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Le « lion » Joseph Kessel fait son entrée dans la Pléiade

D 10 juin 2020     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Le Figaro : le romancier rejoint la collection de Gallimard

Quarante-et-un ans après sa mort, les lecteurs pourront notamment retrouver au sein de deux volumes de La Pléiade, ses œuvres L’Équipage et Les Cavaliers.

Par Le Figaro et AFP agence

le 2 juin 2020


Une vingtaine de romans de l’écrivain, réunis au sein de deux volumes, ont été retenus pour faire partie de la collection de Gallimard. Serge Hambourg/Opale/Leemage
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Ce n’est pas un écrivain mais une légende qui entre jeudi dans la Pléiade. Joseph « Jef » Kessel, le journaliste-romancier, témoin engagé de la marche du monde, baroudeur et membre de l’Académie française, rejoint, à quelques mois d’intervalle, son ami Romain Gary au Panthéon de la littérature.

À lire aussi : Joseph Kessel, portrait total

Des quelque 80 romans et récits écrits par Joseph Kessel, la prestigieuse collection de Gallimard en a retenu une petite vingtaine, présentée dans deux volumes, où « se décline l’essence même du roman chez Kessel : l’aventure », souligne Serge Linkès qui a dirigé cette édition. Parallèlement à la sortie de ces deux volumes, un album richement illustré consacré à l’auteur du Lion sera offert aux acheteurs de trois volumes de la Pléiade.

Le tome 1 (1968 pages, 68 euros) s’ouvre avec un des premiers textes de Kessel, L’Équipage (1923), premier succès commercial de l’écrivain. Le tome 2 (1808 pages, 67 euros) se clôt sur le roman qui l’a définitivement consacré, Les Cavaliers (1967). « Après ce dernier chef-d’œuvre, si plus personne n’osa mettre en doute son statut d’écrivain, lui-même eut le plus grand mal à écrire, se demandant comment il pourrait faire mieux », note Serge Linkès, maître de conférences à l’université de La Rochelle et spécialiste de l’œuvre du romancier.

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Admission à l’Académie Française de l’écrivain Joseph Kessel en habit d’académicien, le 6 février 1964 Rene Saint Paul/Bridgeman images
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Un des grands mérites de cette édition est de juxtaposer des ouvrages relevant, à des degrés divers, de la fiction, du récit, du reportage ou de ce que Kessel aimait à nommer « documentaire ». En lisant les textes de l’écrivain, mort il y a bientôt 41 ans, on demeure frappé par leur étonnante modernité. Ses livres lus, les personnages qui les hantent demeurent vivants dans notre mémoire.

À lire aussi : Joseph Kessel, grand reporter, romancier, académicien, s’éteignait le 23 juillet 1979

De Belle de jour à L’Armée des ombres, de Marchés d’esclaves à La passante du Sans-Souci en passant par Mary de Cork, Kessel a dessiné la fresque d’un siècle formidable et violent. « Choses, décors et gens : il nous les a rendus en peintre plutôt qu’en photographe, vivant ses enquêtes comme des romans et donnant à ses reportages le mouvement et la vie qui animent la fiction », résume Gilles Heuré qui a dirigé l’album Kessel et qui était déjà à l’œuvre pour le volume consacré à l’auteur dans la collection Quarto de Gallimard.

« Témoin parmi les hommes »

Mais le plus beau roman de Kessel restera peut-être sa vie même. Sa vie aventureuse, souvent héroïque, fait corps avec son œuvre. Quel destin que celui de l’enfant né en janvier 1898 en Argentine, de parents juifs russes. Il passe sa petite enfance sur les bords de l’Oural avant de s’installer en France avec sa famille à l’âge de 10 ans. La suite est connue. Études brillantes, engagé volontaire en 1916. Il termine la guerre aviateur avec la médaille militaire et la croix de guerre sur sa vareuse bleue. Paradoxe : il obtiendra la nationalité française en 1922 seulement.

D’un Figaro, l’autre, avec Philippe Sollers

C’est ainsi – ci-dessus - que Le Figaro, rendait compte dans son édition du 2 juin, de l’entrée du « lion » Kessel dans La Pléiade.

Le 7 juillet 2011, Philippe Sollers avait consacré sa chronique du moment dans Le Nouvel Observateur, aux grandes heures littéraires du Figaro. Cette chronique est publiée sur son site sous le titre : Le grand Figaro., reproduisant la photo-montage ci-dessous mettant en avant Joseph Kessel, lequel apparaît aussi dans sa chronique (voir encart en fin d’extrait) : l’une des rares mentions de Kessel par Sollers, même si on le retrouve avec Jean d’Ormesson à Jérusalem, à l’occasion de la remise de l’épée d’académicien de Joseph Kessel à l’Université hébraïque de Jérusalem comme on le verra plus avant.


Six écrivains à la une : Emile Zola, Marcel Proust, Joseph Kessel, Georges Bernanos, François Mauriac et Paul Claudel, tous publiés dans "le Figaro".. ((c) Archives Figaro - montage Yan)
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Qu’est-ce qu’un grand journal ? À la longue, celui qui aura publié le plus de grands écrivains. Comme les journalistes passent et que les grands écrivains restent, la démonstration dans le temps peut être éclatante. Les journalistes, sauf de rares exceptions, écrivent mal et sont désespérés de disparaître dans le niagara de l’information. Les meilleurs écrivains, eux, apparaissent dans un journal comme des bouées inattendues de couleur. Les autres écrivent en noir et blanc, eux en bleu, vert ou rouge. La palme, ici, au moins jusqu’en 1944, appartient au Figaro, moins académique qu’on a pu le croire.

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Jugez-en : Barbey d’Aurevilly, Théophile Gautier, Zola, Mirbeau, Proust, Bernanos, Montherlant, Morand, Mauriac, Claudel, Gide. Qui dit mieux ? Qui pourra dire mieux ? A moins de rêver d’une apocalypse, plus de journaux, plus d’écrivains, plus d’Histoire, le papier continuera à parler à travers le temps.

Théophile Gautier, le héros de 1830, le jeune homme au gilet rouge : « Nous regardions en ce temps-là les critiques comme des cuistres, des monstres, des eunuques et des champignons. » Barbey ? Il commence bien : « Les sots, les ignorants, les ennuyeux, seuls grands coupables qu’il y ait en littérature. » L’embêtant, c’est qu’il devient ultraréactionnaire en 1872, allant jusqu’à parler des « atroces bandits de la Commune, ces exécrables assassins ».

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"Les Grands écrivains publiés dans le Figaro, 1836-1941"

de Bertrand de Saint Vincent,

préface de Jean d’Ormesson,

Acropole, 2011

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Mais voici Zola s’en prenant à Hugo en 1880. Il incarne tout, Hugo, on lui voue un culte exagéré, « on lui donne le siècle de haut en bas, de long en large. » Son dernier poème, « l’Ane », est un « incroyable galimatias », une boursouflure de « gâtisme humanitaire ». « Il y a eu quelque lésion du génie dans ce crâne. L’homme s’est cru Dieu, et il annonce comme autant de vérités les incroyables enfantillages de ses rêveries séniles. »

On veut faire une statue à Dumas ? Zola s’insurge, il vaudrait mieux en faire une à Balzac ou à Stendhal (« esprit supérieur »). En 1896, le grand Zola se déploie (nous sommes toujours dans « le Figaro ») dans un texte admirable : « Pour les juifs ». A ses yeux, les antisémites vont laisser sur eux un « épouvantable document », « amas d’erreurs, de mensonges, de furieuse envie, de démence exagérée », un vrai bourbier. C’est l’affaire Dreyfus, et toutes ses conséquences.

Zola peut-il dormir tranquille ? Mais non, c’est maintenant Mirbeau qui l’attaque, puisqu’il brade son indépendance en se présentant à l’Académie. Comme quoi, il restait chez lui « un vieux germe de servitude ». Mirbeau défend Monet, « très rare, très puissant artiste » et a cette formule, toujours actuelle : « S’il est permis, en ces temps d’agitation imbécile, de s’occuper encore de quelque chose de noble, où la boueuse politique n’a rien à voir. »

La boueuse politique ? La voici dénoncée, le mardi 16 août 1904, par un jeune inconnu, du nom de Marcel Proust, dans un texte extraordinaire : « la Mort des cathédrales ». Le projet du gouvernement de l’époque, farouchement anticlérical, est de désaffecter les églises qui pourront être transformées en musées, en salles de conférences ou en casinos.

Et le futur auteur d’« A la recherche du temps perdu » devient un ardent défenseur du culte catholique, de ses cérémonies et de sa mémoire. « Il n’y a pas aujourd’hui de socialiste ayant du goût qui ne déplore les mutilations que la Révolution a infligées à nos cathédrales, tant de statues, tant de vitraux brisés », etc. Proust, intimement catholique ? Mais bien sûr.

Et voici un autre cri d’alarme, peu écouté. C’est Joseph Kessel, en 1921, publiant « la Débâcle des consciences en Russie » et « la Journée du citoyen soviétique ». Corruption, délation généralisée : « Les regards sont inquiets, les bouches silencieuses, les gestes prudents, on a peur de sa femme, de son ami, de son frère. » C’est le règne de la Tcheka, ce sera celui du KGB, lui-même métamorphosé en affairisme cynique et criminel (bonjour, ces temps-ci, au camarade Poutine !).

Conclusion de Kessel : « La journée du citoyen soviétique ne connaît ni rêve, ni chant, ni espoir. Le plus grand crime du bolchevisme est peut-être d’avoir tué chez ceux qu’il opprime la chaude et vibrante joie de vivre. » « Le Figaro » ment-il alors, comme toute la presse « bourgeoise » ? On l’a dit.

[…]

Philippe Sollers

La suite de la chronique citant aussi Céline, Bernanos, Montherlant, Morand, Mauriac, Gide, Claudel, sur le site de Philippe Sollers

d’Ormesson et Sollers réunis à Jérusalem, autour de l’épée de Kessel

Jérusalem rendait hommage à Joseph Kessel. C’était le mardi 26 avril 1983 à l’occasion de la grande journée d’amitié culturelle franco-israélienne, dans le cadre de la onzième Foire du livre de Jérusalem qui se poursuivait jusqu’au dimanche 1er mai. On honorait Joseph Kessel, journaliste, écrivain et académicien français, près de quatre ans après sa mort. Celui-ci, en effet, grand ami d’Israël depuis la fondation de l’État hébreu, avait exprimé le désir de léguer à l’Université hébraïque de Jérusalem son épée d’académicien. Ce qui fut fait mardi au cours d’une touchante cérémonie à la Maison de France, en présence de l’ambassadeur de France, M. Jacques Dupont, du président de l’Université hébraïque, M. Avraham Harman, et de M. Jean d’Ormesson, de l’Académie française. Le manuscrit des Fils de l’impossible, le roman de Kessel sur la création d’Israël, fut également offert à la Bibliothèque nationale et universitaire.

Auparavant, sur le thème " L’écrivain engagé aujourd’hui ", un colloque avait réuni des écrivains et intellectuels français et israéliens qui s’interrogèrent sur le sens et la nécessité de l’engagement. Du côté français : Elisabeth Badinter, Roger Grenier, Pierre Schöndorffer, Philippe Sollers, Jean d’Ormesson ; du côté israélien, le traducteur Aharon Amir, le journaliste Ben Porat, le poète cinéaste Haïm Guri, l’écrivain kibboutznik Yonat Sened, le philosophe Yurmiahu Yovel.

Né en Argentine de parents russes, citoyen français, résistant, ayant voyagé dans le monde entier mais toujours fidèle au pays auquel il était attaché par ses racines, Joseph Kessel, succédant au duc de La Force à l’Académie française, s’était prévalu d’être juif. Dans son discours de réception, il disait : " Qui avez-vous désigné pour remplacer le compagnon dont le nom magnifique a résonné glorieusement pendant des millénaires dans les annales de la France (...) ? Un Russe de naissance, et juif de surcroît, un juif d’Europe orientale. Vous savez, messieurs, et bien qu’il ait coûté la vie à des millions de martyrs, vous savez ce que ce titre signifie encore dans certains milieux et pour trop de gens. ".

Crédit : d’après Nicole Zand pour Le Monde

Nota : Dans « Jean D’Ormesson ou l’élégance du bonheur » par Arnaud Ramsay, cette anecdote qui confirme que les deux hommes (Sollers et lui) se sont rencontrés à Jérusalem : « Philippe m’a prêté vingt dollars, que j’ai mis six ans à lui rendre » souriait Jean d’Ormesson. « En réalité, il me les doit toujours, il ne m’a jamais remboursé corrige aujourd’hui Philippe Sollers. Nous étions en Israël pour la remise de l’épée de Joseph Kessel à l’université de Jérusalem. Jean était en pleine forme, l’allure sportive et nous étions allés nous baigner dans la mer Morte. »

Kessel et Sollers lauréats du Prix littéraire Prince Pierre de Monaco

C’est un autre point qui réunit les deux écrivains :

Prix 1959 : Joseph Kessel
Prix 2006 : Philippe Sollers

Créé en 1951, le Prix Littéraire Prince Pierre honore un écrivain d’expression française de renom pour l’ensemble de son œuvre, à l’occasion de la parution récente d’un de ses ouvrages. Proposé par le Conseil Littéraire, il ne fait l’objet d’aucun dépôt de candidature et est doté d’un prix de 15.000 euros. Chaque année, les membres du Conseil se réunissent à Paris en mai afin d’établir la liste des auteurs sélectionnés. Le lauréat est désigné au cours de la session d’automne et proclamé à Monaco lors de la cérémonie de remise des Prix de la Fondation.

Retour sur une aventure littéraire

L’infatigable auteur des « Cavaliers », du « Lion », de « L’Armée des ombres » entre dans la prestigieuse collection de Gallimard. L’occasion d’éprouver à nouveau sa puissance évocatrice.

Par Macha Séry

Le Monde le 06 juin 2020


L’écrivain Joseph Kessel, à Paris, en 1966.- Marc GARANGER/saif images
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« Romans et récits I et II », de Joseph Kessel, édité sous la direction de Serge Linkès, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2 tomes sous coffret, 1968 p. et 1808 p., 135€ jusqu’au 31décembre.

Joseph Kessel (1898-1979) appartient aux forces de la nature qui instillent à la littérature sève, sang et esprit d’aventure ; des monstres de démesure, gorgés de vitalité, capables de crever leur monture tant ils lâchent les chevaux ; des écrivains qui ne détellent jamais. Kessel était de cette trempe, infatigable. Carrure et pif de boxeur, il enchaînait nuits blanches et verres de vodka, se rivait à son écritoire vingt heures d’affilée puis parcourait le monde et recommençait.

Marquée du sceau de l’authenticité, son œuvre littéraire et journalistique, qui entre dans « La Pléiade », s’inscrit dans une féconde lignée, où cohabitent Honoré de Balzac, Charles Dickens, Alexandre Dumas, Tolstoï et Shakespeare. Ils constituent l’Olympe de Kessel. Semblable à ses maîtres, celui-ci est un conteur né. Il maîtrise l’art du récit, sa composition, son découpage, ainsi que l’éloquente science des ellipses. Qu’on se souvienne de L’Armée des ombres (1943), du laconisme déchirant de son dénouement : « Quand Mathilde vit la voiture des tueurs s’approcher d’elle, Jardie ne put rien distinguer sur son visage. Le Bison tira comme à l’ordinaire, sans défaut. Et Jean-François sut dépister la poursuite. Gerbier a passé trois semaines à Londres. Il est reparti pour la France bien portant et très calme. Il avait retrouvé l’usage de son demi-sourire. »

L’expérience vécue

Mathilde, Jardie, le Bison, Jean-François, Gerbier… Il faudrait leur associer le capitaine Gabriel Thélis, héros de L’Equipage, que Kessel publia en1923, à l’âge de 25ans ; le cruel Ouroz des Cavaliers, son dernier roman et ultime succès populaire, paru en1967 ; Elsa Wiener, la tragique Passante du Sans-Souci qui, dès 1936, évoquait les camps de concentration ; Séverine Serizy, la Belle de jour (1928) ; Patricia Bullit, la petite-cousine de Mowgli et l’amie du Lion (1958 ; ce roman est la quatrième meilleure vente du fonds Gallimard chaque année). Autant de figures de conquête, de défaite ou de sacrifice aujourd’hui rassemblées dans les deux tomes des Romans et récits de « La Pléiade », qu’ont imagées les meilleurs cinéastes et interprétées d’inoubliables comédiens.

Presque tous les romans de Kessel jaillissent de la même source que les récits figurant dans cette édition : une expérience vécue. Dans les deux cas, ce qui importe par-dessus tout, c’est « l’aventure intérieure, le roman vécu par les hommes que l’on trouve sur son chemin », ainsi que l’affirma l’auteur dans un entretien à Combat. Encore faut-il deviner les drames, la complexité de leur écheveau, prêter l’oreille aux gens et ne pas les juger. « Quand un être se détruit pour une grande idée ou pour un grand amour, j’ai toujours pensé qu’il a choisi un domaine dont il n’appartient à personne de vouloir le ramener », lit-on dans La Passante du Sans-Souci. « Le succès de Kessel reporter est dû en grande partie à ses qualités d’écrivain, tout comme sa réussite littéraire est intimement liée à ses qualités de reporter », souligne l’universitaire Serge Linkès, qui a dirigé l’édition de ces « Pléiade ».

Joseph Kessel n’avait que 17 ans, en1915, lorsqu’il fut recruté au service étranger du Journal des débats, vénérable institution fondée en1789, à laquelle avaient collaboré Chateaubriand, Alexandre Dumas et Eugène Sue. A côté du jeune polyglotte, des vieillards, contemporains de la Commune, griffonnaient à la plume d’oie. Le premier reportage qu’il signa de son nom a tout du symbole : le compte rendu du défilé du 14juillet 1919, celui de la victoire. Dans l’intervalle, engagé volontaire dans une escadrille, Kessel a gagné ses galons de sous-lieutenant et bouclé son premier tour du monde.

Kessel vient du fond des âges et a toujours 20 ans. Né en Argentine, de parents juifs d’origines russe et lituanienne, il a passé son enfance à Orenbourg, sur les bords de l’Oural et des steppes d’Asie centrale, là où transitaient des caravansérails en provenance de Samarcande. Dans cette contrée sillonnée par des nomades et des Cosaques, il a croisé de vivantes incarnations de la littérature russe, dira-t-il, et appris à lire dans un manuel où un lion, toutes griffes dehors, terrassait un buffle. Il est à la fois le peintre des traditions ancestrales (le bouzkachi pratiqué par les Afghans, dans Les Cavaliers) et celui de la technologie (les pionniers de l’aviation dépeints dans L’Equipage), le descendant d’explorateurs héroïques et l’observateur lucide de son temps. Il a suivi l’insurrection des nationalistes irlandais, décrit la traite négrière en mer Rouge, relaté la montée du péril nazi, chroniqué, après-guerre, les tensions géopolitiques et l’Amérique des fifties. « Témoin parmi les hommes », quel beau qualificatif que celui qu’il donna à l’édition intégrale en six volumes de ses reportages – quarante-cinq ans de son existence – réédités en poche en 2018 et 2019 par Tallandier.

« Juif d’Europe orientale »

Kessel vient d’ailleurs, et représente la culture française par des liens indéfectibles. Le grand récit de la Résistance, L’Armée des ombres, c’est lui. Le Chant des partisans, son hymne impérissable, c’est encore lui, qui l’a coécrit avec Maurice Druon. Les deux œuvres datent de 1943, lorsque Kessel, engagé dans le réseau Carte en zone Sud, rejoignit clandestinement l’Angleterre au terme d’un difficile périple. La première fois qu’il était allé à Londres remontait à 1920, en qualité d’envoyé spécial. Apatride à l’époque, il s’était fait confectionner un faux passeport. Deux ans plus tard, Kessel obtenait la nationalité française. Sur son épée d’académicien, en1962, il fit graver l’étoile de David et rappela, lors de son discours de réception Quai Conti, qu’il était un « juif d’Europe orientale. Vous savez, Messieurs, et bien qu’il ait coûté la vie à des millions de martyrs, vous savez ce que ce titre signifie encore dans certains milieux, et pour trop de gens ».

Des souteneurs de Pigalle aux chefs d’Etat étrangers, du proche au lointain, qu’il a rendu proche par sa puissance évocatrice, il faudrait inventorier – comme le fit son biographe Yves Courrière (Joseph Kessel ou Sur la piste du Lion, récemment réédité en poche chez Plon, lire Le Monde du 8 avril) – toutes les sociétés et géographies que l’écrivain-voyageur a traversées, énumérer les latitudes sous lesquelles s’est épanoui son talent protéiforme, localiser le point où ses personnages sont acculés à la tragédie, dessiner, aussi, le tracé de leur cheminement moral… La littérature kesselienne est celle des choix décisifs, de la fraternité et de la cruauté.

Eclairage

« Belle de jour », mal aimée

En1928, la prépublication dans Gringoire de Belle de jour, l’histoire d’une bourgeoise éprise de son mari qui décide de se prostituer par plaisir, suscite des réactions si indignées que Joseph Kessel se croit obligé d’ajouter une préface pour l’édition en volume qui paraît quelques semaines plus tard. Elle s’achève par un appel aux lecteurs : « Serai-je le seul à plaindre Séverine, à l’aimer ? » Las, les critiques considèrent ce drame déchirant comme immoral et obscène. Gallimard reçoit quantité de lettres de protestations, mais également des témoignages de femmes avouant se reconnaître dans l’héroïne. En1964, André Chamson, qui accueille Kessel à l’Académie française, hésite encore à l’évoquer : « Cette Belle de jour ne risquait-elle pas d’être un objet de scandale ? Je me suis rassuré, Monsieur, en pensant que si elle s’est glissée parmi nous, c’est comme une ombre apaisée et depuis longtemps repentie. »

Macha Séry

Joseph Kessel, l’homme qui vivait ses romans par Marc Lambron

Si vous n’avez lu que « Le Lion », ou jamais lu « Le Lion », les deux volumes que la Pléiade consacre à Kessel offrent d’autres occasions de rugir avec lui.

par Marc Lambron, DE L’ACADÉMIE FRANÇAISE

Publié le 03/06/2020 | Le Point


L’Empereur. En 1967, Igor Barrère réalise un documentaire sur Kessel et l’accompagne en Afghanistan après la sortie de son livre « Les Cavaliers ». Ce jour-là, il se trouve dans l’est du pays, accueilli et entouré par une tribu pachtoune. Kessel remerciait l’Afghanistan d’avoir « nourri et inspiré “Les Cavaliers” », selon lui son meilleur livre.
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Joseph Kessel en Pléiade ! Il lui aura fallu bourlinguer de Samarkand à Djibouti pour arriver rue Gaston-Gallimard. Habitué du marbre des journaux, le voici coulé dans les marmoréens volumes de la prestigieuse collection. La stature de Kessel doit autant à sa légende d’aventurier boucané qu’aux écrits multiples qu’il en tira. Son profil mixte unissait le reporter et l’écrivain, les voici rassemblés dans un cénotaphe de papier bible. Kessel, « Jef », tranche-montagne et homme-miroir, accède à une résurrection écrite alors que le souvenir de sa personnalité a déserté les générations montantes. Sa griffe perdurait dans le panthéon des Césars, ceux du cinéma : Belle de Jour, La Passante du Sans-Souci, L’Armée des ombres, Le Lion, Les Cavaliers et les trois versions de L’Équipage.


Famille. Joseph Kessel et son frère Lazare (à dr.).
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Mais il faut revenir à l’écrivain. Hybridation ou dualité, c’est peu dire quand on mesure au fil de ces deux volumes la diversité d’angles et de focales que ce géant polymorphe s’appropria, et parfois inventa. Des lignes de front aux cabarets de Montmartre, de la France libre à l’Académie française, quelle grande vie, quelle superlative biographie cinétique ! Sans doute faut-il camper une saga pour entrer dans son style, alliant un swing de boxeur aux prouesses d’un titan de la chose vue. Kessel, c’est un peu l’« émigrant » de Charlie Chaplin écrivant « Le chant des partisans », une vie d’essence cosmopolite qu’il voulut sublimer en gloire tricolore.


Jeunesse. En décembre 1916, à 18 ans, Joseph Kessel s’engage dans les combats de la Première Guerre mondiale. Il s’enrôle dans l’aviation et rejoint la toute nouvelle escadrille S 39 sous les ordres du capitaine Thélis Vachon. Kessel lui rendra hommage dans le roman « L’Équipage », paru en 1923.
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En mouvement. En 1939, reportage en Afrique de l’Ouest pour « Paris-Match ».
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Compagnon de route. Avec le lieutenant de vaisseau Lablache-Combier, qui l’accompagnera en Arabie et en Afrique pour la série d’articles consacrés à la survivance de l’esclavage parus dans le journal « Le Matin ».
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Envoyé spécial. En février 1939, Georges (à g.) et Joseph Kessel rejoignent l’Espagne à bord du torpilleur le « Fortune ».
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Envoyé spécial. En février 1939, Georges (à g.) et Joseph Kessel rejoignent l’Espagne à bord du torpilleur le « Fortune ».
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Raconter. En 1945, à Paris, se tient le procès du maréchal Pétain. Kessel (au deuxième rang) le décrira comme « un vieillard sur un vieux fauteuil ». Parmi les témoins cités par la défense : Pierre Laval, qui tentera de justifier ses choix et sa politique. Témoin de son temps, Kessel assistera à deux autres procès retentissants : le procès de Nuremberg et, en 1961, celui d’Adolf Eichmann.

Enfance. Déjà, les errances de l’enfance sont décoiffantes, au gré des installations successives d’un père médecin. Né en 1898 en Argentine, ce surgeon de juifs lituaniens apprend très vite le yiddish, l’hébreu et le russe. Le voici pour quelques années à Orenbourg, dans l’empire des tsars, où le jeune Kessel aimera les Tsiganes « aux lèvres de rubis », puis à Nice en 1908, puis à Bourg-la-Reine, puis à Paris. Alors qu’il est élève au lycée Louis-le-Grand, ses apparitions à l’Odéon comme figurant dans des mélodrames de style Louis XIII - il y aura Marcel Dalio comme comparse - dessinent déjà un certain goût de la vie comme théâtre. En être à la fois l’acteur et le narrateur, telle sera sa vocation forgée dans la guerre.

Engagé en décembre 1916, le voici versé dans une naissante aviation de combat : école des loopings et de la mitrailleuse. Envoyé à Vladivostok avec les troupes alliées contenant la Russie soviétique, Kessel en gardera une allergie tripale aux tchékistes et autres carnassiers du Gosplan : cet admirateur de Jaurès était un contempteur de Lénine. Malraux dira un jour que le réel est la musique sur laquelle nous sommes contraints de danser. Pour sa danse du sabre, Jef choisit sa mélodie, celle d’un ange noir et blanc du grand reportage.

Arpenteur. Très vite, la statue sculpte son propre marbre. Ce puncheur steppique, ce coureur de femmes, ce croqueur de verres à pied ne tient jamais en place. Naturalisé français en mars 1922, année de villégiatures avec Cocteau et Radiguet, le voici envoyé par la grande presse dans l’Irlande insurgée, chez les sionistes de Palestine, sur les boutres de la mer Rouge. Pour parcourir en travelling accéléré les très riches heures d’une vie symphonique, Kessel sera, entre mille destinations, un arpenteur de la Syrie sous mandat français, de l’Allemagne de Hitler, des États-Unis de Roosevelt, du Hollywood de Shirley Temple, de l’Espagne des combattants républicains. Présent en 1940 lors de la débâcle de Dunkerque (« la plus belle trouille de ma vie »), le voici à Londres rédigeant avec son parent Maurice Druon l’hymne de la France libre, pour suivre après la Libération le procès de Pétain, celui de Nuremberg, puis celui d’Eichmann. On verra encore cet ubiquiste, cofondateur en 1928 de la Lica - future Licra - et détenteur du visa d’entrée no 1 de l’État d’Israël, se passionner pour l’Afrique de la décolonisation britannique, les trafiquants de joyaux birmans, les cavaliers afghans descendant de Gengis Khan. Un tumulte ? Oui, mais aussi une stratégie d’écriture.

Vidéo. Joseph Kessel, un « homme vrai », par Philippe Labro.

Kessel, collaborateur successif du Journal des débats, du Figaro, du Matin, de Paris-Soir et de cent autres titres, contribue avec Albert Londres à profiler la figure du grand reporter littéraire, précurseur en cela d’un Kapuscinski ou d’un Bodard. Aimant l’interlope, le panache, le péril, le nocturne, l’ivresse, c’est un œil qui voyage. D’autres sont sur la piste, Cendrars, Morand, les frères Tharaud, Henri Béraud, Saint-Exupéry. Mais la matrice de Kessel, c’est d’abord le journalisme. Sa manière ? Le grand sujet inflammable, un exotisme du tragique : Abyssinie, Ukraine en convulsions, héros de l’Aéropostale, mais aussi les escroqueries de son ami Stavisky ou les confessions des Alcooliques anonymes - il s’était lui-même désintoxiqué en 1931 de la cocaïne et de la morphine. Exemple kesselien de titre-choc : « Nuit de terreur chez les Mau-Mau ». Une technique ? Chez cet adorateur des Trois Mousquetaires prédomine le goût du feuilleton, façon de séquencer un récit en livraisons hebdomadaires, art du suspense au bord de la falaise, ce que les Anglo-Saxons appellent un cliffhanger. Kessel sait hameçonner une phrase à la suivante, happer les rutilances du réel, massicoter les flibustes de la vie lointaine pour les manchettes de la presse populaire. C’est l’alliance du simoun et de la machine à écrire. Coutumier d’expéditions onéreuses, avec caravanes d’âniers et tables ouvertes au gré du vent, celui que sa profession surnommait l’Empereur aurait pu faire sienne la maxime de Balzac : « Il ne suffit pas d’être un homme, il faut être un système. »

Repères
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1898 Naissance en Argentine

1908 Arrivée en France. Élève à Louis-le-Grand, Paris

1916 Engagement dans la Première Guerre mondiale

1922 Nationalité française

1923 L’Équipage

1928 Belle de jour

1944 L’Armée des ombres

1948 Reportage pour France-Soir sur la création de l’État d’Israël, pour lequel il obtient le visa d’entrée numéo 1

1958 Le Lion 1962 Élection à l’Académie française

1967 Les Cavaliers

1979 Mort à Avernes (Val-d’Oise)

Du reportage à la fiction. C’est là que se déploie le continent Kessel : lecteur de Conrad et de Jack London, il va se faire le passeur de lui-même en glissant du reportage à la fiction, préconisant le « roman d’aventures réel ». Les volumes de la Pléiade, selon qu’on lise Marchés d’esclaves ou Fortune carrée, La Piste fauve ou Le Lion, permettent d’apprécier cette translation du support de presse éphémère à la pérennité du roman. Alchimiste de reportages aurifères, Kessel les retravaille en se souvenant que les plus grands auteurs « se sont servis des moyens du mélo ». À cet égard, il est savoureux de voir entrer en Pléiade un écrivain, qui, s’exposant en cela aux réticences de Gide et de Paulhan, fut complice de Gaston Gallimard pour quelques coquineries intrépides. Ainsi, pour la préparation de Belle de jour, l’auteur missionna-t-il son éditeur afin qu’il enquête dans quelques maisons d’oubli de la rive droite, avant de concerter avec Buñuel le choix de Catherine Deneuve pour le film de 1967. C’est aussi sur fonds Gallimard que fut lancée la revue à sensation Détective, tandis que l’influence de Kessel facilita dans la même maison la création en 1951 de la collection documentaire « L’Air du temps », dirigée par Pierre Lazareff.


Passion. Joseph Kessel et la chanteuse Germaine Sablon en 1935. Leur liaison durera dix ans. Elle sera la voix chantée de la Résistance en interprétant « Le Chant des partisans », écrit par Kessel et son neveu Maurice Druon, sur une musique d’Anna Marly. •
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Intime. Joseph Kessel et sa femme, Michèle O’Brien, à Deauville en 1950.
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Théâtre. Kessel et son neveu Maurice Druon, avec lequel il a adapté pour le théâtre son roman « Coup de grâce », pièce créée en 1953.
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De toutes les luttes. En 1960, Joseph Kessel et Jean-Paul Sartre soutiennent l’écrivain Georges Arnaud, arrêté et incarcéré pour avoir refusé de dénoncer les participants à une conférence de presse en faveur de l’indépendance de l’Algérie qui s’était tenue dans un grand hôtel à Paris.
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Vint l’âge des consécrations. En 1962, son élection à l’Académie française cloua le bec à ceux qui voyaient en Kessel un parangon de la « littérature industrielle » prophétisée par Sainte-Beuve. Lui qui avait exalté dans ses livres l’héroïsme de quelques grandes figures - l’ataman Semenoff, Monfreid ou Mermoz - eut pour critique littéraire le général de Gaulle lui-même, qui lui écrivit quand parut Le Lion :« Cela marche, court, s’élève, éclate et retentit. » Homme de plume avant tout, il s’interrogeait au soir de sa vie : « Je me demande ce qu’ont bien pu faire les gens avant l’invention de Gutenberg. » Le 23 juillet 1979, Kessel s’effondra devant sa télévision : le reportage montrait un spéléologue devant un gouffre. Ce grand vivant a légué son épée d’académicien, sur laquelle figurent une étoile de David et une croix de Lorraine, à l’Université hébraïque de Jérusalem §

Romans et récits, de Joseph Kessel, volumes I et II (« Bibliothèque de la Pléiade », 3 776 p., prix de lancement 135 €. Album Joseph Kessel, 256 p., offert pour l’achat de 3 volumes de la Pléiade). Et aussi Un amour de Kessel, de Dominique Missika (Seuil, 208 p. 18 €).

Documentaire : Kessel, portrait d’un grand vivant

Dans un documentaire sensible et juste, Marie Brunet-Debaines rend un bel hommage à l’écrivain mort il y a quarante ans.

'KESSEL, UN LION' from VS. on Vimeo.

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Par Arnaud De La Grange

Le Figaro, le 28 septembre 2019


Joseph Kessel. Rue des Archives/Louis Monier
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C’était une époque où l’on fumait, et sec même, pendant les interviews. Une époque où les journalistes préféraient montrer le monde plutôt que tourner inlassablement autour du leur. Où les écrivains aimaient raconter l’Autre plutôt que se mettre en scène. Était-ce mieux avant ? Éternelle question. Mais en compagnie de « Jef », l’on peut avancer que oui…

À lire aussi : À Orenbourg, à la recherche des racines russes de Joseph Kessel

Le portrait que dresse Marie Brunet-Debaines de Joseph Kessel(Kessel, un lion) est une merveille de sensibilité et de justesse. Délicatesse dans le choix des archives, subtilité des mots dévoilant un écrivain souvent réduit à ce qu’il n’était pas, la réalisatrice a su percevoir les mouvements de son âme. Ceux qui ont peu - ou mal - lu Kessel le rangent vite sur l’étagère des écrivains exotiques. Ils retiennent les steppes orientales ou les pistes fauves d’Afrique. Ils voient les vagues phosphorescentes de la mer Rouge. Oui, Kessel nous dépaysait. Mais surtout au sens où l’entendait Romain Gary : il nous dépaysait de nous-même.

Celui qui se rêvait acteur, et en avait le physique et l’étoffe, s’est offert au cœur de la réalité ses plus beaux rôles. Reporter, écrivain, résistant, Kessel veut tout voir, tout comprendre, tout vivre. Mais plus que pour les faits, le journaliste Kessel a un vrai intérêt pour les êtres, « des plus simples aux héros, avec un attrait formidable pour les malfrats ». Il porte un regard indulgent sur ceux qui vivent et donc se trompent. « Tous n’étaient pas des anges », comme le dit le titre d’un de ses livres, mais tous étaient dignes d’intérêt. C’est la nature humaine qui le passionne. Jamais Kessel ne s’est lassé de cette matière, qu’elle soit noble ou coupable, souvent complexe, pétrie de contradictions. Il aimait passer de l’ombre à la lumière, témoignant que l’on peut être fort et tomber, « selon la courbe que forment les événements ».

L’écrivain fait feu de tout ce bois amassé lors de ses reportages. « Joseph Kessel a besoin de vivre les aventures avant de les écrire, de les éprouver dans sa chair et dans son cœur avant d’en faire des récits, nous dit la voix off. Chez lui, la réalité et la fiction s’entremêlent et c’est cela qui nous emporte. » L’écrivain sublime le réel, dépasse son écume pour donner à ses personnages une dimension universelle, éternelle. C’est toute la puissance du roman.

Exorciser ses blessures intimes

Cet homme-roc qui semblait invulnérable a souvent été touché au cœur par ce qu’il a vu ou vécu, qu’il s’agisse des drames du monde ou des tragédies familiales, rappelle encore ce documentaire. Il y a chez lui des fêlures immenses, comme celle laissée par le suicide de son jeune frère Lazare, comédien en pleine gloire naissante qui s’est tiré une balle dans le cœur à l’âge de 21 ans. Joseph traînera toute sa vie ce remords, celui de n’avoir pu saisir la fragilité de son frère. Dans l’écriture, il essaiera d’exorciser ses blessures intimes.

Homme d’excès et d’ivresse, Joseph Kessel n’était pas un bon vivant mais un grand vivant. « Il aura toujours existé selon son cœur, préférant au pouvoir la liberté absolue, aux mondanités la compagnie des peuples, aux vanités de la gloire une sincère humilité », nous dit Marie Brunet-Debaines. Le « Lion » savait aussi la difficulté des belles routes. Il nous le dit : « Plus long est le chemin, plus riches sont les promesses… »

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