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Philippe Sollers et Francis Ponge, "Correspondance 1957-1982" (Gallimard)

D 19 juin 2023     A par Viktor Kirtov - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



PHILIPPE SOLLERS - PHOTO © F. MANTOVANI/GALLIMARD


Alors que Philippe Sollers vient de disparaître, parait sa correspondance avec Francis Ponge, qui met en lumière l’amitié impossible entre les deux hommes.

Par Jean-Claude Perrier,
Livres Hebdo, 19.06.2023

Un rendez-vous manqué. Cette histoire commence fin 1956. Le jeune Philippe Joyaux, tout juste 20 ans, est un Rastignac bordelais monté à Paris pour achever ses études, mais, surtout, entrer en littérature comme d’autres entrent en religion, pénétrer l’univers intellectuel, lui imprimer sa marque, et exercer une sorte de pouvoir, de magistère sur les lettres françaises, à travers livres, collection, revue. Il se rend aux cours que délivrait alors le poète Francis Ponge (1899-1988) à l’Alliance française, boulevard Raspail. On papote, on échange, on décide de se revoir. Le cadet, bien sûr, témoigne son admiration à son aîné de plus de trente-cinq ans. Et puis, on s’écrit. Ou plutôt, dans un premier temps, Joyaux - qui signera Sollers à partir de 1958, contraint de prendre un pseudonyme par sa famille pieuse et bourgeoise choquée par ses premiers textes et son premier roman, Une curieuse solitude (Seuil, 1958) - bombarde Ponge de lettres, flatteuses bien sûr et sans doute sincères. L’aîné, de son côté, exprime au débutant son admiration, comme Mauriac ou Aragon, puis, déjà largement installé dans le milieu, son soutien. Il essaie de le faire publier chez /Gallimard, sans succès : Arland résiste farouchement. C’est Paulhan qui entrouvrira la porte de la rue Sébastien-Bottin où Sollers reviendra en grande pompe en 1983.


Francis Ponge - Photo © ANDRÉ BONIN/GALLIMARD

Au début, Ponge et Sollers vivent une espèce de longue lune de miel. On croirait à un remake du « parce que c’était lui, parce que c’était moi » de Montaigne et La Boétie, toutes proportions et différences gardées. Ils partagent des goûts communs, et surtout des détestations. Envers le parisianisme, par exemple, et la majorité des « gendelettres ». On peut parler d’amitié, et non de filiation, même si Ponge est l’un des hôtes d’honneur deTel Quel, la revue de Sollers et cie (publiée au Seuil), où il rêve de « faire école ». Leur relation culminera avec un essai de Sollers sur Ponge (mais pas la réciproque espérée), et surtout les Entretiens avec Francis Ponge, coédités par le Seuil et Gallimard en 1967.

C’est à partir de Mai 1968 que les premières fissures apparaissent. Sollers et ses amis, fascinés par la Chine, flirtent avec le maoïsme. Ponge réprouve et déteste, se droitise de plus en plus. L’homme n’était pas d’un abord aisé ni d’un caractère facile. Volontiers parano, il avait une très haute idée de lui-même. Voici ce qu’il écrivait à Sollers à la fin de 1959 :« Robbe-Grillet n’existerait pas sans moi. [...] Ni Robbe-Grillet ni les récents écrits de Michaux, Butor etc. »

« Et l’histoire jugera. » C’est sur ces mots que s’achève la dernière lettre de Sollers à Ponge, le 19 octobre 1972. Un peu désabusée. Le disciple devenu maître à son tour s’efface. Il y aura ensuite la querelle homérique dans Tel Quel à propos de Braque, attaqué par Marcelin Pleynet, le premier lieutenant de Sollers, avec réponse indignée de Ponge, traîné à son tour dans la boue avec une violence digne de Breton et ses surréalistes. Un dernier mot de félicitations, en 1982, après l’attribution du premier Grand prix national de poésie au poète « officiel » du régime. Et puis silence. Et frustration du lecteur devant cette occasion manquée, toutes ces illusions perdues. Mais les rapports entre les (grands) écrivains ne sont jamais simples.

Philippe Sollers et Francis Ponge
Gallimard
Tirage : 2 000 ex.
Prix : 32 € ; 528 p.

Quatrième de couverture

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ll a suffi qu’un jour de mars 1957 Philippe Joyaux aille écouter Francis Ponge enseigner la langue et la littérature françaises à des étudiants étrangers pour que débute une longue amitié faite d’admiration, d’affection et de complicité critique. Près de quinze années durant, le poète apportera son plus fidèle soutien à Philippe Sollers, révélation littéraire de la fin des années 1950, ainsi qu’à sa revue Tel Quel, créée en 1960. L’auteur du Parc servira son aîné avec le sentiment que l’oeuvre de ce dernier incarnait l’esprit de la littérature telle qu’il la concevait - émancipée d’un certain idéalisme poétique, attachée au travail jouissif sur la matérialité de la langue et conçue comme une expérience proprement essentielle. L’un et l’autre étaient pareillement convaincus qu’il leur fallait à la fois former leur oeuvre et le public qui la lirait - en somme, "créer leur école" contre une adversité entretenue et vécue avec la même intensité. Aussi cette correspondance dessine-t-elle toute une cartographie du monde revuiste et éditorial des années 1957 à 1974. Des divergences politiques - sans que ce soit là le seul sujet de discorde - ont peu à peu éloigné les deux hommes à partir des événements de 1968. Mais leur grande proximité aura fait date, dans une autre histoire.

Parution : 29 juin 2023.

Le début de l’intérêt de Sollers pour Ponge

Au début de son livre d’entretiens avec Ponge (Gallimard-Seuil, 1970), Sollers donne cette version :

PHILIPPE SOLLERS :

Francis Ponge, pour commencer ces entretiens, il me semble qu’il ne serait pas inutile d’expliquer comment l’individu qui va vous poser des questions a été amené à s’intéresser à celui qui va lui répondre, c’est-à-dire vous.
Il me semble d’abord que, dans cette société, toute force réelle doit être cherchée en marge, à l’écart, et dans une position de contestation qui implique à la fois une technique positive et un refus de tout compromis théorique et pratique. Si je me réfère à mon expérience personnelle, j’ai lu pour la première fois un texte de vous, par hasard, dans une anthologie.
J’étais très jeune, mais l’impression ressentie a été immédiatement celle d’un antilyrisme, d’une volonté de communication neuve, d’une « sortie du manège », comme vous diriez, d’une sortie du « ronron poétique », et d’une reconsidération élémentaire, lexicale, organique, à la mesure d’une crise radicale.
Ce texte m’a donné envie de lire tout ce que vous écriviez, et je suis obligé de noter que, pour vous lire, il faut accomplir : on prend contact avec un texte de vous, mais si l’on veut vraiment déchiffrer ce premier texte, il faut parcourir un très long chemin.

Ces entretiens, je voudrais les placer sous le signe de votre refus de la qualification de "poète". Il me paraît utile que vous nous disiez pourquoi, et comment cela vous a amené à travailler dans l’ombre.

A propos de Francis Ponge

Poète français (Montpellier 1899-Le Bar-sur-Loup 1988).

Son indépendance à l’égard de tout mouvement littéraire et sa liberté vis-à-vis des codes de la poésie lui valent d’être incompris en son temps, mais il est aujourd’hui reconnu comme l’un des poètes majeurs du siècle dernier. Francis Ponge naît à Montpellier le 27 mars 1899 dans une famille protestante aisée et grandit à Avignon, puis à Caen. Après son baccalauréat, il prépare des études de lettres et de philosophie, mais échoue au concours d’entrée de l’École normale supérieure en 1919. Il rencontre par la suite Jean Paulhan, animateur de la "Nouvelle Revue française", à qui il dédie ses "Douze petits écrits", publiés en 1926. Francis Ponge est embauché chez Hachette en 1931, devient délégué syndical et adhère au parti communiste. Après sa participation à des mouvements de grève importants, il est licencié en 1937. L’auteur quitte alors Paris et s’engage activement dans la résistance dès 1941, sans cesser d’écrire.

Le Parti pris des choses de France Ponge

Son ouvrage majeur, "Le Parti pris des choses", est publié chez Gallimard en 1942. Ce sont des définitions d’objets du quotidien, sous forme de courts textes poétiques teintés d’irrationnel et jouant avec les mots, que le poète considère comme une matière à travailler. Il donne par exemple la définition du mot "cageot" comme étant "À mi-chemin de la cage au cachot la langue française a cageot, simple caissette à claire-voie (…)". Et pour article sur le "pain", il fait l’éloge de sa croûte : "La surface du pain est merveilleuse d’abord à cause de cette impression quasi panoramique qu’elle donne : comme si l’on avait à sa disposition sous la main les Alpes, le Taurus ou la Cordillère des Andes".

Les poèmes de Francis Ponge

Un article élogieux de Jean-Paul Sartre paru en 1944 apporte à Francis Ponge un début de notoriété. Les "Proêmes" sont publiés en 1948 et "La Rage de l’expression" en 1952. L’auteur reçoit le prix international de la Poésie en 1959. À partir de 1961, il contribue à la revue littéraire "Tel quel", dirigée par de jeunes écrivains, dont Philippe Sollers. Cette collaboration lui permet de mieux faire connaître sa poésie. En 1967 et 1971 sont publiées deux œuvres essentielles : "Le Savon" et "La Fabrique du pré". Récompensé et célébré à la fin de sa vie, Francis Ponge reçoit le grand prix de poésie de l’Académie française en 1984. Francis Ponge décède le 6 août 1988 au Bar-sur-Loup, à l’âge de 89 ans.

Sa correspondance avec Jean Paulhan, en deux tomes, a été publiée en 1986 ; ses œuvres complètes, en deux tomes également, sont parues dans la Bibliothèque de la Pléiade en 1999 et 2002

d’après linternaute.fr

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