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Deller, Purcell, Shakespeare, sainte trinité - Music for a while

D 4 décembre 2011     A par Albert Gauvin - C 7 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Né le 31 mai 1912 dans le Kent, en Angleterre, Alfred Deller a été le premier de l’époque contemporaine à s’imposer comme contre-ténor soliste. Il a exploité tout le répertoire vocal des XVIe et XVIIe siècles, suscité mainte création, et collaboré avec les meilleurs spécialistes. Il est mort à Bologne, le 16 juillet 1979.

Écoutez son interprétation de Music for a while de Henry Purcell (4’02).

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Shakespeare/Purcell/Deller dans Illuminations

Dans Illuminations (à travers les textes sacrés), Philippe Sollers évoque la figure d’Alfred Deller. La « musique savante » de Purcell, — Music for a while —, chantée par le contreténor, appelle logiquement, après la grande poésie de Shakespeare, celle de Rimbaud.

Extraits

Mais enfin pourquoi la musique fonde-t-elle incessamment toute illumination ? Musique veut dire aussi bien un certain silence. De ce silence jaillit une force que recèlent les mots que nous employons le plus souvent sans les entendre. Le pélerin chérubinique d’Angelus Silesius nous prévient :

Un coeur calme en son fond, calme devant Dieu
comme celui-ci le veut,
Dieu le touche volontiers, car ce coeur est Son luth.

On retrouve justement le mot « luth » dans l’un des plus beaux airs d’Henry Purcell composé en 1694 pour l’anniversaire de la reine Marie :

Strike the viol, touch the luth
Wake the harp, inspire the flute :
Sing your Patroness’s praise,
Sing in cheerful and harmonious lays.

Prenons à présent l’exemple d’un des plus grand héros du XXe siècle, qui, à lui seul, a fait une percée illuminante dans l’organisation de l’oubli : Alfred Deller, né à Margate le 31 mai 1912, mort, à l’âge de soixante-sept ans, à Bologne le 16 juillet 1979. Avec lui, le fait que la musique soit au coeur du texte, dans son rythme, et sa modulation, devient bouleversant d’évidence. René Jacobs raconte :

Sa compréhension du texte constituait d’emblée une large partie de son travail. Je me souviens comment, rien qu’en lisant le texte d’un air, il arrivait à le rendre très expressif. Avec lui chaque parole, chaque mot, chaque syllabe était intelligible.

D’Alfred Deller, Gustav Leonhardt dit :

C’était un homme très gai qui n’aimait pas travailler. Pas une fois, en dehors d’une improvisation, basée uniquement sur le tempo, je ne l’ai entendu vocaliser. Il passait son temps à lire. Il ne cherchait d’ailleurs pas à émouvoir l’auditoire par sa voix, mais par les textes qu’il interprétait. Depuis, je n’ai jamais entendu un chanteur exprimer si clairement le sens des mots. Deller n’était pas seulement un grand chanteur, mais un artiste extraordinaire de naturel.

Le génie qui consiste coupler, mêler, faire résonner et s’arc-bouter l’une sur l’autre musique et parole ne tombe pas du ciel à l’improviste en Angleterre au temps de Shakespeare ; il ne tombe pas non plus par hasard, beaucoup plus tard, de façon fulgurante, à travers la voix d’Alfred Deller, au moment de la plus grande catastrophe humaine — en pleine seconde guerre mondiale.

Le témoignage qui nous importe à ce sujet est celui du compositeur Michael Tippett [1] qui entend, pour la première fois en 1943, dans la cathédrale de Canterbury, Alfred Deller entonner les premières mesures de Music for a while d’un musicien alors à peu près inconnu, Henry Purcell. Tippett ressent le choc décisif suivant :

A ce moment, j’ai eu l’impression que les siècles remontaient leur cours.
Music for a while shall all your cares beguile :
Wond’ring how your pains were eas’d,
And disdaining to be pleas’d,
Till Alecto free the dead from their eternal bands,
Till the snakes drop from her head,
And the whip from out her hands.
Music for a while shall all your cares beguile.

La musique, un instant, allégera votre détresse...

Dans le nom de Purcell, entendons bien le mot « cell » — cellule ; et dans le nom de Deller entendons aussi le mot air.

Sans l’apparition géniale de Deller, l’existence de la voix de contre-ténor, mais aussi celle de son répertoire qui va de Guillaume de Machaut à Jean-Sébastien Bach, dont tout le XIXe siècle avait programmé la destruction rageuse, accomplissant ainsi une violente vengeance contre la féérie, n’aurait jamais dû revenir : si tel avait été le cas, elle aurait emporté avec elle une liberté radicale. Non pas une anomalie, mais la vibration en surplus, triomphant de la négation dont elle a été l’objet.

Prenons la représentation toute simple de la virilité avec son haut fléché — en haut à droite —, considérons cette flèche et appelons-la, au grand scandale de la représentation dix-neuviémiste et des ravages ultérieurs, toujours en cours, Alfred Deller. Quoi qu’en pense férocement la sexinite, avec et par cette voix, nous assistons à une trouée dans le temps du marasme sexuel. Ce que l’on retrouve magnifié dans les Sonnets de Shakespeare :

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Sonnets, édition de 1609.
S’il n’est airain, ni pierre, ni terre, ni mer sans bornes
Sur qui la triste loi de la mort n’ait d’empire,
Contre cette fureur comment pourra plaider
La beauté dont la force est celle d’une fleur ?
Ah ! comment donc l’haleine embaumée de l’été
Soutiendra-t-elle le siège et les assauts des jours
Quand il n’est roc inexpugnable qui soit si ferme,
Portail d’acier si dur, que le Temps ne les ruine ?
L’effrayante pensée ! Las ! Où cacher au temps
Son joyau le plus beau pour qu’il ne le reprenne
En son coffret ? Qui peut retenir son pied leste ?
Ou qui peut l’empêcher de piller la beauté ?

Personne, hélas ! à moins qu’un miracle prévale
Et qu’en cette encre noire mon amour brille encore.

Deller passait son temps à lire de la poésie, il indiquait un tempo et la musique surgissait « for a while », « pour un instant », en passant, brillant de ne faire que passer.
Il faut rappeler aussitôt que les pièces de Shakespeare, l’accent qui les rend inimitables, c’est ce qu’il faut bien appeler la qualité de leurs interludes. Shakespeare n’est jamais plus shakespearien que dans l’intervalle de l’action, que dans la veille et la halte, le balancement nocturne entre les journées fertiles, cette hésitation et ce murmure rêveur qu’exhalent ses héros au moment d’accalmie, quand leur destin leur laisse le temps de questionner l’autre en eux. Roméo et Juliette se rythme ainsi de temps morts et de pauses, où l’angoisse et la volupté s’expriment rêveusement, tandis que dans l’ombre se resserrent les rouages de la machine infernale.
« J’ai peur, et bien trop tôt, soupire Roméo. Je pressens avec angoisse des évènements, encore suspendus aux astres, qui des plaisirs de cette nuit feront naître amèrement un rendez-vous de larmes. » Il n’est par ailleurs pas de théâtre plus entrecoupé de nocturnes que celui de Shakespeare. C’est que la nuit est attente, avant les devoirs que le jour désigne, avant les actions qu’il impose. « Bonne nuit, bonne nuit », se disent les amants de Vérone avant l’aurore. L’ouverture du cinquième acte du Marchand de Venise n’est qu’un long duo nocturne, une invocation à la nuit protectrice et pitoyable. « C’est par une nuit semblable, Jessica... », et autour du couple cerné d’ombre les visiteurs de minuit montent une garde fragile : Troïlus sur les remparts de Troie, espérant Cressida, Thisbé d’un pas craintif effleurant la rosée, Didon sur le rivage rappelant Énée, Médée cueillant des herbes magiques. Henri V, c’est la veillée du roi à l’aube qui ira livrer bataille. Jules César, c’est la maison de Brutus à la veille du crime, sa tente avant le combat, le souffle retenu du héros qui se penche sur son petit serviteur et regarde dormir l’enfant Lucius : « Dors, Lucius... Jouis de la rosée lourd-miellée du sommeil.. Assommeur repos, frappe de ta matraque de plomb mon enfant qui succombe... » Hamlet, c’est la tragédie même de la nuit, de ses atermoiements, de ses angoisses multipliées. Et lorsque le génie de Shakespeare s’épanouit dans la plus poignante de ses tragédies, Antoine et Cléopâtre, il écrit une « Suite anglaise » en nuit majeure. « Éros, désarme-moi. Le dur labeur du jour est fini. Il faut dormir », dit Antoine à son écuyer au terme de la tragédie qui s’achève dans un repos funèbre. « Tout s’égalise et la lune en visitant la terre ne saura plus quoi regarder. »

Le while dellérien permet justement de sentir de quelle nuit il s’agit :

One charming night gives more delight
Than a hundred lucky days.
Night and I improve the taste,
Make the pleasure longer last
A thousand several ways.

Ou encore ce morceau, A evening Hymn, dont William Christie a raconté que, lors de l’enregistrement de son dernier disque, Music for a while/ 0 solitude [2], Alfred Deller le chantait avec foi, les yeux fermés :

Now that the sun hath veil’d his light,
And bid the world good night,
To the soft bed my body I dsipose :
But where shall my soul repose ?
Dear God, even in thy arms,
And can there be any so sweet security ?
Then to thy rest, o my soul !
And singing, praise the mercy
That prolongs thy days.
Halleluia.

Il faut rappeler à quel point entendre la voix de Deller, sortant apparemment du corps qu’il avait, a déstabilisé son époque. Il le dit lui-même :

Je suis un grand gaillard, d’un mètre quatre-vingt-huit et de quatre-vingt dix kilos. Je suis père de trois enfants. J’ai été bon footballeur et joueur de cricket, fils d’un gymnaste professionnel. Et maintenant, parce que je chante avec un type de voix peu écouté depuis cent cinquante ans, je dois m’attendre à ne pas être considéré comme un homme véritable.

Il faudrait ici prendre au sérieux les effets fort bien étudiés par Nikolaus Harnoncourt du réglage égalitaire du chant après la Révolution française, puis sous Napoléon, dont l’influence a été considérable, jusqu’à marquer, comme on devrait mieux le savoir, Wagner lui-même. Il a fallu très longtemps, par exemple, pour que Mozart soit de nouveau rendu à son enchantement différentiel (Dévotions spécifiques à Clara Haskil et à Elisabeth Schwaezkopf).

Nommé en 1970 par la reine d’Angleterre commandeur de l’Ordre de l’Empire britannique, Deller me fait parfois penser au merveilleux acrobate bleu en équilibre peint par Picasso. Picasso voyait depuis « partout » ; Deller lorsqu’il prend la parole en musique, à cause de cette trouée dans le son, chante enfin comme on devrait sans arrêt continuer de chanter, depuis « partout » et « toujours ». Il accomplit à lui seul le programme rimbaldien de A une raison : « Arrivée de toujours, qui t’en iras partout. » Par sa voix, le temps reprend ses pleins droits dans le While, c’est-à-dire son immensité furtive — sa foi, son amour.

Bien entendu, l’enchantement nous vient de Shakespeare, raison pour laquelle l’anglais était promis à devenir la langue de communication planétaire, fût-ce sur un mode extraordinairement aplati. C’est cellulairement, consonnes et voyelles réunies, que cette langue, pourtant devancée en nombre par le chinois et l’espagnol, s’est révélée être la seule capable de supporter l’expérience du temps retrouvé.

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Henry Purcell

Écoutez Purcell, chanté par Deller, vous êtes immédiatement dans la magie shakespearienne, qui se dévoile à vous dans l’ œil même du cyclone. Ah, « Fairest Isle, Site of pleasure and of love »... Il est étrange que les Grecs, ou plus exactement leurs dieux en cours d’exil, se soient un instant posés là. Dans le chaos dévastateur de la Seconde Guerre mondiale, un grand gaillard les a entendus, ces dieux enfuis. Il ne cesse plus de les entendre dans sa voix qui reste réfractaire à l’asservissement du parler humain. Il se donne le loisir d’écouter sa propre voix et de suivre ainsi, j’allais dire à la Tchouang-tseu, sa voie. Il ne trouve pas de raison de se plier au spectacle en cours et ajoute même à sa mauvaise conduite le fait, en plein blitz, d’être objecteur de conscience. Miracle — il n’y a pas d’autre mot — on va se mettre à l’écouter. Quelque chose pivote dans le tympan même et « Fairest Isle » tient bon, « precious stone in a silver see », comme le dit Richard II. Et là, tendez l’oreille ou ce qui vous en reste, puisqu’on a décidé de vous la boucher, les souffles, les corps, les jours, comme dit Génie, les murmures, les douceurs, le bruit des sources, les roses, les fées sont tout à coup à votre disposition. Saluons au passage un très grand poète anglais, né en 1844, comme Nietzsche et Verlaine, enfermé comme bien d’autres au XIXe siècle, un jésuite, tiens ! comme c’est curieux, qui s’était mis dans la tête de casser le verdict d’hérésie attribué à Henry Purcell, entendons Shakespeare. Voici ce qu’il dit de Purcell :

C’est la face forgée qui m’atteint, c’est le récit de soi,
De l’abrupt soi-même, là, qui tellement force
et peuple l’ouïe.

Dans la grande misère de son temps, Hopkins — comme Deller plus tard dans l’effroyable misère du sien — voit Purcell, entendons Shakespeare, fondre sur lui, comme un grand oiseau. Avec son plumage d’ailes, dit-il, comme une brise d’anges, un grand oiseau d’orage perdu seul sur des grèves de foudre pourpre. Nous sommes là dans le ravissement, c’est-à-dire le rapt, ce qui peut arriver à quelqu’un qui suit sa voie, indépendamment de tous les rassemblements injustifiés. C’est arrivé à Deller. Cela peut se reproduire, si l’on écarte le succès parfaitement fallacieux dont on entoure l’unique et l’inimitable. Écoutez :

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If music be the food of love
Sing on till l am filled with joy ;
For tken my listening soul you move
To pleasures that never cloy,
Your eyes, your mien, your tongue declare
That you are music everywhere.
Pleasures invade both eyes and ear,
So fierce the transports are they wound,
And all my senses feasted are ;
Though yet the treat is only sound,
Sure l must perish by your charms
Unless you save me in your arms.

Si la musique est la nourriture de l’amour...

Elle sort des mots pour célébrer le don de la joie, « to celebrate the glory of this day ». James Joyce ne cherchait-il pas à écouter sur son poste de radio avant la guerre cet air d’Henry Purcell qui lui parle enfin de la joie, Joy, c’est-à-dire de lui-même ? Hommage d’un grand musicien à un autre.

Deller, Purcell, Shakespeare, sainte trinité. Joyce est avec eux. Et la voix de la nature elle-même. Et qui voyez-vous s’avancer sinon Orphée, puisque les arbres parlent, la langue universelle est trouvée, l’âme du monde circule, l’harmonie est rétablie à travers une merveilleuse machine qui fait tourner à la manière d’un orgue les instruments, les corps, les voix, les graines de la matière et les pollens de l’esprit. Lui couperait-on la tête à cet Orphée, qu’il n’en continuerait pas moins de chanter. Roumî le dit bien, à l’attention des Ménades de tous temps : « Si tu coupes un atome, tu y trouveras un soleil et des planètes tournant alentour. » Alfred Deller — soleil cou coupé — continue donc de chanter. N’importe quel maniaque de la sexinite qui tient désormais l’être humain dans son carcan, n’importe quel imbécile ou n’importe quelle idiote sourd et sourde à l’appel de Vénus, parlera ici, selon le code désormais en vigueur dans nos contrées, de déni de la castration. Manière courante et ô combien facile d’éviter le libre jeu des germes de la nature. Ces germes, comme vous le savez, sont maintenant, et pour longtemps, sous contrôle génétique intégré. Ce n’est plus sainte Cécile, patronne des musiciens, c’est saint Ovocyte. À quoi bon la flèche ? À quoi bon la cible ? On peut certes toujours jouer Shakespeare, interpréter Purcell, mais de là à entendre réellement de quoi il s’agit, il ne faudrait rien de moins qu’une transmutation entière qui n’est pas prévue au programme de la reproduction. L’envers du décor institué par le romantisme tardif n’est que plainte, accusation et paradis perdu. Seuls peut-être les merveilleux improvisateurs de jazz peuvent, en anglais toujours, nous faire signe, de loin en loin, dans leur liberté noire ; il suffit d’entendre Billie Holiday chanter : « It’s funny. »

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Edition de 1623.

Mais voilà que nous écoutons Deller, comme nous entendons Prospero dans La Tempête lorsqu’il déclenche par son art, une musique solennelle, « le meilleur réconfort pour un esprit troublé, guérissant un cerveau inutile, en bouillie dans le crâne ». Nous sommes dans le charme, il va fuir, il faut vite le surprendre comme le matin qui gagne sur la nuit, comme la raison en voie d’éclaircie. La magie est violente : elle peut obscurcir le soleil, faire s’insurger les vents, faire place au feu et au tonnerre. Elle peut même réveiller les morts, mais aussi révéler un autre monde, « a brave new world ». Il s’agit donc de l’abjurer ou du moins de faire semblant, pour ne pas désespérer le public ; et cette conclusion est très belle. Ce sont les derniers mots de Shakespeare.

C’en est fait à présent de tous mes charmes,
Me voici réduit à moi seul. Et c’est bien peu.
Puisque j’ai pardonné et repris mon royaume,
Ô ne me laissez pas finir dans cette île nue.
Délivrez-moi de moi, et même de mon art :
Ah, prêtez-y vos mains compatissantes.
Ma fin sera le désespoir, à moins d’une prière, :
Elle peut seule me sauver, irrésistible
Jusqu’à prendre d’assaut la miséricorde même.
Jusqu’à purifier tous mes Péchés.
Pardonnez-moi comme vous voulez être pardonnés.

Le magicien propose aux mortels effarés de lui pardonner, de façon à ce qu’ils ne sifflent pas, puisqu’ils pourraient aussi bien le tuer. La leçon de Shakespeare ? Je vous ai montré la vérité, il ne faut pas m’en vouloir, comprenne qui veut, à bon entendeur salut, vous m’oublierez vite, je fais des miracles pour vous, mais je n’ai aucune illusion, ce sera comme si rien ne s’était passé. Un dieu est venu, il a disparu, bon débarras, mais — ruse du génie — il n’a pas manqué de dire, et telle est la noblesse déchirante de l’action, « pardonnez-moi ».

Comment ne pas entendre en contrepoint le testament de François Villon ?

Épitaphe

Cy Gist et dort en ce sollier
Qu’un amours occist de son raillon,
Ung povre petit escollier,
Qui fut nommé Françoys Villon,
Oncques de terre n ’ot sillon.
Il donna tout, chascun le scet :
Tables, tresteaux, pain, corbeillon.
Gallans, dictes en ce verste :

Rondeau

Repos éternel, donne à cil
Sire, et clarté perpétuelle,
Qui vaillant plat ni escuelle
N’eut conques n’ung brain de percil.
Il fut rez, chief, barbe et sourci-
Comme ung navet qu’on ret ou pelle.
Repos eternel donne a cil.
Rigueur le transmit en exil,
Et luy frappa au cul la pelle,
Non obstant qu’il dit : « J’en appelle ! »
Qui n’est pas terme trop subtil.
Repos éternel donne à cil.

Pour Shakespeare, le seul salut que l’homme puisse atteindre, c’est la magie d’une parole et d’une musique justes. Le saint des saints de la poésie shakespearienne est sans doute le Sonnet XXIX où s’opère en quatorze vers la métamorphose qui nous surprend lorsque La Tempête se clôt sur son accent réconcilié, pacifié, sublimement détaché.

Lorsqu’en disgrâce auprès de Fortune et des hommes,
Solitaire, je pleure d’être ainsi rejeté,
Et de cris sans effet harcèle le ciel sourd ;
Que je vois mon état et maudis mon destin,
Souhaitant être semblable à l’un, riche d’espoir,
D’un tel avoir les traits ou les amis nombreux,
Désirant de l’un le talent, de l’autre les chances,
Moi, le moins satisfait de mes dons les meilleurs ;
Si pourtant, me méprisant presque en ces pensées,
Je pense à toi par chance, alors change mon sort,
Et comme l’alouette au point du jour s’élève
Loin du sol triste, je chante à la porte du ciel :

Ton cher amour remémoré me rend si riche
Qu’à l’état d’un roi je préfère le mien.

Mes amis, voilà ce qu’on peut appeler, en entendant le commentaire de Deller avec sa voix « hors de toute race, de tout monde, de tout sexe, de toute descendance », un ravishing delight. Vous avez reconnu Solde de Rimbaud, où il est question de « richesses jaillissantes ». « Je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m’ont précédé, un musicien même, qui ai trouvé quelque chose comme la clef de l’amour », dit encore Rimbaud, dans Jeunesse.


Picasso, L’acrobate bleu, 1929.
Photo A.G., Metz, 10-09-15. ZOOM : cliquer sur l’image.
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Deller, saint Alfred le Grand, deuxième de ce nom après le roi du Wessex et des Anglo-Saxons (849-899), auteur de la plus vieille traduction anglaise du Décalogue, s’est saisi de la clef de l’amour. Il l’a ramassée à l’endroit précis où tout le monde l’avait laissée tomber. Il a retrouvé ce que Rimbaud appelle aussi « les voix instructives exilées » ; il a expérimenté que « la musique savante manque à notre désir » ; qu’il en faudrait une « plus intense » ; qu’il y aurait lieu d’inventer, « pour les malheurs nouveaux », un « chant clair ».

Car, « en se promenant au bois, il y a un oiseau, son chant vous arrête et vous fait rougir ». Il vous montre que vous pouvez, vous aussi, trouver soudain « une maison musicale pour notre claire sympathie » ; vous pourriez même constater que « des châteaux bâtis en os sort la musique inconnue », enfin, il pourrait se faire que vous entriez dans « un rêve intense et rapide de groupes sentimentaux avec des êtres de tous les caractères, parmi toutes les apparences ».

Je ne vous parle même pas « des centauresses séraphiques qui évoluent parmi les avalanches », « des fleurs et des bijoux qui nous sont gracieusement proposés », « des bouquets de satin blanc et des fines verges de rubis qui entourent la rose d’eau ». Voici sur ma droite « la foule des jeunes et fortes roses », et croyez-moi, pour nous guérir de la bouillie de notre cerveau, rien de tel que ce traitement de douceur « Ô douceurs, ô monde, ô musique ! ».

Nous voilà remis des « vieilles fanfares d’héroïsmes », qui nous « attaquent le corps et la tête », loin, très loin des anciens « assassins ». Tout cela parce que, vous et moi, nous nous formons « aux applications de calculs et sauts d’harmonie inouïe ». Nous attendons même à bord d’un vaisseau, « après le déluge », qu’un couple de jeunesse s’isole sur l’arche, et qu’avec lui sonnent « les voix reconstituées, l’éveil des énergies chorales ». On chante, on se poste : il s’agit bien d’une extase harmonique, rendue sensible au coeur, dont personne ne veut plus au « temps des Assassins ».

Voyez Rimbaud tirant un trait sur la surdité de son temps — mais peut-être de tous les temps —, s’éloigner ou plutôt s’approcher de qui le voudrait avec Henry Purcell et le commandeur Deller, en compagnie de Shakespeare, dans une île sauvée du naufrage — « c’est cette époque-ci qui a sombré » —, et là, comment en avez-vous douté, « la main d’un maître anime le clavecin des prés ».

Philippe Sollers, Illuminations, 2003, folio 4189.

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La voix royale

par Jacques Drillon

Quand le compositeur Michael Tippett, qui a édité la musique du contre-ténor Henry Purcell, découvrit le jeune Alfred Deller, il eut l’impression que « les siècles partaient à reculons ». Les années, pour commencer : quand il était petit, Deller était choriste. Son pain quotidien, gloire à Dieu, était fait de Byrd, de Gibbons, de Haydn, du grégorien. De quoi vous faire un squelette de fer. Seulement lui, Alfred, le jour que sa mue le frappe, décide de continuer ainsi : « Ma façon de chanter est celle de mon enfance », dira-t-il. Son chef de choeur, « en voulant bien faire, j’en suis sûr », le tire vers le grave. Lui veut de l’aigu. Pour Nietzsche, le mouvement vers la nature, ce n’est pas un retour à, mais une montée vers. Il s’obstine donc à chanter dans son registre de fausset.
La tradition des contre-ténors anglais ne s’était jamais éteinte, mais ne perdurait qu’au sein des choeurs d’église, des Masses, bridés par des chefs qui encore aujourd’hui recherchent la blancheur anonyme du timbre et fuient l’expressivité « latine ». Les hautes-contre à la française ont pratiquement disparu. C’était en réalité des ténors aigus, et dont un des derniers représentants, pour ne pas dire le plus beau (on a sa dignité), s’appelait Tino Rossi. Il en reste quelques spécimens, authentiques ou assimilés (Sage, Ragon, Fouchécourt), mais ils s’éteindront, comme les chanteuses autrefois capables d’interpréter la mélodie française. De même qu’on n’articule plus le français parlé comme Madeleine Renaud.

Deller est vendeur de meubles, puis chantre à Canterbury. La guerre éclate. Il est objecteur de conscience, comme Britten. On l’envoie travailler aux champs. Les bombes ne l’arrêtent pas. Philippe Sollers, qui raffole de cette «  voix de contre-ténor dont le XIXe siècle avait programmé la destruction, accomplissant ainsi une violente vengeance contre la féerie », voit dans cette conjonction historique un symbole frappant : «  C’est une singularité tellement affirmée qu’elle va à l’encontre de tout système totalitaire, collectiviste. Deller était seul contre tout le monde et contre les préjugés. » Qu’ils soient esthétiques ou sexuels. «  C’est énorme ! La musique, ce n’est pas seulement de la pensée : c’est aussi le symptôme historique le plus profond. » André Tubeuf, lui, a suggéré qu’en un autre temps chanter ainsi lui aurait valu la prison, celle de Reading par exemple (comprenez : comme Oscar Wilde).

En tout, il aura pris une unique leçon de chant, « pour apprendre à respirer ». Dès 1944, grâce à Tippett, il commence sa carrière de soliste. C’est lui qui, en 1946, chantera lors de l’inauguration du programme culturel de la BBC. C’est pour lui que Britten écrira le rôle d’Obéron du « Songe d’une nuit d’été », revanche de la « féerie ». Il enregistrera des douzaines de disques, les opéras de Purcell, les maskes, mais aussi la musique française, italienne. Le Deller Consort, fondé en 1950, exhume le répertoire des madrigaux élisabéthains. Ils sont là, à cinq ou six, assis autour d’une table, ou en rond, et chantent tranquillement.

Le timbre d’Alfred Deller était remarquable surtout dans l’aigu. Personne au monde, même la Caballé, dont c’est la grande mais unique spécialité, n’a jamais été capable de produire à ces hauteurs un son si fin, si délicat, si pur. Aucun grain, aucune matière, et pourtant de la couleur, un cheveu de lumière. Chaque voyelle conserve sa teinte particulière, même à ces confins du silence. Cette voix ne suscite pas la songerie : elle est pur songe. Elle fascine, provoque l’amour. « If music be the food of love », se demandaient Shakespeare et Purcell, qui n’avaient pourtant pas connu Deller... Ajoutez à cela une technique exemplaire, dans la vocalise comme dans l’émission du son, qui lui a conservé sa voix jusqu’à la fin.

Fumeur de pipe et de Craven A, comme Samson François, mais une voix parfaite. Les petites chanteuses qui n’approchent pas un fumeur à moins de trente pas mais dont la voix est foutue à 40 ans peuvent s’en inspirer. Lorsque la voix descendait dans le grave, le timbre se corsait, se poivrait, prêt à l’ironie, mais toujours dans une très petite amplitude d’effets. Deller était bien l’anti-ténor wagnérien. Il avait la plus petite voix du monde, son compère luthiste Desmond Dupré jouait un instrument de quelques centaines de grammes, et à eux deux ce ne sont pas seulement les lute songs qu’ils ont redécouverts, ni même la musique élisabéthaine, savante et populaire, mais tout un art anglais, fait de raffinement, de délicatesse, de dignité, de retenue, d’humanité, un art du minuscule, presque une civilisation.

Il fallait imposer ce timbre, cette manière de chanter, ce répertoire. Deller aura subi tous les sarcasmes. « O solitude, my sweetest choice », la chanson de Purcell, est devenu son emblème. On le prétendait castré, impuissant, dégénéré ; mais ce n’est pas sous Churchill qu’on coupait ou qu’on ligaturait les bourses des garçons, contre argent aux parents, pour en faire des bêtes d’opéra. C’est en Italie, et d’abord pour alimenter les choeurs du Vatican. Il lui avait fallu se défendre, se justifier :

Je suis un grand gaillard de 1,88 mètre et de 90 kilos. Je suis père de trois enfants, j’ai été bon footballeur, bon joueur de cricket, fils d’un gymnaste professionnel, et maintenant, parce que je chante avec un type de voix peu écouté depuis cent cinquante ans, je dois m’attendre à ne pas être considéré comme un homme véritable !

Il n’est pas certain que l’époque actuelle soit plus accueillante à de tels tempéraments. Les baroqueux ne luttent plus contre ceux qui avaient décrété : du passé faisons table rase. Ils sont riches, nerveux, ambitieux, conventionnels. Le baroque est devenu un investissement, au mieux une parure sociale, comme les beaux-livres. Du passé faisons table basse.

Le texte surtout requiert Deller, c’est là ce qui le rend le plus violemment rebelle. Sans effort, sans appuis intempestifs, il fait sonner la langue anglaise, la poésie anglaise comme personne. Parlant de Purcell, Deller évoque avant tout son art de mettre le texte en musique, sa rythmique, sa métrique, dont il ne trouve aucun équivalent dans l’histoire, Schubert excepté. «  Il passait son temps à lire, dit Sollers, tous les témoignages concordent. Il suffit d’écouter : c’est la poésie qu’il cherchait à transmettre avant tout. » Ce que traduira cette vieille philosophe platonicienne, sans penser à mal : « Avec lui, on jouit de la langue. »

Et du corps tout entier, chère madame, et de l’âme. Lorsqu’on entend cette voix unique, cette prononciation exemplaire, cette poésie et cette musique retrouvées, on est étourdi par la cohérence qui se dégage du résultat, tant il est vrai que nous sommes plongés dans la confusion, et que notre temps est bien celui où les émotions sont le produit de la prévision, de l’algèbre, de la spéculation. Nous sommes entrés dans l’ère du calcul. Remontons les siècles, comme disait Tippett.

Jacques Drillon, Le Nouvel Observateur du 25/03/2004.

***


Alfred Deller :
« A propos de la voix de contreténor »

Entretien de 1975 avec le grand contreténor anglais.

L’entretien, réalisé pour la télévision française, est sous-titré en français [3].

1ère partie

Alfred Deller définit sa voix si particulière et parle de sa carrière.

La voix de son sexe, la voix de tête

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2ème partie

suite de l’entretien : En public

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3ème partie

Alfred Deller parle de la voix masculine de l’alto et chante un madrigal avec son fils, Mark, intitulé « I go before, my Darling » de Thomas Morley.

Découvertes. Henry Purcell (1659-1695).

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4ème partie

Cette partie comprend une répétition du « Deller Consort ».

Nature et artifice. Musique et curiosité. Concert et... rafraîchissements.

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Hommage à Alfred Deller

Un hommage en deux parties diffusé lors de l’émission de Gaëtan Naulleau Les enfants du baroque les 5 et 12 décembre 2009.

L’entretien avec Alfred Deller est extrait du DVD « Portrait of a voice » (Harmonia Mundi/INA, Réal. : Benoît Jacquot [4])

1ère partie (60’)

Avec les témoignages de René Jacobs [5] et de Ivan Alexandre.

2ème partie (55’49")

Avec les témoignages de Gustav Leonhardt [6], René Jacobs, Ivan Alexandre, Dominique Visse [7].

***

Voir en ligne : Alfred Deller



Alfred Deller, Portrait of a legend

JPEG - 59.8 ko

Sur une " île sauvée du naufrage ", vous pouvez emmener Alfred Deller, Portrait of a legend (Harmonia mundi, 2004). C’est un magnifique coffret qui comporte quatre CD.

Sur le CD 1, on trouve de larges extraits de The Fairy Queen (La reine des fées) de Purcell. Et, puisque dans le chapitre XI des Illuminations — qui précède celui consacré à Deller —, Sollers cite longuement Lao-tseu et Tchouang-tseu, je ne résiste pas à l’envie de citer (dans sa traduction française) le "dialogue" entre "Un chinois" et "Une Femme chinoise" qui se trouve à l’Acte V de l’opéra de Purcell :

Un Chinois
Ainsi, au commencement
fut un monde sombre,
puis par la puissance divine,
une guirlande glorieuse fut tendue
qui le rendit brillant
et le fit naître à la lumière.
Alors tous les êtres étaient aussi purs
que ces courants éthérés,
sûrs dans leur innocence,
et rejetant les extrêmes.
Il n’y avait pas de place pour la vaine gloire,
pas de cause à la fierté, et l’ambition criait à l’aide.

Une Femme chinoise
Heureux et libres,
ainsi nous sommes traités
par les plus grands délices de la nature ;
jamais repus,
nous renouvelons nos joies,
et une bénédiction en appelle une autre.

Choeur
Nous vivons ainsi à l’état sauvage
et donnons librement
ce que le ciel aussi librement nous accorde.
Nous n’avons pas été faits
pour le labeur et le commerce
que les fous s’imposent les uns aux autres.

*

Voir aussi : Deller chante Purcell.


[1Sir Michael Tippett sur le site de l’IRCAM.

[2

[4Présentation de Portrait d’une voix.

[5Sur René Jacobs.

[7Le site de Dominique Visse.

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7 Messages

  • Hélène Mackay | 3 juillet 2017 - 00:44 1

    Comme c’est inspirant ! Et me revient, cité de mémoire : « Ce qui ne chante pas n’existe pas pour l’âme. Et tant pis pour la réalité. »
    Philippe Sollers, dans quel livre ?


  • A.G. | 23 avril 2013 - 13:29 2

    William Shakespeare est né le 23 avril 1564 et mort le 23 avril 1616 à Stratford on Avon. Relisez ci-dessus les pages qui lui sont consacrées dans Illuminations. « Deller, Purcell, Shakespeare, sainte trinité », écrit Sollers.

    Purcell a aussi écrit un « semi-opéra » adapté de Shakespeare King Arthur, chanté par Alfred Deller. M’étant intéressé de longue date, et pour des raisons évidentes, à la légende du roi Arthur, je ne peux éviter de vous faire écouter What Power art thou, dit « The cold song ». En espérant que, malgré ce printemps tardif, vous ne mourrez pas de froid...


  • A.G. | 16 février 2012 - 12:38 3

    Un ami m’écrit :

    « A la question de la traduction et à l’absence en l’état de réponse sur le nom du traducteur, je me suis demandé quelle traduction avait lui-même utilisé M Pleynet pour son Shakespeare in progress dans Fragments du choeur. Or aucune indication n’apparaît sur ce point. Pourtant, chaque traduction est bien précédée du texte original... Alors, sauf à découvrir en plus des traductions dont tu fais état, une autre qui serait celle utilisée, je me dis que M Pleynet a peut-être traduit lui-même Shakespeare pour les besoins de son étude. Auquel cas, la traduction du [sonnet] 65 pourrait — simple hypothèse — bien être faite par M Pleynet... voire — et pourquoi pas ? — Sollers lui-même ? N’est-ce pas dans Femmes que Sollers propose quelques traductions de Shakespeare pour contester celle faite en son temps par le fils Hugo ?... Une idée, comme ça... ! »

    Excellentes hypothèses ! Je penche pour une traduction de Sollers lui-même. C’est effectivement dans Femmes (1983) que Sollers fait appel à ses «  anciennes notes sur Shakespeare... Pour cet essai jamais rédigé... Travail de jeunesse... » , s’interroge : «  Pourquoi les Français traduisent-ils ça si mal ? Ils sauvent leur mère, ils la gardent pucelle... Jeanne d’Arc... », et reprend un certain nombre de traductions comme celle de Gide (folio, p. 540-548). D’autre part, dans Illuminations, Sollers mentionne fréquemment le nom des traducteurs des textes des auteurs étrangers qu’il cite (chose rare chez lui), sauf, précisément en ce qui concerne Shakespeare... « Time’s best jewel » : «  au temps / Son joyau le plus beau ».


  • A.G. | 15 février 2012 - 19:37 4

    J’ignore de qui est la traduction du Sonnet 65 de Shakespeare que cite Sollers.
    _ Ce n’est ni celle de René Char ni celle d’Yves Bonnefoy (qui a ma préférence) que vous avez dû lire ici et ce n’est pas non plus celle de Jean Fuzier qui se trouve dans mon vieux Pléiade (édition de 1958, p. 127) que je vous livre à titre comparatif :

    S’IL n’est bronze ni pierre, ou terre ou mer immense
    _ Dont le triste pouvoir de la Mort n’est vainqueur,
    _ Contre cette fureur que sera la défense
    _ De beauté, dont la force est celle d’une fleur ?
    _ Le doux souffle d’été, comment tiendrait-il tête
    _ A l’assaut ruineux des jours au dur bélier
    _ Quand par les coups du Temps voient leur force défaite
    _ Et l’imprenable roc et la porte d’acier ?
    _ O terrible pensée ! A son coffre soustraite,
    _ Sa plus belle parure où, las, au Temps cacher ?
    _ N’est-il de forte main qui son pied vif arrête ?
    _ Qui le peut prévenir de dépouiller beauté ?
    _ Personne, hélas, à moins que ce miracle agisse,
    _ Et que par noir sur blanc mon amour resplendisse !


  • anonyme | 15 février 2012 - 14:30 5

    Bonjour, je voudrais savoir de qui est la traduction du sonnet 65 de Shakespeare que vous donnez. Merci.


  • anonyme | 8 décembre 2011 - 14:26 6

    Les masques sont silencieux et la musique est si lointaine qu’elle semble venir des cieux, Guillaume Apollinaire


  • anonyme | 14 décembre 2007 - 22:05 7

    De l’entendre sans savoir tout ce que tu sais je n’ai que senti. Et de l’entendre en te lisant j’ai su que tu savais, parce que j’ai beaucoup appris, mais sans jamais cesser d’ignorer non plus. C’est-à-dire sans pouvoir un seul instant cesser de l’entendre à nouveau. Merci beaucoup. A toi d’abord, puisque lui [après toi ?] n’en a pas [plus ?] besoin.