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Echos de l’affaire Matzneff 2020 (II) - Le Journal de Lolita

‘’Le Consentement" : Objet médiatique et aussi littéraire ?

D 11 janvier 2020     A par Viktor Kirtov - C 7 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



13/01/2020 Ajout : Affaire Matzneff : le patron de Gallimard s’explique. (Incontournable lecture)
18/01.2020 Ajout : En guise de synthèse

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Suite de « Echos de l’affaire Matzneff 2020 (I), avec aujourd’hui une question centrale : Au-delà de l’objet médiatique qu’est immédiatement devenu ‘’Le Consentement’’, le livre peut-il aussi être considéré comme un objet littéraire ?

C’était une volonté affichée par l’auteure Vanessa Springora dans ses interviews, y-a-t-elle réussi malgré la focalisation sur le parfum de scandale lié au personnage de ‘’G’’, Gabriel Matzneff aujourd’hui considéré comme prédateur sexuel infréquentable ? Ce ne fut pas toujours le cas, même si ses mœurs sexuelles ne sont pas une révélation. Aucune révélation nouvelle dans le livre de Vanessa Springora. Depuis ses débuts littéraires il en a fait son fonds de commerce. Les éditeurs l’ont publié de bonne grâce, et les soutiens divers ne lui ont pas manqué …jusqu’à François Mitterrand. Alors, pourquoi aujourd’hui, ce déferlement médiatique, juridique [lancement d’une enquête pour viols sur mineurs confiée à l’Office central de répression des violences faites aux personnes (OCRVP) par la section des mineurs du parquet de Paris.], jusqu’à l’auto-censure chez les éditeurs Gallimard, La Table ronde, Léo Scheer, auxquels s’ajoute maintenant le quatrième mousquetaire, les éditions Stock [1] qui retirent de leurs catalogues ses livres, en particulier, ses Journaux ? Du jamais vu (à ma connaissance). De quoi ont-ils peur ? L’Inquisition a aujourd’hui disparu. En gage de bonne foi vont-ils aller jusqu’à déposer leurs stocks dans l’Enfer de la BnF ? (La police n’aurait pas besoin de perquisitionner chez Gallimard pour s’en procurer, un exemplaire – on ne les trouve plus chez les libraires, dévalisés - ce qu’elle vient de fairemercredi 8 janvier (Le Parisien) ! Incroyable !

L’objet médiatique


Le livre est sorti ce 2 janvier. Tiré à 20.000 exemplaires — un tirage prudent mais non négligeable pour une auteure inconnue relatant des faits anciens et accusant un écrivain lui-même pratiquement oublié —étaient déjà presque tous écoulés le 6 janvier. « On a été en rupture dès le jour de la sortie », notait-on chez Mollat, l’une des plus grandes enseignes de France, à Bordeaux. L’éditeur a déjà réimprimé le livre pour atteindre 65 000 exemplaires. Idem au « Furet du Nord », la grande librairie lilloise, où les 30 premiers exemplaires se sont vendus comme des galettes des rois un dimanche de janvier, et où 500 nouveaux exemplaires sont attendus.

« C’est un livre qui crée le débat »

« C’est un public plutôt féminin et un livre qui crée le débat, commente Jérôme du Furet du Nord. Les gens s’interrogent sur le fait que l’intelligentsia parisienne était au courant et n’a rien dit.

Les réseaux sociaux ont déclenché le buzz

Les images de Bernard Pivot interviewant Matzneff lors de son émission Apostrophes en 1990, puis sa réaction sur Twitter ont déclenché le buzz et l’intérêt du lecteur ».

Le Consentement de Vanessa Springora n’était pas encore paru qu’à la mi-décembre 2019 éclatait « l’affaire Gabriel Matzneff », du nom de l’écrivain sulfureux, peu connu du grand public, avec lequel, il y a trente ans, l’auteure, alors âgée de 14ans, eut une relation traumatisante [psychiquement, a posteriori]. Le dossier fut promptement commenté et instruit sur les réseaux sociaux, où, au milieu d’invectives et de condamnations à l’emporte-pièce, était pointée la mansuétude à la fois d’une époque – celle des années 1970-1990, où on louait sur le plateau d’« Apostrophes » les multiples talents de séducteur de Gabriel Maztneff – et d’un milieu littéraire jusqu’alors épargné par la vague #metoo. Emergeait alors une autre facette de la toute-puissance symbolique de la littérature en France, un pays qui, jusqu’à récemment, n’hésitait pas à célébrer – notamment avec le prix Renaudot de l’essai en2013 – un écrivain qui, dans son œuvre, et singulièrement son journal, n’a jamais caché son goût (pour les très jeunes filles et garçons) Les Moins de seize ans (titre de l’un de ses livres paru en1994 et réédité en2005 aux éditions Léo Scheer). [2]

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Nous sommes entrés dans une société où l’indignation est permanente / Un moment de fureur morale

Comme le rappelait un essai récent [3] de Laurent de Sutter, nous sommes entrés dans une société où l’indignation est permanente et l’indignation soulevée par l’« affaire Matzneff » a été amplifiée par la viralité des réseaux sociaux.

Pourquoi Matzneff aujourd’hui, alors qu’il a fait de sa pédophilie un fonds de commerce littéraire depuis des décennies ? La réponse la plus évidente est que la sortie d’un livre a servi de catalyseur, mais elle est un peu courte, car elle ne rend pas compte du passage d’une apathie relative de nombre de personnes connaissant la situation à la « fureur morale » qui paraît les avoir saisies ensuite. On rappelle, bien sûr, qu’il fut un temps où certains milieux intellectuels avaient plus d’intérêt pour la question de la liberté sexuelle que pour celle de la défense des victimes, mais ce temps-là est passé depuis longtemps, alors, derechef, pourquoi maintenant ?

Il n’y a pas si longtemps, ceux qui se saisissaient de ce type de scandales de façon publique étaient les éditorialistes, voire les universitaires. Le plus souvent, ces acteurs prenaient le temps d’exposer la complexité d’une situation sans nécessairement en réduire la portée scandaleuse. Plusieurs études montrent que, désormais, ce sont les réseaux sociaux qui se chargent de rendre virales la colère et l’indignation. Comme l’écrit Molly Crockett, une psychologue de l’université Yale qui a conduit une étude publiée dans Nature à ce sujet, l’indignation est un feu et les réseaux sociaux sont comme de l’essence. [4]

La jeune génération est visiblement bien moins indulgente avec l’auteur des « Moins de seize ans », qui n’a jamais caché son goût des très jeunes filles et garçons. « On remarque une fracture, précise Lucile, de la librairie L’Ecailler (Paris, XVe). Chez moi, ce sont en majorité des femmes autour de la trentaine qui veulent lire le livre, très touchées par ce qu’il dénonce. Les lectrices plus âgées semblent être moins sensibles au sujet. » [5]

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Pas d’effet de curiosité pour Matzneff

« On n’en est qu’au début du phénomène car Vanessa Springora va être de plus en présente à la télé », ajoute un libraire. En effet, l’autrice, 47 ans, et elle-même directrice des éditions Juillard, sera l’invitée de Yann Barthès dans « Quotidien » sur TMC ce mardi [6], puis le lendemain dans « La Grande Librairie » de François Busnel sur France 5 [7]. L’animateur de France 5 avait reçu Gabriel Matzneff dans son émission en 2015 pour l’un des tomes de son journal intime en quinze volumes… « On va voir comment Vanessa Springora défend son livre et comment Busnel va réagir, embraye Lydie Zannini, responsable de la librairie du Théâtre de Bourg-en-Bresse. Ici, certains pensent qu’on en fait trop maintenant alors que le petit monde littéraire parisien savait et n’a rien dit. »

Et Matzneff, âgé de 83 ans, prix Renaudot essai en 2013, bénéficie-t-il d’un effet de curiosité ? Apparemment pas. « L’amante de l’Arsenal », le dernier volume de son journal 2016-2018, a été publié en novembre par Gallimard. Pour très peu de ventes — « sept avant l’affaire, aucune depuis », dit-on dans une libraire du XXe à Paris. « Les très rares qui nous demandent un livre de lui, c’est toujours parce qu’ils ont acheté le Springora, et qu’ils veulent savoir à quoi ressemble ce qu’écrit Matzneff », confie-t-on chez Mollat à Bordeaux. [8]

L’objet littéraire

Bien que l’emballement médiatique pour le contenu occupe la plus grande part de l’espace médiatique et des interviews, la dimension littéraire du projet de Vanessa Springora mérite-t-elle attention ? Elle s’est décidée à écrire son histoire en 2014, bien avant les campagnes MeToo. Le déclic a été pour elle la distinction du prix Renaudot à Matzneff en 2013. Elle ne supportait pas que son ancien amant dont une psychanalyse l’avait aidé à comprendre son rôle de prédateur sexuel, littéraire, psychique, ne supportait pas qu’il puisse être honoré. Elle avait été consentante sous emprise. L’emprise d’un adulte sur une mineure, d’un écrivain dont l’aura la subjuguait, d’un écrivain qui s’appropriait son histoire à sa façon, la dépossédant de sa propre histoire. Prédation littéraire doublée d’une prédation psychique qu’elle aborde dans son interview avec Yann Barthès [visionner vidéo plus avant], plus que dans son livre. Une prédation psychique qu’elle compare à un phénomène d’enfermement, d’isolement.

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‘’J’ai écrit un récit littéraire’’

C’est en ces termes que V. Springora qualifie son livre et son travail d’écriture dans son interview avec Yann Barthès.

Ce projet d’écriture tournait dans sa tête depuis longtemps. Elle a étudié les Lettres modernes à la Sorbonne, elle baigne dans les livres et la littérature depuis son enfance. Elle en a fait son métier et nommée Directrice des éditions Julliard depuis le 1er décembre 2019. Elle voulait donc que sa réponse ait une dimension littéraire « pour laisser une trace face à l’œuvre de G.M. je voulais qu’il y ait l’autre versant de cette histoire, une version d’une histoire qu’il avait évidemment occultée et qui m’avait été confisquée par ses livres [9]

Elle a lu et relu Lolita de Nabokov. Elle a envisagé d’être une Lolita qui raconterait son histoire du point de vue de la jeune fille. La version de la jeune fille manquait dans la littérature. Un challenge ambitieux. Après différentes versions dans le sillage de Nabokov, elle s’est rendue compte que sa version romanesque ne fonctionnait pas comme elle aurait souhaité. C’est alors qu’elle a opté pour une écriture à la première personne, sous forme d’un Journal : « Le Journal de Lolita » (titre apocryphe utilisé en accroche de cet article). Ce serait sa réponse à ceux de Matzneff.

« …rêve de meurtre et de vengeance. Jusqu’au jour où la solution se présente enfin, là, sous mes yeux, comme une évidence : prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre. »

déclare-t-elle dans le prologue du livre.

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Pourquoi ce titre, « Le Consentement » ?

Le titre choisi par Vanessa Springora, vous le savez est « Le Consentement ». Un titre qui correspond aux modèles littéraires dans lesquels elle veut inscrire son texte :

J’aime les titres courts, qui ont une certaine majesté et une force conceptuelle qui ouvre l’imaginaire. « L’Amant », « Le Procès », « Le Lambeau », « La Peste »... je peux en citer mille ! Et puis c’est la notion pivot du livre. Juridiquement, c’est assez flou, puisqu’on parle de la « majorité sexuelle » à 15 ans, mais aussi du « seuil de consentement »... Le mien était réel, mais loin d’être éclairé. [10]

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L’écriture

C’est en comparant les interviews parlées, par rapport au texte que l’on prend la mesure de la puissance de sa relation écrite par rapport à sa relation parlée. Pourtant elle est lumineuse et brillante dans son interview avec Yann Barthès !

Il y a dans le livre une dimension en plus, et c’est la qualité littéraire. Un récit sobre, construit très fluide qui suit un cheminement pensé pour atteindre l’universalité à partir de son histoire personnelle, alors que lors d’une interview, c’est l’enchainement des questions qui dicte les réponses. Le récit écrit, ce n’est pas seulement un anagramme c’est une logique, un style, une subtilité, l’art des nuances qui subliment son propos.

Le livre a des qualités littéraires. C’est plutôt réussi. Une Lolita qui devient auteure, sujet au lieu d’objet, même si la comparaison avec Nabokov ne tient pas comme elle l’explique. Son personnage Humbert Humbert exprime des regrets. Matzneff ? Aucun.

Le découpage du livre entend restituer le processus universel du pervers narcissique : L’enfance (le terreau propice de sa future proie pour planter le décor) / La proie / L’emprise / La déprise / L’empreinte (de la triple prédation sexuelle, littéraire et psychique) aux effets différés dans le temps, des stigmates indélébiles, à vie. La lente reconstruction après une phase de dérive : angoisses paniques, et bien plus : vie sentimentale dévastée :

« Il m’en aura fallu du temps pour me laisser aller avec un homme, sans l’aide d’alcool ou de psychotropes. »

Court épisode psychiatrique pathétique où elle a perdu tous repères et est recueillie dans la rue par des policiers

« Depuis combien de temps avais-je perdu trace de moi-même. Pourquoi avais-je accumulé autant de culpabilité… ?
[…]
- Mademoiselle, vous venez de vivre un épisode psychotique avec phase de dépersonnalisation »

diagnostiquera le psychiatre. / L’écriture (ce livre), une forme de catharsis.

Oui, mais le récit est aussi une analyse magistrale du sentiment d’emprise et l’enchaînement qui conduit à la soumission volontaire d’une mineure à son initiateur. Tout est dit mais aucune trivialité. Un récit sobre qui décrit sa propre histoire, porte au-delà par ses qualités littéraires, par son analyse du point de vue de la jeune fille des mœurs s’une époque.

Les chapitres La proie / L’emprise / La déprise correspondent, selon moi, le mieux à cet objectif d’universalité. L’auteure retraduit au plus près les sentiments de l’adolescente qu’elle était. Le flux des mots est fluide, léger, voire une pointe d’humour ou d’ironie au passage. L’écriture permet des subtilités, des nuances, des retours en arrière, la composition de la phrase permet ça et là des petites chutes qui se savourent à la lecture. G.M. est son prince charmant. Il la regarde, il la vouvoie alors qu’elle est en attente de reconnaissance, en quête d’amour et de sexe.

« Trop grande, trop plate, les cheveux toujours au milieu de la figure, un garçon m’a même un jour traitée de crapaud en pleine cour de récréation.[…]. Et tandis que l’adolescence jette sur moi sa main ingrate, je ne ressens plus qu’une solitude dévorante. »

À 13 ans, bientôt 14, elle accompagne sa mère, attachée de presse dans l’édition, à un dîner où sont invitées quelques personnalités du monde littéraire. C’est là qu’elle rencontre G., un écrivain dont elle ignore encore le nom et la réputation sulfureuse.

« Une prestance évidente. Bel homme, d’un âge indéterminé, malgré une calvitie complète, soigneusement entretenue et qui lui donne un air de bonze. Son regard ne cesse d’épier le moindre de mes gestes et quand j’ose enfin me tourner vers lui, il me sourit, de ce sourire que je confonds dès le premier instant avec un sourire paternel, parce que c’est un sourire d’homme et que de père, je n’en ai plus. À coups de belles reparties, de citations placées toujours à propos, l’homme qui, je le comprends rapidement, est écrivain, sait charmer son auditoire et connaît sur le bout des doigts les codes du dîner mondain. Chaque fois qu’il ouvre la bouche, les rires fusent de toutes parts, mais c’est toujours sur moi que s’attarde son regard, amusé, intrigant. Jamais aucun homme ne m’a regardée de cette façon. »

Quelques temps plus tard, Vanessa Springora reçoit une lettre. L’écrivain lui déclare son besoin « impérieux » de la revoir. Mais ce dernier tient à la rassurer : il ne lui fera aucun mal. L’adolescente lui fait confiance. « Dès que j’ai mordu à l’hameçon, G. ne perd pas une minute. Il me guette dans la rue, quadrille mon quartier. ( ..) Nous échangeons quelques mots et je repars transie d’amour », confie l’auteure [11]

Bientôt elle se donnera corps et âme, elle a 14 ans et l’idylle durera 1 an. Elle est à l’initiative de la rupture, par dépit amoureux, quand elle découvre qu’il la trompe avec une autre et qu’elle lit ses Journaux, mais l’ambivalence de ses sentiments perdure au-delà de la rupture. Elle a 15 ans et lui adresse une très belle lettre de rupture, à l’image d’autres qu’il a déjà reçues et publiées, encore sous l’emprise de son conditionnement décodera t-elle plus tard quand elle démontera tous les mécanismes de séduction et d’emprise du prédateur pour bâtir sa statue d’amant adulé de ses jeunes amantes, au-delà du temps de leurs relations

« Ce qui caractérise les prédateurs sexuels en général, et les pédocriminels, en particulier, c’est bien le déni de la gravité de leurs actes. Ils ont coutume de se présenter soit comme des victimes (séduites par un enfant, ou une femme aguicheuse), soit comme des bienfaiteurs (qui n’ont fait que du bien à leur victime) ».

Les chapitres L’empreinte et L’écriture vont s’attacher à démonter ces mécanismes. Exit Le prince charmant, Matzneff est alors devenu pour elle un « pervers narcissique », un « prédateur sexuel », « un prédateur littéraire ».
Ce sont des chapitres où sourd une souffrance contenue mais qui émeut le lecteur. C’est là que l’on prend conscience des traumatismes psychiques qu’a entraîné la prédation de l’Ogre Matzneff, sur Vanessa Springora marquée dorénavant « au fer rouge ».
Elle finira par s’en sortir parce qu’elle a rencontré les bonnes personnes dit-elle, et un psychanalyste va beaucoup l’aider pour évacuer (jamais complètement) un sentiment de culpabilité tenace, alors qu’elle est une victime. « On ne guérit pas d’une histoire pareille, on vit avec » confie-t-elle dans une interview pour ELLE.

Là , est aussi la limite de l’universalité du texte. L’histoire personnelle prend le dessus ; elle a besoin de charger le prédateur et les Institutions (École, Hospitalières, Police, Brigade des mineurs) y compris sa mère qui ne l’ont pas assez protégée, pense-t-elle, pour se libérer du fardeau de culpabilité qui fait de sa vie un enfer. Peut-être aurait-elle pu choisir un récit plus distancié sur ces points ? Mais la psychanalyse sert aussi à çà : à se dédouaner. Et c’est tant mieux pour elle, tant sa relation avec G.M. s’est avérée toxique a posteriori.

A la fin de leur relation elle était allée se confier à Emil (Cioran), le vieil ami de G.M. :

« […] — Mais Emil, il me ment en permanence
— Le mensonge est littérature chère amie.
Vous ne saviez pas ? »

lui avait pourtant soufflé Cioran.

Sans doute, un peu moins de littérature dans le plaidoyer qui suivra, Là, où son cas personnel prime sur l’universalité du personnage même si c’est pour une bonne cause : son salut.

Le personnage de fiction dans lequel Matzneff avait voulu enfermer Vanessa Springora, dans son Journal, une fiction loin de la réalité - où il se donnait le beau rôle, « s’est échappée de sa prison de papier, et c’est tant mieux » [12]. Prendre le chasseur à son propre piège, l’enfermer dans un livre », c’était son projet. Et elle a réussi.

Plus que l’analyse, encore une fois disons le, magistrale, des mécanismes universels d’emprise, de désemprise et d’empreinte résiduelle, le livre a mis sur le devant de la scène la notion de consentement sexuel dans les rapports de pouvoir entre les adultes et les mineurs. Tout le monde en parle maintenant, une notion évacuée après une révolution sexuelle qui a voulu abattre tous les interdits.

Un livre à lire absolument.


Documents d’intérêt

Vidéo : Quotidien. Entretien avec Yann Barthès

Un document de qualité. Vanessa Springora y est lumineuse et brillante :

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Vidéo : C à vous . Frédéric Beigbeder revient sur ses propos au sujet de Gabriel Matzneff

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‘’Le Consentement’’. Critique de Christine Rousseau, Le Monde


LIRE : cliquer l’image

Affaire Matzneff : le patron de Gallimard s’explique


Antoine Gallimard, vendredi 10 janvier, à Paris. SOPHIE CARRERE/HANS LUCAS POUR LE JDD
ZOOM : cliquer l’image
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— INTERVIEW —
EXCLUSIF L’éditeur a renoncé à vendre les ouvrages de Gabriel Matzneff au contenu pédophile. Il explique pourquoi.

Par Marie-Laure Delorme

Le JDD, 12 janvier 2020

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Le témoignage de Vanessa Springora, Le Consentement (Grasset), a créé une vague de panique dans le milieu de l’édition. Elle y dénonce les pratiques pédophiles de Gabriel Matzneff dont lui-même fait état dans ses écrits intimes. Le parquet a ouvert une enquête pour viol sur mineur le visant. Au-delà du cas judiciaire de Gabriel Matzneff, le spectacle laisse sans voix. Déchaînements de haine sur les réseaux sociaux ; panique chez les écrivains ayant fréquenté de près ou de loin le prédateur mondain ; journalistes traquant les journalistes ; actes de contrition publique. Dans cette affaire nauséeuse et nébuleuse, la littérature n’est jamais convoquée. Doit-on cesser de lire Hervé Guibert ? Doit-on considérer les journaux intimes comme des preuves à charge ? Doit-on parler de littérature, comme le fait l’auteure, en évoquant Le Consentement ? Le PDG des éditions Gallimard expose les raisons pour lesquelles il a décidé, comme d’autres éditeurs, d’interrompre la vente des journaux de Gabriel Matzneff.

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Assumez-vous la totalité du catalogue des éditions Gallimard ?
Je me sens pleinement solidaire des choix et du travail de ceux qui m’ont précédé. J’ai été d’emblée fier de m’inscrire dans cet héritage-là car il comportait à la fois Jean Genet, Aragon, Marguerite Yourcenar et Nathalie Sarraute. J’assume les choix de ma maison. Mais un catalogue n’est ni une autoroute ni une cathédrale... Ce n’est ni un chef-d’œuvre ni un aboutissement. Certaines œuvres sont pérennes, d’autres non. C’est un terrain d’expérimentation constant. Le principe d’incertitude y est en permanence à l’œuvre, mais la force de conviction aussi. La maison revendique son indépendance. Elle s’est construite en mettant la littérature au-dessus de tout. Il s’agissait de réagir contre le courant symboliste, les afféteries littéraires, le sur-écrit, et de montrer que la littérature pouvait influencer le politique.

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Comment en êtes-vous venu à éditer le journal de Gabriel Matzneff, dont vous avez publié neuf tomes depuis 1990 ?
Gabriel Matzneff a eu plusieurs éditeurs, y compris pour son Journal. C’est par l’intermédiaire de Philippe Sollers que son Journal a été accueilli chez Gallimard, dans la collection « L’Infini ». De Gide à Claudel, Queneau, Roger Martin du Gard, en passant par Morand, la maison Gallimard a toujours publié des journaux. Le journal intime, entre réalisme, confession, fantasmes, est un genre sur la corde raide.

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En trente ans, avez-vous eu des doutes, des questionnements quant au bien-fondé de le publier ?
Bien sûr, j’ai eu des doutes. Ces ouvrages ne correspondent pas à ma sensibilité personnelle, comme du reste Gabriel Matzneff l’avait justement remarqué dans ses Cahiers noirs, faisant état de mes « réticences » et de mon « indifférence » à son égard. Je sentais bien que le lien, la tension entre ses écrits et la vie réelle devenait de plus en plus problématique et que l’esprit de transgression ne pouvait seul en justifier la programmation. Gabriel Matzneff se veut l’héritier de Montherlant. Je le considère comme un écrivain, mais j’ai toujours été gêné que le Journal fasse état de faits réels concernant des personnes vivantes.

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Quel a été l’élément déclencheur pour prendre la décision exceptionnelle de cesser la vente du Journal de Gabriel Matzneff ?
Quand j’ai entendu parler du Consentement, avant sa mise en librairies, je ne pensais pas bouger. Je suis contre toutes les formes de censure. Je revendique le fait que la maison, et certains de ses auteurs, se sont finalement battus pour publier en 1970 Éden, Éden, Éden, de Pierre Guyotat, interdit par le ministère de l’Intérieur à la vente aux mineurs. Mais, au-delà du débat sur la qualité littéraire du texte, j’ai été très touché par la lecture du livre de Vanessa Springora.
Elle m’a fait prendre la mesure des effets dévastateurs de la manipulation d’un adulte sur une toute jeune fille. Dans le Journal de Gabriel Matzneff, il y avait une part manquante : la victime. J’ai pensé un moment apposer un blister sur ces ouvrages, comme je l’avais fait pour Rose bonbon, de Nicolas Jones-Gorlin, mais l’arrêt de la commercialisation est apparu comme la réponse la plus adéquate.

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En arrêtant la commercialisation du Journal, ne cédez-vous pas à la vox populi ?
Non. C’est vraiment le texte de Vanessa Springora qui a motivé ma décision. Être contre la vox populi ne m’aurait pas déplu.

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Les éditions Gallimard ont-elles reçu, comme cela a été dit, la visite de la police dans le cadre de l’enquête contre l’écrivain Gabriel Matzneff ?
Il n’y a jamais eu de descente de police dans la maison. On nous a demandé par écrit que l’on adresse à l’OCRVP (Office central pour la répression des violences aux personnes) un exemplaire de chaque volume du Journal de Gabriel Matzneff

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Au sein des éditions Gallimard, l’affaire Matzneff aura-t-elle d’autres conséquences ?
Nous avons été nombreux à voir l’émission Apostrophes avec Gabriel Matzneff et Denise Bombardier, mais combien d’entre nous ont réagi ? ce n’est ni une maison ni un milieu qui est ici en cause, mais bien le fonctionnement d’une société tout entière, dont nous sommes. Qu’est-ce qui a fait que cette parole transgressive n’ait pas provoqué plus de réactions auprès des institutions et des familles ? N’aurions-nous pas pris à tort une parole d’assujettissement pour une parole de liberté ?

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Êtes-vous sensible à l’atmosphère de délation qui entoure cette affaire ? On vous demande, à mots à peine couverts, la tête des proches de Gabriel Matzneff ?
Les gens sont souvent avides de sang. La chasse à l’homme, la chasse aux amis de l’homme... J’y suis sensible et j’en ressens un malaise. On n’aura la tête de personne chez Gallimard.

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Vous êtes, entre autres, l’éditeur de Sade et de Céline dans la Pléiade. Comptez-vous cesser de publier des textes dérangeants, polémiques ?
Bien sûr que non. La publication des textes de Sade a été une conquête pour la liberté d’expression, ne l’oublions pas et la maison a beaucoup oeuvré pour cela, en particulier Jean Paulhan. Il a publié Sade à la NRF et a soutenu Jean-Jacques Pauvert lors de son procès. La maison doit rester fidèle à cet héritage-là. J’ai accueilli les textes de Sade dans la Pléiade pour cette raison, comme ceux de bien d’autres auteurs transgressifs. Je pense notamment à Jean Genet, à Georges Bataille voire à Vladimir Nabokov. Je continuerai à le faire. L’un des rôles de la littérature est bien de faire place, comme le disait justement Bataille, à cette « aspiration dangereuse, humainement décisive, à une liberté coupable ». En ce sens, il y a une nécessité à rendre compte, en art et en littérature, des expériences limites, même si elles vont à l’encontre du cadre normatif que se donne la société. Mais il faut que la société de droit dans le même temps joue son rôle, en fixant les bornes - lesquelles, précisément, donnent sens à ces transgressions. Mais le fait-elle toujours ? L’a-t-elle fait dans le cas qui nous occupe ?

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Dans White (Robert Laffont, 2019), le romancier américain Bret Easton Ellis, dont une partie des médias avait voulu interdire American Psycho, rappelait que l’art était – aussi – pour lui une manière de se confronter à la monstruosité, à tout ce qu’il n’est pas, à tout ce qu’il ne fait pas. Partagez-vous cette vision de l’art ?
Je pense en effet que la littérature est là, non pour dire le monde tel qu’il doit être mais tel qu’il est, avec sa part d’ombre et de lumière. Proust explique que le rôle de la littérature est de révéler des réalités cachées sous des vérités acquises. La monstruosité fait partie de notre paysage commun. Les grands artistes, dont Picasso, le savent bien. Mais les mauvais sentiments, pas plus que les bons, ne font nécessairement de la bonne littérature.
Le caractère transgressif des écrits de Gabriel Matzneff ne suffit pas à faire de lui un bon écrivain, mais je ne conteste pas non plus sa qualité d’écrivain. Le mot important, dans les propos de Bret Easton Ellis, c’est « l’art ». La difficulté avec le genre du journal intime, c’est qu’il peut entretenir une ambiguïté entre l’expression artistique et le compte rendu de la vie. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai préféré interrompre la commercialisation de ces livres ; même s’il est extrêmement difficile d’y voir clair sur ce sujet.

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Pourquoi ne pas parier sur l’intelligence-du lecteur ?
Idéalement, j’aimerais que tout soit publié, dans le cadre de la loi, libre à chacun d’y aller ou pas. Mais, comme je l’ai vécu avec le projet d’édition critique des pamphlets antisémites de Céline, à un moment, plus rien n’est audible. Ma responsabilité d’homme et d’éditeur est aussi d’entendre la souffrance des autres.

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L’écho rencontré par Le Consentement de Vanessa Springora s’inscrit dans le mouvement MeToo. Un éditeur doit-il accompagner les changements soclétaux ?
Un éditeur ne doit pas se contenter d’accompagner les changements sociétaux, mais doit chercher à mieux les comprendre, à les éclairer dans toute leur complexité. Je songe notamment aux textes de Michel Foucault sur les prisons. L’éditeur ne doit pas avoir peur de contrevenir à l’opinion commune, à la morale courante, comme nous l’avons fait en publiant Simone de Beauvoir, Jean Genet ou Annie Ernaux.

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Milan Kundera rappelait que l’art demande la suspension du jugement moral. Ne sommes-nous pas passés de la suspension du jugement à l’hystérisation du jugement ?
Milan Kundera est l’un des grands écrivains du XXe siècle. La phrase n’a rien perdu de sa vérité ni de sa force. Mais la suspension du jugement moral n’est pas sa disparition ni son refus. C’est une mise en attente. Et l’éditeur, comme tout un chacun, comme tout lecteur, est un être moral, qui se pose la question de la vie bonne, qui exerce son jugement, qui essaie de faire au mieux. Chaque époque comporte sa part d’hystérisation collective : prenez l’affaire Dreyfus, l’épuration à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Chaque époque a ses fantômes et ses sombres couloirs. Il ne faut pas non plus, en parlant de « puritanisme », discréditer trop rapidement le progrès que la société peut faire. Pendant trop longtemps, la femme comme l’enfant (je pense notamment à la question du droit du travail) ont été des sujets mineurs, faiblement protégés par le droit et la société. C’est en train de changer sous nos yeux, et franchement je m’en félicite. MeToo est un progrès, même avec ses débordements.

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Dans toutes ces affaires, ne prête-t-on pas trop d’importance aux réseaux sociaux ?
Je n’y prête pas une importance démesurée, mais peut-être ai-je tort. Les réseaux sociaux sont une chose, mais il y a aussi la vie intellectuelle, le plaisir de l’argumentation, les nouvelles formes de transmission du savoir. Il y a encore un lectorat exigeant. Il se renouvelle de génération en génération. Le rayonnement des collections de Pierre Nora, d’Éric Vigne ou de Ran Halévi, chez nous, le montre. Nous vivons cette vie intellectuelle en permanence comme éditeur. Il faut renforcer les belles parties vivantes de notre société.

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Quand on est patron, faut-il parfois se dédoubler entre l’homme (qui peut hésiter) et la fonction (qui doit trancher) ?
Tout le temps. Nous ne sommes pas d’un seul bloc, patrons ou non. Les éditeurs doivent être des hommes de conviction, engagés auprès de leurs auteurs. Je me pose sans cesse des questions sur nos choix. Quand je me trompe, je bouge. Mais je dois prendre les décisions et j’assume tout.

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La romancière Leila Slimani, un de vos auteurs, disait dans Le Journal du Dimanche être attachée à la liberté plus que tout. Est-ce aussi votre point de vue ?

Leïla Slimani a raison et la liberté, comme l’ajustement noté François Sureau, est une valeur exigeante et fragile, qui requiert de notre part la plus grande vigilance. La liberté d’expression est la pièce maîtresse de l’édition. Elle s’exerce dans un contexte que le droit et la civilité doivent réguler

Crédit : Le JDD

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En guise de synthèse, récit d’un séisme éditorial et générationnel

En guise de synthèse et point final à cette série (sauf rebondissement majeur), voici l’article des Echos du 18/01 signé Véronique Richebois

La sortie du « Consentement », de Vanessa Springora, révélant les pratiques pédophiles de Gabriel Matzneff, provoque une onde de choc au sein du milieu littéraire. Au moins aussi forte que le silence qui a entouré la publication de ses écrits pendant presque cinquante ans. Récit d’un séisme éditorial et générationnel.


En l’espace de sept ans, Gabriel Matzneff est passé du statut d’écrivain sulfureux, adulé par ses pairs, à celui d’homme seul, objet d’une enquête pour « viol sur mineur » (GINIES/SIPA)
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Par Véronique Richebois

Les Echos, Publié le 18 janv. 2020

C’est une question presque aussi incroyable que le personnage de « Calamity Gab », comme il aime à se faire surnommer : comment passe-t-on, en l’espace de sept ans, d’auteur couronné du Renaudot Essais en 2013, retraçant ses périples pédophiles dans des journaux intimes publiés en toute impunité, à une enquête policière pour « viol sur mineur de moins de quinze ans » ? Comment dérape-t-on du statut d’écrivain dandy, libertin, longtemps adoubé par ses pairs - Philippe Sollers, Christian Giudicelli, Yann Moix, Jean d’Ormesson, Cioran -, taquiné par Bernard Pivot sur le plateau d’« Apostrophes » en 1990, protégé par de puissants critiques littéraires, à la figure infréquentable de « M.le Maudit », lâché par son éditeur historique Gallimard (Madrigall) ? Antoine Gallimard, son PDG, a retiré de la vente le 7janvier le « Journal » qu’il publiait depuis 1990, bientôt suivi par La Table Ronde (Madrigall), Léo Scheer et Stock (Hachette).

Intuition d’un monde libertaire en voie de disparition ? A la sortie du restaurant Drouant, le 4novembre 2013, commentant son prix Renaudot, Gabriel Matzneff déclarait : « Mon livre évoque le retour à l’ordre moral, la censure du sexuellement et politiquement correct. Des écrivains sulfureux et libres sont indispensables à la respiration de cette nation. »

Retour de bâton

Le retour de bâton est sans appel. En moins d’une semaine, l’auteur de « Séraphin, c’est la fin ! » (2013) et de « Les Moins de seize ans » (1974) a tout perdu ou presque : l’estime du monde littéraire pour sa plume leste et rouée ; les ventes de son « Journal », déjà modestes (entre 800 à 2.000 exemplaires) ; le réexamen de son allocation sociale de 6.000euros annuels à partir de 2013, versée sur fonds publics par le Centre national du livre (CNL) ; enfin, ses décorations - officier des Arts et des Lettres depuis 1995 et chevalier de l’Ordre national du mérite depuis 1998 -, dont Franck Riester, ministre de la Culture, a demandé le « réexamen ».

Même ses soutiens les plus fidèles comme Christine Angot et Frédéric Beigbeder bottent en touche, réajustant leurs commentaires. Quant au monde littéraire, il ne s’exprime plus qu’en « off » sur le sujet, quand il accepte encore de témoigner. « Du tout permissif, on est passé au tout interdit et, à présent, tout le monde ouvre son parapluie », persifle un auteur réputé.

Entre l’« avant » et l’« après », il y a eu la publication, le 2janvier, chez Grasset (Hachette), trente ans après les faits, du premier livre d’une inconnue publié dans le cadre de la rentrée littéraire de janvier . Dans « Le Consentement », un témoignage glaçant, rédigé dans un style à la fois cru et élégant, la directrice des éditions Julliard (Editis) raconte la relation sous emprise qu’elle a eue, à quatorze ans, avec Gabriel Matzneff, alors proche de la cinquantaine.

La littérature, un matériau explosif

L’auteure comme la maison d’édition s’avouent surprises par le succès du texte, en tête du classement Essai de « L’Express », jeudi, avec 20.000 exemplaires déjà vendus en l’espace de quinze jours (source GfK), cinq réimpressions et une mise en place de 130.000 exemplaires.Grasset n’avait prévu à l’origine qu’une prudente mise en place de 20.000 ouvrages, alors que l’éditeur avait planifié un tirage de 60.000 exemplaires pour « L’homme qui pleure de rire » de Frédéric Beigbeder.

Mais, preuve que la littérature demeure un matériau à teneur hautement explosive en France, le texte emporte tout sur son passage. Au sens strict du terme. Quelques jours après sa publication, Gabriel Matzneff reçoit une citation directe à comparaître. Elle porte sur le délit d’« apologie de crime » et de « provocation à commettre des infractions et des crimes », sur la base de l’article24 de la loi sur la liberté de la presse. Derrière ces qualifications, la procédure vise, entre autres, le blog tenu par l’écrivain et désactivé le 30décembre dernier, qualifié de « pédophile » par l’association L’Ange Bleu.

Mais pour le clan des « matzéviens », qui commence à préparer sa défense, la surprise de l’auteure et de sa maison d’édition, Grasset, paraît suspecte. Dès novembre, la rumeur a commencé à enfler. « On m’a parlé d’un livre qui allait faire un boucan énorme », assure une attachée de presse ayant pignon sur rue. « Personne n’était nommé, mais tout le monde ne pourrait que reconnaître le personnage principal, connu comme le loup blanc dans le milieu littéraire… » L’information ricoche d’une maison d’édition à l’autre.

Lassitudes

C’est dans ce contexte que Gabriel Matzneff choisit d’arrêter, début décembre, la chronique intitulée « Le diable dans le bénitier », qu’il tenait sur le site du « Point » depuis octobre2014. L’écrivain envoie un mail à la direction de l’hebdomadaire, indiquant en substance qu’un livre le mettant en cause de façon désagréable s’apprête à paraître et qu’il ne veut pas entraîner « Le Point » dans cette affaire. La direction ne le retient pas.

Au 5, rue Gaston Gallimard, dans le VIIe arrondissement, on éprouve également une certaine lassitude. Grâce à Philippe Sollers, Gabriel Matzneff a intégré la collection « L’Infini » et bénéficié d’une rémunération mensuelle jusqu’en 2004. Puis la mensualité s’est arrêtée.

« Gallimard était déjà réservé sur le contenu du ’Journal’ et la maison en a eu assez de verser une mensualité à un auteur qui ne vendait pas », lâche un bon observateur du secteur. A présent, c’est le « Journal » de Gabriel Matzneff qui est retiré de la vente par son principal éditeur. Contacté, le PDG de Gallimard ne souhaite pas s’exprimer, estimant avoir dit l’essentiel dans l’interview accordée au « Journal du Dimanche » le 12janvier.

« Un silence très étonnant »

Reste à savoir les raisons qui ont poussé les meilleures maisons d’édition à continuer à publier un auteur qui rédigeait le matin ce qu’il avait fait la veille au soir, y compris avec des très jeunes filles ou des garçons âgés de moins de douze ans, à Manille ou ailleurs. A la différence de l’affaire Weinstein, on ne trouve aucune omerta, aucune parole empêchée dans l’affaire Matzneff.

Animateur de « La Grande Librairie », émission de référence du milieu littéraire qu’il a consacrée mercredi à Vanessa Springora, François Busnel estime qu’« il y a eu un silence très étonnant des éditeurs. Moi-même, qui n’ai pas l’impression d’appartenir au milieu littéraire, je me suis beaucoup interrogé... Pour expliquer le succès du livre, on parle aujourd’hui d’un retour à la morale et au puritanisme. En réalité, il s’agit plutôt d’un retour à la raison : il est déraisonnable et illégal de soumettre un enfant à des meurtrissures qui le flétrissent. Comme il n’est pas raisonnable d’imposer ses désirs à quelqu’un et d’invoquer la littérature pour le justifier. Ce qui m’interroge, c’est la décision d’Antoine Gallimard d’arrêter la vente du ’Journal’ de Gabriel Matzneff. L’a-t-il fait, comme il le dit, en raison de la douleur de Vanessa Springora ? Ou parce que ce « Journal » comportant des contenus contraires à la loi, il prenait, en ne les retirant pas, le risque d’être condamné ? »

« Ordre mondial des quakeresses »

Il n’empêche, avec « le retour à la morale » qu’évoque François Busnel, les mots-clefs sont lâchés. Après avoir fustigé, dans son livre « Séraphin, c’est la fin ! », « un nouvel ordre mondial des quakeresses et des pharisiens », Gabriel Matzneff fait référence début janvier à la légèreté des années 70 et 80 auprès de BFMTV : « Gallimard a eu ’raison’ de stopper la commercialisation de ces livres, puisque cela calmera les excités, qui auront ainsi le temps de lire mes essais », assure-t-il. Avant de poursuivre : « J’ai le sentiment que, quoi que je dise ou écrive aujourd’hui, cela se retournerait contre moi. Quant à mes galipettes coupables post-soixante-huitardes, oui, sans doute étions-nous inconscients, nous avons été nombreux à nous laisser enivrer par l’air de liberté, le parfum libertaire de cette époque insouciante, qui dura une quinzaine d’années », écrit l’auteur. Même si le dernier tome de son « Journal » a été publié… le 14 novembre2019. Loin, très loin des années 70.

Choc générationnel

Reste que le choc générationnel entre les « post-soixante-huitards », qui voulaient bousculer l’ordre établi, et ceux qui ont grandi à la fin du siècle dernier n’a rien d’anecdotique. Il est même fondamental même s’il ne justifie rien ni n’excuse encore moins.

Les premiers réclamaient le droit à la jouissance et à la liberté des corps, portaient la transgression aux nues ; les seconds sont devenus adultes à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux qui offrent une voix à un grand public inaudible jusqu’ici. Et ce sont les mêmes qui ont été confrontés à la déflagration de #Metoo en 2017.

Cofondateur de « Libération » en 1973 aux côtés de Serge July sous le patronage de Jean-Paul Sartre, Philippe Gavi conserve intact le souvenir de l’époque. Lui aussi a apposé son paraphe sur la pétition du 26janvier 1977 rédigée par Gabriel Matzneff, publiée dans « Le Monde » et exhumée ces derniers jours.

Signée par soixante-neuf intellectuels et écrivains de renom - dont Roland Barthes, Gilles Deleuze, Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, Guy Hocquenghem, Félix Guattari, Patrice Chéreau, Michel Leiris, André Glucksmann, Philippe Sollers, Bernard Kouchner, Pierre Guyotat, Jack Lang… -, la pétition ne faisait pas l’apologie de la pédophilie mais réclamait un assouplissement des lois régissant les relations entre mineurs et majeurs. Les signataires intervenaient en soutien à trois hommes déjà condamnés pour « attentats à la pudeur sans violence » contre trois garçons de treize et quatorze ans.

Droit à la jouissance

« Ce manifeste a été signé par tout le monde par idéologie et aussi par un certain suivisme par rapport à tous les grands noms signataires, sans rien connaître à l’affaire, explique Philippe Gavi.Sartre l’a fait au nom de la liberté, Hocquenghem et Foucault en raison de leur aversion pour l’enfermement et Deleuze au nom du droit à la jouissance et de l’exaltation du désir… Même s’il faut reconnaître que ce droit à la jouissance était considéré du point de vue de l’adulte et non de l’enfant. Mais on doit se rappeler le contexte, qui était celui d’une grande permissivité et d’une opposition de fond à tout ce qui incarnait l’autorité : la loi, la police, la psychiatrie… Même les partouzes étaient vécues commede l’art. »

Sauf que les temps ont changé et beaucoup n’ont rien vu venir ou ont dû renoncer à leur cécité délibérée. « Jamais ’Le Consentement’ n’aurait eu un tel retentissement s’il avait été publié avant 2017 et le séisme mondial qu’a représenté le mouvement #Metoo », estimait Vanessa Springora, mercredi, sur le plateau de « La Grande Librairie ».

Aujourd’hui, comme Antoine Gallimard et la plupart des acteurs du secteur, elle a choisi de ne plus prendre la parole devant l’hystérisation de la polémique et les accusations de « chasse à l’homme ». Mais le silence obstiné des uns et des autres n’aidera pas forcément à restaurer l’image d’un milieu littéraire qui ne sort pas indemne de cette affaire faussement picrocholine et germanopratine.

Véronique Richebois

oOo

[1 Après Gallimard, La Table ronde, Léo Scheer, la maison d’édition Stock qui a publié le livre Un diable dans le bénitier de Gabriel Matzneff en 2017, a annoncé arrêter sa commercialisation.
[Un diable dans le bénitier, rassemblait les chroniques de l’écrivain publiées sous ce titre dans Le Point. Pour rappel, Étienne Gernelle, directeur du magazine, avait récemment annoncé la suppression de cette rubrique :

«  Techniquement, il ne fait plus de chroniques au Point. Il nous a écrit début décembre pour dire qu’il arrêtait. C’est lui qui l’a décidé. Il savait probablement que le livre de Vanessa Springora allait sortir  », indiquait-il alors au micro de Frédéric Martel, sur France Culture.

[2Crédit : Christine Rousseau
Le Monde, 10/01/2019. Livre retiré depuis du catalogue Léo Scheer

[3Indignation totale

[4Crédit : Affaire Matzneff : Le moment de la fureur morale, par Gérald Bronner, Le Point, 9/01/2020

[5Crédit Le Parisien, Par Sandrine Bajos et Yves Jaeglé, le 6 janvier 2020

[6Voir vidéo plus avant. Un document de qualité

[7Vanessa Springora n’a pu honorer ce programme, suite au décès de son père, le jour même

[8Crédit Le Parisien, Par Sandrine Bajos et Yves Jaeglé, le 6 janvier 2020

[9Crédit Interview avec Yann Barthès

[10ELLE, 27 décembre 2019

[11Crédit : Franceinfo.

[12Chantal Guy
La Presse. CA

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7 Messages

  • Viktor Kirtov | 19 janvier 2020 - 19:02 1

    En guise de synthèse et point final à cette série (sauf rebondissement majeur), voici l’article des Echos du 18/01 : le récit d’un séisme éditorial et générationnel . signé Véronique Richebois .

    PLUS ICI


  • Albert Gauvin | 17 janvier 2020 - 20:05 2

    Le livre de Vanessa Springora, dont nous ne jugerons pas les qualités littéraires, est-il un récit ou un récit... romancé ? A coup sûr, il ne se présente pas comme un roman et, dès le début, il se réfère plutôt au conte. Mais alors, qu’en est-il de son rapport à la vérité ? S’il ne nous appartient pas de trancher (chacun a sa vérité intime, et Gabriel Matzneff également qui dit la sienne dans son journal, aujourd’hui non lisible, comme dans son roman de 1988 Harrison Plazza), on peut légitimement s’interroger sur la véracité de certains faits rapportés.
    A propos d’un passage du livre où Vanessa Springora relate une rencontre avec Emil Cioran et sa femme, l’écrivain roumain Radu Portocala, qui a bien connu Cioran, s’interroge sur sa page facebook :

    14 janvier :

    Utilisation de Cioran par Mme Springora

    J’ai vaguement parcouru le livre de Mme Springora. Mais j’ai lu et relu, avec attention et déplaisir, quelques pages - lecture à la suite de laquelle j’ai fini par me poser des questions sur l’ensemble du réquisitoire qui, ces derniers jours, a déclenché une telle tempête dans le monde des lettres et de la morale.
    Ce sont des pages où il est question de Cioran. Je l’ai connu sans doute mieux que ne l’a connu Mme Springora, et c’est de là que vient mon étonnement, générateur de doutes.
    « Machinalement, je me retrouve en bas d’un immeuble cossu dont le premier étage est occupé par un ami de G., un philosophe d’origine roumaine […]. » Cioran n’habitait pas le premier étage - ce qui, manifestement, cherche à suggérer une certaine opulence -, mais trois chambres de bonne réunies en appartement, au dernier étage.
    « Une petite dame d’un certain âge m’ouvre […]. » Simone Boué était grande.
    « […] et l’épouse d’Emil […] » Cioran n’a jamais consenti à épouser Simone, qu’il présentait toujours, de manière assez gauche, comme sa « compagne ».
    « Emil, c’est V., l’amie de G.! » Aussi bien Cioran lui-même que Simone avaient le prénom Emil en horreur. Elle ne l’appelait donc jamais ainsi, du moins pas en public, préférant utiliser le nom de famille : Cioran.
    « […] crie-t-elle à travers l’appartement, puis elle s’engouffre dans un couloir […] » Dans la minuscule entrée s’ouvrait, sur la droite, la non moins minuscule pièce qui servait de bureau, et, devant, une sorte de salon. S’agissant d’un espace particulièrement exigu, prétendre que Simone ait pu crier « à travers l’appartement » est ridicule. Quant au couloir, il n’existait tout simplement pas.
    « Le nez d’aigle » de Cioran peut être infirmé par n’importe quelle photographie. Quant à son accent, s’il était, effectivement, fort, il ne lui faisait nullement déformer les mots (« tzitrón ? tchocoláte ? »).
    « Emil, je n’en peux plus […] » Même ses meilleurs amis ne l’appelaient jamais « Emil ». À plus forte raison, une gamine de 15 ans ne se serait pas autorisée une telle familiarité.
    « La vision des petits doigts potelés de la femme de Cioran […] » Les mains de Simone n’étaient ni petites ni potelées. « Toute pomponnée, ses cheveux bleutés […] » Simone avait des cheveux blonds foncé, avec une mèche blanche sur le devant. « En son temps, elle a été une comédienne en vogue. Puis elle a cessé de tourner dans des films. » Simone Boué n’a jamais été comédienne, mais professeur d’anglais, et cela durant toute sa vie.
    Quant au petit discours que Cioran aurait tenu pour la défense de « G. », il est parfaitement invraisemblable. D’une discrétion maladive, détestant se mêler des affaires d’autrui, Cioran n’aurait jamais accepté de commenter les affaires personnelles de quiconque, et encore moins celles d’une gamine.
    Un si grand nombre d’affabulations en seulement cinq pages me font croire que Mme Springora n’a jamais été chez Cioran, et peut-être même ne l’a-t-elle jamais connu. Mais alors, qu’en est-il du reste du livre ?

    Le 15 janvier :

    Springora vs. Cioran

    Je me suis occupé hier du chapitre dans lequel Mme Springora raconte sa visite à Cioran. Un texte de cinq pages (version livre électronique) contenant 11 inexactitudes flagrantes - qu’il serait plus juste de nommer inventions.
    Quelques-uns de mes lecteurs se sont insurgés contre ma démarche. Selon eux, il est normal qu’après tout ce temps, les souvenirs deviennent inexacts. J’ai répondu qu’on n’écrit pas ses réminiscences quand on n’est pas sûr de sa mémoire, et qu’on peut se tromper sur un détail, sur deux même, mais pas sur tous, comme c’est le cas dans ces cinq pages.
    J’ajoute que si un journaliste propose à son rédacteur-en-chef un article contenant une partie qui ne correspond pas à la réalité, son travail sera rejeté, car la partie fausse entamera immanquablement la crédibilité du texte entier. Si j’écrivais : « J’ai rendu visite au ministre de la Défense dans son bureau ultra-moderne de la rue de Valois », on saura que je ne dis pas vrai et le reste de mon propos sera mis en doute.
    Je maintiens ce que j’écrivais hier, à savoir que Mme Springora n’a sans doute jamais rencontré Cioran ou Simone Boué. Sinon, elle n’en aurait pas fait une description aussi fantaisiste au beau milieu d’un texte qui se veut, avant tout, témoignage.
    J’ai cherché sur Internet « Springora Cioran » et j’ai eu, malheureusement, la confirmation de ce que je craignais : une bonne partie de la presse a pris avantage de ce bref chapitre pour traîner Cioran dans la fange, faisant de lui le complice des lubricités de Gabriel Matzneff.
    Ce n’est pas la première fois qu’on s’attaque à Cioran. On a déjà utilisé, pour l’abattre, des citations tronquées, voire inventées. Mais on ne l’avait pas encore mêlé à des affaires de pédophilie. C’est chose faite désormais - et ça tombe bien : les temps s’y prêtent.
    L’introduction de ce chapitre dans le livre de Mme Springora n’apporte rien à son récit. Mais, aux yeux de quelqu’un (qui ?), ces pages où tout est inexact - ce qui importe peu dans notre monde d’imprécisions - ont un intérêt certain : faire de Cioran un individu misérable qui justifie les penchants pathologiques de Gabriel Matzneff et pousse une adolescente dans ces bras. Cioran entremetteur ! Il ne manquait que ça !
    Personne ne semble encore avoir eu l’idée de défendre Cioran contre le débordement imaginatif de Mme Springora (la situation en soi est assez grotesque, d’ailleurs). Doit-on s’attendre, bientôt, à voir Gallimard retirer ses livres de la vente ?


  • Viktor Kirtov | 17 janvier 2020 - 18:10 3

    François Busnel reçoit Vanessa Springora dans La grande librairie du 15/01/2020 pour évoquer, dans un long tête-à-tête, son livre événement "Le Consentement", qu’elle publie aux éditions Grasset et Fasquelle.

    Avec elle plus tard dans l’émission, un juge, Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du Tribunal pour enfants de Bobigny et auteur de "Rendre justice aux enfants", publié aux éditions du Seuil. Un sociologue, Pierre Verdrager, auteur d’un livre sur la pédophilie, "L’enfant interdit, comment la pédophilie est devenue scandaleuse", aux éditions Armand Colin, et une pédo-psychiatre, Marie Rose Moro, qui publie "Bien être et santé des jeunes", aux éditions Odile Jacob, et qui dirige actuellement la Maison des Adolescents de l’hôpital Cochin à Paris.

    Crédit : France TV / La Grande Librairie
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    Dans la première partie, Vanessa est égale à elle-même, à l’image des autres interviews, sobre et précise.
    Dans la deuxième partie, qui aurait pu être intéressante, décu. La pédo-psychiatre Marie-Rose Moro était brouillonne dans ses propos. Peu de choses à retenir des deux autres interventions non plus. Toutefois, à souligner, en fin d’émission, l’intervention de sociologue, Pierre Verdrager sur l’impact international du livre.


  • Albert Gauvin | 15 janvier 2020 - 16:24 4

    La censure sied mal aux bibliothèques

    par Patrick Bazin, ancien conservateur général des bibliothèques.

    En "retirant de ses collections" les titres de Gabriel Matzneff, la bibliothèque de Montréal "contrevient au rôle premier d’une bibliothèque publique". LIRE ICI.


  • Albert Gauvin | 14 janvier 2020 - 13:33 5

    Affaire Matzneff : « Tous s’achètent une bonne conscience en attaquant un homme à terre »

    Dominique Fernandez
    de l’Académie française


    Le Monde, 13 janvier 2020.
    ZOOM : cliquer sur l’image.
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    LIRE AUSSI : Hier et aujourd’hui : complaisance et aveuglement des élites par Valérie Toranian


  • Viktor Kirtov | 13 janvier 2020 - 00:05 6

    Le JDD du 12/01/2020 publie un long entretien d’Antoine Gallimard avec l’écrivaine Marie-Laure Delorme. Un éclairage, bien sûr, de grand intérêt, dans les turbulences d’un fait de société qui a poussé Gallimard à retirer les Journaux de Gabriel Matzneff de son catalogue. Du jamais vu dans l’histoire de cette vénérable institution qui a pourtant accueilli bien des auteurs transgressifs :


    Antoine Gallimard, vendredi 10 janvier, à Paris. SOPHIE CARRERE/HANS LUCAS POUR LE JDD
    ZOOM : cliquer l’image
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    LA SUITE ICI


  • Thibaud | 11 janvier 2020 - 20:05 7

    Il faut beaucoup d’indulgence pour trouver des qualités au "Consentement". Sans doute n’est-ce pas aussi mauvais que l’on s’y attendait, mais c’est tout de même bien mauvais. Le meilleur passage (le seul vraiment bon peut-être) est celui où l’auteur relate, avec une ironie cruelle, sa visite à Cioran (avec dans l’ombre, Simone Boué). Pour le reste, même si l’ambiguïté n’en est pas tout à fait absente, on lit le plus souvent une langue empruntée (avec les poncifs de "l’ogre", du "prédateur", de la "victime"), plaquée sur l’expérience vive, qui ne convainc pas.