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Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard

actualisé en avril 2011

D 21 janvier 2009     A par Albert Gauvin - C 12 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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Quel cinéaste, depuis cinquante ans, a été plus critiqué, haï, connu, reconnu, méconnu que Jean-Luc Godard hormis peut-être Guy Debord — qui, d’ailleurs, n’avait pas de mots assez durs à son égard ? Aucun. Et pourtant qui aura plus que lui interrogé du dedans le monde des images qui, aujourd’hui, envahit tout : les corps, les âmes, les esprits ? Personne. Godard "bouffon", de mauvaise foi, confus, approximatif, "dépressif" absolu, "écrivain raté", peintre sans palette, manipulateur ? Mais Godard déconstructeur infatigable d’images et de sons, prodigieux inventeur de formes, provocateur d’idées, remettant tout sans cesse en cause — à commencer par lui-même —, interpellant le politique, le spectacle, la technique elle-même. Godard ou le travail du négatif.
Il fallait sans doute un cinéaste qui soit aussi un écrivain — « juste avec les mots » — pour dresser le portrait d’un cinéaste « juste avec les images » (on pourrait ajouter : « juste avec les sons »). C’est fait désormais et c’est signé Alain Fleischer.


Un film français d’Alain Fleischer
avec Jean-Luc Godard, Dominique Païni, Jean Narboni, Jean-Marie Straub, Danièle Huillet, André Labarthe, et Christophe Kantcheff.

Genre : Documentaire - Durée : 2H05 mn.

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Entretiens radiophoniques

1. Alain Fleischer parle de son film en compagnie de Nicole Brenez (le 21 janvier 2009 à 13h lors de l’émission Tout arrive, 27’) :

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2. A l’occasion de la publication de son roman Courts-circuits (Le Cherche Midi, 2009), Alain Fleischer revient sur son film et Jean-Luc Godard dans un entretien avec Alain Veinstein (11-09-09, 5’40).

Fleischer a invité Sollers à une séance suivie d’un débat avec le public. Sollers a refusé : « Ce personnage ne dit que des conneries... ça sent la mauvaise vie », lui aurait-il dit.

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3. Et deux ans plus tard...
Entretien d’Alain Fleischer avec Michel Ciment à propos de « Réponse du muet au parlant. En retour à Jean-Luc Godard », un livre né d’une rencontre entre Jean-Luc Godard et Alain Fleischer paru au Seuil. C’était lors de Projection privée le 9 avril 2011. Fleischer évoque certains « dérapages » de Godard.

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Le Synopsis officiel du film (Editions Montparnasse) :

Dans ses conversations avec divers interlocuteurs, Jean-Luc Godard développe la réflexion sur l’Histoire, la politique, le cinéma, l’image et le temps, qui le conduira à s’exposer comme artiste au Centre Pompidou, au printemps 2006. Les échanges avec Dominique Païni, Jean Narboni, Jean-Marie Straub, Danièle Huillet, André S. Labarthe et Christophe Kantcheff (dans cet ordre), ont été filmés chez Jean-Luc Godard à Rolle, dans son studio de travail, puis au Fresnoy-Studio national [1], face aux étudiants et à leurs oeuvres, dans les espaces d’exposition et dans une salle de projection, et enfin au Centre Pompidou, en suivant le cinéaste dans son parcours.

La matière et les enjeux sont ceux que Jean-Luc Godard avait envisagé de présenter dans ses cours au Collège de France. Sous une autre forme, devant la caméra, et en compagnie de ses interlocuteurs, Jean-Luc Godard confie ce qu’il tenait à nous dire aujourd’hui, ou a été conduit à exprimer lors de ces échanges.

Cinq séquences du film sur le site des Éditions Montparnasse.

SORTIE NATIONALE LE 21 JANVIER 2009 au Reflet-Médicis à Paris

Programmation

Séance du soir, quotidienne (du 21 janvier au 3 février), puis hebdomadaire (du 4 février au 12 mars), la séance du jeudi étant suivie d’un débat pendant les 2 mois de programmation :

Jeudi 22 janvier à 19h00 : Dominique Païni et Alain Fleischer
Jeudi 29 janvier : Arnaud des Pallières, cinéaste
Jeudi 5 février : André S. Labarthe, cinéaste
Jeudi 12 février : Catherine Millet et Jacques Henric, écrivains
Jeudi 19 février : Sarkis, artiste
Jeudi 26 février : Nicole Brenez, essayiste, réalisatrice et professeur de cinéma
Jeudi 5 mars : Alain Bergala, essayiste, réalisateur et professeur de cinéma
En mars : Jean Nouvel, architecte (date à confirmer)

Les débats

En province :
Semaine du 4 février : au Fresnoy, à Tourcoing
Semaine du 4 mars : au Cratère à Toulouse

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La solitude de l’incompris

Jean-Luc Godard est filmé par bribes, dans le cadre d’un partenariat avec le Studio national du Fresnoy, coproducteur d’un projet consistant à tourner neuf films pour une exposition intitulée « Collage(s) de France », et qui deviendra « Voyage(s) en Utopie, 1946-2006, à la recherche d’un théorème perdu ». Ce projet devait constituer un regard critique sur le cinéma, la télévision et l’audiovisuel, à travers des échanges avec les étudiants du Fresnoy et diverses personnalités, Danièle Huillet et Jean-Marie Straub, André S. Labarthe. La caméra d’Alain Fleischer saisit aussi Godard recevant Dominique Païni ou Jean Narboni chez lui, à Rolle, en Suisse.

Quel est ce théorème perdu auquel fait allusion l’intitulé final de cette exposition qu’il estime sabotée et qu’il parcourt avec le journaliste de Politis Christophe Kantcheff ? Jean-Luc Godard confie qu’il se destinait aux mathématiques dans sa jeunesse, évoque deux mathématiciens auxquels il dit s’être identifié, Evariste Galois et Niels Abel. Le théorème dont il rêvait aurait défini un septième art idéal, capable de fouiller l’histoire, de faire progresser une science du montage (art de faire surgir une vérité en juxtaposant deux images), de transformer écrit et image en frère et s ?ur...Un rêve resté utopique, et n’ayant laissé que regrets...
Godard dans tous ses états, c’est d’un côté quand il accuse Gilles Deleuze qui l’admirait d’avoir « fait des phrases  » et d’avoir été un « mauvais avocat », et de l’autre quand, confessant qu’il ne s’attendait pas à un accueil si dur sur son exposition, on le voit au bord des larmes.
Le plus frappant dans ces propos, c’est de trouver Godard condamné à une solitude où il s’enferme lui-même en imposant à ses interlocuteurs des conversations à sens unique. Impitoyable à l’égard des étudiants, il a toujours raison. Mis en demeure de s’expliquer sur certains de ses montages qui ont surpris ou scandalisé (le rapprochement entre Hitler et Golda Meir dans Ici et ailleurs, la mise en pièces d’un film de Chantal Akerman dans Vrai/faux passeport, la scène de la jeune juive transportant une bombe dans Notre musique, il ne lâche rien. Un malaise naît du spectacle de cet homme souffrant de ce qu’il attise lui-même, de la difficulté à parler avec lui.

Jean-Luc Douin, Le Monde du 21-01-09.

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Au centre : Alain Fleischer, à droite : JLG

Morceaux de conversation avec Jean-Luc Godard est un film simple

... des conversations filmées par Alain Fleischer à Rolle, au Fresnoy, parmi les objets de l’exposition, ou plutôt des ruines de l’exposition qu’il avait présentée à Beaubourg. Godard parle, avec une poignée d’interlocuteurs : Straub & Huillet, André S.Labarthe, Jean Narboni, Dominique Païni et le journaliste Christophe Kantcheff. Découpé en blocs, le film est à l’écoute, intervenant peu, comme en veille. Alors on écoute. Que dit Godard ? Pour qui a suivi de près son travail ces dernières années, rien d’extraordinaire ou de radicalement inédit. Quelques petites phrases, alors, à se mettre sous la dent. Une petite perfidie de la part de JLG, un peu mesquine, quand il snobe Deleuze qui était venu défendre son fameux montage Golda Meir / Hitler. Une anecdote, un peu d’humour, qui est aussi une vérité forte, quand il dit que c’est quand il ne sait pas qu’il a le plus envie de parler. Une grosse émotion, aussi, quand à la fin du film, évoquant le destin de deux mathématiciens maudits auxquels il s’identifie, Godard se gonfle de sanglots.

Ce qui se fait entendre, dans ce film, est, par-delà les discussions, une conversation, une conversation morcelée, celle que Godard entretient avec le cinéma, la pensée, et donc lui-même. Car le moins que l’on puisse dire, c’est que l’image d’un Godard isolé, retranché derrière sa parole, sa pensée, ses raccords, ses histoire(s), n’est jamais contredite, sinon par un éclair dans les yeux, un mot plus haut que l’autre, quelque chose de fugace, toujours, mais qui comme la neige a fondu au matin suivant. La solitude au coeur d’un empire est le sujet du film, c’est certain, et d’ailleurs il est frappant de mesurer combien une certaine déférence envers JLG ravage la possibilité même du dialogue. Mais plus profondément, et au-delà de cette rupture de faisceau que le film nous montre sans cesse, ce qu’il raconte touche plus encore à la pensée-Godard elle-même — c’est sa vertu strictement pédagogique. Godard est un homme qui prend le risque de la pensée, dans sa forme elle-même la plus risquée : fragmentaire, digressive, arbitraire parfois - un bégaiement, disait Deleuze. Qui a fréquenté son cinéma - et a fortiori ses interlocuteurs du moment - sait quel douloureux paradoxe il doit endurer : il a toutes les clés, le mode d’emploi de la machine, et en même temps, précisément, ces clés n’ouvrent aucune serrure, cette machine n’en fait qu’à sa tête. Tel est l’espace compliqué où se noue un dialogue avec JLG, toujours impossible, toujours nécessaire, toujours recommencé.

Jean-Philippe Tessé, Chronicart.
Autre article et dossier sur Cahiersducinema.com.

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Godard, on le sait, est un grand bavard

Sa parole est un instantané de sa pensée et sa pensée passe d’une analogie à l’autre, mettant en rapport l’histoire, l’art et la politique avec ce qui l’obsède depuis toujours : le cinéma. Difficile de se planter en le filmant. Moins facile de faire un tri pour en tirer un film cohérent. Intelligemment, Fleischer a choisi de rester proche du rapport de JLG avec les images, ce qu’elles lui disent du monde et de la place qu’elles accordent à celui qui les regarde. On voit à quel point Godard est un résistant qui n’a jamais transigé sur ses opinions, à quel point il est resté fidèle à la Nouvelle Vague (plus que tous les autres) et à quel point cela l’isole de notre époque, qu’il déplore sereinement. Drôle, passionnant, touchant : les adjectifs paraissent bien faibles pour décrire le plaisir qu’il y a à observer et écouter l’un des derniers génies du cinéma.

Nouvelle Vague

Un cinéaste, c’est quelqu’un qui s’exhibe à travers la matière de ses films. Quoi de plus naturel alors de constater à chaque fois que nous avons l’occasion d’en voir un, les similitudes qu’il entretient avec ses oeuvres : rien de plus hitchcockien qu’une interview d’Hitchcock, entre jovialité innocente et retournement ironique. Il n’y a rien qui ressemble plus aux films de Fritz Lang que Lang lui-même ; Godard, quand il le filme dans le Mépris, sait qu’il capture quelque chose de son cinéma. Et, bien entendu, difficile de faire plus godardien que JLG.

C’est donc un peu du cinéma de Godard que filme Alain Fleischer quand en 2006 il est chargé de le suivre dans l’élaboration de l’exposition qu’il prépare pour le centre Pompidou. Il en a retenu quelques conversations qu’aura livrées Godard autour de son projet (avec Jean Narboni, Dominique Païni ou encore Christophe Kantcheff) et de ces conversations nous retenons un discours, que nous connaissons et qui revient sans cesse, et dont on réalise combien, même si certains d’entre nous ne l’avaient pas tout à fait oublié, il est salvateur de le réentendre aujourd’hui, dans une salle de cinéma de surcroît. Il est la base de toute la pensée cinéphilique qui anima une poigné de critiques des Cahiers du Cinéma au milieu des années 1950 et qui leur permit de boucler l’histoire du cinéma avec une vague dite Nouvelle. Ce discours, Fleischer le place au centre de son film qui s’ouvre sur Godard expliquant à des étudiants en art conceptuel que le cinéma « c’est le doute » mais que les films aujourd’hui « sont faits avec des certitudes ». Qu’entend-t-il par là ? Pour faire simple (et tenter d’éclairer le "critique" François Forestier [2]), Godard indique que le cinéma se fait quand un réalisateur travaille son film autant que celui-ci le travaille lui. Le cinéma ne consiste pas à filmer ce que l’on sait (ou du moins ce que l’on croit savoir) pour imposer sa vérité au public, mais de mettre en scène ce que l’on cherche à comprendre pour qu’une fenêtre s’ouvre alors sur le monde. En un mot, c’est la place du spectateur qui est en jeu, l’espace que l’on décide de lui accorder dans le champ du réel du film, choix qui renvoie aux rudiments de l’acte de filmer et qui implique, entre autre, qu’un travelling est affaire de morale.

Le Mépris

Ces petites réflexions semblent évidentes, élémentaires, basiques, mais elles n’empêchent pas bon nombre de films qui furent récemment des succès critiques de nous écraser de leur certitude. Pour comprendre cet abandon de toute idéologie dans le discours critique, il faut aller au-delà de la crise qui frappe la presse cinéma, il faut regarder l’évolution de la cinéphilie. Car le cinéphile est rapidement passé de l’idéaliste borné qui croyait en la capacité du cinéma à changer le monde au cynique esthète pour qui le cinéma est affaire de goût, le sien. Il est moins passionné par ce que le cinéma peut encore lui révéler du monde que par l’image qu’il lui renvoie de son intelligence. Impossible dans ces conditions de parler d’une seule voix, de se rallier derrière une même cause, de constituer un mouvement (il faut voir par exemple comment au sein de notre rédaction il nous est difficile de constituer un top 10 des films de l’année qui correspondrait à une sensibilité commune).

C’est tout le problème que tente de pointer Godard de son doigt tremblotant en s’essayant, lui le cassant, à la pédagogie, quand il indique aux étudiants en art, après une visite de l’exposition de leurs installations, ce qui ne va pas dans leur démarche : leur discours précède leurs oeuvres, existe en soi et pas par leurs créations (qui n’en sont alors que l’illustration). « Narcissisme » lance André S. Labarthe qui est à ses côtés, moins soucieux de prendre des gants. Et quand Fleischer filme les mines déconfites, médusées et indignées des étudiants, on réalise à quel point ce discours leur est étranger, lointain, incompréhensible, là où il aurait dû aller de soi.

Ici et Ailleurs

C’est donc toujours préoccupé par la position où il se place, lui et le spectateur, que Godard appréhende ses sujets. C’est toute la réflexion d’un des films qu’il prépara pour l’exposition, dans lequel il monte diverses images issues de films et d’émissions TV auxquels il appose une mention « bonus » ou « malus ». Malus pour Tarantino et Reservoir dogs. Bonus pour les larmes inattendues de cet ancien combattant de la guerre d’Algérie lors d’un témoignage télévisé. Ce procédé suscite autour de lui scepticisme et étonnement : certains le contestent, d’autre se demande pourquoi le réalisateur tombe dans de telles facilités. Pourtant Godard ne fait que rappeler en quoi consiste la fonction critique : discerner l’image sincère de la crapuleuse (pour reprendre l’expression d’Alain Bergala), celle conçue dans le doute de celle pétrie par la certitude, en les confrontant les unes aux autres.

On le voit également lorsque Godard revient avec Jean Narboni sur ce fameux passage d’Ici et ailleurs, qui part d’un portrait de Hitler, enchaîne avec une incrustation vidéo sur une photo de Golda Meir, pour se terminer sur l’image d’un corps de palestinien carbonisé sur fond de chant arabe. Godard connaît la dialectique des images, suffisamment pour savoir qu’un tel montage provoquera un scandale, ce qui fut le cas car beaucoup y virent un parallélisme entre le nazisme et les agissements d’Israël envers la Palestine. Le sens de cette séquence est pourtant clair puisqu’il ne fait qu’état d’une continuité historique et dit en substance que l’horreur ne laisse place qu’à une autre horreur. C’est au spectateur ensuite de se positionner dans cette continuité : Godard tente de poser les bonnes questions, et pas de donner les mauvaises réponses. « Je ne parle que de ce que je ne connais pas » ironise-t-il. Autrement dit il n’a de compte à rendre à personne (et il se gardera bien de se justifier sur une éventuelle interprétation antisémite de son film).

Notre Musique

Morceaux de conversations avec Jean-Luc Godard permet de mieux saisir les cheminements de réflexion qui animent le cinéaste, véritable machine à penser, aussi bien quand il parle que quand il filme. C’est ce drôle de personnage qu’on nous donne à voir, passionnant parce que génial mais surtout hilarant dans sa manière de se confronter au monde, de le questionner, d’essayer de le comprendre. C’est avant tout un esprit très logique qui ne voit pas l’intérêt de détourner un objet de sa fonction première (quand il imagine un procédé de défilement d’images avec un moulin à eau pour son exposition à Beaubourg, il exige un véritable écoulement d’eau pour faire tourner celui-ci), pointilleux sur le sens des mots et la signification de leur emploi (pourquoi utiliser un terme comme « exploitation » pour parler des films commercialisés en salle) et soucieux d’établir l’ordre des choses de manière exhaustive (« Lanzmann n’a raconté que la fin de l’histoire dans Shoah, il faudrait commencer là » indique-t-il à Narboni en montrant la photo d’une fillette qui sourit lors d’un défilé nazi). Ce que Godard ne comprend pas c’est l’absence de sens, les actes qui ne riment à rien et qu’il met en évidence à coup d’analogies (tout comme ses films). « Pourquoi cette tisseuse ne produirait-elle pas des soutiens-gorge » s’interroge-t-il à propos d’une des installations de l’exposition des étudiants (une tisseuse musicale qui ne tisse pas). Godard fonctionne à la manière des grands burlesques, tels Chaplin ou Tati, qui font rire en pointant l’absurdité du monde, et non pas en étant absurdes eux-mêmes. C’est peut-être tout ce qu’il nous reste du cinéma aujourd’hui, ce vieux corps un peu fatigué mais dont la vitalité d’esprit nous touche parce qu’elle nous fait rire et parce que ce rire nous fait réfléchir. Mais voir dans le film de Fleischer qu’il se heurte à pas mal d’incompréhension et de rejet (beaucoup de ses propositions pour son exposition furent refusées, si bien qu’il a fini par exposer les maquettes de ses projets sous forme de ruines), nous fait comprendre l’ampleur d’un travail critique laissé à l’abandon sous le coup d’une époque qui méprise trop les intellectuels, et qu’il est urgent de réactualiser.

Matthieu Santelli, critikat.com.

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Lire, écouter, voir

Ensemble et séparés — Sept rendez-vous avec Jean-Luc Godard

Godard-Sollers : l’entretien.

Jean-Luc Godard, l’insurgé par Guy Scarpetta.

Godard interwievé par Serge Daney.

Godard-Zagdanski : littérature et cinéma, entretien du 4 novembre 2004.

Lire également : L’oeil du Prince de Thomas A. Ravier qui consacre de très belles pages à JLG et son Histoire du cinéma (Coll. L’Infini, 2008, p. 241-268 [3]).

Et surtout : Godard au travail d’Alain Bergala (Ed. Cahiers du cinéma, 2006).
Deux entretiens avec Alain Bergala : en 2002 et en 2006.

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Godard dans le Temps

Godard 1964 : entretien avec François Chalais

La critique de cinéma, Le Mépris, Brigitte Bardot, la télévision.

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Godard 1972 : entretien

Tout va bien (9’55)

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Hélas pour moi !

Bouillon de Culture 1993.

Jean Luc Godard Bouillon de Culture 1993 partie 1 from Adel Ben Bella on Vimeo.

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Histoire(s) du cinéma (1999)

« Finalement, le mieux est d’être calme pour évoquer Godard, ni excessivement élogieux par volonté de préserver le culte, ni excessivement critique, attitude qui cache généralement une naïve volonté iconoclaste, un besoin puéril de scandale spectaculaire, le désir de se singulariser inutilement au sein des admirateurs culturels. Bien sûr que les huit petits films des Histoire(s) du cinéma n’ont absolument rien de commun avec Finnegans Wake (pitoyable raccourci cinéphilique), mais, inversement, ils peuvent nous bouleverser, ils ponctuent magnifiquement le siècle, de façon à la fois intrigante et lyrique. Godard est un petit bricoleur inspiré (un zappeur fou), parfois fulgurant, capable d’intuitions géniales, d’un grand sens incantatoire ; Godard est superficiel, fastidieux, coincé, désenchanté, inculte, pompeux voire pompier. Cela étant dit, comme le rappelle Sollers [4], il est un des seuls avec Debord à avoir entrepris la critique directe de cet incroyable aliénation industrielle par l’image. Dès 1966 : "Il n’y a pas besoin d’événements fortuits pour photographier et tuer le monde." »

Thomas A. Ravier, L’oeil du prince, coll. L’infini, p. 265.

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Synopsis, genèse, composition, photogrammes sur ce site.

Extraits

Sous-titres en espagnol

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autre extrait.

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Positions

Godard à la télé

un homme de cinéma
qui n’aime pas la télé
et le dit
à la télé

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Bande à part 1964

« Un film qu’on pourrait supprimer » disait Godard en 2001 dans son entretien avec A. Kluge. Vraiment ?

Anna Karina, Claude Brasseur, Sami Frey. Voix off : JLG.
Billy the Kid, le Louvre, une minute de silence, le madison, le cambriolage, l’amour, la fin (4’13).

La nostalgie de la comédie musicale.

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« Mon histoire finit là comme dans un roman bon marché, à cet instant superbe de l’existence où rien ne décline, rien ne dégrade, rien ne déçoit. »

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Extrait de A.S. Labarthe : La Nouvelle Vague par elle-même (5’)

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A.S. Labarthe : Aragon parle de Godard (1964)

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Voir en ligne : Pour Jean-Luc Godard


[1La revue art press y a consacré un numéro spécial en novembre 2008 : art press.

[2qui dans son papier atterrant sur le film paru dans le Nouvel Obs avouait la faiblesse de son intellect en confessant ne pas comprendre ni Godard, ni ses films.

[3T.A. Ravier aborde également Renoir, Bresson, Hitchcock, Lang, Welles, Hawks d’une manière nouvelle. Dans la collection de Ph. Sollers c’est un événement. C’est un livre sur lequel nous reviendrons.

[4Dans Debord au cinéma, Éloge de l’infini, 2001, coll. blanche, p.555. A.G.

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12 Messages

  • A.G. | 3 août 2013 - 23:35 1

    Mauvaise vie. A l’occasion de la publication de son roman Courts-circuits (Le Cherche Midi, 2009), Alain Fleischer revenait sur son film et... « la mauvaise vie » de Jean-Luc Godard. C’était le 11 septembre ( !)... 2009. C’est ici (2ème entretien radiophonique).


  • A.G. | 13 septembre 2011 - 11:32 2

    Laure Adler s’entretient avec Jean-Luc Godard.

    du 12 au 16 septembre sur France Culture

    Jean Luc Godard nous a reçus à Rolle à la fin du printemps dernier alors qu’il était en train de terminer la préparation de son prochain long-métrage. Je lui avais proposé d’inviter qui il voulait. Il a choisi Jacques Baynac, historien, auteur d’un récent et monumental livre consacré à Jean Moulin. Les deux hommes se connaissent depuis la guerre d’Algérie et partagent la même passion pour la seconde Guerre Mondiale.

    Au cours des deux premières émissions Jean-Luc Godard évoque les débuts de la Nouvelle Vague, son amitié envers François Truffaut, ses premiers films et sa période militante au moment de mai 68. Jeudi et vendredi, il s’entretient avec Jacques Baynac qu’il interroge sur la coordination, la cartographie de la résistance, tout en parlant de sa propre enfance, ballotté qu’il fut entre la Suisse et la France sans bien comprendre les enjeux.

    D’où le titre de cette émission : « Jean-Luc Godard : l’opacité de l’existence ». J’ai eu l’impression, au cours de cette journée passée avec lui à Rolle où il fut, contrairement aux clichés en cours d’une exquise courtoisie, acceptant de répondre aux questions qui fâchent (sur les accusations notamment d’antisémitisme), même s’il digressait quelquefois. J’avais le sentiment d’une personne en recherche de ses origines, qui questionnait tout : le réel qui l’environne, la signification d’une image à la télé ou sur le mur de sa petite maison, la publicité dans un journal ainsi que, bien sûr, en trame permanente et souterraine, l’interrogation sur le devenir du cinéma.

    Hors champs.

    Godard sur Pileface.


  • A.G. | 18 avril 2011 - 23:14 3

    Rappel : Entretien d’Alain Fleischer avec Michel Ciment à propos de " Réponse du muet au parlant. En retour à Jean-Luc Godard ", un livre né d’une rencontre entre Jean-Luc Godard et Alain Fleischer paru au Seuil. C’était lors de Projection privée du 9 avril 2011.


  • Maurice Darmon | 27 janvier 2011 - 19:23 4

    Nous remercions ce site d’’avoir établi des liens avec notre dossier Pour Jean-Luc Godard en diverses occasions. Vos lecteurs pourront constater qu’’un certain nombre d’’articles ont été supprimés en décembre 2010. La raison en est que ces notes et documents ont été repris pour un travail ordonné dans Maurice Darmon : La question juive de Jean-Luc Godard /Filmer après Auschwitz, à paraître début avril 2011, aux éditions Le temps qu’’il fait, 200 pages.


    Merci de votre attention et sans doute à de prochaines discussions.

    Voir en ligne : maurice-darmon.blogspot.com


  • Laurent H. | 11 avril 2010 - 21:25 5

    curieuse obsession ici à propos de la sortie de ce livre sur Godard et des DVD de Fleischer sur lui. S’il fallait résumer Godard à la seule "question juive" comme ici dit, franchement, on s’en ficherait. Est-ce si important ? et en sommes nous arrivé à vouloir tout juger à travers ce prisme ? J’ai vu le DVD de Fleischer et alors ? Godard a parfaitement le droit de dire ce qu’il dit, cela ne me choque pas, visiblement même Bernard Henri Lévy n’est pas choqué, alors on va commencer à jouer les procureurs anti-racistes sur ce site ? En attendant, ces DVD sont remarquables


  • Volt | 10 avril 2010 - 01:26 6

    Je ne résiste pas à faire part ici de ceci :

    godzag33

    où, en 2006, et en compagnie d’un Stéphane Zagdanski brillant et remarquable de courtoisie, Godard débite les plus énormes âneries à propos des juifs, des Palestiniens et de la Shoah. Il semble qu’en 2009, Alain Fleischer n’a pas rêvé...

    (dossierjeanlucgodard)


  • A.G. | 9 avril 2010 - 00:45 7

    Godard est-il antisémite ?

    par Bernard-Henri Lévy (Le Point du 8 avril 2010)

    « Il y a un épisode qui revient dans toutes les biographies de Jean-Luc Godard et dans celle, en particulier, d’Antoine de Baecque (Grasset) : celui du projet de film sur la Shoah que nous avons nourri, entre mars et octobre 1999, Godard, Lanzmann et moi. Et, quand cet épisode est évoqué, c’est à l’appui d’une question, pour ne pas dire d’une thèse, qui est celle de l’« antisémitisme » de l’auteur de « Pierrot le fou » : ne suis-je pas censé avoir moi-même, pour expliquer la naissance puis l’avortement de ce projet, déclaré que Jean-Luc Godard était « un antisémite qui essaie de se soigner » ?

    Alors, comme je n’aime pas l’approximation, comme j’aime encore moins voir l’accusation d’antisémitisme invoquée à la légère et comme je déteste, de surcroît, me sentir instrumentalisé dans des débats grossiers et dont les instigateurs ne connaissent visiblement ni les aboutissants ni les tenants, je veux donner ici, et pour la première fois, ma version de cette affaire. [...] »

    la suite ici


  • A.G. | 1er avril 2010 - 11:35 8

    Le 31 mars 2010

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    Antoine De Baecque, Jean Narboni. Photo A. Fargier

    avec Arnaud Laporte et Michel Boujut

    « [...] la figure mythique et contemporaine de Jean-Luc Godard à la lumière de l’historien Antoine De Baecque, qui compile une toute première biographie en France sur le cinéaste. Jean Narboni, également présent, parachève le portrait.

    La dimension suisse et protestante du jeune JLG ouvre notre discussion. Nos critiques se penchent ensuite sur l’aspect iconoclaste, destructeur qui caractérise son ?uvre. Provocateur, au centre du débat public, Godard l’a toujours été. On prend donc le temps aujourd’hui de s’interroger sur son anti-sionisme, sa défense de la cause palestinienne et leurs ambivalences.
    Mais par-delà le cinéaste tyrannique et acerbe qu’on connaît, ce livre nous éclaire aussi sur sa fragilité cachée : « un grand romantique qui haïssait de se savoir sentimental ».

    Extrait (38’25) :


    Pour démarrer l’écoute, cliquez sur la flèche verte

    Crédit : Tout arrive


  • A.G. | 30 mars 2010 - 12:48 9

    GOD/ARD
    Parallèlement à la sortie du DVD d’Alain Fleischer Morceaux de conversation avec Jean-Luc Godard aux Editions Montparnasse (9h30) vient donc d’être publiée la biographie d’Antoine de Baecque (plus de 900 pages).

    Les deux auteurs parlaient de Godard avec Michel Ciment samedi dernier (56’) :


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    De Baecque était interviewé par les Inrockuptibles. Voir ICI. Et par L’hebdo.

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    Une critique du livre

    Godard, phénix du cinéma

    Cinéaste adulé et admiré, honni et controversé, Jean-Luc Godard est l’une des figures les plus étudiées et commentées de l’histoire du cinéma. Paradoxalement, ces kilomètres de littérature critique ont longtemps été dépourvus de biographie digne de ce nom, consacrant ainsi l’aversion que le cinéaste revendique pour le genre. Deux ouvrages en langue anglaise ont comblé ce manque : Godard, a Portrait of the Artist at Seventy, de Colin MacCabe (Bloomsbury, 2003), et Everything Is Cinema. The Working Life of Jean-Luc Godard, de Richard Brody (Metropolitan Books, 2008).

    C’est aujourd’hui au tour d’Antoine de Baecque, historien, critique de cinéma, auteur prolifique déjà signataire, avec Serge Toubiana, d’une monumentale biographie de François Truffaut, de se prêter à cet exercice non autorisé. La seule envergure de l’ouvrage (mille pages bien pesées, fruit de trois ans de recherches digérant la filmographie, ratissant les archives, écumant les témoins) suggère que ce travail a une ambition d’étape fondamentale dans la connaissance du cinéaste.

    Bourgeoisie protestante

    On ne trouve, de fait, nulle part ailleurs un tel luxe de détails, une telle floraison de sources, une telle attention portée au contexte socio-politique, aux conditions de production comme à la réception de l’oeuvre. A mille lieues d’une approche poétique ou d’une lecture orientée, l’auteur ne prétend pas pour autant introduire une révolution copernicienne dans le décryptage de l’oeuvre et du personnage. Ce pourrait être l’éventuel reproche adressé à cet ouvrage : mettre à nu les arcanes de la création sans en pénétrer — ni, a fortiori, en reconduire — le mystère. A cette tâche peut-être impossible, le livre substitue une démarche plus rigoureuse, éclairant un parcours dont l’inépuisable richesse suffit à l’intérêt qu’il procure. Car l’itinéraire de Godard, qui ferait perdre le nord à n’importe quelle boussole exégétique, n’est rien d’autre qu’une recherche constamment renouvelée de lui-même et de son art. Cela, le livre le montre parfaitement, de même que ce qui soutient cet idéal : un rapport au monde qui n’aura jamais cessé d’être conflictuel, établissant chaque stratégie d’alliance (amoureuse, technique, financière, artistique) sur les ruines de la précédente, dans une solitude de plus en plus accusée.
    Cela commence tôt, dès sa rupture avec une famille de la grande bourgeoisie protestante. Elle est si profonde qu’on ne laissera pas Godard assister à l’enterrement de sa mère. Le cinéma, auquel il arrive tardivement, sera propice, durant un demi-siècle, à la cascade d’expériences qui font de Godard le phénix du cinéma. Héraut de la Nouvelle Vague et refondateur de la grammaire cinématographique avec A bout de souffle (1960). Dandy de droite avec Le Petit Soldat (1963). Esthète virtuose avec Le Mépris (1963). Génie poétique de la gauche adoubé par Aragon et personnification de "l’auteur" célébrée dans le monde entier avec Pierrot le fou (1965). Sympathisant maoïste avec La Chinoise (1967). Révolutionnaire clandestin, anonyme et iconoclaste avec le groupe Dziga Vertov (Vent d’est, 1970). Ressuscité en gloire au cinéma avec Sauve qui peut (la vie) (1980). Essayiste vidéaste avec Puissance de la parole (1988). Ermite mélancolique avec JLG/JLG, autoportrait de décembre (1995). Mémorialiste et chantre de la mort du cinéma avec les Histoire(s) du même nom (1998).

    Humiliation récurrente

    Cette énumération ne donne qu’une idée schématique de la métempsycose godardienne, chroniquée et documentée par un livre qui fait apparaître le cinéaste comme le plus grand inventeur de formes du cinéma français. Cette invention, comme le suggère sans faux-semblants Antoine de Baecque, est animée par un génie à double face, à la fois créateur et destructeur. Le bon génie, c’est la capacité du cinéaste à retourner n’importe quelle contrainte en sa faveur, son inventivité constante, sa générosité, sa soif d’absolu, son art de créer des correspondances poétiques et insoupçonnées, de témoigner intuitivement d’un état du monde comme la foudre éclaire l’obscurité.
    _ Le mauvais génie, c’est le champ de ruines existentiel qui nourrit cette révolution permanente. L’humiliation récurrente de ses collaborateurs, le détournement des commandes qui confine parfois à la trahison, le moindre souci du mal qu’il peut faire autour de lui, mais aussi bien la propension au sabotage masochiste d’un homme qui ne s’est jamais aimé. La vie de Godard n’est qu’une suite ininterrompue de ruptures, non seulement sur le plan professionnel mais aussi sur le plan personnel. Elles sont cruelles, brutales, blessantes, que ce soit dans la sphère sentimentale (Anna Karina, Anne Wiazemsky) ou amicales (Antoine Bourseiller, Jean-Pierre Gorin, François Truffaut...). Brûlant ce qu’il aime comme ceux qui l’aiment, " Godard semble avoir pour vocation d’être malheureux, et de rendre ceux qui l’entourent aussi malheureux que lui, sinon davantage : c’est la condition même de son art ", écrit de Baecque.
    _ De ce point de vue, les chapitres particulièrement fouillés qui sont consacrés à l’existence du groupe Dziga Vertov, de 1969 à 1973, période relativement méconnue de la vie et de l’oeuvre de Godard, sont passionnants. Cette plongée souterraine dans la remise en cause radicale du cinéma et de la société, menée dans une fraternité bientôt trahie avec Jean-Pierre Gorin, illustre sans doute le mieux la culture du refus et du désastre dont procède le cinéma de Godard. Mais elle témoigne aussi, par le maintien au goutte-à-goutte d’un humour ravageur, de ce qui sans doute lui permit d’en sortir. Pour preuve, ce projet, avorté parmi beaucoup d’autres, d’une chronique farcesque de Mai 68, dans laquelle Jerry Lewis, rencontré à cet effet, aurait interprété les rôles de deux Georges de l’époque : Pompidou, premier ministre, et Séguy, secrétaire général de la CGT.
    _ Cet art du paradoxe se retrouve à travers l’une des plus constantes métaphores historico-politiques en vertu de laquelle Jean-Luc Godard situe sa propre marginalité cinématographique : l’articulation de la Shoah et de la cause palestinienne, établie à travers le prisme antisioniste. Dans les oeuvres comme dans les textes ou les interventions, ce fil extrêmement solide court de la préparation d’un film commandé par le Fatah de Yasser Arafat en 1969 (Jusqu’à la victoire, inachevé, qui se transformera en Ici et ailleurs en 1973) jusqu’au dernier opus en date, Notre musique (2004). De Baecque écrit là-dessus ni plus ni moins que ce qu’on peut s’autoriser à en dire. Si le débat n’était aussi sensible, on serait tenté d’ajouter que cette dialectique de la victime et du bourreau peut aussi s’appliquer à un Jean-Luc Godard qui se rêve tantôt juif, tantôt palestinien. Elle serait alors la damnation baudelairienne du dernier des cinéastes romantiques.

    Jacques Mandelbaum, Le Monde du 11-03-10.

    Extrait

    " Notre musique déclenche une polémique, feutrée mais réelle, à propos des rapprochements établis par Godard entre la Shoah subie par les juifs et la "Nakba" dont sont victimes les Palestiniens. (...) Au moment de la guerre d’Irak et de l’omniprésence de la mémoire de la Shoah, il est certain que les propos et les images de Godard — dont le motif n’a pas varié en trente ans (" Les juifs font aux Arabes ce que les nazis ont fait aux juifs ") — dans un contexte qui, lui, a énormément évolué, ont valeur de provocation. (...) Godard est à la fois entêté, inflexible et fidèle à lui-même, car depuis le tournage de " Jusqu’à la victoire ", en 1969, la figure du juif n’a pas varié d’un pouce chez lui : symbole par excellence de la victime devenue bourreau, elle est le point aussi aveugle que central de la pensée godardienne." ("Godard", p. 795-796.)

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    Sur l’actualité de Godard (la sortie de Socialisme, à Cannes en avril, et son projet de film sur l’extermination des Juifs d’Europe), lire Les printemps de Jean-Luc Godard.

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    Vivre sa vie, 1962

    Avec Anna Karina et Jean Ferrat (qui a le dernier mot).

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  • A.G. | 6 mars 2010 - 21:33 10

    Les 43 secrets de Godard

    Jacques Drillon : « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le réalisateur de « Pierrot le Fou » sans oser le demander. Grâce à Antoine de Baecque, qui lui consacre une biographie monumentale, pleine de révélations » : nouvelobs.com


  • A.G. | 5 février 2010 - 16:10 11

    Courts-circuits

    A l’occasion de la publication de son roman (Le Cherche Midi, 2009), Alain Fleischer, dans un entretien avec Alain Veinstein (11-09-09), revenait sur son film et Jean-Luc Godard (5’40).

    « ça sent la mauvaise vie » (Philippe Sollers)


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    Godard et la question juive

    Vous trouverez de nombreux documents sur ce site Pour Jean-Luc Godard.

    A noter l’article de Gérard Wajcman
    « Saint Paul » Godard contre « Moïse » Lanzmann qui sera repris dans le numéro 65 de L’infini (printemps 1999) sous le titre Le Match Godard-Lanzmann et les précisions apportées sur les propos d’Alain Fleischer que je citais dans mon commentaire précédent.


  • A.G. | 8 janvier 2010 - 11:41 12

    Au moment de la publication de son roman Courts-circuits en septembre 2009, Alain Fleischer répondait aux questions de Jacques Henric. A la fin de l’entretien dont vous lirez l’intégralité ici, il revenait sur certains propos tenus par JLG.

    « [...] J. Henric : Certains de tes amis font irruption dans Courts-circuits, des écrivains, des peintres, des cinéastes. Un Godard inhabituel fait son petit tour...

    A. Fleischer : En effet, c’est la première fois que dans un livre de fiction je glisse, sans les présenter comme tels, des fragments autobiographiques. Dans d’autres livres, j’avais pris l’habitude de les signaler. Ici, on ne sait pas alors si le « je » est celui du narrateur ou celui d’un personnage fictif ou réel. Je renverse même les rôles en interviewant un personnage qui est moi.

    Oui Godard. J’évoque notamment ce film que j’ai fait sur lui, plus particulièrement les passages qui ont été coupés ou ses propos tenus en voix off. Je rappelle cette phrase qu’il a prononcée un jour et qui m’a semblé être une horreur, mais dont il s’est très vite défait en passant à un autre sujet. C’était au moment des attentats suicides palestiniens. « Finalement, a-t-il dit, les attentats suicides des Palestiniens, c’est un peu comme ce qu’ont fait les Juifs en se laissant enfermer dans les chambres à gaz pour faire exister l’État d’Israël ». Dans le film, j’ai adopté la position d’un filmeur muet. Je l’ai laissé parler avec les interlocuteurs qu’il a choisis, parfois avec des étudiants qu’on lui avait proposés. Il a joué le jeu. Il a été réellement présent. Je me suis abstenu d’intervenir, y compris dans les moments où vraiment j’avais envie de le moucher. J’ai tenu bon mais j’ai souhaité lui répondre. Ce livre en est l’occasion. Je n’exclus d’ailleurs pas de reprendre un jour, dans un autre livre, la totalité des propos tenus dans le film, pour y répondre à nouveau plus longuement. Le titre pourrait m’être donné par Godard lui-même, quand il parle du passage du muet au parlant. Il dit quelque chose d’assez joli : « On a poussé trop vite le cinéma à parler comme si on forçait un enfant à parler. Il fallait le laisser muet plus longtemps. » Mon livre pourrait donc s’intituler La réponse du muet au parlant. J’étais le muet, moi, dans cette affaire et c’est lui qui parlait. Mais, ai-je besoin de le préciser, je n’avais absolument pas préparé la venue de Godard dans mon livre. Je le répète : je suis incapable de convoquer qui que ce soit autrement qu’en écrivant. »

    Propos à mettre en rapport avec le long paragraphe intitulé Ici et ailleurs de l’article Godard est un grand bavard où Matthieu Santelli évoque « ce fameux passage d’Ici et ailleurs, qui part d’un portrait de Hitler, enchaîne avec une incrustation vidéo sur une photo de Golda Meir, pour se terminer sur l’image d’un corps de palestinien carbonisé sur fond de chant arabe. »

    On attend le nouveau livre de Fleischer pour en savoir plus sur ce qu’on sait déjà : la bêtise et l’aveuglement de Godard sur la "question juive". CQFD.