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L’encombrant Monsieur Pétain

D 11 décembre 2013     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

«  La France moisie a bien aimé le XIXe siècle, sauf 1848 et la Commune de Paris. Cela fait longtemps que le XXe lui fait horreur, boucherie de 14 et humiliation de 40. Elle a eu un bref espoir pendant quatre ans, mais supporte très difficilement qu’on lui rappelle l’abjection de la Collaboration. »

Voilà ce qu’écrivait Sollers en 1999 dans La France moisie, un article du Monde qui valut à son auteur un procès qui dure encore. La dernière phrase surtout, irrita beaucoup [1]. Où en sommes-nous aujourd’hui dans un contexte de déliquescence, mélange de mémoire encombrée et d’oubli de l’Histoire, dont les symptômes sont tous les jours plus visibles ? Eh bien, sur la France de 1940 à 1944, la collaboration et l’antisémitisme de l’« État français », le refoulement dont ils firent l’objet pendant cinquante ans, la télévision de service public peut parfois nous offrir de bonnes surprises et nous présenter des émissions simples, claires, pédagogiques à des heures de grande écoute. C’était le cas le mardi 10 décembre, sur France 2, avec « Un jour, une histoire », consacrée à L’encombrant M. Pétain, avec des archives inédites.

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Philippe Pétain et Adolf Hitler le 24 octobre 1940 à Montoire.

L’encombrant M. Pétain


Un film inédit de Laurent Delahousse, Jean-Edouard Choppin, Frédéric Martin, avec la participation de Jean-Yves Le Naour.

Montage de Alexis Guillot.

6 juin 1944. Les Alliés débarquent sur les plages de Normandie. Alors que le général de Gaulle appelle depuis Londres les Français à combattre pour la libération du pays, le maréchal Pétain, acclamé à Saint-Etienne, leur demande ne pas se soulever contre l’Occupant. Deux hommes, deux discours, deux camps qui s’affrontent.

Ces années de profondes divisions, entachées par la collaboration de Pétain et de son gouvernement avec l’Allemagne nazie, la France aura beaucoup du mal à y faire face. Le pouvoir politique s’efforcera de tourner la page, glorifiant les résistants pour faire oublier les collabos, effaçant les crimes de Vichy et sa participation à la Shoah.

Comment le pouvoir politique a tout fait au cours de ces dernières décennies pour tenter de faire oublier ces pages noires de l’histoire de France ? Qui sont ces historiens, ces cinéastes et ces militants qui ont lutté pour que la vérité historique soit établie et reconnue ? De la rafle du Vel d’Hiv en 1942 au discours de Jacques Chirac le 16 juillet 1995, en passant par des épisodes méconnus comme l’exil de Pétain en Allemagne en 44 ou le vol de son cercueil en 1973, ce film raconte l’histoire mouvementée d’un combat pour la mémoire.

Basé sur des images d’archives inédites, tourné dans des lieux emblématiques comme Vichy et l’île d’Yeu, le film repose sur le récit de témoins exceptionnels parmi lesquels Robert Badinter, Roland Dumas et Serge Klarsfeld et l’analyse d’historiens de référence tels que Robert Paxton, Henry Rousso et Marc Ferro.

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L’encombrant M. Pétain

Premiers témoignages sur la rafle du Vel’ d’Hiv.

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Une France aux deux visages

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Un maréchal en exil

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Face à la justice

Le procès.

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L’île de l’oubli

L’île d’Yeu (1945-1951). Cinéma.

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Les pétainistes font de la résistance

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L’étudiant étranger : Robert Paxton

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Les ambiguïtés du Président

François Mitterrand.

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Chirac, 4 juillet 1995 — Une question qui reste ouverte

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Crédit : France2.

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Analyse

Le 10 juillet 1940, par 569 voix contre 80, l’Assemblée nationale investissait le maréchal Pétain de tous les pouvoirs. Confrontés au plus grand drame que le pays ait jamais connu, les Français voulaient la paix et acclamèrent un sauveur dans ce vieux soldat. Le film évoque des épisodes méconnus de la fin du régime de Vichy, le procès du maréchal Pétain, son internement à l’île d’Yeu, ses funérailles en 1951, ainsi que le vol de son cercueil, dans des conditions rocambolesques, vingt ans plus tard. S’il s’attache autant à la figure du Maréchal, c’est qu’elle est centrale.

Il faut attendre les années 1970 pour que la collaboration, à peine mentionnée dans les manuels pendant deux décennies, ressurgisse et enflamme les esprits. Grâce à un documentaire de Marcel Ophuls et André Harris, Le Chagrin et la Pitié, censuré par l’ORTF mais diffusé en salles. Grâce aussi au livre d’un historien américain, La France de Vichy, de Robert Paxton, qui révèle à une France stupéfaite que le maréchal Pétain est à l’origine de la loi sur le statut des juifs — une des plus dures d’Europe — et que les nazis n’ont jamais demandé que les enfants soient déportés — Pierre Laval a pris cette initiative lui-même. Tout cela était relégué au fond des mémoires. Le mythe de la France unanimement résistante, forgé à la Libération par le général de Gaulle, semblait indestructible. Les 75 000 juifs de France, déportés avec la complicité de la police française et du gouvernement de Vichy tout au long de la guerre, la république ne les reconnaissait pas.

La mémoire officielle continua à refouler les heures noires de notre histoire jusqu’à jacques Chirac et son fameux discours du 16 juillet 1995, lors des commémorations de la rafle du Vel’ d’Hiv : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été, chacun le sait, secondée par des Français, secondée par l’État français. » Un film qui vaut surtout par la qualité des images d’archives (souvent inédites) et des témoignages, même s’il a tendance à privilégier l’anecdote sur la réflexion historique.

Eric de Saint Angel, Le N.O. du 09-12-13.

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Robert Paxton, historien de la France de Vichy

Robert Paxton est l’invité de Guillaume Erner sur France Inter (21 juillet 2009) et parle de son livre Les archives de la vie littéraire sous l’Occupation.


France Inter - Robert Paxton

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L’historien américain Robert Paxton s’est vu décerner l’ordre du mérite pour récompenser ses travaux. Il a en effet démontré que la France de Vichy avait devancé les demandes nazies au cours de la Deuxième Guerre mondiale.

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Lire : La France de Vichy 1940-1944 et Robert Paxton : « Ce document est absolument sidérant » (2010)
et encore Antisémitisme-l’histoire d’un déshonneur bien français (2015) pdf .

Sur la réalité concrète de la période de la Collaboration, au lycée, je n’ai rien appris et, dans ma famille, peu de choses. Je dois à Robert Paxton d’avoir découvert, étudiant (mais par moi-même), ce qu’était la France de Vichy. Ma gratitude est infinie.

A.G., 11-12-13.

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[1Vous trouverez l’essentiel des réactions à cet article dans La France moisie.