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Tweet de Bruxelles, à 5h34, 21/07 : "DEAL". En quoi consiste-t-il ?

D 22 juillet 2020     C 3 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

A Rome, on utilise encore les fumées noires et blanche pour ponctuer l’avancée des tractations liées à l’élection pontificale. A Bruxelles, signe des temps, c’est un tweet qui a annoncé la fin des tractations pour un plan de relance européen suite à la crise économique majeure dans le prolongement de la pandémie Covid-19. Etat des lieux.
V.K.

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L’EUROPE ARRACHE UN PLAN DE 750 MILLIARDS

Après plus de 90 heures de tractations, les pays « frugaux » sont parvenus à réduire le niveau des subventions


Le premier ministre espagnol, Pedro Sanchez (à gauche), Emmanuel Macron, Angela Merkel et des conseillers, à Bruxelles, lundi 20 juillet . JOHN THYS/AFP
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BRUXELLES bureau européen

A 5 h 32, le Tweet de Charles Michel, le président du Conseil, est tombé : « Deal ». Celui du président français, Emmanuel Macron, est arrivé quelques secondes plus tard : « Jour historique pour l’Europe ! » Après quatre jours et quatre nuits – plus de 90 heures – de discussions, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne sont enfin parvenus, dans la nuit de lundi 20 à mardi 21 juillet, à décrocher un accord sur le plan de relance qui doit leur permettre de mieux affronter la grave récession consécutive à la pandémie de Covid19.

Les négociations ont été très difficiles entre deux camps dont les positions semblaient, à de nombreux égards, inconciliables. D’un côté, la grande majorité des VingtSept, emmenés par Paris et Berlin, qui militaient pour des aides massives aux pays les plus touchés par la crise, au premier rang desquels l’Italie et l’Espagne. De l’autre, les « frugaux » – PaysBas, Autriche, Suède et Danemark – et leur allié finlandais, qui auront monnayé jusqu’au bout leur ralliement à un projet auquel ils sont philosophiquement opposés, celui d’une Union plus fédérale et plus intégrée.

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UN « VRAI PLAN MARSHALL »

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Finalement, Emmanuel Macron et Angela Merkel, qui ont pesé de tout leur poids politique afin d’amadouer leurs partenaires récalcitrants, estiment avoir sauvé l’essentiel, au prix de concessions importantes. En l’occurrence, le principe d’un endettement commun de 750 milliards d’euros est bien acté, alors qu’il semblait encore hors d’atteinte en mars, tant l’opposition des pays du Nord, y compris l’Allemagne à l’époque, était forte. Mais, face au risque d’explosion du marché intérieur et de l’euro, la chancelière s’est convertie à cette forme de mutualisation des dettes destinée à financer de nouveaux transferts en faveur des pays en difficulté.

Après la crise de la zone euro, il y a dix ans, la crise migratoire en 2015 et le Brexit, désormais inexorable, l’engagement des VingtSept à emprunter ensemble « témoigne de leur envie de faire un long chemin ensemble, puisque cette dette les liera pendant plus de trente ans », commente un diplomate français.

Autre satisfecit du couple francoallemand, le plan de relance sera largement utilisé – à hauteur de 390 milliards d’euros – pour donner de l’argent aux Etats qui en ont le plus besoin, et sera donc à ce titre un véritable outil de solidarité. Làdessus, la France touchera 40 milliards d’euros, l’Italie quelque 70 milliards et l’Espagne une soixantaine. Le solde du plan de relance – 360 milliards d’euros – pourra être prêté à ceux qui en feraient la demande, et qui pourront ainsi réduire le coût de leur financement sur les marchés.

« C’est un changement historique de notre Europe », s’est félicité Emmanuel Macron, mardi matin, lors d’une conférence de presse commune avec Angela Merkel. Moins emphatique, la chancelière s’est, elle, dite « très soulagée » qu’après des négociations difficiles, l’Europe ait montré qu’elle « peut encore agir ensemble ». Le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sanchez, a salué un « vrai plan Marshall ». Dans ce concert de louanges, Mark Rutte s’est montré plus circonspect, refusant de parler d’un accord « historique » : « Je n’emploierais pas ce terme », atil lancé.

Dans le but de faire plier le camp des « frugaux », baptisés ainsi en référence à leur goût pour la discipline budgétaire, il en aura fallu, des discussions houleuses, des interruptions de séances, des caucus bilatéraux et des nuits sans sommeil, pour ciseler de multiples concessions. En premier lieu sur le montant des subventions, dont le tandem MacronMerkel souhaitait qu’elles atteignent 500 milliards d’euros, et à propos desquelles le président français disait encore, il y a quelques jours, qu’elles ne descendraient pas sous ce seuil.

Mais, pour le club des « frugaux », le principe de subventions semblait inacceptable au profit d’Etats, comme l’Italie, considérés comme laxistes. Le pragmatisme a fini par l’emporter, puisqu’ils figurent parmi les principaux bénéficiaires du marché intérieur, et que tout ce qui peut contribuer à le revigorer leur est bénéfique.

Les « frugaux ont des sensibilités politiques différentes. Ils sont souvent dans des gouvernements de coalition. Si on met leurs dirigeants en difficulté, on risque de favoriser les populismes dans ces pays », a justifié Emmanuel Macron. Angela Merkel n’affiche pas non plus de « regrets  » et souligne que « ces concessions font partie de l’esprit de compromis, même si ce dernier a été douloureux ». Puisque le plan de relance viendra abonder le budget communautaire 20212027 et que l’un ne pouvait se négocier sans l’autre, le club des « radins » – leur autre surnom – a joué sur tous les tableaux.

« LES FRUGAUX SONT SOUVENT DANS DES GOUVERNEMENTS DE COALITION. SI ON MET LEURS DIRIGEANTS EN DIFFICULTÉ,ON RISQUE DE FAVORISER LES POPULISMES DANS CES PAYS »
EMMANUEL MACRON

Premier trophée : ils ont obtenu une hausse des rabais dont ils bénéficient sur leur contribution budgétaire et que la Commission – et la France – souhaitait progressivement réduire à néant après la sortie des Britanniques, qui avaient été les premiers à bénéficier de ces ristournes. L’Allemagne, qui bénéficie aussi d’un tel rabais, n’y a pas renoncé, mais elle n’a pas demandé qu’il soit augmenté. In fine, les rabais ont progressé de 46 à 53 milliards d’euros, pour les sept années à venir.

Pour sauver l’enveloppe de subventions, il a aussi fallu accepter un budget communautaire contraint. « La politique agricole commune [PAC] et la cohésion ont été stabilisées », se réjouiton à Paris. La réalité est un peu plus complexe. Si le fonds de relance permet de compenser la baisse des fonds de cohésion, chers aux régions les plus pauvres du sud et de l’est de l’Europe, la PAC, fondamentale pour Paris, voit son enveloppe reculer de plus de 10 %.

La Commission dirigée par une Ursula von der Leyen assez inexistante durant ces quatre jours de négociations, a, pour sa part, dû renoncer à nombre de ses ambitions. Plusieurs de ses programmes seront finalement bien moins dotés qu’elle ne le souhaitait, qu’il s’agisse du Fonds pour une transition juste, destiné à accompagner les économies les plus carbonées vers la transition climatique, de son projet EU4Health, censé favoriser la résilience des systèmes de santé, ou d’Horizon Europe, pour la recherche et l’innovation.

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PAS DE DROIT DE VETO

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Mark Rutte n’a en revanche pas obtenu satisfaction sur la manière dont il souhaitait que le versement des aides soit contrôlé. Face à ses exigences, qui s’assimilaient à une mise sous tutelle des Etats en difficulté – comme l’Italie –, Paris et Berlin n’ont pas cédé. Les PaysBas ont dû se contenter d’un mécanisme où les VingtSept disposent certes d’un droit de regard sur la manière dont les pays bénéficiaires des subventions les dépensent, mais pas d’un droit de veto, comme ils le souhaitaient. Sur l’Etat de droit, dont ils voulaient conditionner le respect à l’octroi des financements, le premier ministre néerlandais et ses amis n’ont pas non plus obtenu gain de cause. Cela aurait mis en péril le plan de relance, que Budapest et Varsovie menaçaient de bloquer s’ils étaient mis au ban. Plusieurs options ont été successivement envisagées, avant d’être rejetées. Un texte abscons – que Charles Michel a présenté comme une grande première – a fini par donner satisfaction à tout le monde tant il est ambigu : aux pays visés, dont la Hongrie, qui semblent estimer qu’ils ne risquent rien ; et aux autres, qui jugent qu’une majorité qualifiée du Conseil – elle existe sur le papier – pourra désormais adopter des sanctions si un pays « illibéral » poursuit ses dérives.

En pleines discussions budgétaires, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, en a profité pour évoquer un autre sujet qui lui tient à cœur : la procédure lancée contre son pays, pour violation de l’Etat de droit, au nom de l’article 7 des traités – qui peut lui valoir une suspension de son droit de vote –, avant la fin de l’année. L’Allemagne lui aurait promis d’en accélérer l’examen et de trancher la question avant la fin de l’année. M. Orban semble en avoir conclu qu’il sera blanchi.

é climatique aussi, les pays de l’est de l’Europe, et plus particulièrement Varsovie, tirent leur épingle du jeu. En théorie, pour accéder à la manne du fonds de transition juste, la Pologne aurait dû s’engager à poursuivre l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050, objectif que s’est donné l’Union européenne au cours d’un sommet en décembre 2019 et auquel, à l’époque, elle a refusé de souscrire. Il n’en est désormais plus question, et le gouvernement de Mateusz Morawiecki pourra avoir accès à cet argent si tant est qu’il ne remette pas en cause le principe selon lequel l’Union européenne, dans son ensemble, veut respecter l’accord de Paris sur le climat. « L’accord prévoit que 30 % des dépenses, du budget comme du plan de relance, devront aller directement à la lutte contre le réchauffement climatique  », précise un diplomate.

Un dernier intervenant, un peu oublié au cours des derniers jours, s’est manifesté lundi. Il jouera pourtant un rôleclé dans les jours et les semaines à venir. David Sassoli, le président du Parlement européen, a rappelé les priorités de son assemblée : la fin des rabais, le développement des ressources propres et le respect de l’Etat de droit. La question est désormais de savoir jusqu’où les eurodéputés seront prêts à aller pour défendre ces principes, après le laborieux compromis négocié entre les Etats européens. p

VIRGINIE MALINGRE ET JEANPIERRE STROOBANTS

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UNE PERCÉE POUR AIDER LES ETATS AFFAIBLIS PAR LE VIRUS. L’Italie devrait toucher 70 milliards d’euros, l’Espagne une soixantaine, et la France,40 milliards

BRUXELLES bureau européen

Il aura fallu, pour y parvenir, un sommet qui restera « historique », également par sa durée, mais les chefs d’Etat et de gouvernement européens se sont finalement mis d’accord, mardi 21 juillet, sur le plan de relance qui doit les aider à affronter les conséquences de la pandémie de Covid19. Face à l’ampleur des dégâts provoqués par le virus, qui a fait plus de 200 000 morts sur le Vieux Continent et plongé l’économie européenne dans une récession sans précédent, les VingtSept ont adopté un dispositif inédit, qui ébauche les contours d’une Europe plus fédérale, plus solidaire et plus intégrée.

Certes, le mécanisme est temporaire, mais ses partisans espèrent qu’il fera ses preuves et s’installera ainsi dans le paysage des possibles pour la suite. « L’histoire montre que, quand un pas politique est franchi, on ne revient pas en arrière », juge un diplomate français.

Première révolution : pour se procurer les 750 milliards d’euros qu’elle prévoit d’affecter à la relance, la Commission (à qui le classement triple A par les agences de notation assure des conditions de financement intéressantes) va s’endetter au nom de tous les pays membres. L’exécutif communautaire a déjà émis de la dette, mais ses incursions sur les marchés sont toujours restées limitées. En effet, les traités obligent l’Union à présenter un budget à l’équilibre. Cela dit, si les VingtSept le souhaitent, et si leurs Parlements les suivent, elle peut se soustraire à cette règle, et acquérir une certaine autonomie budgétaire.

Deuxième révolution, cette dette commune sera d’abord un outil de solidarité, qui fait franchir à l’Europe un nouveau pas vers une Union de transferts, dont le principe a longtemps été rejeté par l’Allemagne. En effet, sur les 750 milliards d’euros affectés au plan de relance, 360 milliards seront prêtés aux Etats membres qui le souhaitent – ceuxlà y trouveront le moyen de s’endetter à de meilleures conditions qu’en allant seuls sur les marchés, mais ils devront rembourser ces sommes – et 390 milliards leur seront transférés d’ici à 2023, sous forme de subventions qui, elles, seront remboursées par les VingtSept.

L’argent, qui viendra abonder le budget communautaire (de 1 074 milliards au total sur la période 20212027), doit aider en priorité les pays les plus touchés par la crise, comme l’Italie, l’Espagne, ou dans une moindre mesure la France, et il sera distribué selon une clé de répartition tenant compte d’éléments structurels de ces économies, ainsi que de l’ampleur de la récession qui sera constatée. La France pourra disposer de 40 milliards d’euros de subventions, a annoncé mardi le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Cette somme lui permettra de financer en partie son propre plan de relance à 100 milliards qui sera présenté « le 24 août », toujours selon M. Le Maire. L’Espagne aura droit à environ 60 milliards et l’Italie à quelque 70 milliards.

QUI DIT EMPRUNT DIT REMBOURSEMENT. DE CE POINT DE VUE, LES VINGT-SEPT ONT LAISSÉ LE CHANTIER EN SUSPENS

Afin de donner des gages aux pays du nord de l’Europe – Allemagne comprise – qui ne veulent pas que cet argent, qu’ils contribueront à rembourser, soit dilapidé, il est prévu que les pays bénéficiaires du plan présenteront au préalable un programme de réformes et d’investissements jusqu’en 2023. Celuici devra être compatible avec les priorités de l’Union (transitions climatique et numérique) et prévoir des réformes structurelles. Il devra aussi être validé par la Commission, ainsi que par les Etats membres, à la majorité qualifiée.

L’octroi des aides se fera par tranches et devra, à chaque fois, être agréé par la Commission. Les VingtSept seront consultés, et si un pays juge que l’argent est utilisé à mauvais escient, il pourra porter le sujet devant le Conseil. Il ne pourra toutefois pas mettre son veto à un déboursement, comme le souhaitaient les PaysBas.

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« Ressources propres »

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Qui dit emprunt dit remboursement. De ce point de vue, les Vingt-Sept ont laissé le chantier en suspens, sachant que l’échéance est lointaine. En l’état actuel, soit leur contribution nationale devra être augmentée, soit les dépenses européennes devront être réduites. A moins qu’ils décident d’affecter des « ressources propres » à l’Europe. En clair, la Commission lèverait des impôts – elle le fait déjà dans quelques rares cas, et pour de très faibles montants – et un pan du budget communautaire ne dépendrait donc plus des capitales.

Hormis l’instauration d’un prélèvement sur les plastiques non réutilisables à l’horizon 2021, rien n’est dans les tuyaux. Nombre de pays, à commencer par l’Allemagne, ne souhaitent pas aller beaucoup plus loin dans cette logique. Il est donc prévu que la Commission travaille sur deux hypothèses, l’introduction d’une taxe numérique et la création d’un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières pour les biens importés de l’extérieur de l’UE, et dont l’empreinte carbone ne correspondrait pas aux standards communautaires.

VIRGINIE MALINGRE ET JEANPIERRE STROOBANTS

Crédit : Le Monde

La page originale du Monde en format pdf