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Jean d’Ormesson, un adepte du bonheur

Jean d’Ormesson et Sollers - Hommage de La Grande Librairie et +

D 6 décembre 2022     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


 C’était il y a exactement cinq ans, le 6 décembre 2017.

Des vers d’Aragon, Jean d’Ormesson, décédé ce matin d’une crise cardiaque, aimait faire le titre de ses derniers livres  :

C’est une chose étrange à la fin que le monde
Un jour je m’en irai sans en avoir tout dit
Ces moment de bonheur ces midis d’incendie
La nuit immense et noire aux déchirures blondes

Il y aura toujours un couple frémissant
Pour qui ce matin-là sera l’aube première
Il y aura toujours l’eau le vent la lumière
Rien ne passe après tout si ce n’est le passant


8/12 2017 : ajout PARTIE II Hommage de la Grande Librairie et +

Bien que beaucoup de choses opposent Jean d’Ormesson et Philippe Sollers, l’un était académicien et aimait les honneurs, l’autre pas, tous deux aiment Venise et la Pointe de la Dogana, mais pas de la même façon et s’y ignoraient, mais tous deux affichent un goût assumé pour le bonheur, tous deux ont bénéficié du privilège du « suffrage à vue », tous deux ont été « bénis des fées », tous deux jouaient dans la cour médiatique… mais pas en même temps. Tous deux aiment le XVIIIème et les femmes. Et même Chateaubriand, placé haut dans le Panthéon de d’Ormesson, a été célébré par Sollers (qui n’aime pas le XIXe) dans un bel article intitulé « Chateaubriand à jamais » ICI.
J’avais commencé à rassembler un petit florilège de ce qu’ils ont pu dire l’un sur l’autre, mais A.G, dans son article, m’a devancé avec un morceau de choix que je vous recommande vivement, l’entretien « D’Ormesson-Sollers, Rencontres du troisième type » que publiait L’Evénement du Jeudi dans son édition du 14 au 20 février 1991. Un collector, c’est ICI ! Merci A.G.

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Jean d’Ormesson à Paris, le 28 sept. 2011

Sur le thème du bonheur

 « Je suis le seul dans le roman contemporain, avec Philippe Sollers, à occuper le créneau du bonheur. Du coup on me prend pour un écrivain léger. » 

Jean d’Ormesson,
Grandes Conférences du Figaro, Le bonheur et le malheur d’être né, Théâtre de la Madeleine, 7 novembre 2005.

Il était l’écrivain du bonheur et de la bienveillance selon François Busnel

Europe 1, 08h21, le 05 décembre 2017

Interviewé, ce matin, c’est ce disait François Busnel qui a souvent reçu Jean d’Ormesson sur le plateau de son émission La Grande Librairie sur France 5.

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 Une certaine idée de la vie s’est éteinte dans la nuit de lundi à mardi, avec la mort de Jean d’Ormesson. ’Il était une forme de modèle d’impertinence et de la frivolité dans un monde qui en oublie l’importance. C’était quelqu’un qui célébrait l’amitié autant que l’amour, et il restera un écrivain de tout premier plan qui a écrit une histoire des sentiments, l’amour, l’enthousiasme ou la paresse’, réagit au micro d’Europe 1 François Busnel.

Et de raconter un homme avant tout hédoniste : ’Ce qui était frappant, c’est qu’il était tout à fait en accord avec sa vie. Il était l’écrivain du bonheur et faisait tout pour être heureux : il ne portait pas de montre, il aimait les voitures rapides, les bains de mer, les femmes, les amis. Cela n’empêchait pas qu’il ait eu son lot de drames et de chagrins, comme tout le monde, mais il incarnait une force qui permet de dépasser tout ça pour que la vie reste belle malgré tout.

 Crédit : europe1.fr

 

Philippe Sollers et le bonheur

Philippe Sollers, à contre-courant, s’est aussi fait l’apôtre du bonheur. Déjà dans Portrait du Joueur (1991), on pouvait lire : « Le bonheur ? Est-ce que j’oserai aller jusque là ? Pousser la provocation à ce point ? Mais oui... ». Et La biographie que lui a consacré Gérard de Cortanze, n’est-elle pas sous-titrée : Philippe Sollers ou la volonté du bonheur ?

Aussi quand le Nouvel Observateur prépare un numéro spécial « A la poursuite du bonheur » N° 2303-2304 du 24 décembre 2008, Philippe Sollers a-t-il été naturellement sollicité. Voir ICI

Cet éloge du bonheur chez Sollers doit néanmoins être pondéré par une tentation du suicide qui l’a habité et fait surface dans certains de ses livres (voir ICI-> 500)

Mais tous deux, ont célébré l’amour. A l’heure des bilans et des interrogations essentielles, les bilans de vie d’homme et d’écrivain, quand « au-delà de cette limite, votre ticket n’est plus valable », selon le mot de Romain Gary, chacun pourrait adopter l’épitaphe de Stendhal sur sa tombe :

« Il a vécu, écrit, aimé »


 

De la séduction en action

Sur le plateau de La Grande Librairie, animée par François Busnel, on a pu voir la leçon de séduction, en action, par Jean d’Ormesson, un jeune homme d’alors 85 ans. C’était le 9 septembre 2010, sur France 5, il y présentait son livre : C’est une chose étrange à la fin que le monde.

- Et Dieu dans tout ça ? Qu’y a-t-il après la mort ? Et le sexe ? questionne l’animateur qui a relevé une phrase où le mot sexe était utilisé

- J. d’O. : « Que la mort soit une des clés de notre vie, c’est évident.

Et vous savez, je pense que tous ceux qui nous regardent et qui nous écoutent savent que ce qu’il y a de plus important dans la vie, c’est quand même les relations qu’on peut avoir : pour les hommes avec les femmes, pour les femmes avec les femmes, quelquefois pour les hommes avec les hommes, pour les femmes avec les femmes,

les relations qu’on peut avoir les uns avec les autres.

Si ce n’est pas ça qui est au coeur de la vie, je voudrais bien savoir ce que c’est.

Vous n’imaginez pas, quand même, que dans mon cas, c’est l’académie, c’est l’Unesco, c’est le Figaro. C’est très bien, tout ça est excellent, Mais enfin, le sexe c’est quand même plus important, non ?

[...]

 F.B. : Et que des créatures, parfois, nous bouleversent.

J. d’O. : Oui, bien sûr. »

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La leçon de séduction

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Poursuite du dialogue Jean d’Ormesson - Antonia Kerr
21 ans, auteure d’un premier roman Des fleurs pour Zoë.

L’extrait dans son contexte ICI

*

 
 

 D’Ormesson sur Sollers

Songe-t-on à reprocher à Sollers ses engouements successifs ?

« Sollers, sourit Jean d’Ormesson, a été à peu près successivement tout. Mais il s’en est toujours tiré avec un éclat de rire, une drôlerie, une pirouette. »

Cité par Bertrand de Saint-Vincent dans le Figaro du 18/10/2017 à l’occasion d’une critique de la publication de Mémoires, Un Vrai roman de Philippe Sollers qui y retrace son parcours. « Ambigu, lucide, contradictoire, brillant. Irritant. Portrait d’un joueur qui bluffe tout le temps » ajoute Bertrand de Saint-Vincent.

*

 

J. d’O. : Sollers a toujours été plus intelligent que moi !

Pourquoi répétez-vous cela sans cesse ?

J. d’O. : Parce que j’ai été en dehors du mouvement des idées. Je travaillais à faire des petites choses très amusantes dans mon coin. Pourquoi le nier ?

Ph. S. : Vous avez dirigé la revue Diogène tout de même !

J. d’O. : Oui, mais à l’ombre de Roger Caillois !

Extrait de « D’Ormesson-Sollers Rencontres du troisième type »

*

 

Ai recherché dans La Guerre du Goût et Eloge de l’Infini, les entrées relatives à Jean d’Ormesson. Une seule entrée :

« Le grand style ? Il n’est pas obligatoirement « révolutionnaire », comme le prouve, par exemple, l’étrange actualité de Châteaubriand Vous prononcez son nom, tout s’anime. Pivot ne tient plus en place, Jean d’Ormesson frémit par tous les bouts […] »
Philippe Sollers
Eloge de l’infini / Littérature et politique, Folio p.459,

Eloge a minima, donc, dans le panthéon de Philippe Sollers.

*

 

 
 

Jean d’Ormesson préférait « le paradis mais avec les fréquentations de l’enfer »

par Raphaël Enthoven

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Chaque jour, dans sa chronique ’Le fin mot de l’info’, Raphaël Enthoven décrypte l’actualité par le prisme de la philosophie. Ce 5 décembre, Raphaël Enthoven a troqué sa chronique avec un hommage à Jean d’Ormesson.

L’écrivain et académicien Jean d’Ormesson est mort dans la nuit de lundi à mardi à l’âge de 92 ans. ’Comme tous les gens qui l’ont croisé, j’aimais cet homme. Et je n’ai pas eu le temps d’être triste, pas encore. Mais même si l’on en a envie, il ne faut pas pleurer Jean d’Ormesson, il faut le rire. Son souvenir est un sourire. Jean d’Ormesson était trop généreux pour souhaiter que les gens fussent tristes à ses propres obsèques. Il était trop joyeux pour s’offrir le petit plaisir d’un gémissement. C’était un homme de bonheur disait-on, mais surtout un homme de joie, c’est à dire de la jubilation d’exister’, rappelle le philosophe sur Europe 1.

’L’essentiel pour lui était d’être là’. ’Le fait même d’exister pour lui était une félicité. Que la vie soit douce, facile et parfumée, comme était la sienne, n’y gâche rien, bien sûr. Mais l’essentiel pour lui était d’être là. Quand on a eu une belle vie et vingt fois le temps de dire au revoir à tout le monde, l’essentiel est de passer sa vie à célébrer la vie, les choses, les êtres et les instants’, souligne-t-il.

Une modestie légendaire. ’Chez d’Ormesson, la dérision était de l’auto-dérision ce qui explique sa modestie légendaire’, poursuit le philosophe. L’académicien parlait ainsi de son admission à l’École normale comme d’’une erreur, d’un hold-up’, de son talent d’écrivain ’surfait’. ’D’Ormesson n’était pas Homer, ni Chateaubriand, ni même Houellebecq… ses livres n’étaient que délicieux et il le savait. Son érudition hallucinante était le résultat, disait-il, de quelques discussions avec des esprits plus grands que le sien, comme Aragon. Ces succès sont présentés par lui-même comme la bonne fortune d’un amateur, c’est à dire d’un amoureux. Et ces belles manières sont dénigrées par lui même comme l’indice d’un statut qu’il n’a pas choisi mais dont il a choisi de jouir’.

Il était enchanté d’être entré de son vivant dans la pléiade mais il savait qu’une telle consécration ne le rendrait pas plus immortel que son statut d’académicien. Son vrai diplôme, son seul talent, c’était disait-il, la conversation. Jean d’Ormesson était un homme merveilleux qui manquera à tous ceux qui l’ont lu et peut être encore davantage à ceux qui l’ont côtoyé.

’Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement’. Raphaël Enthoven a tenu également à rappeler une anecdote. En 2009, le Figaro avait demandé à quelques personnalités de passer le bac de philo dans les conditions de l’épreuve, dont Jean d’Ormesson. ’On devait choisir un sujet, on avait quatre heures pour le traiter. Tout le monde jouait le jeu, sauf un : Jean d’Ormesson. Il ne l’entendait pas de cette oreille. Il n’avait pas du tout prévu de passer le reste de sa matinée à plancher sur des question métaphysiques, du coup, 1h30 après la distribution des sujets il a rendu sa copie’, se souvient le philosophe. ’La journaliste du Figaro lui a demandé quel sujet il avait traité, il a répondu plein d’assurance : ’Tous mademoiselle. Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément’.

Jean d’Ormesson avait également eu cette réponse le résumant parfaitement, lorsque Bernard Pivot lui demandait s’il préférait le paradis ou l’enfer : ’Le paradis bien sûr, mais avec les fréquentations de l’enfer’.

 Raphaël ENTHOVEN
 

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Retrouvez sa dernière interview

Le 3 septembre dernier, Audrey Crespo-Mara recevait Jean d’Ormesson, dans l’émission ’L’Entretien d’Audrey’ sur LCI.

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« Il a toujours dit qu’il partirait sans avoir tout dit et c’est aujourd’hui a déclaré sa fille, l’éditrice Héloïse d’Ormesson. Il nous laisse de merveilleux livres », a-t-elle ajouté.

Elu en 1973 à l’Académie française, éditorialiste et ancien directeur du Figaro (1974-1977), il est l’auteur d’une quarantaine d’ouvrages. Sa carrière littéraire avait explosé en 1971 avec La Gloire de l’Empire, récompensé par le Grand Prix de l’Académie française. En 2015, il avait reçu la récompense suprême de tout écrivain français, être édité dans la collection La Pléiade des éditions Gallimard.

 

Dieu, l’amour, le bonheur... Jean d’Ormesson en dix citations

Il a joué avec les mots et la vie pendant toute sa vie. L’écrivain aux quarante livres nous a laissé quelques formules qui resteront.

Dieu

En s’interrogeant sur le sens de la vie, l’écrivain s’est aussi penché sur le cas de Dieu, se déclarant à la fois « catholique » et « agnostique ».

« Je trouve que si Dieu n’existe pas, la vie est une farce tellement tragique qu’il faut espérer à tout prix qu’il existe. »

Amour

Dans Dieu, sa vie, son oeuvre, fable sur les origines du monde, publié chez Gallimard, en 1980, Jean d’O parlait bien sûr d’amour : « Rien n’est plus proche de l’absolu qu’un amour en train de naître. »

Mariage

Invité de l’émission Double Jeu de Thierry Ardisson, en 1992, Jean d’Ormesson s’était payé une institution : « Le mariage est une épreuve redoutable... un cauchemar. » Tout en prenant soin de remercier son épouse, Françoise, de l’avoir « supporté » si longtemps.

Plaisirs

L’éternité ou un jour ? Extrait de Voyez comme on danse (2001, Robert Laffont) : « Il y a des jours, des mois, des années interminables où il ne se passe presque rien. Il y a des minutes et des secondes qui contiennent tout un monde. » 

Confidence extraite de son premier roman, L’Amour est un plaisir (1956, Julliard )  : « C’est ça qui me fait peur dans le bonheur : l’usure, la lassitude, l’effilochage. »

Argent

Evoquant son père qui « détestait » gagner de l’argent, Jean d’Ormesson reformulait à sa manière un célèbre proverbe, dans un entretien avec Pierre Desgraupes, en 1959 : « L’argent fait le bonheur de ceux qui n’en ont pas »

Contradiction(s)

Paul Valéry l’a écrit, Claude Nougaro l’a chanté, Jean d’Ormesson les a imités : « Je ne suis pas toujours de mon avis », osait-il dans Qu’ai-je donc fait, publié en 2008, chez Robert Laffont.

Une autre pensée de celui qui avait reçu la Grand-croix de la Légion d’honneur en 2014 : « Les honneurs, je les méprise, mais je ne déteste pas forcément ce que je méprise. »

Ouest-France le 05/12/2017

 

 

Ecrire, une joie et une souffrance

 
L’écrivain et académicien Jean d’Ormesson, le 11 avril 1991 à Paris © M DE LECOTAIS AFP/Archives

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Frêle silhouette distinguée et sourire affable, l’écrivain était un aristocrate de haute lignée.

Le comte Jean Bruno Wladimir François-de-Paule Le Fèvre d’Ormesson, né le 16 juin 1925 à Paris, compte parmi ses ancêtres un conseiller du chancelier Michel de L’Hospital, un membre du Conseil de régence sous la minorité de Louis XV et quatre ambassadeurs de France, dont son père André d’Ormesson, ami de Léon Blum.

Auprès de son père, en poste en Allemagne et en Roumanie dans les années 1930, le jeune Jean assiste à la montée du nazisme et au basculement de l’Europe dans la guerre. Il suit aussi son père, ambassadeur, au Brésil.

Normalien, agrégé de philosophie, il intègre plusieurs cabinets ministériels après guerre, devient haut fonctionnaire à l’Unesco et collabore à divers médias. Seule la littérature résiste encore à ce brillant intellectuel.

Pourquoi avoir voulu écrire ? ’J’ai un peu honte : C’était pour plaire à une fille !’, racontait-il. Une fois lancé, il publiera plus d’une quarantaine de livres : ’Ecrire est une joie et une souffrance’.

- "C’était bien la vie" -

C’est en 1971 qu’a explosé sa carrière littéraire, avec ’La Gloire de l’Empire’, vendu à 100.000 exemplaires et Grand prix du roman de l’Académie française. ’Jean d’O’ est élu le 18 octobre 1973 à l’Académie française, dont il est à l’époque le cadet. Puis il devient directeur général du Figaro (1974-1977).

C’est lui qui fait campagne pour l’entrée de la première femme sous la Coupole, Marguerite Yourcenar, en 1980.

En 1982, il écrit une biographie sentimentale de Chateaubriand, ’Mon dernier rêve sera pour vous’, et enchaîne des romans : ’Histoire du Juif errant’ (1991), ’La Douane de mer’ (1994).

’Homme de droite avec beaucoup d’idées de gauche’, il transmet ses réflexions philosophiques à la nouvelle génération dans ’Le Rapport Gabriel’ ou ’Presque rien sur presque tout’. Il y cultive la légèreté : ’la condition humaine est sombre, il faut la prendre avec le plus de gaité possible’.

En 2003, il se raconte dans ’C’était bien’ et anticipe sa mort : ’Ce qui était bien, c’était la vie. Pas la mienne, bien sûr. La vie tout court. J’ai beaucoup aimé ce bref passage dans notre monde’.

Tout Jean d’O se retrouve dans l’un de ses derniers ouvrages, ’Un jour je m’en irai sans vous avoir tout dit’ : la foi en la littérature, la force des sentiments, la lucidité, le goût du bonheur et la quête de la vérité.

Il faudrait toujours, écrivait-il, que le lecteur se dise à la fin d’un livre ’quel dommage que ce soit déjà fini !’.

05/12/2017 Paris (AFP) -  © 2017 AFP


 

Jean d’Ormesson : Emission hommage de La Grande Librairie

Le 7 décembre, François Busnel a consacré à Jean d’Ormesson toute son émission de La Grande Librairie, avec comme invités : sa fille et éditrice Héloïse d’Ormesson, le journaliste et Bernard Pivot, inoubliable animateur d’« Apostrophes », l’écrivain haïtien Dany Laferrière, membre de l’Académie française dont Jean d’Ormesson avait soutenu la candidature, Eric Orsena, autre membre de l’Académie française, et Amélie Nothomb qui l’avait souvent croisé sur les plateaux de télévision, qui lui adressait tous ses livres et à qui il prenait le temps de répondre par une lettre.

L’intégrale

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Crédit : La Grande Librairie/France5

Extrait : sur le bonheur et le plaisir

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Jean d’Ormesson ou l’élégance du bonheur

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EXTRAITS

Philippe Sollers connaît son d’Ormesson sur le bout des doigts. La passion qu’ils vouent à la littérature les rassemble, quand le reste les oppose.

« Nous n’aimons pas de la même façon la littérature, ni la même littérature. Mais, que voulez-vous, on ne va pas séparer les compétences. Il aime Chateaubriand, Borges, qui l’a beaucoup inspiré dans certaines de ses divagations métaphysiques, Paul-Jean Toulet et Aragon – il préfère les poèmes les plus tardifs, que je juge un peu trop conventionnels »,

énumère Sollers, qui opte, lui, pour une poésie plus corrosive,

« d’abord Rimbaud, Verlaine, Lautréamont, Antonin Artaud. Il n’empêche qu’il y a une conversation, une discussion possible sur ces fondamentaux-là. Jean d’Ormesson est très cultivé, connaît des choses alors que plus personne ne sait rien. À l’Académie, il existe peu de gens de cette mouvance, s’intéressant au dépôt de savoir littéraire français alors que c’est, paraît-il, leur vocation. Sans parler de Claude Levi-Strauss, déjà 300 ans, je citerai Marc Fumaroli et sa grande érudition. Je goûte l’esprit que manifeste Jean d’Ormesson en toute occasion, dans sa sorte d’autobiographie continue, depuis quelque temps un peu répétitive. »
*

La grâce médiatique

Au hasard du zapping, il était difficile d’échapper à sa présence, courant les plateaux afin de distiller les bons mots et d’assurer le service après-vente [de ses livres].

« Je l’ai vu par hasard dans On n’est pas couché , évoque Philippe Sollers. À un moment, Laurent Ruquier l’a interrogé sur le roman de Catherine Millet (Jour de souffrance , où elle évoque sa jalousie maladive à l’égard de son compagnon Jacques Henric). “Je vais être bref, a-t-il répondu : baiser n’empêche pas les sentiments !” Cela résumait parfaitement le propos. »

Tandis que son fume-cigarette ne connaît pas la crise, depuis son bureau exigu, niché dans l’un des dédales du premier étage de la maison Gallimard, Philippe Sollers s’avoue bluffé par la propension de Jean d’Ormesson à enchaîner les prestations audiovisuelles.

« J’admire son système nerveux. Traits d’esprit qui fusent, visage passant admirablement, les yeux bleus qui envahissent l’écran, le profil parfait, l’aisance, la désinvolture, le sens de la repartie. Et en plus, il rajeunit chaque année. Passer à la télévision, j’ai tendance à moins le faire. Le minimum, c’est le mieux. Le maximum, c’est l’hôpital ! Jean m’a dit que le cirque de la promotion était à la limite du déshonorant. Nous sommes dans une époque plébéienne, très vulgaire. Jean prend cela avec élégance et accepte beaucoup de choses. S’il est jeune d’esprit et d’allure, ce monsieur qui à son âge, pour se plier à l’exercice, est prêt à rester scotché à son fauteuil au Moulin Rouge jusqu’à la fin de l’enregistrement, à deux heures du matin. Mon Dieu quel cauchemar. J’ignore dans quel état il se couche. C’est dur mais il s’en sort. »

Animal cathodique, Philippe Sollers l’est également. Jean d’Ormesson et lui – ajoutez Max Gallo et Philippe Labro – sont les recordmen des invitations à Apostrophes . Ils ont squatté l’écran une quinzaine de fois chacun dans l’émission-culte de Bernard Pivot, diffusée le vendredi soir sur Antenne 2, de 1975 à 1990.

*

Il ne se vexe pas d’être caricaturé. Et quand Philippe Sollers le qualifie de monsieur de Norpois, diplomate mondain à la limite du ridicule chez Marcel Proust, l’accusateur s’excuse.

« Je m’étais moqué de lui avec méchanceté dans Le Figaro en le comparant ainsi bêtement. Je le retire absolument. C’est la seule fois où nous avons été fâchés. Je le regrette car Jean d’Ormesson est un écrivain classique atypique, qui écrit bien le français. Mieux que beaucoup d’autres livres prétentieux et qui se disent d’avant-garde » .

, précise Sollers.

Ce classicisme formel est aussi ce qui a plu à la journaliste Sophie Fontanel. La chroniqueuse de Elle était en quête de personnages sexy et drôles pour alimenter sa page hebdomadaire, constituée de dialogues imaginaires entre la célibataire délurée Fonelle et ses copines, avec qui elle correspond par e-mails – courrier électronique préciserait d’Ormesson. Pour l’ancienne animatrice de Canal+, le choix de l’académicien en héros récurrent s’est imposé comme une évidence, surtout depuis qu’elle l’a croisé par hasard dans le bois de Boulogne, découvrant selon elle le plus bel homme du monde. Va donc pour Jeannot Lapin, qui déambule tout nu sous la Coupole ou file sur la Côte d’Azur en décapotable la braguette ouverte. « Ça n’aurait pas pu arriver à Philippe Sollers, pourtant brillant lui aussi. Il fallait un homme sublime. Faire les 400 coups avec un homme de 80ans, ça, c’est être rebelle ! Fonelle a trouvé son maître. Quoi qu’elle imagine de lubrique, lui, Jeannot d’Ormesson, imagine toujours pire », s’enthousiasme-t-elle. Son personnage et sa bande (Bianca, Domino, Otto, Bertil ainsi qu’une cohorte d’amants torrides ou pitoyables) existent sur papier depuis novembre1999 sans s’essouffler.

*

L’hommage national à Jean d’Ormesson par Emmanuel Macron

On publiera plus tard les discours d’Emmanuel Macon. Il y a eu son remarquable discours sur l’Europe. Voici un autre discours mémorable en hommage à Jean d’Ormesson et à la littérature.

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1 Messages

  • Viktor Kirtov | 10 décembre 2017 - 10:37 1

    Jeudi soir, 5 décembre 2017, dans l’émission "La grande librairie" sur France 5, Héloïse d’Ormesson, plutôt rare dans les médias, a fait une apparition remarquée. A la veille de l’hommage à son père, elle est venue sur le plateau de François Busnel avec le dernier manuscrit de Jean d’Ormesson. "Je savais qu’il écrivait un nouveau livre. Je savais qu’il voulait me le confier. Mais ce que je ne savais pas, c’est qu’il l’a fini samedi", a-t-elle déclaré, très émue. "J’ai trouvé ce matin cette dernière page du manuscrit dont je vous laisse lire la totalité ou la dernière phrase. Moi, je n’aurai pas le courage. Pourtant, elle est pleine d’espoir", a ajouté la fille de Jean d’Ormesson avant de donner le document à l’animateur, visiblement interloqué.

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    D’un ton grave, François Busnel a lu ces quelques mots, les derniers écrits par Jean d’Ormesson :

    "Une beauté pour toujours.
    -------
    Tout passe. Tout finit. Tout
    disparaît. Et moi qui m’imaginait
    devoir vivre toujours, qu’est-ce que
    je deviens ?
    Il n’est pas impossible..."

    puis après une pause de François Busnel :

    "…Mais que je sois passé
    sur et dans ce monde où vous avez vécu
    est une vérité et une beauté pour toujours
    et la mort elle-même ne peut
    rien contre moi".

    oOo