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J’ai tiré sur Andy Warhol - "Scum Manifesto"

D 28 mars 2024     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Aux origines de la misandrie.

J’ai tiré sur Andy Warhol - "Scum Manifesto"

Documentaire d’Ovidie (France, 2024, 52mn)

Disponible jusqu’au 02/07/2024

Qu’est-ce qui a poussé l’Américaine Valerie Solanas à écrire un manifeste prônant l’éradication des hommes et à vouloir tuer Andy Warhol ? Retour sur une vie violentée, matrice d’une prose féministe radicale.

Le 3 juin 1968, à la Factory, elle a blessé grièvement Andy Warhol de plusieurs coups de feu, gagnant ironiquement le quart d’heure de célébrité qu’il promettait à tous. Connue à l’époque en tant qu’actrice, Valerie Solanas se définit comme une autrice. Elle a achevé en 1967 un brûlot misandre, Scum Manifesto, le premier terme signifiant Society for Cutting up Men, en français "société pour tailler les hommes en pièces" (ou pour les émasculer). Un texte écrit "du plus profond des marées puantes du patriarcat", dit-elle. Née en 1936 dans le New Jersey, elle en connaît un rayon sur la domination masculine. Battue par son grand-père, violée par son père – un inceste dont naîtra une fille qu’on fera passer pour sa sœur –, elle met au monde à 16 ans un fils, possible fruit d’une étreinte avec un marin de passage. Cette jeune fille intelligente se rebiffe alors, et cède le bébé à un couple infertile en échange de la prise en charge de ses études à l’université. Elle en sort avec une licence de psychologie et un profond rejet du sexisme académique. Direction New York où, dans l’effervescence de Greenwich Village, elle vivote, écrit et se prostitue. En mal de reconnaissance, elle fréquente Andy Warhol et sa cour, jouant dans ses films contre un cachet de misère. Elle se sent exploitée par l’artiste, et par son éditeur, qui lui a extorqué les droits de Scum Manifesto. Il ne publiera le texte qu’à la faveur du scandale.

Texte fondateur

Difficile de comprendre la violence de Scum Manifesto sans mesurer celle que Valerie Solanas a subie toute son existence – y compris à l’hôpital psychiatrique où elle est internée après son tir contre Warhol –, et qu’elle a théorisée d’une prose incisive. Pour montrer la portée de son manifeste, la réalisatrice Ovidie (Libres !, Tu enfanteras dans la douleur) laisse une large place au récit de sa vie, reliant ses écrits autobiographiques en un captivant commentaire, dit avec sensibilité par l’actrice Jehnny Beth. Cette mise en regard aide à cerner la rage froide de Solanas, laser qui fait mouche et n’épargne rien, même pas le féminisme de son époque, et la part, dans son comportement, d’une schizophrénie paranoïde issue des traumatismes qu’elle a subis. Des témoignages, dont ceux de sa biographe Breanne Fahs et de ses amis masculins (!), Jeremiah Newton et Ben Morea, achèvent d’humaniser le personnage. La compagnie Prosopopée, jeune troupe féminine, déclame joyeusement des extraits du Scum Manifesto, soulignant son actualité. Ce brûlot précurseur, le premier à suggérer de retourner la violence des hommes contre eux, passe aujourd’hui pour un texte fondateur du féminisme radical.

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Valerie Solanas
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