4 5

  Sur et autour de Sollers
vous etes ici : Accueil » ILS / ELLES ONT DIT » Que contiennent les lettres de Céline récemment retrouvées ?
  • > ILS / ELLES ONT DIT
Que contiennent les lettres de Céline récemment retrouvées ?

Lettres à Edith Follet, sa première épouse (dossier de son divorce)

D 21 novembre 2023     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Les lettres de Céline adressées à sa première épouse.Edith Follet (Dossier de divorce)

Les descendants de l’écrivain et leur avocate ont retrouvé les courriers joints au dossier de son divorce avec Édith Follet. L’histoire n’est plus tout à fait la même.

Par François-Guillaume Lorrain
Le Point, 18/11/2023


Les lettres de Céline adressées à sa première épouse.
© Guillaume Grenet/ Archives Départementales d’Ille-et-Vilaine

Du nouveau chez Céline. Eh oui, encore ! Cette fois, ce ne sont pas des manuscrits, mais des lettres. Pas n’importe lesquelles, puisqu’il s’agit de celles adressées à son épouse Édith Follet entre 1924 et juin 1926, date de leur divorce.

Et elles n’ont pas été retrouvées par n’importe qui. Dans le rôle des découvreurs, les descendants de l’écrivain, et Claire Simonin, l’avocate de la famille qui, en juin, a assigné en justice les éditions Gallimard ainsi que les ayants droit de l’écrivain, François Gibault et Véronique Chovin.

Pendant que le dossier s’instruit, les descendants et leur conseil ont profité de l’été pour mener une enquête. Ils se sont rendus aux archives départementales de Rennes afin de retrouver le dossier de divorce de Céline et en examiner le contenu exact. Jusque-là, les biographes présentaient l’affaire de la manière suivante : l’écrivain, qui ne voulait pas divorcer « par un vieux réflexe bourgeois », écrit par exemple François Gibault dans sa biographie, avait finalement formulé des propos très agressifs à l’encontre de son épouse qui s’accrochait à lui.

Partout, on citait ce passage d’une lettre : « J’aimerais mieux me tuer que de vivre avec toi en continuité, cela sache-le bien et ne m’ennuie plus jamais avec l’attachement, la tendresse. »

Sept lettres

Cette lettre avait été abondamment reprise, accréditant la thèse d’un fossé et d’une hostilité entre les deux époux. Les biographes pensaient que ce dossier de divorce ne comportait qu’une seule lettre. Or, il y en avait sept en tout, comme l’ont découvert les descendants. Sept courriers qui modifient passablement l’histoire du couple et la position de Céline. On note au passage que les citations de cette lettre ont été parfois tronquées : ainsi peut-on lire ceci en réalité : « J’aimerais mieux me tuer que de vivre avec toi en continuité, ni plus avec une autre. » Édith Follet n’était pas la seule visée, Céline rejetant le genre féminin en général pour une possible vie maritale.

Le courrier le plus intéressant, le plus émouvant, qui a été exhumé est la première lettre, datée de 1924. Cette année-là, Céline est parti travailler à la SDN à Genève tandis qu’Édith demeure avec leur fille Colette à Rennes, dans le milieu médical de son père. On y lit un autoportrait en forme de Confiteor de l’écrivain qui y confesse tous ses péchés : « Je te dois tout et ne te rends rien. Je n’ai qu’à me taire et me considérer comme un beau saligaud que je suis. Charmant et charmeur en surface, en fait, je n’ai aucune qualité de bonheur, et je suis une espèce de monstre stérile et vagabond… Artiste, je le suis sans doute mais pas intelligent car je ne sais pas la mesure de la vie. Je lui demande trop et ne lui rends à peu près rien… Je pleure crois-le bien plus souvent qu’à mon tour et des larmes qui ne doivent rien à personne. Un misérable je le suis certes mais que cela, tout cela. Je n’étais pas mariable et c’est mon remords éternel et non pas mon regret d’avoir précipité d’autres êtres innocents dans la triste aventure de ma vie… »

Toute la lettre mériterait d’être citée, car elle représente un document rare où le futur écrivain se flagelle sans retenue : « si j’avais été jugé, je me fusillerais moi-même plutôt que d’écouter la honte qui bourdonne à mes oreilles ». Sincérité ou manœuvre, en se peignant ainsi au noir, pour se dégager d’un lien qui commence à lui peser. Ce même autodénigrement se poursuit dans la lettre suivante : « Je sais trop la grave vérité de toutes mes déceptions. Je ne sais pas vivre. » En contrepartie, il tresse des éloges à son épouse qu’il décrit « parfaite, fidèle et douce, intelligente à l’infini, patiente », et qui a eu la malencontreuse idée d’épouser un Louis-Ferdinand Destouches. « Si tu n’as pas reçu la visite du malheur, maintenant, c’est fait. »
Dans une autre lettre, de janvier 1925, il lui annonce : « je finirai dans la littérature ». Comme si cette impossibilité à partager la vie d’une femme s’accompagnait, ou s’expliquait, par un dévouement complet à l’écriture, alternative que l’on retrouve chez des écrivains majeurs de ce siècle à commencer par Kafka. Héritage du XIXe siècle : jugé bourgeois, le lien conjugal paraît incompatible avec l’engagement artistique.

Une lettre écrite sur commande

Pour recontextualiser ces courriers, l’avocate Claire Simonin rappelle que les divorces étaient très rares dans les années 1920, surtout dans une ville aussi catholique et traditionnelle que Rennes à cette époque. Concernant ces années-là, elle a du reste relevé très peu de dossiers de divorces. Ces lettres adressées à Édith Follet, celle-ci les aura donc versées au dossier sans les réclamer ensuite ; elles sont restées là pendant près d’un siècle, jamais consultées.

« Comme il était très difficile d’obtenir le divorce pour une femme, il n’est pas à exclure que la dernière lettre de Céline, que l’on cite toujours de manière tronquée, beaucoup moins aimable à son égard, ait été écrite sur commande par Céline, pratique qui avait cours, pour satisfaire les deux parties, à une époque où le divorce par consentement mutuel n’existait pas encore », suppose Claire Simonin.

Le Degas problématique

La famille et l’avocate ont relevé un autre point du dossier non négligeable. La procédure aurait dû prévoir une liquidation des biens. Or, aucune trace n’en a été retrouvée dans le registre des liquidations. Si tel avait été le cas, Céline aurait dû rendre ses cadeaux, notamment le pastel de Degas qui lui avait été offert par sa belle-mère. Un Degas qui s’est retrouvé ensuite chez lui, rue Girardon, puis devant lequel Yvon Morandat, qui fut longtemps le détenteur des manuscrits retrouvés en 2020, posait en 1945 dans ce même appartement pour un magazine, image publiée par Le Point l’an dernier.

Un Degas qui a ensuite mystérieusement disparu. Mais qui ressurgira peut-être puisqu’avec Céline, il semble que tout refasse surface, un jour ou l’autre.

Le Point

Qui était Edith Follet ?

Allons sur le « Petit Célinien « , le site de référence sur Céline où l’on touve quantité d’archives rares

On y apprend, dans un article de synthèse du 24 octobre 2011, qu’Edith et Louis Ferdinand se sont connus à Rennes où Louis-Ferdinand Destouches, pas encore l’écrivain Céline, a vécu de 1918 à 1924. L’article n’est pas signé, mais contient toutes les références de ses sources.

Louis Destouches a 24 ans quand il débarque du train en gare de Rennes, le 10 mars 1918. Il accompagne des philanthropes américains de la fondation Rockefeller venus en France lutter contre la tuberculose et ses ravages. La délégation reçoit un accueil solennel.

« les Rennais se massent des deux côtés du trajet jusqu’à la mairie où le maire reçoit les membres de la commission, présentés par le Dr Follet, président du comité départemental de lutte contre la tuberculose. »

Louis l’ex maréchal des logis cuirassier de 1914, « blessé au bras, médaille militaire et croix de guerre, ancien garde forestier au Cameroun, sans diplôme, est ravi de se frotter au milieu médical. » ajoute le Petit Célinien, qui poursuit :
« Le 11 mars, au cours de la séance inaugurale au théâtre de Rennes fait sa première conférence sur l’hygiène, avec un énorme trac, écrira-t-il plus tard. Dès le 12 mars, au cinéma Omnia, [1] devant un public féminin de jeunes filles du lycée, de l’école normale d’institutrices et de l’école primaire supérieure, il fait "une conférence extrêmement intéressante. Il a parlé avec une grande science de la question et avec un art goûté des plus fins connaisseurs", relate le journal. [2] Et il enchaîne les conférences : le 18 à la halle aux Toiles et à l’école de la rue de Paris, le 19 à la halle aux Toiles et à l’école de garçons du faubourg de Nantes. Devant les syndicats ouvriers il "recommande notamment une lutte énergique contre l’alcool, rappelant que c’est le lit où se couche la tuberculose"[…] »

Puis dans différents autres lieux dont le journal régional Ouest Eclair des 19, 22, 25 mars rend compte. Et le Petit Célinien de poursuivre :

« Le jeune homme a du bagout et de l’allure et plaît, notamment à Edith Follet, 19 ans, fille du docteur Athanase Follet. La jeune fille tombe amoureuse de l’orateur et Destouches est reçu [au domicile du docteur, dans son salon du 6 quai de Richemont. Le docteur est professeur de médecine, médecin à l’Hôtel-Dieu, chirurgien en chef à la clinique de la Sagesse, 17 quai d’Ille-et-Rance, et à l’hôpital militaire Ambroise-Paré avec aussi un cabinet médical, 3 rue Duguesclin.

Après une soirée d’information à Montfort le 28 avril - avec séance de cinéma, le "brillant conférencier" poursuit la tournée dans le nord du département et les mois suivants jusque dans le Finistère. On parle mariage mais Louis doit passer son bachot et se remet au latin sous la direction du supérieur du collège Saint-Vincent, l’abbé Pihan. L’oncle de Louis est secrétaire de la Faculté de médecine de Paris et d’aucuns voient une relation avec la nomination du beau-père, le docteur Follet, au poste de directeur de l’Ecole de médecine de Rennes.


mariage de Louis Ferdinand Destouches avec Edith Follet le 10 août 1919 ..

.

Le 19 août 1919, Louis Destouches, le baratineur anticonformiste, épouse Edith Follet à Quintin et le couple, qui bénéficie en dot d’une pension viagère de 12 000 F., loge au rez-de-chaussée du 6 quai de Richemont et Louis étudie en face, à la Faculté des sciences où il obtient le certificat de physique, chimie et histoire naturelle. […]


Épouse Destouches. Édith Follet, vers 1920 ..

.

En 1920 naît Colette. Louis joue au tennis, monte à cheval, fait de la moto avec son épouse dans le side-car. Il fait médecine, fait des travaux au laboratoire de biologie marine de Roscoff, prépare sa thèse, remplace le docteur Porée, 5 quai Lamennais, l’été 1923, et soutien sa thèse à Paris le 1er mai 1924. […] Il remplace en mai-juin le Dr Cardot à son cabinet de Montfort-sur-Meu et celui-ci a estimé le jeune médecin peu consciencieux. Une plaque, apposée en 2004 sur la maison, évoque ce séjour.] Louis-Ferdinand Destouches (Céline) à Rennes et à Montfort (1918-1957), par Charles-Antoine Cardot ; Bulletin et mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine. t. CVII-2003]]

Il ne vit plus avec son épouse dès 1924, divorce en juin 1926 et quitte Rennes. Il abandonne une perspective de vie bourgeoise et de médecin de province. Il prend le large pour diverses missions pendant trois ans à travers le monde. Toutefois il revient à Rennes voir sa fille avec laquelle il passe un mois de vacances à Dinard. Et Louis Destouches deviendra l’écrivain que l’on sait : Louis-Ferdinand Céline, Céline prénom de sa grand-mère maternelle Guillou... [3]

Le Petit Célinien
Le Point 08/07/2023

« Si, si, il a eu une fille, c’était ma grand-mère ! »

La scène se déroule à Neuilly, en 1989. Guillaume Grenet, élève de terminale, passe son bac de français. Parmi les textes présentés, un extrait de Voyage au bout de la nuit que son examinateur lui demande de commenter. Grenet débute par une brève présentation biographique où il mentionne l’existence d’une fille de l’écrivain, Colette Destouches. « N’importe quoi ! l’interrompt le professeur, Céline est mort sans enfant. » Le lycéen insiste : « Si, si, il a eu une fille, c’était ma grand-mère ! » Agacé par celui qu’il pense être un mythomane, le professeur de lettres l’incite à s’en tenir au texte. « J’en ai été très déstabilisé, j’ai eu très en dessous de la moyenne », nous raconte Guillaume Grenet, l’aîné des arrière-petits-enfants de Céline, qui, malgré cette mauvaise note, a fondé et dirige la Compagnie des commerces, une importante société parisienne de consulting immobilier.

[…] Mais si le pestiféré, à la faveur d’inédits posthumes, est aujourd’hui consacré, l’anecdote du bac traduit bien que sa famille, elle, n’a jamais fait partie du paysage. Comme si Céline ne pouvait être que le père de ses œuvres ! Il avait donc une fille ? Si les céliniens et les lecteurs des biographies ne l’ignorent plus depuis belle lurette, gageons que le grand public, les lecteurs de ses romans n’ont jamais envisagé le furieux en papa ! Précisons que cette fille, morte en 2011 sous le nom de Colette Turpin, a eu cinq enfants, neuf petits-enfants, treize arrière-petits-enfants. Cela fait du monde.

Colette Turpin, née Destouches


Filiation. Colette Turpin, née Destouches, et son fils Jean-Marie.
Colette est la fille du couple Louis Destouches-Edith Follet.
C’est frappant, elle a les yeux de son père ;

La joute judiciaire [autour des manuscrits inédits de Céline, publiés en 2022] a mis en lumière un premier personnage, douloureux et attachant, de la galaxie Céline : Colette, née en 1920 d’un premier mariage avec l’illustratrice Édith Follet. Édith et Louis-Ferdinand s’étaient rencontrés à Rennes en mars 1918, lors d’une conférence contre la tuberculose donnée par Céline, alors membre de la commission Rockefeller.

Et c’est son futur beau-père, le professeur Follet, bientôt directeur de l’École de médecine de Rennes, qui incita l’ex-maréchal des logis, s’il voulait épouser sa fille, à passer son bac pour entreprendre des études de médecine.

Dans D’un Céline l’autre, de David Alliot (Bouquins), on peut lire un long entretien accordé par Colette Destouches-Turpin en novembre 2001, truffé de souvenirs d’un papa excentrique, un « clown » rédigeant le Voyage dans son appartement rue Lepic. « Le soir, il me racontait des histoires, et quand je m’endormais, il se mettait à écrire. À cette époque, j’avais le sommeil léger et j’avais du mal à dormir. De plus, mon père parlait très fort et composait ses dialogues à voix haute. Parfois, il se levait et se déplaçait dans la pièce. Moi, je le regardais faire. Cela me fascinait de le voir écrire si longtemps. Parfois, il se tournait vers moi et me disait : "tu dors, Colichon ?" Je répondais "oui,papa" et il se remettait à écrire. » La mort en 1961 de ce père qui avait pris ses distances pendant la guerre pour, selon lui, la protéger, va la plonger dans une profonde dépression nerveuse, nous apprend Françoise Turpin, l’une de ses filles, née en 1946. « Pendant plus de vingt ans, ma mère a alterné les phases maniaques et dépressives. Tous les deux ans, en juillet, à la date anniversaire de la mort de Céline, elle replongeait. » Dans sa biographie de l’écrivain, François Gibault parle d’une « relation œdipienne ». « Céline aimait sa fille à sa façon, de manière exclusive et avec excès. » Cette dépression, après la disparition d’un père idéalisé, explique en partie un événement majeur survenu en juillet 1962 : sa renonciation à l’héritage. En partie seulement.

Porte close à Meudon.

En réalité, c’est son époux, Yves Turpin, qui renonça pour elle. « En bon pater familias, il tenait les rênes du ménage et, par une initiative unilatérale, sans réunion du conseil de famille, comme la loi le prévoyait, il a tranché pour elle », explique l’avocate Claire Simonin. En somme, il décide de priver ses cinq enfants, tous mineurs à l’époque, de l’héritage célinien. Un solde de tout compte qui est en fait un règlement de comptes posthume entre le gendre et son beau-père. « Il ne voulait pas que je me marie, racontera Colette. Des amis m’ont dit qu’il était venu à mon mariage (en 1942, à l’église Saint-François-Xavier, NDLR), je ne l’ai pas vu. Quelques mois plus tard, j’étais enceinte et je lui téléphonais pour lui demander conseil. Il m’a répondu : "Tu t’es fait engrosser comme une bonniche !", et il a raccroché. » La famille aime aussi à raconter cette anecdote d’Yves Turpin, venu un jour à Meudon et qui y croise son beau-père dans la rue : « Je suis votre gendre », se présente-t-il. « C’est possible », répond l’écrivain, passant aussitôt son chemin, peu désireux par ailleurs de faire la connaissance d’un ingénieur conseil résidant à Neuilly et membre de la bonne bourgeoisie.


Séducteur. Louis Destouches à Rennes, vers 1920. Deux ans auparavant, il y a fait la rencontre d’Édith Follet, âgée de 18 ans.

Aucun des cinq petits-enfants ne sera d’ailleurs admis dans la maison de Meudon. Pour se justifier, Céline avance son émotivité : « Je ne veux créer aucun lien nouveau, plus rien d’affectif », répond-il à sa fille quand elle le revoit, vieilli, à son retour du Danemark en 1951, alors qu’elle lui rappelle l’existence de petits-enfants qui pourraient le « consoler ». Consoler Céline ? Il veut surtout masquer son délabrement physique et ne pas être détourné de son œuvre. […] Un petit-fils - Jean-Marie, l’aîné (1942-2015) - va tenter d’ébrécher ce mur de silence. En mai 1960, alors que Céline a recommencé à donner des interviews à la télévision, il sonne au 25 ter route des Gardes. « "Je suis votre petit-fils", annonce-t-il à l’écrivain, raconte Guillaume Grenet. L’entrevue a duré moins d’une minute. "C’est très bien, rappelez-moi quand vous aurez votre bac." Céline était furieux qu’on lui ait forcé la main. » Cette scène, Jean-Marie Turpin va la décrire lui-même trente ans plus tard, dans un ouvrage publié aux éditions L’Âge d’homme, Le Chevalier Céline (1990). Il y raconte comment l’écrivain téléphone parfois à sa mère. « Une fois, en décrochant, je l’entendis. J’essayais de me présenter. Je reçus : "Oui, oui, si vous voulez me passer votre mère". » Après avoir découvert son adresse dans le carnet de téléphone de sa grand-mère, Édith Follet, le jeune homme de 18 ans, qui a lu toute l’œuvre, débarque à Meudon, des aquarelles sous les bras : « Je n’aime pas les familles, vous savez », lui balance l’écrivain en guise de bienvenue. « Il me fit asseoir, passa un fauteuil devant son bureau, et m’interrogea : nouvelles de ma mère, ce que je faisais. Ma mère allait bien, j’allais passer mon bac. J’allumais une pipe, cela lui suffit. "Rimbaud, la pipe ! Eh bien alors passez le bac, je n’ai pas le temps. J’ai du travail. Beaucoup de travail." Lucette descendit de sa salle de danse. Il me présenta, de mauvaise grâce. Elle me proposa une tasse de thé. Il coupa : "Il ne boit rien. Je n’ai pas le temps. Qu’il aille se promener." » Céline, ou l’art de ne pas être grand-père. Cela n’empêcha pas l’ermite de Meudon de renouer en 1958 avec sa première femme, Édith, après le décès de sa mère, Marie Follet. Ils se revoient, tombent dans les bras l’un de l’autre, sans un mot.

Chez les petits-enfants Turpin, Céline est un fantôme très présent. « On en parlait souvent avec ma grand-mère Édith, morte seulement en 1990, évoque Françoise, qui a tout lu aussi de son grand-père et dit même connaître par cœur ses biographies. Ma mère Colette gardait le souvenir d’un père merveilleux, très doux. La période raciste était en creux, effacée, on ne mentionnait pas ses pamphlets, mais à mesure que je grandissais, j’ai eu honte : je n’étais quand même pas la descendante d’un nazi ! Quand j’ai fait mes études de médecine, un peu avant 68, je fréquentais aussi beaucoup de littéraires. Deux fois, on m’a sorti que c’était un salaud, mais on me disait surtout que je n’y étais pour rien. » En 1967, avec sa sœur Catherine, elle prend à son tour le chemin de Meudon. « Lucette était une femme remarquable, d’une fidélité exemplaire, mais l’ambiance qu’on y a trouvée ne nous a pas plu, il y avait un côté show-biz qui nous était étranger. » Dans les années 1970, elle découvre les entretiens télévisés de son grand-père : « J’ai été frappée de voir que ma mère Colette employait les mêmes expressions que lui. »
[…]

Le Point

Lettres à Edith et Colette

Ce petit livre, dont il est question plus haut, paru en 2018 :

Louis-Ferdinand Céline
63 pages
ÉDITIONS 8 (31/01/2018)

Résumé :
Louis-Ferdinand Céline se confie intimement dans cette correspondance inédite constituée de trente-deux lettres, soit vingt et une à sa première épouse Édith Follet et onze à leur fille Colette. Il s’agit d’un document proprement exceptionnel qui explique le tempérament même de l’auteur, sous certains rapports.

Lettres à Édith et à Colette - Louis-Ferdinand Céline - Babelio


[2Ouest-Eclair 13 mars 1918

[3Les belles années rennaises de Céline-1918-1924, par Georges Guitton, Place Publique n°5.

Un message, un commentaire ?

Ce forum est modéré. Votre contribution apparaîtra après validation par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
  • NOM (obligatoire)
  • EMAIL (souhaitable)
Titre

RACCOURCIS SPIP : {{{Titre}}} {{gras}}, {iitalique}, {{ {gras et italique} }}, [LIEN->URL]

Ajouter un document