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Le photographe Henry Roy shoote Sollers pour PLAYBOY

suivi de l’interview PLAYBOY du mois (déc. 2007)

D 18 avril 2012     A par Viktor Kirtov - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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Sur le blog « Portrait lab » du photographe HENRY ROY, ce portrait de Philippe Sollers pour Playboy.
En tirant le fil, la pelote est venue, celle qui suit :

Sur le blog du photographe Henry Roy

11/04/12

The French writer Philippe Sollers for Playboy - France in Paris in 2008 (Paris)


ZOOM : cliquer l’image

Yan Ceh, rédacteur en chef de Playboy, qui veut renouer avec une certaine tradition littéraire du magazine annonce un nouveau numéro qu’il qualifie de "très littéraire" (Plus de sens - pour plus de plaisir des sens,"c’est prouvé !" dirait Sollers- ...et last bot not least, un marketing plein de bon sens.). Avec cette fois, "un texte inédit de Boris Bergmann sur Julie Ordon, en couverture du numéro, ainsi qu’un texte inédit de Jonathan Safran Foer, "L’Extrême Nudité de la Page Blanche", une playlist 2007 détaillée en 5 albums par
Yannick Haenel, Prix Décembre pour "Cercle" (Gallimard) et également une interview de 8 pages de Philippe Sollers : "L’Interview PLAYBOY du mois". Nous sommes en décembre 2007 [1]. Voir ci-après.

Yan Ceh est alors l’acolyte de Frédéric Beigbeder dans le duo de DJs "Dumb Dumber". L’écrivain est d’ailleurs une des nouvelles signatures du magazine aux côtés de François Bégaudeau. [2]

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GIF D’autres portraits de Henry Roy


26/02/12

Back in Paris. Selfportrait in a cab with Julie (France)

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09/01/12

SEDUCE ME / REGINA

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I asked the fascinating Régina Denima to seduce me. I knew she was sensual. But I must admit I’ve been surprised by her ability to play with my camera, making the experience of shooting her intense and enjoyable (Paris).

On retrouve aussi Regina dans l’article pileface « D’Edwarda à Madame Edwarda »

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23/01/12

An intimate portrait of Isabella Tannock the day before she goes back home to Australia (Paris)

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GIF Qui êtes-vous Henry Roy ?


This media [son blog "Portrait Lab"] is dedicated to portrait, as a way, for me, to share my personal perception of humanity (through people I Love, admire, desire or simply appreciate for any other reason) photography experiments and training. My purpose is to shoot and post, at least, one portrait (photography, video, text, drawing, document,...) a day for, at least, one year. Henry Roy

Crédit : Le blog de Henry Roy :


L’interview PLAYBOY du mois (déc. 2007)

ZOOM : cliquer l’image

Cette interview commence par revisiter la biographie de Philippe Sollers. Réponses connues et sans surprises pour les familiers, puis l’interview se fait moins conventionnelle, l’intervieweur se rappelle qu’il est rédacteur en chef de Playboy. Questions plus directes, plus personnelles et réponses plus inédites. Sollers y répond sans détour. Et mêmes les réponses connues ont leur intérêt dans leur confirmation ou leur variante.

Playboy : J’aimerais qu’on parle de votre enfance pour prendre les choses par le début... Avez-vous quelques anecdotes, car dans vos Mémoires, les choses s’enchainent vite, comme une sorte de cut-ups, on ne s’attarde pas dans le moment ?

Philippe Sollers : C’est une volonté. Il s’agit de trouver un ton. D’habitude, les Mémoires, c’est nostalgique, romantique, c’est Les Mémoires d’outre tombe de Chateaubriand... Là, on est davantage, dans ce que Stendhal appelait Les Souvenirs d’égotisme. Au passage, ses Souvenirs n’ont jamais été un best-seller, et encore moins maintenant. Qui lit Stendhal aujourd’hui ? Enfin, il s’agissait de trouver ce ton-là, un peu stendhalien. Cela dit, mon enfance se passe dans ce pays qu’on appelle la France, un pays plein de singularités qui me paraissent intéressantes. Singularités personnelles et singularités historiques, les deux mêlées. Bon, ce n’est pas tous les jours qu’on voit deux frères mariés à deux s ?urs, habitant dans deux maisons symétriques, dont chacune des pièces correspond à une autre de l’autre côté du mur...Fils d’un des deux couples, on a l’étrange impression d’avoir deux pères, deux mères, de vivre à travers un miroir, d’habiter deux maisons. Un problème de singularité de naissance...

Playboy : Et quels sont vos premiers souvenirs ?

Ph.S. : La situation historique, nous sommes en plein Front populaire. Mes parents ont une usine, ils sont industriels. Je m’appelle Joyaux et j’entends les grévistes derrière les volets crier : « Joyaux, poteau ! » Ce sont mes premières impressions acoustiques. Les autres, c’est le fait que les Allemands arrivent à Bordeaux, et occupent les rues. Puis, il y a la remontée de la guerre d’Espagne, tous les réfugiés qui viennent dont la fille pour laquelle je vais avoir mes premiers sentiments, à l’âge de 14, 15 ans. Une singularité supplémentaire, c’est que je commence très tôt... Et puis, quand même, les parachutistes anglais, cachés dans les caves, qu’il faut faire passer par l’Espagne, etc.

Playboy : Vous percevez toutes ces choses-là, enfant ?

Ph.S. : Très bien : j’ai une bonne oreille. J’essaie de comprendre et je suis soumis à ces chocs linguistiques. Dans le grenier, on écoute Radio Londres. Il faut entendre ces messages étonnants...

Playboy : On les connaît, mais sans les avoir vécus...

Ph.S. : Je les ai mis souvent dans mes romans : « Ici Londres. Les Français parlent aux français... Une hirondelle ne fait pas le printemps... Je répète...  » Qu’est-ce que ça veut dire ? « Les carottes sont cuites... Les renards n’ont pas forcément la rage... Je répète... » Tout ça sur fond de brouillage sonore... « Les Français parlent aux français...Les Français ne sont pas en France mais à Londres. » Il y a aussi une autre particularité : ma famille est anglophile. Je cherche encore aujourd’hui des Français ayant eu des parents pro Anglais. Je cherche toujours...Pourquoi ? Parce que l’anglophobie a été instituée dans ce pays, vous avez Jeanne d’Arc, Napoléon. L’Angleterre, c’est « l’ennemi fondamental »... Du coup, j’évite de vivre dans un milieu collaborationniste, c’est-à-dire Vichy. On est Anglais. J’ai alors 5-6 ans. Et mes parents me disent : « Si à l’école, on te demande de chanter Maréchal, nous voilà !, tu sors du rang, tu ne le chantes pas ! » Après, c’est le long parcours du combattant.

Playboy : Premiers souvenirs de lecture !

Ph.S. : J’ai lu des tas de choses, j’étais malade tout le temps. On m’apportait beaucoup de livres, dans un désordre total et puis, un jour, la lumière est apparue, ça a été la poésie, l’ « illumination » de Baudelaire, ensuite Rimbaud... La poésie, c’est-à-dire la musique dans les mots... « Tes longues jambes, sont les volants... » Ça a été le choc.

Playboy : Et votre premier ébat sexuel ?

Ph.S. : Eh bien... j’ai 15 ans, elle 30. Et d’ailleurs, je pense que là encore c’est une singularité. C’est-à-dire que, je le dis en passant, les jeunes filles du milieu bourgeois - et en général, d’ailleurs - étaient pénibles. Elles ne savaient rien faire. Hors ma partenaire, anarchiste espagnole qui avait pris comme couverture ce qu’on appelle aujourd’hui d’un terme pudique « employé de maison », était très très émancipée, voyez-vous. Par conséquent, techniquement extrêmement au point, ça m’a fait gagner un temps considérable... Par ailleurs, à l’école, j’avais un professeur d’espagnol qui s’étonnait toujours que je sache si bien parler espagnol, alors que je séchais les cours... C’est l’éducation parallèle, clandestine, parascolaire... La vraie éducation se passe d’ailleurs au bordel, comme l’a magnifiquement expliqué Picasso dans ses Demoiselles d’Avignon - qui étaient en fait le nom d’une petite rue de Barcelone où il a fait ses « études »...

Playboy : les bordels, aujourd’hui, ne sont plus les mêmes...

Ph.S. : Il n’y en a plus... les prostituées de Barcelone, où j’ai passé des moments d’enchantement étaient des filles absolument délicieuses. Et drôles, j’ai peur que tout ça ait été hygiénisé à l’américaine ou à l’allemande... Aujourd’hui, il y a certaines obsessions auxquelles je n’ai jamais été sensible. Par exemple, très jeune, j’ai été plutôt « adultophile », si l’on veut dire. Dans le sens féminin. On ne parle pratiquement jamais de ce qui peut arriver entre de très jeunes garçons et des femmes mûres. C’est à mon avis un sujet très tabou. Un des derniers tabous de notre société, beaucoup plus que l’homosexualité, qui est maintenant devenue une forme d’intégration comme une autre. Au bout du tabou, il y a toujours cette idée...

Playboy  : Le terme « adultophile », c’est de vous ? Vous l’avez déjà employé ?

Ph.S. : Je crois que c’est de moi. Je ne sais pas si je l’ai déjà utilisé, mais en tout cas, pas de problème, je le donne à Playboy  !

Playboy : Ensuite, vous quittez Bordeaux, pour monter à Paris. Pourquoi ?

Ph.S. : Paris, c’est parce que mes parents, tenaces, voulaient que je fasse le même métier qu’eux et donc m’avaient d’abord envoyé à Versailles, chez les Jésuites de Sainte-Geneviève, où j’ai passé un an et demi. Ma tactique, ma stratégie, a été de me faire renvoyer le plus vite possible... Puis, ça a été la vie de chambre en chambre, c’est-à-dire extrêmement libre et autodestructrice. J’ai beaucoup bu du très mauvais vin, pour essayer de m’abrutir le plus possible. L’abrutissement était nécessaire.

Playboy : Et les premières approches du milieu littéraires ?

Ph.S. : Très tard. J’ai mis longtemps à en accepter l’existence, comme la société en général.

Playboy : Vous avez tout de même été édité à 22 ans, ce qui est jeune.

Ph.S. : Oui, mais j’écrivais déjà depuis longtemps. Et puis, avant cela, il y avait l’armée. J’ai dû faire plusieurs hôpitaux, pendant trois mois, pour être réformé, de schizoïde aiguë. J’ai fait un mois de grève de la faim, et si je n’avais pas eu la chance d’une intervention directe de Malraux, cela aurait mal tourné. Je l’ai remercié en sortant et il m’a envoyé une petite carte, dans son style à la fois élégant et lyrique, et cela donne : «  C’est moi, monsieur, qui vous remercie pour avoir pu une fois rendre l’univers un peu moins bête. » C’est quand même stylé. C’est mieux que ce qu’on a aujourd’hui au gouvernement... N’en parlons même pas... Playboy se situe bien au-dessus de tout cela... N’empêche que Malraux dans Playboy, ça aurait été génial !

Play boy : Bien sûr. Mais il y a eu sa veuve, qui relate son homme dans playboy, à la fin des années 1970, il me semble... Mais reprenons le fil...

Ph. S. : Oui. Donc, premier livre publié, première nouvelle, plutôt. Et Mauriac se déchaine, en parle sur son Bloc Note. D’ailleurs, je les conseille. Ils ont été édités, de purs chefs- ?uvre. D’une lucidité totale.

Playboy : En parlant de Bloc, cela me fait penser aux Blogs et à MySpace. J’ai vu que vous aviez votre page MySpace.

Ph. S. : Malheureusement, ce n’est pas moi ! Je ne sais pas qui c’est, d’ailleurs. Il faut venir directement à la source !

Playboy : Et ce besoin de se réinventer, tout du moins de s’inventer... Choisir son nom, puisque vous avez opté pour Sollers, choisir sa vie, choisir son personnage, choisir son destin... Vous avez réussi à vous confectionner un masque, tellement parfait qu’il agace beaucoup...

Ph. S. : Choisir le nom. Je m’appelle Joyaux avec un « x ». J’étais mineur, puisque la majorité était à 21 ans, lorsque j’ai publié mon premier texte. Il y avait aussi le fait que j’avais créé un personnage imaginaire, qui s’appelle Sollers, et qui était mon héros. Je me donne un nom. Je vous rappelle que la littérature française regorge de pseudonymes, Molière etc. Souvent, ils choisissent un pseudonyme qu’ils trouvent plus beau que leur nom. Moi, c’est le contraire.

Playboy : Vous trouvez que Joyaux est plus beau que Sollers ?

Ph.S. : Je ne sais pas. Mais mon nom n’était pas disgracieux. Ensuite, cela consiste à vivre sa vie, c’est-à-dire arriver à rester libre. Quoi qu’il arrive. Ecrire ce qu’on veut, ne pas se faire instrumentaliser par la société dite du « spectacle », comme l’a formulé un très bon professionnel de cet effet... Le concept est juste.

Playboy : Mais pensez-vous que Guy Debord soit resté libre ?

Ph.S. : Absolument. Mais c’est un très grand général qui a commis l’erreur de rester dans un parti que j’appellerais plébéien, par honnêteté morale, par fraternité, disons. Et donc, le problème c’est que cela l’a amené à se faire coincer... Bon, le suicide ? Pourquoi pas, mais ce n’est pas forcément une très bonne solution. En tout cas, il a fini les armes à la main. C’est le moins qu’on puisse dire.

Playboy : Il est devenu un mythe. Comme James Dean ou le Che.

Ph.S. : Voilà. Il serait très surpris qu’il n’y ait rien à faire contre les récupérations de cette société du spectacle. Pour ne pas subir de récupérations gênantes, il n’y a qu’un seul moyen, c’est la contradiction. Rester contradictoire. Etre ici et là-bas, dedans et dehors, comme ci, comme ça, à l’intérieur du spectacle, à l’extérieur. Et à ce moment, on reste totalement libre : écrire ce qu’on veut et pouvoir le publier et très tôt comprendre qu’il faut créer des réseaux à l’intérieur même de l’édition pour pouvoir publier ce qu’on veut. D’où Tel Quel, L’infini. Personne ne regarde ce que j’écris au moment où je l’écris. Ensuite, ça part en librairie.

Playboy : D’ailleurs, pas mal de gens soulignent le fait que vous vous plaigniez de ne pas être assez lu...

Ph.S. : Quand je dis ça, je ne parle pas de moi seulement. Je parle de la littérature en général et je constate que neurologiquement, la lecture est à son plus bas niveau, voilà. Mais ça a pratiquement toujours été comme ça. On peut vérifier que la mémoire n’enregistre pas forcément l’arrivée des signes écrits. Je ne me plains pas, je décris un état de fait social. Les gens veulent ouvrir un livre et voir un film aujourd’hui. Pour revenir à ce que l’on disait, je pense que j’ai su rester libre. Ce n’est pas si évident que cela.

Playboy : Vos détracteurs vous reprochent, vis-à-vis de ce constat, un parcours chaotique, au niveau politique notamment. Beaucoup de ces critiques proviennent de gens qui cherchent aussi à garder une ligne, même lorsque celle-ci devient obsolète...

Ph.S. : Voilà. Moi, je ne demande de permissions à personne. On n’en veut souvent qu’à ma liberté. Narcissique ? J’aimerais bien qu’on me trouve quelqu’un qui aura fait autant pour le langage des autres. Personne ne me l’accorde jamais...

Playboy : Oui, justement. Quelque part, on peut trouver que vous avez renoncé au statut de l’écrivain de fiction, le romancier, pour le statut de pédagogue, ou, pourrait-on dire, de professeur, de La Guerre du goût, aux nombreux ouvrages sur Mozart, Picasso, De Kooning, Fragonard, Casanova...

Ph.S. : Plus les auteurs que je publie, et que l’on va retrouver dans le prochain numéro de L’infini, avec Schuhl et les autres... Mais je ne regrette pas ce choix. Yannick Haenel, aussi, que je viens d’éditer. Je me demande si un Français autre que lui aurait pu écrire ce roman, Cercle. Ce voyage à travers l’Europe, à Berlin, à Varsovie. C’est extrêmement puissant.

Playboy : C’est vrai que la critique littéraire parisienne, a préféré faire l’éloge de l’Américain William T. Vollmann, et son pavé, Central Europe.

Ph.S. : C’est américain, c’est mieux. Les Français n’aiment pas les Français, tant pis. Nous sommes à Londres, nous leur parlons ! Pour revenir à ce qu’on disait au sujet de mon statut, je suis contre la séparation dans tous les domaines. Nous vivons dans un monde de séparation. Il faut être critique, journaliste mais pas écrivain, il ne faut pas être ceci, ni cela. Les maudits sont les maudits, les académiciens sont les académiciens. C’est contraire à mon petit système de signalisation, et de celui du XVIIIe siècle auquel je me réfère. Si les Français pouvaient admettre qu’ils ont été une grande civilisation, notamment à cette période... Moi, ça me fait plaisir de reprendre la flambée encyclopédique. Diderot me téléphone tous les huit jours...

Playboy : Justement, auriez-vous voulu vivre à une autre époque ?

Ph.S. : Non, au contraire. Plus la dévastation s’accroît, plus les éclaircies prolifèrent. Je veux l’électricité, le téléphone portable, les avions... Je veux tout ! Je veux Playboy !

Playboy : Vous dites souvent que les deux choses qui comptent pour vous, ce sont les écrivains et les prostituées. Où sont-elles aujourd’hui ?

Ph.S. : Je ne m’en occupe plus ! Ça a été le cas, mais plus maintenant. Ayant commencé très tôt, au bout de presque cinquante ans d’exercice très fréquent, tout naturellement, je trouve la vieillardise obsédée pénible. Comme ce pauvre Robbie le Grillet et son truc super tocard (Alain Robbe-Grillet, ndlr.)... Je trouve ça vraiment... Bref, c’est sous plastique. Sous préservatif, quoi !

Playboy : Vous n’avez donc plus de rapports sexuels ?

Ph.S. : Si, si. Je n’exerce plus, je donne des leçons particulières d’antimarchandise... Des leçons sexuelles, la barbe. C’est l’obsession de notre époque. Avant c’était le soufre et le diable, maintenant c’est presque prescrit... L’arrivée du préservatif a été quelque chose à mon avis de tout à fait gonflant. Il y a eu une grande époque, entre 1960 et 1968 et un peu au-delà, dont j’ai grandement profité, où la joie des muqueuses a été totale... Est-ce que j’aimerais avoir 20, 25 ans aujourd’hui ? Franchement, je n’en suis pas sûr.

Playboy : Avez-vous une image, un souvenir lié au sexe, une situation, qui vous revient souvent en mémoire ?

Ph.S. : À propos de prostituée, je décris cette fille charmante qui faisait le trottoir. Je n’avais pas encore 18 ans et elle m’avait demandé avec insistance de travailler pour moi. Elle m’avait offert une très belle cravate d’ailleurs. Sinon, les aventures ont été nombreuses, souvent avec des Espagnoles d’ailleurs...

Playboy : Et les partouzes ?

Ph.S. : J’ai essayé, oui. J’y ai appris des choses...

Playboy : Et la femme en un mot ? Vous avez dit « la femme, c’est la mort  »...

Ph.S. : Il ne faut jamais dire « la » mais « les » femmes ! J’ai dit cela, mais la femme est la mort, c’est un thème classique, biblique... Nous avons été jetés, dans une génération, et nous sommes dans une dégénération par rapport à un état supérieur. Le sexe, c’est la connaissance ; le sexe sans connaissance, c’est nul.

Playboy : Et un play-boy, aujourd’hui c’est quoi ?

Ph.S. : Pour moi, c’est être dans la féminisation de la virilité. Je ne dis pas que c’est bien ou mal, c’est un état de fait. Je ne juge pas, je décris.

Playboy : Et si l’on parlait de votre revue, L’infini  ?

Ph.S. : Eh bien L’infini (n°100) fête ses 25 ans ! Depuis ces années, elle existe et l’on y a publié des dizaines et des dizaines d’auteurs. On faisait Tel Quel, et en partant chez un autre éditeur, il a fallu trouver un autre titre et ce mot s’est imposé à moi. Sur la couverture du premier numéro, il y avait d’ailleurs Norman Mailer (hommage à cet écrivain, grand habitué des pages de Playboy américain depuis les débuts, ndlr.). Et la couverture classique n’a jamais changé. C’est comme la couverture blanche de Gallimard, elle existe depuis presque un siècle...

Playboy : Et votre attitude médiatique. L’importance du rapport du texte à l’image est toujours importante chez vous. Vous avez beaucoup écrit sur la peinture notamment, quasiment pas sur la photo. Vous avez aussi cultivé une image forte. Vous avez d’ailleurs écrit dans L’infini : « Entendre, c’est voir. »

Ph.S. : Mais la peinture n’est pas une image... « L’ ?il écoute », a dit Claudel. Et « entendre, c’est voir  », c’est capital. Beaucoup pensent que la peinture est une image. Ils se trompent. Une émission ou une reproduction d’une peinture, ce n’est pas de la peinture. J’étais récemment à Venise, je suis allé voir sept fois une exposition Titien absolument sublime. Les Japonais et autres touristes passaient devant, photographiaient les tableaux, pour les réduire, et se rassemblaient à l’entrée pour voir l’émission télé sur l’expo...On fait défiler les foules devant les tableaux. Alors que les tableaux, il faut savoir leur parler. La littérature française est de ce point de vue très en avance sur la littérature universelle. Des chefs-d’ ?uvre. L’image, c’est le contraire, passager.

Playboy : L’image à notre époque, c’est aussi la pornographie. Quel rapport entretenez-vous à celle-ci ? Y-a-t-il aujourd’hui une pornographie du monde ?

Ph.S. : Bien sûr, c’est la reprise en main industrielle du sexe, mise à plat. C’est le contraire de l’érotisme. Vous prenez Sade, et le plus fort, c’est la gravure. Seules les gravures d’époque approchent le système nerveux du texte de Sade. Regardez les gravures que l’on trouve dans l’édition de la Pléiade. Vous mettez une gravure dans Playboy, ça va déranger toute l’iconographie photographique des femmes nues.

Playboy : Il faudrait essayer. Pour revenir à vos Mémoires, vous y parlez aussi de votre fils. D’un autre côté, vous dites, et cette phrase est reprise dans le dernier numéro de L’infini : « Il n’y a de bon père que mort.  »

Ph.S. : Oui. Il n’y a pas de « bon père » et moi j’essaie d’être le moins mauvais père possible ! Mon fils est dans l’électronique, il est beaucoup plus sérieux que moi...

Playboy : Et votre position sur les drogues, sur la musique électronique justement. Vous avez l’air assez critique...

Ph.S. : Sur les drogues, c’est tout le système mafieux qui me dérange. J’ai pris beaucoup de choses, dont du haschich, qui a été au c ?ur de pas mal de mes écrits. Ensuite, sur la musique électronique, je n’écoute pas. Mais j’écoute beaucoup de jazz, et bien sûr du classique.

Playboy : Et la solitude ?

Ph.S. : Pour moi, la solitude, c’est l’extase immédiate. Ce n’est pas vendeur ; tout ce qui est vendeur est suspect... C’est pour cette raison que je fais beaucoup de « marionnettes », parce qu’il ne faut pas se laisser marginaliser. Eh oui, c’est très important et cela fait partie de la « guerre secrète » dont je parle. On est dans une société où l’on ne parle que d’argent...

Playboy : Et vos contemporains ? Si vous pouviez nous dire quelques mots sur les auteurs suivants : Guy Debord, Jean-Jacques Schuhl, Frédéric Beigbeder, Yannick Haenel...

Ph.S. : Debord : génie... d’un mauvais parti... Jean-Jacques Schuhl : un génie du silence adapté à chaque instant... Frédéric Beigbeder : très grand talent de dérision et d’autodérision calculée, mais il se bat, lui aussi, on lui met des étiquettes qu’il continue à arracher sans jamais s’arrêter. Et Yannick Haenel, Cercle est un chef-d’ ?uvre.

Playboy : Comment voudriez-vous que l’on se souvienne de vous ?

Ph.S. : En me lisant.

Playboy : Et le paradis, c’est où exactement ?

Ph.S. : «  C’est où je suis », ce n’est pas moi, c’est de Voltaire malheureusement... Et de moi : «  Le paradis, c’est l’amour, quand il existe.  »


Interview de Yan Ceh
PLAYBOY n°85, décembre 2007

Crédit : http://www.playboy.com/

L’article se termine par deux liens : l’un sur Gallimard, l’autre sur pileface. Merci Playboy.


[1Le photographe Henry Roy qui place son portrait de Sollers pour Playboy dans une entrée de son blog du 11/04/12, et mentionne 2008, se serait-il trompé d’année ?

[2Crédit : buzz-litteraire.com

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3 Messages

  • michel | 1er mai 2012 - 19:10 1

    Louis de Rouvroy de Saint-Simon (1675-1755)


  • V.K. | 20 avril 2012 - 14:49 2

    Oui, Alma, c’était une coquille ; il faut bien lire XVIIIème siècle, le siècle de référence de Sollers.


  • Alma | 19 avril 2012 - 16:32 3

    L’interview PLAYBOY du mois (déc. 2007) : dans le cours de la réponse de Sollers à la 21ème question, on trouve : « [...] C’est contraire à mon petit système de signalisation, et de celui du XVIIe siècle auquel je me réfère. Si les Français pouvaient admettre qu’ils ont été une grande civilisation, notamment à cette période... Moi, ça me fait plaisir de reprendre la flambée encyclopédique. Diderot me téléphone tous les huit jours... », il faut plutôt lire XVIIIe siècle, non ?