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Paul Otchakovsky-Laurens, P.O.L. éditeur - « Je me souviens »

D 12 janvier 2018     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

La semaine dernière, le 2 janvier 2018, le monde de l’édition a perdu l’un de ses plus éminents représentants, Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L. Une journée fatale pour l’édition puisque le même jour disparaissait un autre éditeur, Bernard de Fallois Ils incarnaient et imprimaient profondément le style d’une certaine littérature, exigeante et talentueuse. Le comité de lecture, c’était eux.

Paul Otchakovsky-Laurens est mort à la suite d’un accident de voiture sur l’île Marie-Galante (Petites Antilles françaises). Il avait soixante-treize ans. C’était un grand éditeur, discret et brillant, « un découvreur de talents ». Parmi eux : Georges Perec, Marguerite Duras, Emmanuel Carrère, Jean Rolin, Marie Darrieussecq, Valère Novarina, Camille Laurens…
Depuis plus de trois décennies, Paul Otchakovsky-Laurens détonnait parmi la cohorte des éditeurs parisiens par son goût du risque et son audace.

Paul Otchakovsky-Laurens avait réalisé un documentaire en novembre 2017, Éditeur dans lequel il expliquait sa vocation et cette passion qui ne l’a jamais quitté.

Le cinéma était d’ailleurs une autre passion. Il a longtemps œuvré au sein de la Scelf (Société civile des éditeurs de langue française) qui organisait au Salon du livre des rencontres avec une centaine de producteurs afin de favoriser le passage du livre à l’écran.

Il venait aussi d’accorder, en décembre 2017, un entretien vidéo à Philippe Lefait pour son émission culturelle «  Des mots de minuit » diffusée uniquement par le site internet Culturebox de France Télévision.
Un entretien conduit remarquablement par Philippe Lefait, un document exceptionnel qui aujourd’hui a valeur de testament littéraire.

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Un éditeur, découvreur de talents

La qualité des romans publiés par sa maison était telle que chaque année ses auteurs participaient à la course aux grands prix littéraires (Nathalie Azoulai, prix Médicis 2016, Atiq Rahimi, Goncourt 2008…).

Né en 1944 à Valréas, dans le sud de la France, Paul Otchakovsky-Laurens a débuté dans l’édition en tant que stagiaire chez Christian Bourgois en 1969, avant de devenir lecteur chez Flammarion en 1970.

Avant d’être une maison d’édition, POL était une collection créée chez Hachette. Il avait publié le célèbre La Vie mode d’emploi, de Perec. C’était en 1977 qu’il a commencé de voler de ses propres ailes. En 1983, il transforme P.O.L. en maison d’édition indépendante, en publiant Le Livre des ciels de Leslie Kaplan.

Ensuite, il édite Marguerite Duras, notamment son grand livre, La douleur en 1985 et La pluie d’été en 1990.

Emmanuel Carrère, Marguerite Duras, Georges Perec

Dans les années 1990, la maison d’édition connaît un grand essor en éditant de jeunes auteurs à succès comme Marie Darrieussecq avec Truismes ou encore Martin Winckler avec La maladie de Sachs. Des premières œuvres qui rencontrent un accueil considérable.

Petit à petit, mais avec constance, il se crée l’un des plus beaux catalogues de la littérature française, avec des valeurs montantes puis confirmées comme Emmanuel Carrère, avec, entre autres L’adversaire ou La Moustache, ou encore Atiq Rahimi, lauréat du Prix Goncourt pour Syngué sabour. Pierre de patience en 2008. La plupart de ses auteurs lui sont restés fidèles.

En janvier 2011, un numéro entier d’une revue littéraire américaine, The Review of Contemporary Fiction, était consacré aux écrivains de cette maison d’édition française. C’est assez rare pour le souligner, un éditeur français fêté aux États-Unis. POL faisait l’objet d’un numéro spécial de la prestigieuse revue américaine. Plus de 160 pages réservés aux auteurs P.O.L, avec une sélection d’extraits de leur roman (Patrick Lapeyre, Olivier Cadiot, Frédéric Boyer, Mathieu Lindon, Valère Novarina...). Marie Darrieussecq, Leslie Kaplan et d’autres ont signé un texte. Intéressant, aussi, était l’entretien entre John O’Brien, éditeur de la revue, et Paul Otchakovsky-Laurens, qui expliquait pourquoi il avait créé P.O.L. Ce numéro spécial venait récompenser un travail de fourmi mené par P.O.L, qui voit ainsi nombre de ses auteurs traduits et publiés aux États-Unis. Belletto, Rolin, Alféri, Gavarry, Carrère, Duras...

Trois mots peuvent le qualifier : indépendance, exigence et talent. Indépendance, même si sa maison a rejoint le groupe Gallimard, mais il a toujours choisi ses textes et était seul maître à bord.

Eléments biographiques de Paul Otchakovsky-Laurens

Directeur des éditons P.O.L, Paul Otchakovsky-Laurens, fait ses premières armes chez Christian Bourgois où il est stagiaire puis lecteur durant un an avant de passer chez Flammarion où il dirige la fameuse et défunte collection Textes. Il passe sept ans chez Flammarion avant de rejoindre Hachette en 1977. C’est Hachette qui lui permet de créer sa collection P.O.L. C’est donc d’abord sous la couverture Hachette/P.O.L que paraissent Marc Cholodenko, Manz’ie, Hubert Lucot... Collection puis département, la logique de cette évolution aboutit au départ de Paul Otchakovsky-Laurens et à la création, hors Hachette, de sa propre maison d’édition en 1983... Il dirige toujours P.O.L, aujourd’hui filiale de Gallimard. Elu en novembre 2012 à la Présidence du conseil d’administration du Festival International du Film de Marseille, il succède à Aurélie Filippetti.

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Crédit : d’après Mohammed Aïssaoui, Le Figaro 4/01/2017

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Je me souviens de « Je me souviens »

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Georges Perec

D’après Anne Savelli, Bookwitty.com, 5 juillet 2017

« 64. Je me souviens comme c’était agréable, à l’internat, d’être malade et d’aller à l’infirmerie.
232. Je me souviens du clown russe Popov et du clown suisse Grock.
234. Je me souviens que, vers le milieu des années cinquante, le chic consista, pendant quelque temps, à porter en place de cravate des lacets d’une finesse parfois extrême.
283. Je me souviens des plasticages dont à la fin de la guerre d’Algérie fut plusieurs fois victime un tailleur du boulevard Saint-Germain, Jack Romoli. »

Paru en 1978, Je me souviens fait aujourd’hui figure de classique. Réunissant 480 phrases conçues sur le même modèle, fruit de cinq années de collecte plus ou moins intensive, il représente, selon l’auteur lui-même, le second volet autobiographique d’un diptyque entamé avec le livre qui le précède, W ou le souvenir d’enfance.

Ecriture blanche

Si on en revient au livre de Georges Perec paru en 1978, que dire de son influence ? Peut-être, déjà, qu’il connut un grand succès dès sa sortie, dû à la « simplicité » d’une écriture dite blanche, accessible, et à l’identification qu’il a suscitée immédiatement chez ses lecteurs.

Une accessibilité qui permit d’ailleurs, à la fin des années 90, à l’illustrateur Yvan Pommaux d’en réaliser une adaptation sous forme d’album en sélectionnant vingt « Je me souviens » destinés aux enfants.

Autre « extension » du texte original, en 1989, puis en 2003 : sa transposition au théâtre par le comédien Samy Frey, perché sur un vélo et qui, au fil d’une balade immobile, égrène les souvenirs du personnage qu’il devient.

Sami Frey lit Je me souviens de Perec, à l’Opéra comique en 1989 (Archive INA)

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V.K.

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