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Paradis, de Philippe Sollers : Le paradis du langage

D 18 décembre 2023     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


I. 1986. Philippe Sollers lit le début de Paradis II.

soleil voix lumière écho des lumières soleil cœur lumière rouleau des lumières moi dessous dessous maintenant toujours plus dessous par-dessous toujours plus dérobé plus caché de plus en plus replié discret sans cesse en train d’écouter de s’en aller de couler de tourner monter s’imprimer voler soleil cœur point cœur point de cœur passant par le cœur il va falloir rester réveillé maintenant absolument réveillé volonté rentrée répétée le temps de quitter ce cœur simplement le temps qu’il se mette enfin comme il voudra quand il voudra de la dure ou douce façon qu’il voudra bien peu de choses en vérité n’est-ce pas poussière de poussière bien peu très très peu comme on exagère comme on a tendance à grossir tout ça moi-moi-moi en vérité presque rien côtoiement d’illusion couverture du cœur d’illusion aujourd’hui j’écris aujourd’hui et aujourd’hui j’écris le cœur d’aujourd’hui et hier j’écrivais aujourd’hui et demain j’écrirais aujourd’hui c’est vraiment aujourd’hui et rien qu’aujourd’hui on devrait l’écrire aujournuit différente manière d’être à jour en suivant ses nuits dans la nuit salle de séjour noire bleue blanche j’attends le vide à sa tranche qu’il décide ou non de bouger de claquer si je reste comme ça réveillé le coup va venir c’est fini le coup va revenir cette fois vraiment c’est fini un deux trois pas tout à fait trois et de nouveau un deux et puis trois on est au cœur du cœur maintenant dans le cœur du cœur battant se taisant c’est lui qui creuse c’est lui qui poursuit c’est lui qui sait ce qu’il faut savoir pour continuer dans la nuit on n’ira jamais assez vite pour coïncider avec lui pour rejoindre son instinct fibré sa folie un muscle dites-vous seulement un muscle au fond d’après vous soleil cœur voix cœur germe en lui de lui tout en lui voilà le vent s’est levé de nouveau maintenant et je suis là de nouveau comme écrivant le temps de nouveau comme si le temps pouvait n’être rien d’autre que des lignes recoupant des lignes à la ligne là comme au bout du monde ne tenant plus que par un bout de bord à ce monde droites diagonales angles cadrans demi-cercles rayons revenant au centre cours des astres reflétés comme ça par le centre danse en cours avec moi reflet du danseur dans la nuit moi spectre et moi poison d’ombre moi squelette abstrait mangé par son ombre pas tout à fait cependant pas encore tout à fait déclic sursaut nerfs juste assez pour tracer conduit ce qui suit voilà on y va le concert reprend sa cadence joie joie voilà c’est reparti ça se suit en effet un important groupe de taches s’étendant sur près de 300 000 kilomètres se déplace en direction du centre du disque solaire selon un observatoire de rhénanie-westphalie elles devraient l’atteindre le 8 ou le 9 avril et ce phénomène qui pourrait perturber l’atmosphère terrestre est une des conséquences de la formidable activité que le soleil connaîtra au cours de l’année elle entraînera cette activité un comble de nervosité d’inexplicables fatigues des dissolutions dépressions décompositions des morts anticipées convoitées brusquées un supplément de crime de frime des séparations guerres convulsions récriminations falsifications dissimulations leucémisations cancérisations expulsions bref un état général de crible agité en nœud du tissu rongé des ponctions une frénésie négation des apoplexies pleins poumons des attaques et des contre-attaques rupture de vaisseaux inondation des cervons disjonction des systèmes nervons déhanchements fanatiques rafales d’antibiotiques et puis faim et soif et bile et surtout faim et soif à partir du foie dans sa bile matriciation omnibile dans sa tellurique omnubilation que doit faire le narrateur pendant ce temps d’abord s’adresser un signe de complicité dans la glace un clin d’œil légère grimace en effet son temps est venu plus vite que prévu mais exactement comme il l’avait prévu comme il s’en était prévenu c’est comme si c’était de lui à présent ce fou monde se montrant à fond coup de sonde comme s’il en avait écrit la partition prédiction les voilà cette fois cravatés en vol par la chose c’est comme s’il fallait passer à la science-fiction maintenant pour décrire la fonction stagnation bubon de la chose son sur-place explosif ambiant son catastrophique invariant il faut la durcir encore cette plume cette petite touche à l’enclume pour frapper là le rouleau

Philippe Sollers lit Paradis II (Gallimard) est le n°7 de la série cinématographique "Lire". Réalisé par Gérard Courant le 27 octobre 1986 à Paris.

II. Les Nuits de France Culture viennent de rediffuser « Paradis, de Philippe Sollers : Le paradis du langage », une émission du 20 décembre 1990 que Julia Kristeva avait choisi de faire entendre il y a dix ans dans sa Nuit bleue rêvée. Sollers lit la fin de Paradis II. Le paradis, c’est l’invention constante.

Paradis, de Philippe Sollers : Le paradis du langage

Les chemins de la connaissance
Par Sylvain Gire
Avec Philippe Sollers

Philippe Sollers lit la fin de son ouvrage de Paradis II.

le soleil plonge et l’ombre vient on s’étend le long des amarres puis quand au matin paraît l’aurore aux doigts de rose on prend le large le préservateur envoie la brise favorable on dresse alors le mât on déploie la voilure blanche le vent gonfle la toile en plein et tandis qu’autour de l’étrave en marche le flot bouillonne et siffle bruyamment la nef va son chemin courant au fil de l’eau vous voyez bien n’importe quoi du pur rem­plissage l’aurore aux doigts de rose la nef le flot sifflant bruyamment on est reparti en mer laurie a mal à la gorge on rentre elle est triste voilà l’orage et la pluie avec les éclairs zébrant déchirant explosant partout dans la nuit et puis tout change à nouveau calme plat sphère éclat transparence en haut des étoiles deux heures du matin je fais un signe de croix en traversant les rosiers du jardin plante des pieds nus pas de bruit surtout léger souffle retenu en soi loin de soi un signe de croix oui comme ça dans l’air noir couronnant le tout qui s’en va c’est le signe qui va rester suspendu là maintenant pétales ici pas de doute bouche ouverte signature ouverte soleil cœur point cœur point de cœur crâné sous la croix et voilà tout se renverse d’un coup à nouveau le jour se lève enfin dans sa pointe océan poumons clé hautbois le bleu revient il revient le bleu pas croyable il est là buée dans le rouge en gris jaune en bas vox tubae vox suavi vox éclats petits mots mutants dans l’échelle et elle est là une fois encore dressée mon échelle bien légère et triste et bien ferme très joyeuse et vive et bien ferme veni sancte spiritus tempus perfectum tactus ciel et terre pleine de l’éner­gie en joie d’autrefois

Le paradis du langage serait d’abord une effervescence de la langue ; l’enfer serait la chose figée, le purgatoire une reprise progressive de la vie. Les paradis de : Dante, Tintoret, Proust, Boccace, La Fontaine, Joyce (Finnegan’s wake), Sade... La puissance d’un texte réside en la possibilité de "traverser tous les textes". L’éternisation de la jouissance équivaut à la mort, le paradis, c’est l’invention constante. Si lui-même décide que son marasme est un paradis, alors, son marasme deviendra un paradis.


Tintoret, Le Paradis, 1588.
Photo A.G. Venise, Palais des doges. 19 juin 2016. Zoom : cliquez l’image.

Tintoret, Le Paradis, 1588, détail
Photo A.G. Venise, Palais des doges. 19 juin 2016. Zoom : cliquez l’image.

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