose et je trouve même que, parfois, ça finit - alors que c’est un document très sérieux - par être parodique, tellement c’est obsédé dans le thème même. Ca finit par être presque comique de sortir du champ. On arrive presqu’à un document brut, au sens de l’art brut.

Ca ne pourrait pas passer à la radio parce que les questions sont écrites, il manquerait une quantité, c’est tout à fait étonnant… Et en sens inverse, il y a une théâtralité de chacun.

L’idée, par exemple, de ces questions, en fait, c’était de faire un livre, en fait. On m’a dit souvent : « Jullien, on dirait un livre », parce qu’il y a des questions, des chapitres, et ce chapitrage là, c’est quand même assez intellectuel, c’est pas un chapitrage habituel de film, de documentaire, ça ressemble un peu à un livre. Après, il y a la questions des bonus qui fait des fois retour sur ce qui se passe. Moi, j’aime bien travailler deux ou trois bonus, parce qu’après les gens, après, ils reviennent au film. Par exemple, dans Jullien il y a quatre bonus sur le processus, le spontané, le vide, et le souffle. Donc quatre petites notions qu’il était intéressant de mettre, car quelqu’un qui ne connaîtrait rien, à la Chine, s’il voyait déjà ces quatre bonus, il pourrait peut-être mieux connaître le document.
Malgré tout cela, malgré le côté brut, il y a un côté qui aussi se voudrait pédagogique, et pour aller encore plus loin, mais peut-être trop vite, qui se voudrait universel entre guillemets, mais de toucher à des cultures, c’est-à dire de toucher, à la fois, à la Chine, à l’islam, de toucher à Proust, à la pensée juive et à Nietzsche, de faire un panorama. On voit bien quand je parle que je suis pris dans quelque chose qui m’a un peu dépassé, parce que j’ai aussi l’impression de faire un grand écart entre ce que je vis dans la profession de vendeur de livres, et aussi d’éditeur et de concepteur de documentaires. Donc je suis dans un grand écart, et de toute façon c’est un grand écart entre la province et Paris. Et moi, je me sens quand même assez écartelé, quoi. Et ça me fait plaisir que tu me dises de venir parler de mon travail, …[c’est pour moi le signe qu’]il commence à y avoir une écoute.

Episode 3/3

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Sur Proust

Qu’est-ce qu’un classique ? ,Selon Hemingway « C’est quelqu’un dont tout le monde parle mais que personne n’a lu ». La formule s’applique bien à Proust.

Projet de documentaire sur Heidegger
… Un nom qu’il ne faut pas dire ; j’hésite à le sortir : un philosophe incontournable du XXe siècle, mais compromission politique.
Heidegger reste un très grand interprète de Nietzsche, un grand admirateur de Hölderlin, à juste titre, un grand poète lui-même. Qui a dérapé à un moment donné, il le reconnaît lui-même.
Je suis plutôt pour regarder les œuvres.

Sur Rodin

Je voulais comprendre l’art et j’ai beaucoup copié Rodin. J’étais à Toulouse et avais monté un petit atelier. Rodin a écrit un ouvrage Les cathédrales de France. Rodin est un penseur de l’art. Qu’est-ce qui reste des ces artisans du Moyen-Age. Rodin n’arrête pas de se plaindre que cette splendeur gothique soit en train de disparaître, rénovée n’importe comment.

Sur Malek Chebel
(Mille et une lumières d’Islam)

Si tu avais les moyens qu’est-ce que tu voudrais faire ?

J’aimerais continuer de façon artisanale,
…à choisir mes sujets, puissants, humains, un peu universels.

Si j’avais les moyens financiers, j’aimerais faire un documentaire par an, ce que je ne peux pas faire aujourd’hui, faute de moyens. Sur l’Art évidemment.
Pour l’instant j’ai réalisé des films franco-français, je ne pouvais faire que ça, sans moyens. Mais j’ai une idée…l’année dernière j’étais allé voir les [Talking Heads à Lyon (David Byrne, musicien)- Un artiste absolument incroyable ; trente ans après ça n’a pas bougé, les chorégraphies sont exceptionnelles, c’est drôle aussi. J’aimerais faire un projet sur David Byrne, un projet sur Rodin, un projet sur les artistes d’ici à Bordeaux… Aussi, un grand projet sur le taoïsme, sur la pensée chinoise pour être plus précis.
Quand on ne cherche pas à trop contrôler, les choses adviennent.

LIENS

Jean-Hugues Larché sur pileface


[11958

[21959

[3Edmond Jabès est né au Caire en 1912 et est mort le 2 janvier à Paris en 1991. Il disait aussi : « Les livres sont habités de monstres que la nuit de l’encre protège. Il nous faut continuellement apaiser leur appétit. » Le Livre des Questions (1963) https://dicocitations.lemonde.fr/au...

[4Agrégé de philosophie. - Psychanalyste. - Maître de conférences, décédé en 2018 (note pileface)

[5« Je sillonne les innombrables chemins de l’écriture parsemés de mots, d’alphabets divers, de symboles, traces et signes variés ; ces pérégrinations m’inspirent pour créer des œuvres où coexistent langage et plastique » JJ.F. Chapelle (note pileface).qui nous parlait de Filliou [[Robert Filliou (1926-1987)

[61922- , spécialiste de métaphysique et de philosophie antique.

[71930- Spécialiste de la Rome antique, ancien élève de l’École normale supérieure, membre de l’École française de Rome (1955-1957), il est professeur honoraire du Collège de France

[81935-2019 universitaire belge ; helléniste et anthropologue comparatiste.

[9son complice interviewer dans ses DVD

[10publié dans Sprezzatura N°5 et L’Infini n°124, Automne 2013

[11Pier Paolo Pasolini, 1975.

[121959

[13Claude Chambard, créateur et imprimeur-typographe, avec Sophie Chambard, des éditions À Passage / Le Coupable à Bordeaux, en 1979

[14Le Talmud de Jérusalem et le Talmud de Babylone. Le terme simple Talmud désigne généralement ce dernier

[15la langue originale de la bible avant d’être traduite en grec avant d’etre traduite en grec

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3 Messages

  • Viktor Kirtov | 22 décembre 2021 - 14:45 1

    Il vous reste encore quelques semaines (jusqu’au 10 janvier 2022) pour aller voir au musée de l’Orangerie (à Paris, jardin des Tuileries) l’enthousiasmante exposition « La Peinture incarnée », qui confronte les œuvres de Chaïm Soutine et de Willem De Kooning. J’en sors, et croyez-moi, ça fait du bien : l’effervescence qu’allume en nous la peinture est semblable à cet appel d’air qui nous libère quand on fait l’amour.

    L’asphyxie politico-sanitaire nous accable : tout semble en ce moment truqué, haineux. Aller voir de la peinture est un acte lustral : on se purifie instantanément de toute la connerie du monde (et de la nôtre) ; les couleurs nous entrent dans les nerfs : la féerie procède par transfusion. C’est aussi un renouvellement de notre entente avec cette clarté qui illumine pourtant l’existence, et que l’art nous donne à voir. Le corps a besoin de nuances ; la sensation est une nourriture qui pense.

    J’aime la peinture violente : celle du Caravage, de Van Gogh, de Bacon. À ces trois s’ajoutent donc Soutine (1893–1943) et De Kooning (1904–1997), deux outsiders magnifiques, l’un, juif français d’origine russe, ayant vécu à Montparnasse, ami de Modigliani (avec qui il partage un atelier) et membre de l’École de Paris ; l’autre, originaire des Pays-Bas, lui aussi émigré, mais aux États-Unis, ami de Pollock et figure solitaire de l’expressionnisme abstrait.

    L’exposition nous fait revivre celle de Soutine au MoMA en 1950, qui fut un triomphe. Le choc qu’en éprouva De Kooning relève de la déflagration métaphysique. Rien n’est plus beau que les rencontres artistiques : comment l’amitié passe dans les œuvres, c’est la grande chose.

    Les paysages convulsés de Soutine, sabrés de lames rouges et ocre, ses corps de grooms, de bouchers et de pâtissiers démantibulés, ses fonds brossés avec rage qui déchirent la matière comme du « soufre en feu » (Élie Faure) : tout vous emporte et vous soulève. La chair est une lave de volcan qui saigne. Soutine ne cesse de peindre ce bœuf écorché qui obsédait Rembrandt. On raconte qu’il avait suspendu une carcasse dans son atelier, l’arrosant régulièrement de sang frais : la vérité est le contraire de l’idéalisation.

    Et la beauté des Women de De Kooning est tout aussi éruptive et dure. Le geste du peintre semble fouiller ces chairs rose pompéien, ces bleus azur, ces jaunes baignés d’ocre. Ces femmes verticales comme des portes, féroces et pulpeuses, s’autodébordent en un geyser de chair explosive, comme si le chaos sexuel qui anime l’intimité s’exhibait en une tornade colorée. La peinture ouvre les corps et jette sur la toile leur déferlante intérieure. La distorsion expressive rejoint la vérité du surgissement physique. Il s’agit finalement d’une danse, celle qui révèle le spasme refoulé qui nous agite. Voilà :« faire danser l’anatomie », comme disait Artaud. •

    Crédit : Charlie Hebdo
    22 DÉCEMBRE 2021


  • Jean-Hugues Larcché | 24 février 2021 - 16:41 2

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    https://youtu.be/c-iDlP_tjaQ
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    Pour toucher à l’infini musical. Bien à vous. Jh

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  • Viktor Kirtov | 24 mai 2020 - 11:41 3

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    Exposition du 7 octobre 2020 au 1er février 2021

    "J’AI TOUJOURS ÉTÉ FOU DE SOUTINE – DE TOUTES SES PEINTURES"
    W. de Kooning

    Le musée de l’Orangerie présente une exposition faisant dialoguer les œuvres de Chaïm Soutine (1893–1943), peintre de l’École de Paris d’origine russe (actuelle Biélorussie) et de Willem de Kooning (1904-1997), expressionniste abstrait américain d’origine néerlandaise. Cette exposition s’attachera plus spécifiquement à explorer l’impact de la peinture de Soutine sur la vision picturale du grand peintre américain.
    Soutine a en effet marqué la génération des peintres d’après-guerre par la force expressive de sa peinture et sa figure d’"artiste maudit", aux prises avec les vicissitudes et les excès de la bohême parisienne. Son œuvre a été particulièrement visible aux États-Unis entre les années 1930 et 1950, moment où l’artiste figuratif de tradition européenne est relu à l’aune des théories artistiques nouvelles. La peinture gestuelle et l’empâtement prononcé des toiles de Soutine conduisent critiques et commissaires d’exposition à le proclamer "prophète", héraut de l’expressionnisme abstrait américain.
    C’est précisément au tournant des années 1950 que Willem de Kooning entame le chantier pictural des Woman, toiles dans lesquelles se construit un expressionnisme singulier, entre figuration et abstraction. L’élaboration de ce nouveau langage correspond au moment où le peintre convoque l’univers artistique de Chaïm Soutine et s’y confronte. De Kooning découvre les tableaux de son prédécesseur dès les années 1930, puis à la rétrospective qui consacre le peintre au Museum of Modern Art à New York en 1950. Il sera particulièrement marqué ensuite par la présentation des toiles de Soutine dans les collections de la Fondation Barnes de Philadelphie, où il se rend avec sa femme Elaine en juin 1952.
    Mieux que tout autre artiste de sa génération, de Kooning a su déceler la tension entre les deux pôles apparemment opposés de l’œuvre de Soutine : une recherche de structure doublée d’un rapport passionné à l’histoire de l’art, et une tendance prononcée à l’informel. L’œuvre de Soutine devient alors une référence permanente pour l’artiste américain. De Kooning, qui cherche à dégager sa peinture de l’antagonisme art figuratif / art abstrait en élaborant une ’troisième voie’ originale, trouve dans l’art de Soutine une légitimation de sa propre pratique.
    L’exposition mettra en dialogue les univers singuliers de ces deux artistes au travers d’une cinquantaine d’œuvres articulées autour de thématiques essentielles : la tension entre la figure et l’informe, la peinture de la "chair", la pratique picturale "gestuelle" des deux artistes.
    Ces moments thématiques seront ponctués de remises en perspective historiques, par l’évocation de la rétrospective de Soutine au MoMA en 1950 et de la visite de de Kooning à la Fondation Barnes en 1952.


    Chaïm Soutine, Le Village, vers 1923
    © RMN-Grand Palais (musée de l’Orangerie) / Hervé Lewandowski
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    Cette proposition, la première sur ce sujet, s’inscrit dans la ligne de programmation d’expositions temporaires que porte le musée de l’Orangerie autour de sa collection, notamment autour de celle de Paul Guillaume à la suite d’Apollinaire. Le regard du poète (2016), de Dada Africa,sources et influences extra-occidentales (2017), de Giorgio de Chirico. La peinture métaphysique (2020) et rejoint la question de la réception américaine, faisant suite à Nymphéas. L’abstraction américaine et le dernier Monet(2018).

    L’exposition est organisée conjointement avec la Fondation Barnes de Philadelphie, qui possède un nombre important d’œuvres de Soutine. Elles ont été réunies par le docteur Barnes sur les conseils de Paul Guillaume, qui est à l’origine de la collection du musée de l’Orangerie.

    Elle bénéficie du soutien de la De Kooning Foundation, New York et de Wilhelm Associés.

    Exposition présentée à la Fondation Barnes de Philadelphie du 7 mars au 6 juin 2021

    Commissariat
    Claire Bernardi, conservatrice au musée d’Orsay
    Simonetta Fraquelli, commissaire pour la Fondation Barnes