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Scandaleuse Colette - 150e anniversaire

Avec Philippe Sollers, Julia Kristeva, Josyane Savigneau

D 28 janvier 2023     A par Viktor Kirtov - C 5 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Aujourd’hui 28 janvier 2023 : le 28 janvier 1873, Sidonie-Gabrielle Colette dite Colette naissait à Saint-Sauveur-en-Puisaye et morte le 3 août 1954 à Paris.
12/01/2023 : Ajout de la section : :« 150e anniversaire : Colette toujours moderne » par Josyane Savigneau
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15/09/2022 : Ajout de la section : :
« Rencontre à la Maison de Colette avec Julia Kristeva le 23 septembre 2022 »
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Gérard Bonal, publie une biographie de Colette. Philippe Sollers en rend compte dans les colonnes du Nouvel Observateur du 30 juillet 2014 et il excelle dans la critique littéraire des auteurs constituant le fonds de la Bibliothèque universelle. Ce papier en est une nouvelle illustration. Lancez Google, lisez n’importe qu’elle autre critique de la même bibliographie de Colette et vous en aurez l’évidente démonstration. Plus qu’une simple critique, Sollers nous plonge dans l’univers de l’auteur à travers citations et notations affutées. Le papier dédié à la critique, devient nouvelle, essai, un morceau de littérature, pour le plaisir du lecteur.

Julia Kristeva dans sa trilogie Le Génie féminin, a consacré un tome à Colette. Un autre angle d’attaque du personnage Colette que nous vous présentons à la suite, en contre-point du papier de Sollers, ainsi qu’un entretien avec Jérome Garcin, amoureux de Colette et qui nous dit pourquoi.

Philippe Sollers : Scandaleuse Colette


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Simone de Beauvoir a rencontré Colette (1873-1954), peu avant sa mort, dans son appartement du Palais-Royal. Son portrait est saisissant : « Percluse, les cheveux fous, violemment maquillée, l’âge donnait à son visage aigu, à ses yeux bleus, un foudroyant éclat. Entre sa collection de presse-papiers et les jardins encadrés dans sa fenêtre, elle m’apparut, paralysée et souveraine, comme une formidable Déesse-Mère. »

Cocteau, son voisin et admirateur, est plus précis : « Vie de Colette. Scandale sur scandale. Puis tout bascule et elle passe au rang d’idole. Elle achève son existence de pantomimes, d’instituts de beauté, de vieilles lesbiennes, dans une apothéose de respectabilité »

Funérailles nationales, foule, bouquets. Colette, grand officier de la Légion d’honneur, et présidente du jury Goncourt, meurt donc à 81 ans, sous des flots d’éloges. Comme le prouve cette passionnante biographie [1], elle a tout traversé : deux guerres mondiales, l’anonymat du travail au noir (les Claudine, avec Willy), la renommée montante, puis débordante, les liaisons multiples, les exhibitions érotiques, le soufre, les fleurs, la nature, les jeux de rôle, le journalisme, une maternité distante, une attention spéciale pour les animaux, l’amour. Elle voudrait tout recommencer, « je veux faire ce que je veux ». Programme pas du tout évident pour une femme, née au XIX siècle. Cette aïeule d’un féminisme pas du tout féministe est tout sauf une intellectuelle. Sensualité d’abord et toujours. La chair du corps n’est jamais assez connue (elle est la première à montrer ses seins nus sur scène), la sexualité est sans cesse plus complexe qu’on ne croit, les mots sont vivants et germent. « Plus que sur toute autre manifestation vitale, je me suis penchée, toute mon existence, sur les éclosions. C’est là pour moi que réside le drame essentiel, mieux que dans la mort qui n’est qu’une banale défaite... L’heure de la fin des découvertes ne sonne jamais. Le monde m’est nouveau à mon réveil chaque matin, et je ne cesserai d’éclore que pour cesser de vivre. » Elle a osé ce blasphème : « La mort ne m’intéresse pas. » Et aussi : « L’homme n’est pas fait pour travailler, et la preuve, c’est que ça le fatigue. »

Un de ses amis d’autrefois lui dit un jour : « Rien n’est plus facile que d’avoir une mauvaise réputation, mais tu verras, plus tard, quel mal on a pour la garder. » De ce point de vue, la vie de Colette semble un ratage complet, mais attention : par les temps plats et puritains qui courent, Colette pourrait éclore de nouveau avec une très mauvaise réputation. Trop libre, trop diverse, trop inventive : son parcours est une permanente autofiction, Willy l’exploite ? Elle se vengera. « Missy » (Mathilde de Morny) s’imagine être son homme ? Colette l’instrumentalise. Henry de Jouvenel la délaisse ? Elle couche avec son jeune fils. Ne pas se faire « coincer », tout est là. Échapper au roman familial tout en jouant, maîtriser le spectacle social, tenir sa ligne, faire de la gymnastique, être, au besoin, une femme d’affaires, et surtout écrire, et encore écrire. Un écrivain véritable se sert de toutes les situations, et les fait tourner en sa faveur. La morale s’indigne, boude, s’agite, et, pour finir, applaudit. Ça peut prendre du temps, mais c’est fatal.

Précocité de Colette. Willy, cet infatigable coureur de filles et de bordels, se souvient : « Il me manque la rapidité folle de sa compréhension, le livre qu’elle me jetait sous les yeux, à la page qu’il fallait - jamais d’erreur- marquée d’un coup d’ongle. » II dira aussi : « Nous avons eu des parties de silence inégalables. » Et elle, lui reprochant de n’avoir pas accepté un ménage à trois : « Tout eût été pour le mieux dans le meilleur des demi-mondes. » En tout cas, on a du mal à imaginer le succès des « Claudine ». Colette s’est décrite ensuite comme une prisonnière, « un livre, cent livres, le plafond bas, la chambre close, des sucreries en place de viande, une lampe à pétrole au lieu de soleil ». Elle est, au contraire, rapidement adoptée par les milieux mondains, littéraires et artistiques que fréquente Willy. Elle est belle, elle a de l’esprit. Un témoin se souvient : « Elle avait, sur le ton rosse, le don de la conversation, toute de verve et d’esprit cocasse. On l’écoutait, et elle aimait être écoutée. » Même son affreux accent bourguignon fait recette. Elle étonne, elle ravit, elle séduit.

Son grand rival est Proust, qu’elle admire. Mais, avec Chéri(1920), elle marque un point. Gide est subjugué (« admirable sujet »), Drieu, pas du tout (« c’est mou »), réactions symptomatiques. Le livre, très incestueux (l’héroïne a 49 ans, le garçon, 25 ans), a été bizarrement écrit avant le passage à l’acte de Colette avec Bertrand de Jouvenel (elle a 47 ans et lui 17). Scandale confirmé par Le Blé en herbe (1923), qui paraît la même année que Le Diable au corps de Radiguet.

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Escapade à Gstaad. Cette carte date de janvier 1924, soit un mois après que Colette et Henry de Jouvenel se sont séparés. Pour prendre du recul face à cette situation éprouvante, Colette part, accompagnée par Bertrand de Jouvenel, à Gstaad, la station de sport d’hiver suisse.
Crédit : Centre d’études Colette

Théâtre et cinéma suivront, en toute logique. Il n’en reste pas moins que le meilleur livre de Colette, qui s’est d’abord appelé Ces plaisirs qu’on nomme, à la légère, physiques, demeure Le Pur et l’Impur, très subtilement analysé par Julia Kristeva dans sa trilogie sur Le génie féminin, dont un volume est consacré à Colette [2]

Mauriac, qui admirait Colette, au point de lui offrir un missel (en pure perte, bien entendu), s’indignait que Robbe-Grillet lui dise que Colette « écrivait mal ». D’autres l’ont même dit de Balzac, mais ce n’est pas grave. Colette a lu Balzac très jeune, il l’a passionnée : « C’est mon berceau, ma forêt, mon voyage. » Elle repère tout de suite son art du détail. Et puis : « J’ai une espèce de passion pour tout ce qu’a écrit Proust. Comme dans Balzac, je m’y baigne. C’est délicieux. »

Il est émouvant d’apprendre que le dernier livre reçu par Colette a été Bonjour tristesse, avec cette dédicace de Françoise Sagan : « À Madame Colette, en priant pour que ce livre lui fasse éprouver le centième du plaisir que m’ont donné les siens. »

PHILIPPE SOLLERS

Le Nouvel Observateur, 31 juillet 2014


Julia Kristeva : Colette ou la chair du monde

« Sauver la maison » de Colette participe non pas d’un culte, mais d’une initiation à la lecture de son oeuvre, dans laquelle la langue française est inséparable de l’espace et du temps, ressentis et incorporés. Une initiation à la lecture, tout simplement. Et je fais un rêve : en visitant la maison natale de Colette, les internautes dopés par hyperconnexions avec « éléments de langage », parviennent peu à peu à associer leurs mots dévitalisés aux choses, aux sensations, pourquoi pas à l’histoire. La glycine bleue, le muret, le noyer, le lilas, Sido avec son grand mot : « Regarde ! » et le « coup de pied unique » du Capitaine amputé dans le chambranle de la cheminée en marbre... prennent corps. Nos paroles aussi. Par quelle magie la maison de Colette se prêterait-elle à cette incarnation ? Mais parce que l’alchimie est déjà à l’oeuvre dans ses textes, plus immédiatement que chez d’autres écrivains, et que La Maison en est le « gîte », le « centre et le secret » où « je déchois de l’imposture ».

J’aime l’écriture de cette femme : c’est un plaisir immédiat, sans « pourquoi » , mais je veux pourtant tenter le pari d’une explication.

Colette a trouvé un langage pour dire une étrange osmose entre ses sensations, ses désirs et ses angoisses, ces « plaisirs qu’on nomme, à la légère, physiques » et l’infini du monde - éclosions de fleurs, ondoiements de bêtes, apparitions sublimes, monstres contagieux. Ce langage transcende sa présence de femme dans le siècle - vagabonde ou entravée, libre, cruelle ou compatissante. Le style épouse les racines terriennes et son accent bourguignon, tout en les allégeant dans une alchimie qui nous demeure encore mystérieuse. Elle-même l’appelle un « alphabet nouveau »,« puissante arabesque de chair ».

Provocante, scandaleuse par l’audace de ses mœurs et de son parcours, cette femme attachante refuse de s’enfermer dans un quelconque militantisme et ne prêche aucune transgression. Elle parvient à donner à son expérience de liberté sans complexe le langage d’une profusion maîtrisée par une rhétorique classique, qui renvoie les lecteurs modernes à la sérénité du miracle grec.

Fallait-il être l’étrangère que je suis pour se laisser fasciner par sa sorcellerie, qui ne serait donc pas seulement française, mais, peut-être, sait-on jamais, universelle ?

Son art « minutieux comme [d’]un primitif » impose et démontre que le plaisir lui-même est possible s’il comprend la volupté en même temps que son prolongement dans une écriture, à la fois « gai savoir » et « règle qui guérit de tout », enchantant les uns et désolant les autres.

Je reçois, quant à moi, son expérience tel un legs très précieux de la tradition française. Pourtant, aveugle à la politique, et bien loin d’être un exemple de lucidité historique, l’ingénue de la Débâcle préfère ne pas savoir : sous l’Occupation, plutôt que de résister, elle emploie sa plume imaginative à aider ses contemporains, souffrant des rationnements et de pénurie, à mieux se nourrir. C’est seulement en repérant ses limites et ses impasses, ses contradictions et ses paradoxes que le lecteur contemporain se laisse conquérir par son génie affirmatif dans ce qu’il apporte d’insolite au cœur de la tragédie humaine telle que l’a exhibée le XXe siècle.

Au moment-même où Freud découvre la psychanalyse en analysant les rêves des viennoises névrosées, Colette l’enracinée, Colette l’amoureuse, Colette l’hédoniste exige son droit au bonheur à tout prix et impose la sensualité désinhibée de ses Claudine. En défiant aussi bien le refoulement qu’une certaine rigidité de l’interdit divin et moral, ainsi que de la norme sociale elle-même. L’athéisme et l’amoralisme devaient être les deux versants de cette exploration aussi plaisante que risquée, lourde de portée métaphysique sous sa désinvolture et son caractère scandaleux. Par un savoir plus inconscient que raisonné, elle accorde une confiance totale à cette civilisation française à laquelle elle est fière d’appartenir- de Villon et Rabelais à Balzac et à Proust, fondée sur la séduction et ses logiques de mascarade, de mime, d’artifice, de déni, de perversité, de mensonge - bref, d’imagination à la fois acide et salutaire, empoisonnante et jouissive.

Étrange corps que celui de Colette - si français - qui se met en scène pour souffrir et jouir, dissocié, spasmodique, et surtout rhétorique. Corps qui se plaît à exhiber ses étrangetés en créant de non moins étranges harmonies en musique, en poésie et en philosophie. Transmuer la sensation fiévreuse d’une passion dans ce plaisir de bouche et d’oreille qui s’incarne dans les mots de la langue maternelle : voilà le seuil où l’humanité parlante cherche sa vérité, et dont la justesse sensuelle de Colette ne s’écarte jamais. . C’est bien à Colette la bacchante, dévorant hommes et femmes, roses et muguets, chiens et chats, que nous devons cette sobre définition de la culture comme culte du mot : « Entre le réel et l’imaginé, il y a toujours la place du mot, le mot magnifique et plus grand que l’objet. » Et qui se permet cette tendre moquerie de la francité qu’elle considère tout entière ciselée dans le joyau de la langue : « C’est une langue bien difficile que le français. A peine écrit-on depuis quarante-cinq ans qu’on commence à s’en apercevoir. »

Alors que les grandes œuvres littéraires de ses consœurs européennes et américaines excellent dans la mélancolie - d’Emilie Dickinson à Virginia Woolf en passant par Anna Akhmatova-, c’est par son cantique de la jouissance féminine que Colette la Française domine la littérature de la première moitié du XXe siècle. Détestant les féministes, fréquentant les homosexuelles et refusant de se laisser enfermer dans les mièvreries acides des chapelles gomorrhéennes, elle impose néanmoins une fierté de femme qui n’est pas étrangère, en profondeur, à la révolution des mentalités qui verra s’amorcer lentement l’émancipation économique et sexuelle des femmes.

« Tu es plutôt une femme comme il faut, mais d’un genre particulier. [...] Tu as le talent d’écrire et d’intéresser le lecteur avec des choses... je ne puis dire des riens car au fond ce ne sont pas des riens, loin de là, et je dois même reconnaître que tu, avances de deux siècles à de nombreux points de vue. » Quel meilleur guide que ces propos de Sido, sa mère, d’une tendresse sans complaisance, et pour cela même prophétiques, pourrait nous accompagner dans la lecture de ces « riens » ? Et qui deviendront nôtres dans « le chaud désordre d’une maison heureuse, livrée aux enfants et aux bêtes tendres ». Sa maison enfin restituée à ses lecteurs : « le royaume » et « le fantôme » ; « la maison sonore, sèche, craquante comme un pain chaud : le jardin, le village... » . Et ses livres, à la lecture.

Julia KRISTEVA

Le Génie Féminin, t.3, Colette (Fayard, 2002)

Crédit : http://www.kristeva.fr/

Mobilisation pour sauver la maison natale de Colette

Gérard BONAL

Spécialiste de l’œuvre de Colette, Gérard Bonal a consacré plusieurs ouvrages à l’écrivain, dont le remarqué Colette intime publié en 2004, gros livre illustré réunissant des pièces rares de la collection privée de Michel Remy-Bieth. Il a publié en 2010 Colette journaliste, recueil d’articles parus dans la presse tout au long de la carrière de la romancière ; Il a co-dirigé en 2012 le numéro du Cahier de L’Herne consacré à Colette ; et édité aux éditions Phébus, en 2012, les lettres de Sido - la mère de Colette - à sa fille.

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GIF Les livres sur amazon.fr

Gérard Bonal, Colette

Julia Kristeva, Le Génie Féminin, t.3, Colette

A propos de Colette par Jérome Garcin

Jérome Garcin évoque Colette, Théâtre du Châtelet, 2010

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Rencontre à la Maison de Colette avec Julia Kristeva le 23 septembre 2022

Le Centre National du Livre (CN) poursuit son Grand Tour dans les Maisons des Illustres en proposant à un public scolaire des lectures, rencontres et découverte de maisons d’écrivains.

Nouvelle étape vendredi 23 septembre 2022 à la Maison de Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye (89)

Lieu de l’événement

Maison de Colette (Saint-Sauveur-en-Puisaye)

La rencontre

La rencontre du 23 septembre est organisée avec des élèves du lycée Pierre Larousse de Toucy (89) et des professeurs de la région académique de Bourgogne et de Franche-Comté. Elle a été pensée pour accompagner l’entrée au programme des classes de première, de Sido suivi de Les Vrilles de la vigne (dans l’objet d’étude « Le roman et le récit du Moyen Âge au XXIe siècle », ayant pour parcours « la célébration du monde »). Car, pour reprendre les propos de Frédéric Maget, directeur de la Maison de Colette,« C’est dans la maison natale de Saint-Sauveur-en-Puisaye, entre ses murs, dans ses jardins, que Gabrielle Colette a acquis, auprès de sa mère, Sido, sa connaissance des plantes et des bêtes, l’attention aiguë à tout ce qui veut vivre, l’amour de la liberté et cet art de percevoir le monde à travers tous les sens (…) ».

Au programme

- Visites de la Maison de Colette,
- Visite du Musée Colette et de la salle de classe de Claudine.
- Rencontre-conférence menée par Frédéric Maget avec Julia Kristeva, qui reviendra sur le génie féminin de Colette (Le Génie féminin, t.3, Colette – Ed. Fayard, 2002), Françoise Cloarec qui vient de consacrer son dernier ouvrage à la sœur de Colette (Dans l’ombre de sa sœur. Le dernier secret de Colette– Ed. Phébus, à paraître). La comédienne Sabine Haudepin ponctuera leurs propos de moments de lectures.

Centre National du Livre

Maison de Colette

Julia Kristeva

150e anniversaire.. Colette, toujours moderne par Josyane Savigneau

Inclassable, prolixe, bisexuelle gourmande, insatiable… Colette fut une star adulée en son temps. Auteure d’une soixantaine de livres, elle fraya avec le music-hall, la pub, le journalisme. Son héroïne fétiche Claudine devint même une marque avec ses produits dérivés. Disparue trop longtemps des radars de la littérature, l’auteure de « Chéri » et du « Blé en herbe » revient en force à l’occasion du 150 e anniversaire de sa naissance. Portrait amoureux.

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Colette dans sa loge, en 1910 (photo du livre « Sidonie Gabrielle Colette » de ’Emmanuelle Lambert). L’écrivaine s’est aussi produite sur scène dans des numéros de music-hall . (© Collection particulière)
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Par Josyane Savigneau

le 11 janv. 2023

Un seul mot pour évoquer Colette ? Assurément son fol amour de la vie. Elle est née Sidonie Gabrielle Colette le 28janvier1873 en Bourgogne - dont elle a toujours gardé l’accent -, à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne). Elle est la dernière des quatre enfants de Sidonie Landoy - « Sido ». Quatre-vingt-un ans plus tard, quand elle meurt, à Paris, le 3août 1954, elle n’est pas la plus grande écrivaine - entre toutes les femmes - mais le plus grand écrivain français, et même mondial. Elle est de plus la première femme à avoir des obsèques nationales.« On n’a pas idée aujourd’hui de ce niveau de reconnaissance », selon Frédéric Maget, directeur de la Maison de Colette, et auteur de plusieurs livres.

Pas moins de sept nouveaux livres - dont un ultime volume de la Pléiade - vont célébrer ces 150e anniversaire de la naissance de Colette. Mais, alors que le centenaire de Marcel Proust a donné lieu à trois expositions à Paris en 2022, rien n’est prévu pour elle en2023. La seule exposition d’envergure aura lieu en Suisse, à la Fondation Jan Michalski, du 14 janvier au 2 avril 2023. À Montréal, Londres, Hong Kong, Amsterdam, Beyrouth, on veut organiser des hommages. À Paris, rien. La BNF envisage une exposition seulement en 2025, année où l’oeuvre de Colette tombe dans le domaine public.

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Serait-ce que cette époque si politiquement correcte répugne à célébrer une femme si politiquement incorrecte ? Non contente d’affirmer« j’aime être gourmande »et« je n’ai pas la corde moralisatrice », elle est définitivement inclassable. Comme l’écrit Emmanuelle Lambert dans Sidonie Gabrielle Colette, « femme et créatrice, saltimbanque et journaliste, initiée et initiatrice, épouse et bisexuelle, croqueuse d’hommes et rangée, mère, jouisseuse et libre ». On peut ajouter : libre, mais pas féministe. Ayant des amours avec des femmes - et surtout, très officiellement, avec Mathilde de Morny, dite Missy - mais pas lesbienne revendiquée. Et pour amant, le fils de son mari, le jeu ne Bertrand de Jouvenel, alors âgé de 16 ans.

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Colette et Missy, Mathilde de Morny, dans « Rêve d’Egypte » au Moulin Rouge, en 1907.
© Michel Remy-Bieth
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« Cette explication - sanctionnée parce que politiquement incorrecte - ne me déplairait pas », déclare Frédéric Maget, « mais je pense que la vérité est ailleurs. C’est une question littéraire. D’une certaine façon, Colette n’a jamais connu le purgatoire. Elle est entrée dans l’inconscient populaire, même si on ne l’a pas lue. Pendant longtemps ses textes ont été étudiés à l’école - elle a fait souffrir les élèves de plusieurs générations avec les dictées, ce qui l’a aussi desservie car ce n’est pas la meilleure manière de découvrir un écrivain. Mais d’un autre côté, elle est toujours au purgatoire. On ne parvient pas à la mettre dans une case de l’histoire littéraire de la première moitié du XXe siècle. Ce n’est pas une très grande romancière, même si elle a écrit quelques grands romans comme ’La Fin de Chéri’. Le génie de Colette éclate dans des textes courts. Elle échappe au classement. Et ce qui n’est pas situable n’a pas d’existence réelle. »

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Colette chez elle, en 1930, par le photographe André Kertész.
© André Kertész/Ministère de la Culture /Médiathèque du patrimoine et de la photographie, Dist. RMN-Grand Palais
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Pas situable peut-être, Colette, mais existant à coup sûr, avec une vie et une oeuvre d’une remarquable cohérence et d’une totale fidélité à soi-même, que résume bien cette phrase de La Retraite sentimentale (1907) : « Moi, c’est mon corps qui pense. Il est plus intelligent que mon cerveau. Il ressent plus finement, plus complètement que mon cerveau. Quand mon corps pense… tout le reste se tait. À ces moments-là, toute ma peau a une âme. » Colette, ce n’est pas seulement l’auteure d’une soixantaine de livres, c’est du music-hall, du mime, de la publicité, un institut de beauté, du journalisme - dont des chroniques judiciaires. Et des succès extraordinaires.

Les « Claudine », un phénomène de société

En 1900, elle a 27 ans et publie sous le nom de Willy - surnom de son mari Henry Gauthier-Villars - Claudine à l’école. Suivront Claudine à Paris, Claudine en ménage, Claudine s’en va. Entre les ventes des livres et les produits dérivés - le col Claudine, les cigarettes, les photos - Colette et son mari gagnent l’équivalent de 15 millions d’euros. Elle devient un phénomène de mode. Les filles veulent ressembler à Claudine - le fameux col et l’allure un peu garçonne.

Colette aurait pu être la première femme élue à l’Académie française. En1923 Jean Richepin - comme le fera plus tard Jean d’Ormesson pour Marguerite Yourcenar - voulait mener campagne pour elle en prenant à témoin l’opinion publique. Elle n’avait pas encore beaucoup publié depuis les Claudine. Des nouvelles, Les Vrilles de la vigne, en 1908. Puis, La Vagabonde, en1910. Chéri, en1920, qui est non seulement un succès, mais un tournant. Colette est enfin reconnue par ses pairs comme un écrivain important. Mais la publication du Blé en herbe- premier ouvrage signé Colette - allait stopper net cette affaire académique. L’initiation sexuelle d’un adolescent par une femme beaucoup plus âgée n’était pas du goût des messieurs de l’Académie. Ni de celui des lecteurs du Matin, qui ont fait interrompre la publication du livre en feuilleton.

Longtemps après, Marguerite Yourcenar, première femme élue à l’Académie française, dans son discours de réception, en janvier1981, a rendu hommage à « la troupe invisible de femmes qui auraient dû, peut-être, recevoir beaucoup plus tôt cet honneur », dont Colette, qui « pensait qu’une femme ne rend pas visite à des hommes pour solliciter leurs voix et je ne puis qu’être de son avis ne l’ayant pas fait moi-même ». Colette, elle, avait fait savoir dès les années 1930 qu’elle préférait l’Académie Goncourt, où elle a été élue à l’unanimité en 1945 et qu’elle a présidée de1949 à sa mort. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Colette, qui disait ne pas se préoccuper de politique parce que cela « l’ennuyait », a écrit dans des journaux collaborationnistes. Son mari, Maurice Goudek et, juif, a été arrêté et libéré peu après.

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Portrait de Colette (1932) par la peintre et photographe Yvonne chevalier.
© Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. RMN-Grand Palais / Georges Meguerditchian/ Succession Yvonne ChevalierChevalier Yvonne
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À la fin de la guerre, elle n’a pas été inquiétée, contrairement à Sacha Guitry ou Robert Brasillach, qui ne se sont pas privés de le faire remarquer. Sur cette période, nourrie de mystère et de rumeurs, on lira avec intérêt l’enquête minutieuse de Bénédicte Vergez-Chaignon dans Colette en guerre, qui vient de paraître. Dès la fin des années 1930, Colette est malade, elle a du mal à se déplacer en raison de l’arthrose qui, peu à peu, la condamnera à l’immobilité. Elle ne se plaint jamais, se contente de dire que cela lui fait voir le monde différemment. En1944, elle a 71 ans et publie Gigi, un roman qui a l’énergie de la jeunesse et qui sera adapté en comédie musicale par Vincente Minelli en1958.

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Et que dire de ses deux derniers textes, L’Etoile Vesper (1946) et Le Fanal bleu (1949), sinon qu’ils sont magnifiques ? « Mon compagnon soucieux va penser encore une fois que je m’ennuie, lit-on au début de L’Etoile Vesper. Les personnes valides croient toujours que de l’immobilité forcée naît l’ennui. C’est une grande erreur, dans laquelle sans doute je tomberais moi-même, si au lieu de pécher par une jambe je manquais de bras. Une infirmité se fait affligeante pendant sa première année […] Que le mal nous façonne, il faut bien l’accepter. Mieux est de façonner le mal à notre usage, et même à notre commodité. » Et à la fin : « Toute ma vie, je me suis donné beaucoup de peine pour des inconnus. C’est qu’en me lisant ils m’aimaient tout à coup, et parfois ils me le disaient […] Comme il est difficile de mettre un terme à soi-même… S’il ne faut qu’essayer, c’est dit, j’essaie. »

Quant au Fanal bleu, le titre en lui-même est une histoire. On avait installé à Colette un meuble qui lui permettait de travailler allongée. Mais elle trouvait la lumière de sa lampe de bureau trop forte. Alors elle l’entourait de papier bleu. Insomniaque, elle travaillait la nuit, et les passants voyaient la lumière bleue, « le fanal bleu », par la fenêtre et savaient que Madame Colette écrivait. Encore et encore. « Avec humilité je vais écrire encore. Il n’y a pas d’autre sort pour moi. Mais quand s’arrête-t-on d’écrire ? Quel est l’avertissement ? »… « Tout ce qui m’a étonnée dans mon âge tendre m’étonne aujourd’hui davantage » ,disait encore Colette dans ses dernières années. « L’heure de la fin des découvertes ne sonne jamais. » Qui ne rêverait de conserver une telle vitalité ?

Josyane Savigneau

LES ECHOS

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Parutions à l’occasion du cent-cinquantenaire
Un nouveau volume de la Pléiade (après les quatre tomes d’oeuvres parus entre 1984 et 2001) rassemblant 11 titres. Préface d’Antoine Compagnon. Gallimard (23 février).
Dans l’ombre de sa sœur, Françoise Cloarec. Phébus, 300 p., 21 euros.
Colette en guerre 1939-1945, Bénédicte Vergez-Chaignon. Flammarion, 330 p., 21,90 euros.
Sidonie Gabrielle Colette, Emmanuelle Lambert. Gallimard, (très illustré) 210 p., 29,90 euros.
Dossier Colette (Revue des deux Mondes), février 2023
Extrait de ce dossier : Dans l’admiration de Colette : Françoise Sagan par Robert Kopp.
Colette et le cinéma, Paola Palma. Ed Quidam, 108 p., 12 euros.
Notre Colette, Frédéric Maget. Flammarion, 350 p., 23 euros. (8 février 2023).
Tout sur Colette (ou presque), Samia Bordji. Ed. Cours toujours (septembre 2023)

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Colette en dates

1873 le 28 janvier Naissance de Sidonie Gabrielle Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne).
1893 Mariage avec Henry Gauthier-Villars (1859-1931), dit Willy, écrivain, journaliste et critique musical.
1900 Publication, sous le nom de Willy, de Claudine à l’école. Suivront : Claudine à Paris, Claudine en ménage et Claudine s’en va.
1905 Début de la relation avec Missy (Mathilde de Morny).
1910 , le 21 juin Divorce de Willy. Publication de La Vagabonde. Début de la collaboration de Colette au Matin. Elle y rencontre Henry de Jouvenel, l’un des rédacteurs en chef, qu’elle épousera en 1912.
1920 Publication de Chéri.
1923 Le Blé en herbe, premier ouvrage signé Colette.
1925 L’Enfant et les sortilèges, musique de Maurice Ravel, livret de Colette. Divorce avec Henry de Jouvenel. Rencontre de Maurice Goudek et (1889-1977), qu’elle épousera en 1935.
1926 La Fin de Chéri.
1928 La Naissance du jour.
1930 Sido.
1944 Gigi.
1945 Election à l’Académie Goncourt (présidente en 1949).
1946 L’Etoile Vesper.
1949 Le Fanal bleu.
1954 , 3 août Mort à Paris.

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L’aventure de la maison de Colette

En 2006 la maison natale de Colette à Saint-Sauveur-en-Puisaye (Yonne) est mise en vente. Aussitôt des pétitions circulent, demandant son rachat. Personne n’en veut. La commune gère, avec difficulté, depuis 1995, le Musée Colette, installé dans le château du village. La région et l’Etat ne sont pas intéressés. Et la maison, inhabitée, commence à se dégrader.
L’un des membres de la Société des amis de Colette, qu’il a rejointe en 1997, Frédéric Maget, crée, avec quelques autres, l’Association de la maison de Colette. En novembre 2010, avec Jean-François Brégy, alors secrétaire général du théâtre du Châtelet, il organise une soirée Colette pour lever des fonds. Le ministre de la Culture de l’époque, Frédéric Mitterrand, est dans la salle. La soirée permet de récolter 100 000 euros. Le ministère de la Culture donne 100.000, la région et le département de l’Yonne 50.0000 chacun.

En septembre 2011, l’association achète la maison pour 300.000 euros. Pour qu’elle soit protégée, elle est inscrite aux Monuments historiques, puis fait partie des « Maisons des Illustres ». Il restait à la restaurer. Grâce à des subventions et à des mécènes, l’association a pu investir 1,2 million d’euros pour les travaux, en vue d’une ouverture au public, qui a eu lieu en juin 2016. Si Colette n’a passé que son enfance dans cette maison, elle n’a eu de cesse, dans son oeuvre, de la recréer, de décrire son aménagement et son jardin. Des artisans de haut niveau se sont investis pour reconstituer au plus proche le décor de Colette, en étant fidèles à l’esprit de son oeuvre. Le résultat est magistral.

Mais cette magnifique réalisation demeure fragile. L’association est seule pour gérer le lieu, elle n’a aucune subvention de fonctionnement. Elle a un emprunt de 300.000 - avec hypothèque sur la maison - à rembourser. Elle doit s’autofinancer à 100% grâce à la billetterie, la boutique et des donateurs. Ils sont quelque 3.000, mais pour de petites sommes. Aucun grand mécène ne semble s’intéresser à Colette. Pour Frédéric Maget, le directeur de la maison, inquiet pour l’avenir, ce relatif désintérêt « pose la question de la place de Colette aujourd’hui. Certes, Colette est célèbre. Est-elle pour autant reconnue ? »

Pour tout savoir et aller visiter www.maisondecolette.fr

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[1Colette, Gérard Bonal, Perrin, 2014

[2Julia Kristeva,Le génie féminin, tome III :Colette, Folio Essais, n° 442..

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5 Messages

  • Albert Gauvin | 14 février 2023 - 15:37 1

    Julia Kristeva, Le Génie féminin, tome 3 : Colette (extrait) : Colette - Écrire toujours, entre Balzac et Proust.


  • Albert Gauvin | 28 janvier 2023 - 18:19 2

    Dans un numéro hors série du Monde de janvier 2023, « Colette, le tourbillon de la vie », un entretien avec Julia Kristeva, Une éthique des audaces au quotidien.

    Sa vie fut un tourbillon. Romancière, vedette de music-hall, journaliste, publicitaire, Colette s’attacha, dans son œuvre, ainsi que dans les multiples facettes de son existence, à mettre la sensualité et le plaisir aux commandes. Au moment où l’on fête le cent cinquantième anniversaire de sa naissance et où deux de ses œuvres, Sido et Les Vrilles de la vigne, entrent au programme du baccalauréat, Le Monde se penche dans un hors-série de sa collection « Une vie, une œuvre », sur l’autrice du Blé en herbe, à travers une sélection d’extraits de ses principaux livres et un grand entretien avec Julia Kristeva.

    Parution le 26 janvier 2023


  • Albert Gauvin | 10 juillet 2022 - 11:48 3

    France Inter, Le grand atelier fantôme de Colette
    Épisode du dimanche 12 juin 2022 par Vincent Josse

    Heureux de vous accueillir à la Grande Halle de la Villette, à Paris, au cœur d’un festival qui célèbre le livre, “MOT pour mots” à la Villette, à Paris, où l’on vient écouter des auteurs, croiser des lecteurs, acheter des livres…

    avec :

    Chantal Thomas (romancière et académicienne), Julia Kristeva (écrivaine, psychanalyste, linguiste), Antoine Compagnon (Professeur au Collège de France depuis 2006, titulaire de la chaire de Littérature française moderne et contemporaine), Geneviève Brisac (écrivaine), Frédéric Maget (Professeur de lettres modernes, président de la Société des amis de Colette).

    1. Chantal Thomas, Antoine Compagnon.

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    2. Julia Kristeva.

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    Deuxième année de “MOT pour mots”, deuxième présence du Grand Atelier, ici, puisque France Inter accompagne l’événement.

    Merci à celles et ceux qui nous ont rejoint et bienvenue à vous tous où que vous que soyez, dans cette émission en direct et en public qui se promet de faire tourner les tables. Nous en appelons à un fantôme, celui d’une écrivaine qui fut la plus photographiée du 20ème siècle, elle vécut entourée de chats, elle sut, à l’instar de Proust, témoigner de son enfance, décrire ses sensations, elle vécut librement, aima des hommes et des femmes, fut autant écrivain que journaliste et chroniqueuse, elle monta sur scène pour faire du mime, elle ouvrit des salons de beauté, elle devint présidente de l’Académie Goncourt, mais elle prit le temps, surtout, de laisser une œuvre dont nous allons parler avec nos invités, avez-vous lu les Claudine, Le Blé en herbe, La Naissance du Jour, Gigi ?

    Dans la première partie de l’émission, Vincent Josse dialogue avec l’écrivain, critique littéraire et académicien Antoine Compagnon. Ce dernier a produit l’été dernier une émission dédiée à Colette sur France Inter, Un été avec Colette, qui sort aujourd’hui en livre aux éditions Radio France et Les Equateurs. Présentes également la romancière, essayiste et académicienne Chantal Thomas , romancière et grande passionnée de Colette, ainsi que l’écrivaine Geneviève Brisac.

    En seconde partie, Vincent Josse est rejoint par Julia Kristeva, femme de lettres, philologue et psychanalyste de renom qui a consacré de son essai en triptyque, Le Génie Féminin, sur Colette, aux éditions Fayard. La discussion est ponctuée d’un reportage tourné à dans la Maison de Colette, à Saint-Sauveur-en-Puisaye en Bourgogne-Franche Comté, avec Frédéric Maget, ancien professeur de littérature, devenu directeur de la Maison de Colette et président de l’association des Amis de Colette. Il s’agit de la maison natale de Colette, où elle a vécu jusqu’à sa majorité, pour laquelle elle a toujours conservé des souvenirs très vivaces qui ont irrigué une grande partie de son œuvre.

    + Une interview téléphonique de Françoise Giraudet, ancienne enseignante, passionnée par Colette depuis l’adolescence, (diffusée en début d’émission). Françoise Giraudet collectionne des objets ou manuscrits ayant appartenu à Colette et est l’auteure de nombreux articles sur elle dans la revue Les Cahiers de Colette de la Société des Amis de Colette ainsi que de plusieurs ouvrages à son sujet, à retrouver sur son site.

    À lire aussi : Un été avec Colette

    Archives et extraits

    Alexandre Arnoux (romancier de l’époque) sur Colette et la saveur de son accent – Radiodiffusion-télévision française, 1955
    Colette lisant une lettre que lui a adressée sa mère Sido – Radiodiffusion-télévision française, 1952
    Colette, comment elle a inventé Claudine et est devenue écrivain – Radiodiffusion-télévision française, émission Entretiens avec, 1950
    Joseph Kessel : pendant toute sa vie Colette a détesté écrire – France 3, émission Un siècle d’écrivains, 1995
    Maurice Chevalier, souvenirs de Colette sur scène, première femme la à se montrer poitrine nue sur une scène française – France 3, émission Un siècle d’écrivains, 1995
    Lecture d’un passage du Fanal bleu de Colette, par Madeleine Renaud (comédienne de l’époque) – France Culture, 1970
    Colette sur les animaux : le crapaud – Radiodiffusion-télévision française , émission Entretiens avec , 1950
    Les obsèques de Colette – Journal Les Actualités Françaises, 1954

    Programmation musicale

    Toi et moi de Bernard Lavilliers
    Suite Bergamesque Passepied de Debussy, par Jean-Yves Thibaudet
    Nouvelles du monde lointain de Dominique A
    Sacate La de La Femme
    Après un rêve de Fauré, par Gautier Capuçon

    Radio France


  • A.G. | 5 janvier 2017 - 17:11 4

    Colette et la jouissance féminine

    Plaisir de lecture en raison de l’incarnation et de la sensualité de son écriture, Colette questionne dans ses textes la jouissance féminine. C’est ce rapport à la jouissance dont nous parle aujourd’hui Julia Kristeva.

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    La Compagnie des auteurs


    Colette par Jacques-Emile Blanche, Barcelona, Museum of Modern Art. Paris, Bibliothèque Nationale.
    Crédits : Jacques-Emile Blanche / PHOTO12 - AFP ; Zoom : cliquez l’image.
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  • A.G. | 13 août 2014 - 21:47 5

    La révolte intime : Colette
    Séminaire doctoral de Julia Kristeva, 2012.

    La culture et l’art moderne témoignent d’une intimité révoltée. Sommes-nous capables d’en déchiffrer les avancées et les risques : d’en renouveler les enjeux ? La révolte est indispensable aux êtres humains pour acquérir une vie psychique et développer la créativité. Et l’intimité n’est pas un égoïsme à l’abri des conflits sociaux, mais une révolte contre les stéréotypes de la société moderne, dominée par la technique et les médias. L‘expérience psychanalytique permet de comprendre certaines logiques paradoxales de cette révolte : l’interprétation et le pardon, le hors-temps et l’inconscient, le fantasme dans la mémoire, l’écriture et l’image.

    Colette (1873-1954) ajoute une autre expérience de la révolte intime qui est aussi un autre visage du XXe siècle. Et qui nous éclaire aujourd’hui. Sœur solaire de l’hystérique freudienne, Colette impose cependant une parole féminine désinhibée qui se plait à formuler ses plaisirs, sans pour autant en dénier les douleurs. Son hymne à la jouissance, dont on a loué les accents païens et l’ « inexpugnable innocence », s’énonce pour la première fois dans la voix et sous la plume d’une femme, d’une Française.

    Lire ici