Dans cette première partie, sont présentés le 5 premiers épisodes 1/10 à 5/10 :

Épisode 1 : Le fils unique

26 mars • 54 min

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Issu d’une famille de la classe moyenne banale de la Belle Époque, ni riche, ni pauvre, en quoi le jeune Céline a été influencé par un héritage familial pétri par les idéaux réactionnaires et antisémites de la fin du XIXe siècle ?

Qui est Louis-Ferdinand Céline ? Louis Destouches, alias Céline, naît à Courbevoie le 27 mai 1894. Il grandit dans le passage Choiseul, une ruelle marchande ouverte du deuxième arrondissement de Paris, dans une famille de la petite bourgeoisie parisienne modeste, insatisfaite et rêveuse. Il est l’enfant unique d’un couple typique de la classe moyenne de la Belle Époque, issu d’une catégorie sociale populaire moyenne. Après avoir replongé dans la folle histoire des milliers de manuscrits inédits de Céline rendus publics en 2021, nous parcourrons ses souvenirs pour interroger son enfance, et expliquer en quoi son éducation familiale a influencé ses propres représentations en tant qu’écrivain.

Quand les inédits de Céline refont surface 75 ans après

Le 17 juin 1944, Louis Ferdinand Céline quitte précipitamment Paris devant l’arrivée des Alliés et il laisse derrière lui des milliers de manuscrits dans une caisse en bois, récupérés en août 1944 par Yvon Morandat, grand résistant de la France libre. Au printemps 1982, soit 40 ans plus tard, la fille du résistant, Caroline Morandat, entre en contact avec Jean-Pierre Thibaudat, ancien journaliste du quotidien Libération, à qui elle confie les archives inédites. Lequel conserve dans le plus grand secret pendant 40 ans, les manuscrits. Dans cette caisse en bois, s’y trouve des premiers jets de romans comme Londres, Guerre… Le journaliste s’est tue pendant plusieurs décennies et a travaillé à déchiffrer les manuscrits de l’écrivain maudit qui n’avaient jamais été lus par personne. Il avait promis de garder le secret tant que la veuve de Céline, Lucette Destouches, était en vie. C’est en 2021, qu’il peut enfin faire resurgir du passé les inédits de Céline que tout le monde recherchait depuis 75 ans. Il les rend publics au nom de la littérature française. On remonte le fil de cette histoire.

Un héritage familial marqué par le ressentiment social de la fin du XIXe siècle

Dans ce premier épisode, Philippe Collin analyse les aspirations du foyer d’origine de l’écrivain, en quoi les mœurs politiques de la classe moyenne de l’époque conditionnent, dès son plus âge, son parcours et son imaginaire social. Alors que sa famille s’inscrit d’abord dans les idéaux caractéristiques du Radicalisme, de la gauche républicaine, des valeurs héritées de la Révolution française, elle opère un glissement progressif vers la réaction et le conservatisme au moment de l’épisode Boulangiste et de la grande dépression économique de la fin du XIXe siècle. Une manière de conforter son désir d’élévation sociale, soucieuse d’éloigner les risques de déclassement social qui la hantent. Comme de nombreux boutiquiers parisiens, sa famille sombre dans l’antisémitisme antireligieux, généralisé notamment par Edouard Drumont et "La France juive".

Intervenants
• Frédéric Vitoux, écrivain, académicien, docteur ès Lettres, auteur de "La Vie de Céline" (Folio, 2023) et "Album Louis-Ferdinand Céline" (La Pléiade 2023).
• Jean Ruhlmann, historien. Maître de conférences à l’université de Lille et à l’Institut d’études politiques de Paris. Spécialiste des classes moyennes, auteur de "Ni bourgeois Ni prolétaires. La Défense des classes moyennes en France au XXe siècle" (Paris, Seuil, 2001)

Reportage
Martine Abat a rencontré Jean-Pierre Thibaudat, journaliste, auteur de "Louis-Ferdinand Céline, le trésor retrouvé" (Allia, 2022) dans sa maison du Berry.

Archives
• Annonce de la mort de Louis-Ferdinand Céline, juillet 1961
• Découverte de manuscrits inédits De Louis-Ferdinand Céline, août 2021
• Critique de “Londres”, Le masque et la plume, octobre 2022
• Souvenirs de l’enfance et de la jeunesse de Louis-Ferdinand Céline, Michel Polac, Bibliothèque de poche, 1969
• Louis-Ferdinand Céline : entretien avec Louis Pauwels, 1959
• Louis-Ferdinand Celine : entretien avec Albert Zbinden, 1957

Extraits de livres
• Mort à Crédit de Louis-Ferdinand Céline (éditions Denoël), 1936

Extraits de films
• "Paris Police 1900" de Julien Despaux, Fabien Nury, Frédéric Balekdjian
• "Le vieil homme et l’enfant" de Claude Berri
• "Journal d’une femme de chambre" de Luis Bunuel
• "A l’ouest rien de nouveau" de Edward Berger

Épisode 2 : Le maréchal des logis Destouches

26 mars • 54 min

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Comment la Première Guerre mondiale a bouleversé le parcours de Louis-Ferdinand Céline ? Dans quelle mesure son dégoût profond pour l’expérience du champ de bataille constitue une partie de la matrice de la violence et du ressentiment céliniens ?

Il s’agit de comprendre comment le choc de son engagement dans la Grande guerre bouleverse brutalement son destin. C’est peut-être là, devant le spectacle morbide et indescriptible de la guerre industrielle que nait chez Céline, la vocation de devenir l’écrivain de l’innommable. Il s’engage dans l’armée à 18 ans, sans doute sous la férule de ses parents, dans l’espoir de transcender son destin et accomplir une ascension sociale. Quand la Première Guerre mondiale éclate, le jeune maréchal des logis aspire à la gloire que peut lui offrir le champ de bataille, mais la confrontation de Louis-Ferdinand Céline au massacre de la guerre industrielle réveille en lui une haine et un regard acide sur les hommes et la société.

L’expérience atroce de la guerre comme laboratoire de la violence célinienne ?

La grande guerre constitue un traumatisme sociétal qui nourrit la colère du jeune soldat Louis-Ferdinand Céline. Si sans elle, on ne peut pas comprendre sa vie, sa colère et son œuvre, nous verrons en quoi ce n’était pas non plus une fatalité. À l’évidence, il existait chez Céline d’autres ressorts qui ont agité ses pulsions de haine à l’encontre de l’âme humaine. C’est ce que nous allons tenter de comprendre dans ce second épisode.

En effet, le jeune Céline entre en guerre avec un désir de gloire, mais très vite, les massacres provoqués par les orages d’acier fracassent ses aspirations de départ. Nous verrons que s’il cultive l’idée que la guerre sera courte, victorieuse, remplie de patriotisme et d’héroïsme, l’ardeur initiale se transforme rapidement en désillusions lorsqu’il observe la réalité atroce de la guerre. C’est un véritable choc qui frappe sa conscience. Lui-même, dans sa correspondance, affirme que "le chemin de la gloire est sale". C’est un désenchantement moral complet qui s’opère vis-à-vis de ses propres valeurs associées à la guerre, lesquelles s’effondrent brutalement pour laisser place à "un spectacle d’horreur".

"Comment aurais-je pu me douter, moi, de cette horreur en quittant la place Clichy ? Qui aurait pu prévoir, avant d’entrer vraiment dans la guerre, tout ce que contenait la sale âme héroïque et fainéante des hommes ? A présent, j’étais pris dans cette fuite en masse vers le meurtre en commun, vers le feu. Ça venait des profondeurs et c’était arrivé".
 Louis-Ferdinand Céline dans Voyage au bout de la nuit (1932)

Intervenante
Odile Roynette, historienne, professeure d’histoire contemporaine à l’université de Bourgogne, spécialiste de l’histoire militaire des XIXe et XXe siècles. Autrice de "Un long tourment : Louis-Ferdinand Céline entre-deux-guerres, 1914-1945" (Les Belles Lettres, 2015), de "Bons pour le service : la caserne à la fin du XIXe siècle" (Belin, 2017)
À écouter : Louis-Ferdinand Céline : retour de "Guerre"

Archives
• Souvenirs de la Grande Guerre de Maurice Genevoix, Le bestiaire sans oubli, France culture, septembre 1971
• Les cuirassiers de Reichshoffen, Anniversaire de 1870, chansons de France, ORTF, août 1965
• Le peintre Gen Paul à propos de Céline, Bibliothèque de poche, D’un Céline l’autre - 2e partie

Extraits de livres
• Carnets du cuirassé Destouches de Louis-Ferdinand Céline (Gallimard), 1965
• Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Céline (Gallimard), 1932
• Guerre de Louis-Ferdinand Céline (Gallimard), 2022

Extraits de films
• "Les fragments d’Antonin" de Gabriel Le Bomin
• "La peur" de Damien Odoul
• "Cheval de guerre" de Steven Spielberg
• "L’odeur de la mandarine" de Gilles Legrand
• "L’horizon" de Jacques Rouffio
• "Les croix de bois" de Raymond Bernard
• "A l’ouest rien de nouveau" de Edward Berger
• "La chambre des officiers" de François Dupeyron
• "Les sentiers de la gloire" de Stanley Kubrick
À voir aussi : "Guerre" de Louis-Ferdinand Céline, le chaînon manquant

Épisode 3 : Fuir la guerre

26 mars • 54 min

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Comment Louis-Ferdinand Céline parvient à déserter la guerre et à se faire définitivement démobiliser ? En quoi son obsession de fuir le front lui inspire sa parole transgressive fondée sur son ressentiment à l’égard d’un monde qu’il juge décadent ?

À partir de l’hiver 1915, la guerre s’enlise de part et d’autre de la ligne de front, la guerre de mouvement se transforme en guerre de positions. Chaque camp creuse des tranchées. Le jeune cuirassier Louis Destouches n’a pas connu l’enfer des tranchées, car il est parvenu à s’extraire du front juste avant. Alors qu’il aurait dû rejoindre les tranchées à l’époque où la mobilisation s’intensifie, il obtient une affectation à Londres le 10 mai 1915, avant d’être adroitement démobilisé à la fin de l’année 1915.
C’est une période de bascule existentielle qui éclaire toute la suite chez Louis-Ferdinand Céline. En effet, blessé au bras sur le champ de bataille et transféré au Val-de-Grâce à Paris, le maréchal des logis est animé d’une seule obsession : ne plus jamais retourner au front. Ses rêves de gloire se sont fracassés contre la folie des combats de l’automne 1914, donc hors de question pour lui de réintégrer son régiment. Alors on se demande par quel moyen, et surtout avec quelle vision du monde Louis-Ferdinand Céline a-t-il réussi à changer le cours de son destin ?
Une obsession, s’extraire à tout prix de la guerre : Céline était-il un embusqué ?

Son dossier militaire révèle qu’à Londres, le 7 décembre 1915, le médecin de l’ambassade lui aurait signé une réforme de type numéro 2 qui le considère comme blessé des suites d’une cause sans rapport à la guerre. Alors qu’il avait une blessure de guerre avérée, mais qui n’était pas suffisamment grave pour s’extraire du front, on se demande donc si Céline aurait, ou pas, négocié avec le consulat français de Londres pour sortir définitivement de la guerre. En tant que soldat qui a souffert du champ de bataille, a-t-il choisi de s’extraire du front et de devenir un embusqué par sa propre volonté ?

La guerre comme principal élément de langage

C’est quand il part travailler au Cameroun en tant que colon, animé de tout l’imaginaire de la colonisation française de l’époque, qu’il se forge la conviction que la France se délite. L’occasion d’éplucher ses correspondances, notamment la lettre adressée à son amie d’enfance Simone Saintu, qui révèle sa toute première occurrence raciste, antisémite, vouée à nourrir jusqu’à la fin de sa vie sa vision très décadentiste du monde.

Cet épisode vise à comprendre comment, à partir de la Première Guerre mondiale, il prend conscience qu’il est possible d’exprimer la violence qui a été faite aux hommes en s’attaquant à la langue française qu’il estime être en total décalage avec sa représentation du monde ; comment la guerre devient un événement de langage et un moyen de faire violence à la langue. Sa perception du monde ne sera plus jamais la même après la Première Guerre mondiale et malgré la clairvoyance de l’écrivain pour ce qui est de saisir intimement cette fracture profonde dans l’histoire de l’humanité, reste qu’il le formule par une révolution esthétique du langage littéraire fondé sur un ressentiment pétri par les arguments les plus ineptes dans la manière de considérer le monde.

Épisode 4 : Le toubib de Clichy

26 mars • 54 min

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En quoi son expérience de médecin conforte très progressivement Céline dans ses passions tristes, dans l’idée que l’homme n’est que souffrance ? Découvrez comment le futur écrivain commence à se projeter en victime, et en incompris de la société.

En 1924, Louis-Ferdinand Céline a 30 ans et il est à la croisée des chemins. Le voici, jeune médecin, avec l’étoffe d’un écrivain. Au sortir de la Première Guerre mondiale, Louis Destouches est devenu un féroce antimilitariste. Il est pacifiste, et sans doute déjà antisémite, mais c’est aussi un jeune homme sans diplôme qui décide d’embrasser une carrière médicale, et de consacrer sa thèse de médecine à un certain Ignace Philippe Semmelweis, médecin hongrois persécuté, désavoué par l’institution médicale qui avait rejeté en bloc sa découverte sur l’importance de l’hygiène des mains des médecins dans les accouchements.

Le premier miroir déformant d’un homme qui s’auto-victimise

Un choix qui n’est pas anodin pour Céline, bien au contraire, parce que choisir ce médecin comme objet d’étude était comme une projection de lui-même, et vous allez comprendre pourquoi dans ce nouvel épisode. Aux yeux de Louis Destouches, les bienfaiteurs comme Semmelweis sont forcément des victimes face à la société, car ils sont, comme lui-même, incompris. Et il y a fort à parier qu’en 1924, le jeune médecin s’identifie au vieux docteur avec le sentiment vaniteux, chez le futur Céline, d’avoir raison et d’être seul contre tout le monde.

Quand le médecin Destouches inspirait l’écrivain Céline

Ce destin tragique, Louis Destouches le reprend à son compte, réinvestissant la mémoire d’un homme martyr de l’histoire de la médecine, qui avait raison quand tous le déconsidéraient. Le destin postérieur de l’écrivain Céline se forge sur le parcours de cet obstétricien hongrois désavoué du XIXᵉ siècle. C’est un premier pas dans l’écriture, une manière très particulière d’envisager la médecine qui conditionne le regard critique et réactionnaire qu’il usera jusqu’à la fin de sa vie. Une première façon de s’inscrire comme étant seul contre tous à travers cette personnalité de renom disgraciée. Il va critiquer l’institution médicale, de la même manière qu’il critiquera la société dans laquelle il vit plus généralement par la suite.

Après son expérience au sein du bureau d’hygiène de la Société des Nations, nous verrons comment il s’établit en clientèle dès 1926 à Clichy, avant de se former à la médecine de dispensaire, soignant des populations précaires. Une médecine par laquelle il s’attache très vite aux conditions d’existence du prolétariat et fonde en lui l’image du médecin des pauvres qui orientera implicitement sa culture politique. Époque durant laquelle le médecin de dispensaire noue les premiers moments de sa vie d’écrivain et qui, fort de toutes ses premières expériences, ébauche son premier grand roman Voyage au bout de la nuit dans une fièvre créatrice.

À lire aussi : "Semmelweis" de Louis-Ferdinand Céline, choisi et lu par André Dussollier

À écouter : Louis-Ferdinand Céline, au fond de la nuit

Intervenants
• David Labreure, docteur en Lettres modernes et professeur de littérature contemporaine XIXe et XXe siècle à l’université de Nantes. Auteur de "Céline, le médecin-écrivain" (Bartillat 2023)
• Régis Tettamanzi, professeur de littérature française du XXe siècle à l’Université de Nantes. Il a réalisé l’Edition des pamphlets de Céline au Québec "Écrits polémiques" (Huit, 2012). Auteur de "La Parole au scalpel : médecine et littérature chez L.-F. Céline et quelques-uns de ses contemporain" (Presses universitaires de Paris Nanterre, 2019), de "Esthétique de l’outrance. Idéologie et stylistique dans les pamphlets de Louis-Ferdinand Céline" (Du Lérot éditeur, 1999)
• Frédéric Vitoux, écrivain, académicien, docteur ès Lettres, auteur de "La Vie de Céline" (Folio, 2023) et "Album Louis-Ferdinand Céline" (La Pléiade 2023)

Archives
• La thèse de médecine de Louis-Ferdinand Celine, entretien avec Robert Sadoul, Radio Suisse-Romande 1955
• Souvenirs de Louis-Ferdinand Celine à l’Institut Pasteur par André Lwoff, Radioscopie, 1976
• Extrait de la thèse de médecine de Louis-Ferdinand Celine sur Ignace Philippe Semmelweis, Les chemins de la connaissance, France Culture, 1973
• Souvenirs de Edith Follet, première épouse de Louis-Ferdinand Celine, archive privée de Frédéric Vitoux, « Je connais la persécution » Louis-Ferdinand Celine, entretien avec André Parinaud, 1958
• Souvenirs de la vie avec Louis-Ferdinand Celine par Elisabeth Craig, 1988
• Souvenirs de Colette Turpin, fille de Louis-Ferdinand Celine, Synergie, France Inter, 1997
• Souvenirs du Louis-Ferdinand Celine par Eliane Bonabel, Une légende une vie, A2, 1976
• « Je me sacrifiais pour mes semblables » Louis-Ferdinand Celine ? Entretien avec Albert Zbinden, 1957
• Céline, Anthologie 1894-1961, Ed. Frémeaux & Associés

Extraits de livres
• "Voyage au bout de la nuit de Louis-Ferdinand Celine" (Ed. Gallimard), 1932
• "L’église de Louis-Ferdinand Celine" (Ed. Denoël et Steele), 1933

Extraits de films
• "The Knick" de Steven Soderbergh
• "La valse de l’ombre" de Melvin LeRoy
• "Cela s’appelle l’aurore" de Luis Bunuel
• "Hôtel du Nord" de Marcel Carné

Épisode 5 : Le virtuose de la colère

26 mars • 54 min

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Comment "Voyage au bout de la nuit" bouleverse l’histoire de la littérature, mais aussi le destin de Louis-Ferdinand Céline dans une France plongée dans la crise économique et politique des années 1930 qui réactive le ressentiment et l’antisémitisme.

En octobre 1932, avec Voyage au bout de la nuit, le docteur Destouches fait son entrée dans l’histoire de la littérature française, il devient riche et célèbre. Un premier roman qui gronde comme un coup de tonnerre dans le ciel de la littérature française de l’entre-deux-guerres. On se demande, dans cet épisode pour quelle raison ce livre a autant chamboulé l’histoire de la littérature et quelles ont été les réelles motivations de Louis-Ferdinand Céline avec ce voyage ?

"Voyage au bout de la nuit", pour le meilleur et pour le pire

Le Docteur Destouches s’est choisi un pseudonyme et dissimule son identité derrière le prénom de sa mère et de sa grand-mère, Céline. Sa plume et sa force picaresques frappent ses contemporains. C’est un coup de tonnerre dans la littérature française, l’émergence d’une voix, d’une vision du monde spécifique, marquée par un pessimisme ambiant, autant que par une écriture qui s’avère parfois allègre. Tout en étant circonstanciés, nous verrons en quoi c’est un roman qui, pour la première fois, est raconté du point de vue des dominés et que, par là, Céline invente une langue inédite qui rompt avec les grands auteurs du XIXe siècle.
En quoi entreprend-il une œuvre de démolition sociétale par la voix littéraire en rompant avec les règles de la rhétorique littéraire traditionnelle ? Car vous découvrirez que Voyage au bout de la nuit est une effraction dans la littérature française. En 1932, Louis-Ferdinand Céline surgit de nulle part avec un style façonné pour raconter l’histoire d’un homme qui lui ressemble, et auquel il s’identifie pleinement, Bardamu, pessimiste ivre de colère, revenu brisé de la Grande Guerre, et qui s’inscrit en empathie avec le petit peuple. L’occasion de comprendre pourquoi ses romans seront presque toujours systématiquement autobiographiques.

À lire aussi : "Voyage au bout de la nuit" de Louis-Ferdinand Céline

1936, l’année du basculement politique chez Céline

A cette époque, la France entre dans les heures les plus sombres de son histoire et face au péril fasciste en Europe et la montée d’Adolf Hitler au pouvoir en Allemagne, on exhorte Céline à prendre position. S’il se tient d’abord à distance de la vie politique, la frustration d’avoir vu le prix Goncourt lui échapper, la publication par son éditeur d’une ancienne pièce de théâtre qu’il avait écrite en 1926 intitulée L’Église - qui est son premier texte littéraire antisémite - ainsi que l’échec critique et commercial de son second roman Mort à crédit (1936) changent véritablement la donne. Céline laisse bientôt courir sa haine, cherche des coupables et nourrit progressivement sa paranoïa au cœur d’une France sans dessus dessous qui réactive l’antisémitisme.

Intervenants
• Emile Brami, écrivain, biographe de Céline, auteur de "Céline à rebours : biographie" (Ecriture, 2023)
• Laurent Joly, historien, directeur de recherches au CNRS. Spécialiste de l’antisémitisme durant l’Occupation. Auteur de : "La Rafle du Vel d’Hiv : Paris, juillet 42" (Flammarion, 2023), de "La France et la Shoah - l’occupant, les victimes, l’opinion" (1940-1944) (Paris, Calmann-Lévy, 2023), de "La falsification de l’histoire : Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les Juifs" (Flammarion, 2023)
• Pascal Ory, historien, écrivain, Académicien. Spécialiste de l’histoire culturelle sous l’Occupation, auteur de "De la haine du Juif : essai historique" (Bouquins, 2021), de "Les Collaborateurs, 1940-1945" (Paris, Seuil, 1980) et avec Jean-François Sirinelli "Les Intellectuels en France de l’affaire Dreyfus à nos jours" (Paris, Armand Colin, 2004)
• Régis Tettamanzi, professeur de littérature française du XXe siècle à l’Université de Nantes. Il a réalisé l’Edition des pamphlets de Céline au Québec "Écrits polémiques" (Huit, 2012). Auteur de "La Parole au scalpel : médecine et littérature chez L.-F. Céline et quelques-uns de ses contemporain" (Presses universitaires de Paris Nanterre, 2019), de "Esthétique de l’outrance. Idéologie et stylistique dans les pamphlets de Louis-Ferdinand Céline" (Du Lérot éditeur, 1999)
• Frédéric Vitoux, écrivain, académicien, docteur ès Lettres, auteur de "La Vie de Céline" (Folio, 2023) et "Album Louis-Ferdinand Céline" (La Pléiade 2023).

Archives
• Louis-Ferdinand Céline, entretien avec Robert Sadoul, Radio Suisse-Romande 1955
• Louis-Ferdinand Céline, entretien avec Louis Pauwels, En Français dans le texte, RTF, janvier 1959
• Guy Mazeline à propos du prix Goncourt, France culture, novembre 1968
• Reportage Passage Choiseul, D’un Céline l’autre, ORTF, 1969

Extraits de livres
• "Voyage au bout de la nuit" de Louis-Ferdinand Céline (Gallimard), 1932
• "L’Eglise" de Louis-Ferdinand Céline (Gallimard), 1933
• "Bagatelles pour un massacre" de Louis-Ferdinand Céline (Gallimard), 1937

Extraits de films
• Entretiens de Céline vivant
• "À droite toute" de Marcel Bluwal
• "Jim La Houlette" de André Berthomieu
• "Laissez-passer" de Bertrand Tavernier

PARTIE 2 : épisodes 6/10 à 10/10 ICI

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