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Philippe Sollers, Atlante, écrivain par Fabien Ribery

Sur "Hommage à Philippe Sollers", collectif, Gallimard

D 23 novembre 2023     A par Viktor Kirtov - Ribery (Fabien) - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



Le Gentilhomme, 1578, Le Greco

« Le scandale sollersien vient de ce que Sollers s’attaque à l’Image, semble vouloir empêcher à l’avance la formation et la stabilisation de toute Image ; il rejette la dernière image possible : celle de : « celui-qui-essaye-des-directions-différentes-avant-de-trouver-sa-voie-définitive » (mythe noble du cheminement, de l’initiation : « après bien des errements, mes yeux se souvent ouverts ») :

il devient, comme on le dit, « indéfendable ». » (Roland Barthes, Sollers écrivain, Seuil, 1979)

Lorsque Philippe Sollers est mort, en mai 2023 – information invérifiable, même si certains ont cru voir sa dépouille -, j’ai gardé le silence.

Je me disais que le plus bel hommage était de continuer à le lire – plus de quatre-vingts volumes dans la bibliothèque derrière moi, ainsi que la plupart des numéros des revues Tel Quel et L’Infini -, et surtout d’essayer de continuer à vivre selon quelques-uns de ses enseignements les plus précieux : pas de ressentiment contre le temps et son il était, l’érotique comme continuation de la métaphysique par d’autres moyens, la traversée des si ennuyeuses stories psychologiques, le compagnonnage de fond avec les grands irréguliers de la littérature considérée comme une école de mystère, la liberté – de penser, d’être, d’aimer – comme absolu, loin de la moraline.

Voler selon.

Traverser son suicide

Être déjà parti, quand la glu se reforme.

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SUR PILEFACE


Dans Graal, son avant-dernier précis de navigation intérieure – on attend chez Gallimard la publication d’un opus résurrectionnel, La Deuxième vie -, Philippe Sollers, préparant la migration de son âme, écrit : « Pour l’instant, le réfugié atlante rêve qu’il est à Jérusalem, en train de participer, de nuit, au Saint-Sépulcre, à une cérémonie à laquelle il ne comprend pas grand-chose, mais dont il devine qu’elle appartient à l’Eglise invisible, fondée ici par Jean, il y a deux mille ans. Peu importe, il n’a pas besoin d’explications, sa foi le soutient et le porte, il pense toujours que toutes les choses obscures doivent être éclairées un jour. C’est un homme des lumières, fait pour la nuit. »

Maintenant, place à ses amis, aux auteurs qu’il a publiés, à ses héritiers en libertinage philosophique, dont le volume Hommage à Philippe Sollers a recueilli la parole.

Antoine Gallimard, s’adressant à lui le 15 juin 2023, en l’église Saint-Thomas-d’Aquin (Paris) : « Tu n’as jamais manqué une occasion pour rappeler que la littérature, la poésie étaient une guerre. Une guerre essentielle, une guerre de position, une guerre amoureuse. »

Jean-Paul Enthoven : « Bague aux doigts, fidèle à ses femmes, à son fils, au Vatican, à l’île de Ré (initiales du Retour Eternel) et à la littérature, cet Ulysse de Gironde, nietzschéen anglophile de surcroît, aura eu la chance d’échapper, en même temps, aux fatwas MeToo, aux grands rassemblements de bruits, à l’Académie. »

Colette Fellous : « Philippe avait aussi cette force d’être à la fois attentif à tous les mouvements de la société, il savait donner envie à des écrivains plus jeunes de se lancer, d’y aller, d’innover, de rester sur ses gardes, au besoin de faire un pas de côté. »

Bernard-Henri Lévy : « L’habitude, avec ses amis, d’échanger des secrets mais jamais de confidences. »

Franck Nouchi : « Philippe aimait les rites. Chaque samedi matin, nous nous retrouvions sur la terrasse d’un café du boulevard de Port-Royal, le Marigny. En général, il arrivait le premier, histoire de parcourir les journaux du matin en m’attendant. Embrassades. La partie pouvait commencer. »

Valentin Retz : « Il était comme ça, Sollers, l’inexplicable l’amusait. Il n’en avait pas peur. C’est pourquoi j’ai toujours pensé qu’il y avait de la magie autour de lui, une magie qui découlait, j’en suis certain, du sacrifice d’une vie mise tout entière au service du langage. »

Jean-Jacques Schuhl : « Il aimait ça imiter, parodier, pasticher : Jouer. Et aussi le secret, le sacré. »

Brina Svit : « Il est disponible, charmant, espiègle, mettant tout le monde dans sa poche. »

Chantal Thomas : « Vous apprenez à vivre dans la respiration du langage et le souffle libre des phrases, à vous envoler avec elles, par elles, vous balayez la ponctuation, faites le choix de la poésie, vous inventez votre Paradis, hier, aujourd’hui, à jamais… »

Cartherine Cusset : « Mais la relation avec lui était érotique. Son esprit vif-argent enchaînait à toute allure les pensées, son ironie emportait l’adhésion en suscitant le rire, il clignait de l’œil, aspirait une bouffée de cigarettes en tenant entre ses doigts son long porte-cigare, prononçait des phrases que je ne comprenais pas sur le moment mais qui restaient dans mon esprit, me posait des questions sur moi, sur ma vie, ou me demandait mon avis. »

Michaël Ferrier : « Il expédie en dix minutes les grands problèmes sociaux de l’actualité mais un moineau sur sa fenêtre le captive durant des heures – je l’ai vu. »

Yannick Haenel : « Ce que m’a transmis Philippe Sollers est inestimable. Sa rencontre a changé ma vie ; son amitié a été un événement continuel. Il était à mes yeux le nom propre de la littérature, ainsi ai-je eu cette chance d’être lu, encouragé, édité par la littérature elle-même. »

Lucile Laveggi : « Une conversation avec Sollers n’est pas un bavardage, encore moins un étalage de propos psychologiques. Son temps est précieux, il ne s’attarde pas, mais il a le don de l’écoute et de la conviction. »

Catherine Millot : « Je sais que c’était son style comme éditeur, prendre ou laisser. Et jamais il ne m’a demandé de retravailler un texte, cela aussi était son style. »

Thomas A. Ravier : « Singulier pluriel ! Qui ne croit pas aux mondes parallèles n’a jamais pris un verre avec Philippe Sollers. Voilà, il me tient au bout de son porte-cigarette. Fumer semble pour lui un acte important. Un acte lié, peut-être, à la grande respiration de la pensée ? A chaque bouffée, Sollers a l’air de créer le vide, à la fois en lui et autour. Prouver le tao avec un briquet jetable. »

Frédéric Beigbeder : « Nous sommes en guerre, mes amis, et cette guerre est en passe d’être perdue si vous ne vous intéressez pas de plus près à ce fanatique dont toute l’œuvre est une ode au bonheur, à la poésie et à cette folie merveilleuse : la langue française. Le salut de votre âme est en jeu. »

Frans de Haes : « A présent il est question, si j’ai bien compris, de rejoindre – ou mieux : d’accueillir – le Verbe (johannique e.a.) en trouvant son « Graal », là où celui-ci peut échoir à qui s’y risque. »

Philippe Forest : « Il était le plus vivant des écrivains. Je veux dire qu’après de lui tous les autres avaient l’air d’être morts depuis déjà longtemps ou bien voués à disparaître d’ici peu. »

Arnaud Jamin : « La Société se croit souvent seule mais il y aura toujours Sollers. »

Jean-Hugues Larché : « Ses Lettres à Dominique Rolin que je découvre en 2017 constituent pour moi la plus belle correspondance littéraire et amoureuse du XXe siècle et du début du XXIe. »

Jean-Luc Outers : « Son écriture m’a littéralement explosé à la figure quand je l’ai découverte alors que j’étais étudiant. »

Anthony Palou : « En fait, le seul rêve que désire vraiment un artiste : que son nom devienne un adjectif. Etre « sollersien ». C’est-à-dire être là sans y être vraiment. Ou plutôt être toujours là où l’on ne vous attend pas. Espion, agent secret, toréador des arènes Sébastien-Bottin, gondolier bordelais, corsaire en Ré. »

Marc Pautrel : « Son style est lumineux et toujours plein d’espoir. Vous le lisez et il est aussitôt présent, il marche avec vous, au milieu du désert comme au fond de la vallée verte, sur la plage comme le long des façades classiques de Bordeaux ou Venise. »

Vincent Roy : « Ce qui a toujours et radicalement captivé Sollers, il me l’a dit, c’est la vie des corps dans l’Histoire. Le corps des écrivains, des peintres, des musiciens, le corps dans sa fonction sexuelle, dans sa fonction de jouissance, voilà l’axe. »

Josyane Savigneau : « Et Lui ? Celui qui me parlait tous les jours ? Exactement le même, celui de ses livres. Rien à voir avec l’image sociale que certains ont inventée. Intelligence immédiate des textes et de la vie – ce qui ne va pas nécessairement ensemble -, généreux, attentif, délicat, pudique, secret, respectueux du secret des autres – « je n’attache pas, je ne m’attache pas ». Celui qui écrivait au début de Studio : « J’ai rarement été aussi seul. Mais j’aime ça. » Et d’ailleurs : « On est toujours moins seul qu’on ne le croit. » Jamais de mauvaise humeur. Chaleureux, réconfortant, rieur, joueur. »

Arnaud Viviant : « Il parle de sa sœur, Anne, qui voit tout venir. »

Philippe Sollers : La rose de la Raison dans la Croix du Présent (Hegel).

Il écrivait, dans le Monde du 28 janvier 1999 (article rappelé par Marc Pautrel) :

« Elle était là, elle est toujours là, on la sent, peu à peu, remonter en surface : la France moisie est de retour. Elle vient de loin, elle n’a rien compris ni rien appris, son obstination résiste à toutes les leçons de l’Histoire, elle est assise une fois pour toutes dans ses préjugés viscéraux. Elle a son corps, ses mots de passe, ses habitudes, ses réflexes […] Il y a une bêtise française sans équivalent, laquelle, on le sait, fascinait Flaubert. L’intelligence, en France, est d’autant plus forte qu’elle est exceptionnelle. "La France moisie" a toujours détesté, pêle-mêle, les Allemands, les Anglais, les Juifs, les Arabes, les étrangers en général, l’art moderne, les intellectuels coupeurs de cheveux en quatre, les femmes trop indépendantes ou qui pensent, les ouvriers non encadrés, et, finalement, la liberté sous toutes ses formes. »

Hommage à Philippe Sollers , contributions de Antoine Gallimard, Jean-Paul Enthoven, Colette Fellous, Bernard-Henri Lévy, Franck Nouchi, Valentin Retz Jean-Jacques Schuhl, Brina Svit, Chantal Thomas, Catherine Cusset, Michaël Ferrier, Yannick Haenel, Lucile Laveggi, Catherine Millot, Thomas A. Ravier, Frédéric Beigbeder, Frans de Haes, Philippe Forest, Arnaud Jamin, Jean-Hugues Larché, Jean-Luc Outers, Anthony Palou, Marc Pautreln Elisabeth Roudinesco, Vincent Roy, Josyane Savigneau, Arnaud Viviant, Gallimard, 2023, 144 pages

https://www.gallimard.fr/Contributeurs/Philippe-Sollers

Crédit : Le site de Fabien Ribery

Sur pileface : Collectif "Hommage à Philippe Sollers"

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