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Antonin Artaud et André Breton chez Lise Deharme (1935)

D 17 février 2024     A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Je reçois hier soir ce message pour le moins inattendu et bien sympathique.

Et, en quelques clics, je tombe sur cet article de Florence de Mèredieu dont l’intérêt me paraît si évident que je le reproduis ci-dessous. Puis je suis allé à la découverte de la mystérieuse Lise Deharme...

Antonin ARTAUD et André BRETON chez Lise DEHARME (1935).



1* André Breton, Antonin Artaud et Paul Eluard.
Cliché pris chez Lise Deharme,
Montfort-en-Chalosse, été 1935.
(Archives départementales des Landes).
ZOOM : cliquer sur l’image.

La grande surprise du livre de Nicolas Perge (Lise Deharme, Cygne noir, Jean-Claude Lattès, paru à l’automne 2023**) fut pour moi la découverte de cette photographie sur laquelle posent ensemble trois représentants de ce qui fut nommé la Centrale surréaliste : André Breton, Antonin Artaud et Paul Eluard. Nous sommes en 1935. Le temps a passé depuis le temps où ils naviguaient tous dans le même bateau… des "Dadas".

Cette photographie m’est apparue extraordinaire dans la mesure où c’est le seul document que je connaisse où l’on voit ensemble Artaud et Breton, de surcroît très proches l’un de l’autre puisqu’ils se touchent. On comprend bien qu’ils posent et que le (ou la) photographe a souhaité un rapprochement des personnages. Ce que corrobore un cliché « jumeau » (voir plus bas) dans lequel une distance entre les personnages est instaurée.

Il faut avoir à l’esprit qu’Artaud est (curieusement) à peu près totalement absent de l’iconographie surréaliste. Nombreuses sont autour de 1924 les photos de groupe représentant les membres de la Centrale surréaliste. Artaud n’y figure pas. Cette photographie est donc surprenante et tout à fait unique en son genre qui montre — durant l’été 1935, dans le jardin de la propriété de Lise Deharme dans les Landes, à Montfort-en-Chalosse — Artaud et Breton, se tenant par les épaules. — Breton s’appuie en tout cas sur l’épaule d’Artaud.

Ces documents ayant appartenu à Lise Deharme ne sont que depuis peu disponibles aux Archives des Landes. En 2006 (au moment où je bouclais mon ouvrage sur la vie d’Antonin Artaud, je n’ai donc pu en avoir connaissance). Le biographe travaille à partir des documents dont il dispose et qu’il peut consulter. Antonin Artaud fut des décennies durant « chasse gardée » et territoire interdit. Bien des documents ressortent aujourd’hui — pour des raisons très diverses. Amenant des surprises et des découvertes.

Cette photographie est pleine de sens : en ce qui concerne déjà le rapport des deux hommes entre eux et en ce qui concerne aussi l’état d’Antonin Artaud en cet été 1935. Quel est le contexte ? — Au printemps 35, ce fut pour Artaud l’aventure de sa pièce de théâtre, Les Cenci. Aventure rudement menée, évènement mondain largement commenté par la presse, certaines des critiques parues n’étant pas du tout négatives… loin s’en faut. Commercialement parlant, ce fut un échec et Artaud le ressentit pour une part comme tel. Le poète a donc traversé des mois difficiles et prit maintes substances toxiques. Il cherche alors à se désintoxiquer en clinique et le fera en septembre à son retour à Paris.

Depuis quelque temps, il envisage de partir au Mexique, sur les traces des anciennes cultures précolombiennes. Il a déjà pris des contacts et s’en est ouvert à Jean Paulhan. La « machine mexicaine » est donc sur les rails. — Le 23 août — et sur un registre plus personnel — eut lieu le décès d’Yvonne Allendy, figure féminine tutélaire qui joua un rôle certain dans la vie d’Artaud. Le poète est donc dans une passe difficile.

Depuis 1924, les relations d’Artaud et de Breton ont connu des hauts et des bas. Ils se sont violemment affrontés et souvent réconciliés. De manière parfois superficielle, mais aussi d’une manière plus profonde, chacun suivant sa route et traçant son sillon. Ajoutons qu’une part de théâtre et d’esbrouffe doit jouer aussi dans ces escarmouches mondaines.

À l’été 35, Artaud semble ne pas avoir participé au tournage du film de Man Ray, dans la maison de Lise Deharme. Chaque jour il se rendait au village, chez Marie Dubuc, institutrice du village douée de dons de voyance et avec laquelle il entretint une correspondance qui se prolongera durant l’aventure mexicaine.

Le plus étonnant dans la photo ci-dessus c’est cette proximité tactile des personnages. Ceci est d’autant plus surprenant que c’est une époque où Artaud commence à présenter des phobies de contacts. Il ne supportera pas qu’on le touche ou qu’on touche les objets défensifs dont il va s’entourer (la petite épée de Tolède, don d’un sorcier à Cuba ; la canne de Saint Patrick qu’il emportera en Irlande comme un talisman et sur laquelle on ne devait pas porter la main).

Il est difficile de gloser sur les relations de ces deux personnages durant ce séjour. Ce que l’on sait, c’est qu’Artaud est alors très mal et en instance d’une cure de désintoxication. Le journal tenu par Lise Deharme précise alors que ses compagnons de séjour se sont plaints de ce que Artaud déplace des meubles la nuit. La maîtresse de maison intervient et tout rentre dans l’ordre. Lise demande aussi au poète de mettre un peu d’ordre dans sa tenue vestimentaire ; celui-ci s’exécute et elle le voir réapparaître en vrai dandy, propre et cheveux gominés. La tenue légère et le pantalon clair qu’il arbore sur la photo font sans doute partie de ce nouveau look. Marie Dubuc précisera plus tard qu’elle l’entendait arriver chez elle « avec sa silhouette svelte » et ses « sandales nouées à la grecque ».



1* André Breton, Antonin Artaud et Paul Eluard.
Cliché pris chez Lise Deharme,
Montfort-en-Chalosse, été 1935.
(Archives départementales des Landes).
ZOOM : cliquer sur l’image.

Les deux clichés conservés diffèrent par l’attitude des personnages qui ou se sont disjoints ou, au contraire, se sont à un moment rapprochés : on ne sait quel est le premier cliché. Et là aussi, il y a surprise : aucun document connu ne nous montre Artaud (Antonin de son surnom) les bras nus. Il est généralement affublé de costumes et (au cinéma) de chasubles amples et monastiques ou de vêtements qui dissimulent son anatomie.

Nus, blancs et croisés, ses bras s’avèrent de surcroît très musclés. Physiquement parlant, il semble très athlétique. Ce qui peut sembler aller de soi chez un acteur de théâtre qui n’a cessé d’évoquer ce qu’il dénomme « un athlétisme affectif  » et a sans doute pratiqué des exercices corporels. On sait qu’il marche beaucoup et l’on découvre en lui cette « chair », qu’il a tant évoquée pour la vilipender. Comme dans ces textes où le corps revêt les apparences d’une « momie de chair fraîche ».

On va me dire que j’exagère, que tout cela est bien trivial. — Mais, justement, il y a, chez Artaud, quelque chose de fondamentalement trivial dans la chair.

Dora Maar, présente à Montfort, en ce même mois, enregistra alors plusieurs scènes collectives. Comme ce repas pris chez Lise Deharme. Sur un des bords de l’image, on y trouve (ô ironie de l’histoire) une « moitié d’Artaud », que l’on reconnaît à son bras nu et à son pull foncé aux manches courtes. Tout autour Lise Deharme, Breton, sa femme Jacqueline, Tristan, etc. Artaud est bien là… mais coupé en deux au ras de l’image… On croit comprendre qu’il n’est pas au cœur des préoccupations.



Henriette Theodora Markovitch, dite Dora MAAR 1907 - 1997
Repas en intérieur chez Lise Deharme avec André Breton, Paul Éluard, Tristan et Lise Deharme - Château de Montfleury, Montfort-en-Chalosse, c. 1936-1937.
Artcurial. Cette photo ne figure pas dans l’article (A.G.).
ZOOM : cliquer sur l’image.

Ces photos témoignent d’une certaine familiarité entre Artaud et Breton, celle qu’on peut imaginer entre deux personnages qui se connaissent depuis longtemps et qui survit aux querelles. — Au Mexique, Artaud évoquera d’ailleurs le surréalisme dans ses conférences à la façon dont on se souvient d’une sorte d’âge d’or perdu.

Le 15 novembre de la même année, Artaud fera, chez Lise Deharme, une lecture de sa pièce «  le Supplice de Tantale » (pièce aujourd’hui perdue). Il y convie Breton. On ne sait si celui-ci est venu et s’ils se sont revus. L’aventure mexicaine se concrétise, Artaud part en janvier 36 ; les deux hommes ne se reverront que fin 1936, au hasard d’une rencontre dans un café de Montparnasse.

Je renverrai pour finir à cet Entretien que j’eus avec Floriano Martins et Wolfgang Pannek : "Antonin Artaud et le surréalisme. Le « bateau des Dadas » **. Aucune question ne m’avait alors été posée sur cette muse et mécène des avant-gardes, disparue des radars culturels au fil des ans. Le point de départ de cet entretien était pourtant ma biographie du poète (C’était Antonin Artaud, Fayard 2006) où figurent bien des éléments relatifs aux relations d’Artaud avec Lise et Paul Deharme. Le Livre de Nicolas Perge devrait raviver l’intérêt porté aux interactions de ces trois personnages.

* Concernant les photos des Archives départementales des Landes, la photo 1 a la cote 107 J 54-19-012 et la photo 2 la cote 107 J 54-19-011.

** On trouvera une critique de ce livre dans le blog précédent, du 11 février 2024.

** Entretien Antonin Artaud et le surréalisme, le « bateau des Dadas »

Florence de Mèredieu. Philosophe de formation, écrivain, spécialiste de l’art moderne et contemporain, Maître de conférences (Université Paris I, 1981-2004). - Photographe, cinéaste. - Livres sur Le dessin d’enfant, van Gogh, André Masson, Duchamp, Picasso, Gutai, les nouvelles technologies, Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain (Bordas, 1994/Larousse, 2004 ; 2017). Collaboration à des revues (Art Press, Art News, Communications, La Nouvelle Revue Française, Traverses, La Revue d’Esthétique, Parachute, Vertigo, etc.). Dix ouvrages consacrés aux différentes vies d’Antonin Artaud. 1984 : Antonin Artaud, Portraits et gris-gris (Blusson, éditions augmentées, 2007-2019). - C’était Antonin Artaud, biographie (Fayard, 2006) ; Sur l’électrochoc, le Cas Antonin Artaud (1996, Blusson) ; Antonin Artaud dans la guerre, de Verdun à Hitler (Blusson, 2013), etc. - FICTIONS Borges & Borges illimited ; Et Beckett se perdit dans les roses, Blusson 1993 et 2007). - Dernier ouvrage : BACON ARTAUD VINCI. Une blessure magnifique, Blusson, 2019.

Le blog de Florence de Mèredieu

Je suis donc allé à la découverte de Lise Deharme, « la Dame de Pique » de Man Ray ou encore « la Dame au gant » dont André Breton, qui l’a rencontrée pour la première fois en 1924 (retenez la date) dit, de manière assez énigmatique, aux pages 63-64 de mon vieil exemplaire de Nadja dont elle est un personnage (édition de 1964, revue par Breton en 1962) :

« Je me souviens aussi de la suggestion en manière de jeu faite un jour à une dame, devant moi, d’offrir à la “Centrale Surréaliste”, un des étonnants gants bleu ciel qu’elle portait pour nous faire visite à cette “Centrale”, de ma panique quand je la vis sur le point d’y consentir, des supplications que je lui adressai pour qu’elle n’en fît rien. Je ne sais ce qu’alors il put y avoir pour moi de redoutablement, de merveilleusement décisif dans la pensée de ce gant quittant pour toujours cette main. Encore cela ne prit-il ses plus grandes, ses véritables proportions, je veux dire que cela a gardées, qu’à partir du moment où cette dame projeta de revenir poser sur la table, à l’endroit où j’avais tant espéré qu’elle ne laisserait pas le gant bleu, un gant de bronze qu’elle possédait et que depuis j’ai vu chez elle, gant de femme aussi, au poignet plié, aux doigts sans épaisseur, gant que je n’ai jamais pu m’empêcher de soulever, surpris par toujours de son poids et ne tenant à rien tant, semble-t-il, qu’à mesurer la force exacte avec laquelle il appuie sur ce quoi l’autre n’eût pas appuyé. »

Nicolas Perge - Lise Deharme, cygne noir

Cette romancière est tombée l’oubli alors qu’elle était une figure centrale du surréalisme. Voici l’histoire de “la Dame de pique” : Lise Deharme.

Lise Deharme et la vie de Breton

Lise Deharme en dame de pique par Man Ray

Lise Deharme en dame de pique fait partie d’une série de quatre portraits en cartes à jouer réalisée en 1935 par le photographe américain Emmanuel Radnitsky. Sous le nom de Man Ray, celui-ci avait déjà acquis à cette époque une renommée internationale, grâce à ses photos publiées dans des revues de mode comme Vogue, Vanity Fair ou Harper’s Bazaar, mais aussi dans les revues d’avant-garde du groupe surréaliste. Les quatre modèles sont des artistes, proches du groupe, tout particulièrement de Man Ray, mais aussi de Paul Eluard et d’André Breton. Il s’agit de Valentine Hugo en dame de carreau, Nusch en dame de trèfle, Jacqueline Lamba en valet de cœur – nous verrons pourquoi – et Lise Deharme. Si Man Ray ne réalisa pas un jeu entier – et probablement n’en eut-il jamais l’intention – cette petite série lui permet de déployer un large registre d’effets visuels inhabituels, quoique déjà expérimentés dans la fabrication des cartes postales : surimpressions, dédoublements, déformations optiques, retouches sur négatif et collages.

En même temps qu’un petit trésor d’ingéniosité photographique, Lise Deharme en dame de pique, est aussi un merveilleux portrait de celle que Breton appelait dans Nadja, la « dame au gant ».

Un peu plus tard, cet autre message.

Des textes inédits d’Antonin Artaud, publiés à Cuba en 1936



Antonin Artaud. ZOOM : cliquer sur l’image.

La découverte de textes inédits implique toujours une certaine prudence — encore que l’aura de l’auteur intéressé conduise parfois à des écarts scientifiques. Rimbaud, pour exemple, connut son lot de fausses joies littéraires. Et dans une période où les textes de Céline occupent tout l’espace médiatique, comment un certain Antonin Artaud rivaliserait-il  ?

«  Ayant eu vent de textes inédits d’Artaud retrouvés récemment à Cuba, nous avons pu les consulter en nous procurant la correspondance de Laurine Rousselet et de Bernard Noël, Artaud à La Havane. A noter que ces textes inédits ont aussi été publiés en espagnol dans l’ouvrage de Pedro Marques de Armas, Artaud en La Habana   », expliquent François Audouy et Illios Chailly à ActuaLitté.

Le premier, essayiste, a plusieurs fois écrit sur celui qui voulut «  en finir avec le jugement de Dieu  ». Un premier ouvrage paru chez L’Harmattan en 2016 explorait la sur-vivance artaldienne — cette faculté «  d’un nouveau-né éternel, d’un trompe-la-mort, d’un tueur de verbe   ».

Avec le second, comédien, a soutenu une thèse de doctorat en 2011, sous le titre La notion de révolte dans l’oeuvre d’Antonin Artaud. Et signé également quelques articles, ainsi qu’un autre ouvrage corrélant le surréalisme à l’œuvre du poète, parti à la recherche «  d’une autre vision de révolution beaucoup plus existentielle  ».

Vers le Mexique

Que sont alors ces pages inédites signées Artaud  ? Elles émanent d’articles — une quinzaine de pages — que l’auteur partant vers Mexique avait envoyés à une revue cubaine en 1936, Grafos. «  S’ils ne renouvellent pas radicalement la vision que nous pouvons avoir de leur auteur, nous semblent loin d’être anecdotiques  », indiquent les deux hommes.

De fait, une édition espagnole parue en décembre 2021 signée Pedro Marqués de Armas, essayiste et universitaire, rendait compte de ces textes dans Antonin Artaud en La Habana.

L’ouvrage ressemble à une chronique relatant le séjour du Français dans la capitale cubaine. En tout, trois textes rigoureusement inédits et deux autres à peine connus furent publiés dans les pages de Carteles y Grafos. Mais avant tout, ces récits témoignent de cette relation entretenue avec un territoire, bien avant la recherche mystique qui l’entraînera à la découverte des Tarahumaras.

En cette année 1936, Artaud, 40 ans, entend rencontrer l’ancienne culture solaire et part, comme il l’écrit à René Thomas, «  à la recherche de l’impossible   ». Pour François Audouy et Ilios Chailly, pas de doute : «  Ces textes nous semblent éclairer certaines des thématiques développées par Artaud à l’époque mexicaine.  »

Entre poètes...

Ces articles oubliés, Pedro Marques de Armas, avec le concours de l’enseignant cubain Ricardo Hernandez Otero les fit donc paraître dans Antonin Artaud en La Habana. L’ouvrage de la poétesse Laurine Rousselet Correspondance avec Bernard Noël. Artaud à La Havane après les avoir découverts, les utilisera, comme une conclusion aux échanges épistolaires correspondance entre les deux poètes. Tous deux s’entretiennent sur «  les nouvelles formes de pensée auxquelles nous conviait l’auteur du Pèse-nerfs  ».

À la lecture, François Audouy trouve une véritable valeur et une originalité complète, estimant qu’ils «  auraient tout à fait leur place dans les Messages révolutionnaires, la compilation des articles d’Artaud parus dans les journaux mexicains. Ils y auraient d’ailleurs sans doute figuré si Paule Thévenin — qui connaissait leur existence — avait été à même de les retrouver  ».

Ilios Chailly précise que ces «  articles écrits au Mexique entre juin et décembre 1936, Artaud avait l’intention de les réunir sous le titre général de Messages révolutionnaires. Dans une chemise verte de Guy Lévis Mano, Paule Thévenin a également trouvé à la Bibliothèque nationale un autre manuscrit inédit d’Artaud intitulé La Force du Mexique. Ce texte sera publié dans le numéro 354-355 de La nouvelle Revue Française, (juillet-août 1982)  ».

Mais redécouverte des articles perdus résulte avant tout de la rencontre entre Laurine Rousselet et Bernard Noël, qui se croisent lors de la semaine de la Francophonie, du 19 au 25 mars 2005. À compter de février 2018, une correspondance avec Artaud pour focale débute entre eux, et ce sera en juin 2009, lors d’une résidence d’écriture à La Havane que Laurine Rousselet «  découvre à la Bibliothèque José Marti quatre articles inédits d’Artaud publié dans la revue Grafos  ».

Quatre textes, traduits du français à l’espagnol El Teatro en Mexico, La Corrida de Toros y los sacrificios humanos et Pintura roja, paraissent en juin 1936. Le dernier, Los indios y la Metafisica, sortira en décembre. Un cinquième texte publié dans la revue n’était autre que Le Théâtre de la cruauté, traduit.

Leur parution est attestée à travers diverses sources — en 2016, l’essayiste et psychiatre Pedro Marquez de Armas, découvre l’existence de ces textes dans une note du journal de la Marine de Cuba, où le nom d’Artaud est mentionné. Avec le chercheur cubain, Ricardo Fernandez Otero, il parviendra à mettre la main sur les textes, avant de les faire paraître dans l’ouvrage de 2021.

Artaud, au plus proche

«  Sur la forme, le style est certes différent de celui des Messages Révolutionnaires. Cela n’a toutefois rien de surprenant puisqu’il a d’abord été traduit du français à l’espagnol et puis de l’espagnol au français. La traduction française est de Vincent Ozanam  », note Ilios Chailly. Sur le fonds, pas de doute, les textes relèvent des sujets propres à Artaud, explique-t-il, apportant de multiples exemples pour l’étayer.

Dans Le Théâtre et le Mexique, Artaud écrit : «  Dans un monde où la civilisation blanche a fait faillite, et prouve par tous les moyens sa nocivité redoutable, ce n’est pas le moment de détruire les sources qui pourraient nous éviter de désespérer.  » C’est une idée qu’on retrouve dans son texte La fausse supériorité des blancs.

Dans La corrida et les sacrifices humains, Artaud écrit : «  L’acteur qui va commettre un crime ne le commet pas en réalité  ; il garde par conséquent intactes les forces qui lui servent pour son crime. Le véritable criminel, au contraire, du point de vue du théâtre, est un mauvais acteur, car il finit par perdre ses forces.  » C’est une idée qu’on retrouve dans un passage du Théâtre et son Double.

Dans Peinture rouge, Artaud écrit «  La peinture de Maria Izquierdo prouve que l’esprit rouge n’est pas mort : que sa sève bouillonne avec une intensité accrue du fait même du long travail d’attente, d’incubation, de macération.  » C’est une idée qu’on trouve dans La peinture de Maria Izquierdo (Messages Révolutionnaires).

Dans son dernier texte Les Indiens et la métaphysique Artaud écrit : «  Là-haut, dans les montagnes les plus reculées de la Sierra Madre, au Milieu de ses horizons multipliés à l’infini et remplis par des fonds immenses aux perspectives étagées, les Tarahumaras célèbrent encore le rite métaphysique du soleil, fondé sur les nombres principes.   » La question des nombres principe est un concept qu’on trouve dans Le symbolisme des nombres du docteur René Allendy.

Et François Audouy de reprendre : «  En somme, si ces textes inédits d’Artaud ne modifient pas notre façon de percevoir l’auteur de L’Ombilic des Limbes, ils précisent et affinent certains de ses concepts et de ses obsessions de la période mexicaine. » Ainsi, «  ces textes, exhumés de manière tardive, constituent une nouveauté non négligeable dans les recherches toujours vivaces autour de la vie et de l’œuvre d’Artaud. Ils doivent donc être étudiés et sérieusement pris en compte  »

Crédits photo : thierry ehrmann, CC BY SA 2.0. Actualitté

A propos du masque mortuaire d’Antonin Artaud


Masque mortuaire d’Antonin Artaud.
ZOOM : cliquer sur l’image.

Quelques extraits d’un article en cours de rédaction (n°9, septembre 2024) concernant le masque mortuaire d’Artaud, issu de la revue Écho Antonin Artaud :

“L’original en plâtre du masque mortuaire d’Antonin Artaud est conservé à la Bibliothèque nationale de France.“

« Dans “L’Affaire Artaud” de Françoise de Mèredieu, le masque en bronze qui apparait était en possession de Jean Paulhan. Il semblerait que Claire Paulhan ait autorisé son utilisation en couverture du livre.
“André Voisin évoque le masque et sa signification dans le film “Artaud le visage” et dans l’ouvrage “Artaud vivant” de Alain et Odette Virmaux, ajoutant une dimension personnelle à l’histoire de cette relique : . "J’ai immédiatement foncé à Ivry. C’était l’après-midi, quelques amis étaient déjà là quand je suis entré dans la chambre : Adamov, Roger Blin entre autres. Et puis un mouleur était présent, qui venait prendre l’empreinte du masque mortuaire. Artaud était étendu sur son lit, on avait disposé entre ses mains un tout petit bouquet de violettes, c’était très beau. A mon arrivée, le moulage avait déjà commencé. J’ai regardé la scène. Adamov est sorti, je crois : il ne pouvait pas supporter le côté, comment dirai-je, "mécanisé" du mouleur qui faisait son travail comme un plâtrier, tranquillement. [...] Pour ma part, je trouvais très beau ce silence, ce calme fantastique qui régnait dans la pièce. Puis le moulage a pris fin, le mouleur a enlevé le masque, et Artaud est apparu couvert d’une paraffine ambrée, comme un vieux guerrier, comme tous les personnages d’un théâtre royal qui n’a jamais été écrit mais vers quoi il tendait. Après cela, le mouleur a peigné ses cheveux, et comme ils étaient encore humides, cela formait de grands rayons, une véritable couronne de cheveux dressés tout autour de son visage. Je me souviens avoir dit à Roger Blin : “Il faudrait le laisser comme ça.” Évidemment, ce n’était pas possible, et le mouleur l’a repeigné normalement. Mais je garde la vision d’un fantastique légionnaire de l’impossible ; c’était comme un soldat du poème essentiel, du chant du monde. Il était allé jusqu’au bout sur ce chemin, et puis il était là, paisible, comme un combattant qui a fini de combattre. »
J’ai trouvé la photo dans Jaqueline Paulhan, Masque mortuaire d’Artaud.

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