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Yannick Haenel, Notre solitude

D 11 octobre 2021     A par Albert Gauvin - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook



« Je cherche, à l’intérieur de la parole, ce point où les vivants et les morts se rencontrent. C’est ma définition de la justice ; et il y a eu des nuits où je n’étais pas loin de croire qu’elle allait advenir à travers des mots. Étais-je fou ? C’est possible, car je me suis beaucoup obstiné ; et lorsqu’on cherche à tenir bon, il arrive qu’on ouvre des portes étranges. La solitude nous permet de tout entendre ; ainsi nous mène-t-elle à la limite de la raison. »

Yannick Haenel

Ce livre a été écrit après le procès des attentats de janvier 2015 pendant lequel Yannick Haenel a assisté chaque jour aux audiences pour en faire le compte-rendu quotidien sur le site de Charlie Hebdo.

Il a éprouvé la nécessité de revenir sur cette expérience aussi intime que douloureuse. Il décrit l’épuisement et la fragilité, la beauté des survivants, la lumière qu’il y a dans la parole...

N’hésitez pas à le commander, ce récit est une véritable réflexion sur le mal, la survie, la douleur mais aussi l’évolution de la société française depuis ces événements qui ont bouleversé le pays.

Parution le 7 octobre 2021.

Entretiens avec Yannick Haenel

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Maison de la Poésie - Scène littéraire

Lecture par Marie-Sophie Ferdane
Rencontre animée par Arnaud Jamin

Après avoir tenu la chronique quotidienne du procès des attentats de janvier 2015 sur le site de Charlie Hebdo, Yannick Haenel a éprouvé la nécessité de revenir sur cette expérience aussi intime que douloureuse.
« J’ai en effet assisté au procès des attentats de janvier 2015, qui s’est tenu de septembre à décembre 2020. Cet événement a bouleversé mes façons de sentir et de penser car j’y ai vu, chaque jour, les ténèbres et la lumière s’affronter concrètement à travers les paroles échangées à l’audience. » Yannick Haenel

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Notre solitude est le récit d’une voix, celle de Yannick Haenel, écrivain et chroniqueur au journal Charlie Hebdo depuis 2015, et qui a couvert le procès des attentats de janvier 2015 durant deux mois et demi.

Yannick Haenel raconte : « J’ai en effet assisté au procès des attentats de janvier 2015, qui s’est tenu de septembre à décembre 2020. Cet événement a bouleversé mes façons de sentir et de penser car j’y ai vu, chaque jour, les ténèbres et la lumière s’affronter concrètement à travers les paroles échangées à l’audience.
Après avoir tenu la chronique quotidienne de ce procès sur le site de Charlie Hebdo, j’ai ainsi éprouvé la nécessité de revenir sur cette expérience aussi intime que douloureuse. Je raconte les nuits d’écriture, mon engagement avec Charlie, mon amitié avec Riss, Coco, Sigolène Vinson et Simon Fieschi. Je raconte l’obsession des crimes, l’impact des attentats qui ont eu lieu pendant le procès, la mort de Samuel Paty.
Je raconte l’épuisement et la fragilité, la beauté des survivants, la lumière qu’il y a dans la parole. Toutes ces questions forment la matière d’un récit qui relève à mes yeux de l’aventure intérieure et de l’acte politique ».

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Autres entretiens avec Yannick Haenel

L’écrivain Yannick Haenel hanté par le procès des attentats de Charlie Hebdo

RTBF. Par Ouï-dire, 6 octobre 2021.
Réalisation Pascale Tison.

Yannick Haenel a assisté au procès — qui s’est tenu il y a un an — des accusés des massacres perpétrés à Charlie Hebdo et à l’Hyper Casher en janvier 2015. Il a tenu une chronique quotidienne pour le site de Charlie et là il publie un livre bouleversant, ‘Notre solitude’, sur son expérience intime. Une des questions qui le hante est d’interroger sa place de témoin des témoins. Il explore la question du sens de la littérature face au surgissement de paroles, à la barre dans un palais de justice, et il entrevoit une métamorphose des témoins, surtout des victimes survivantes, à travers leur parole qui prend ici une valeur initiatique.

Lecture d’extraits de Notre solitude et de Jan Karski.

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Yannick Haenel raconte : " J’ai en effet assisté au procès des attentats de janvier 2015, qui s’est tenu de septembre à décembre 2020. Cet événement a bouleversé mes façons de sentir et de penser car j’y ai vu, chaque jour, les ténèbres et la lumière s’affronter concrètement à travers les paroles échangées à l’audience. Après avoir tenu la chronique quotidienne de ce procès sur le site de Charlie Hebdo, j’ai ainsi éprouvé la nécessité de revenir sur cette expérience aussi intime que douloureuse.

Je raconte les nuits d’écriture, mon engagement avec Charlie, mon amitié avec Riss, Coco, Sigolène Vinson et Simon Fieschi. Je raconte l’obsession des crimes, l’impact des attentats qui ont eu lieu pendant le procès, la mort de Samuel Paty. Je raconte l’épuisement et la fragilité, la beauté des survivants, la lumière qu’il y a dans la parole. Toutes ces questions forment la matière d’un récit qui relève à mes yeux de l’aventure intérieure et de l’acte politique."

Pourquoi ce livre ?

Il fallait y revenir parce que j’y étais encore, explique Yannick Haenel. "Je n’en sortais pas. Je n’ai pas eu l’impression d’y revenir en fait. D’une part, ce livre, non seulement j’y pensais pendant le procès, mais je l’écrivais aussi en un sens, je prenais quelques notes. Je savais que faire des chroniques quotidiennes, bien que ça m’ait exalté, bien que ça ait été une forme vraiment adaptée à l’urgence, à l’horreur de la chose et aussi à la joie que j’avais d’écouter ces paroles, surtout celles des parties civiles, je sentais que la forme de la chronique ne suffisait pas.

Je voulais que justice soit faite et justice peut être faite aussi en silence, dans l’écriture. Ma hantise, c’était que ça s’arrête, parce que je trouvais que même si le verdict a été juste, déclarant qu’ils étaient tous coupables à des titres divers, […] j’ai toujours pensé qu’il y avait un au-delà du verdict."

Je pense que la justice exige une méditation endurante, que j’appelle, moi, l’écriture, la pensée, la littérature.

Yannick Haenel a donc continué, bien après le procès, comme si le procès ne s’était pas achevé, en quelque sorte. Mais surtout comme s’il fallait qu’il continue à le transmettre, "parce qu’un procès a une date de fin et puis on passe à autre chose".

Un livre très intime

Le livre est écrit à la première personne du pluriel, parce qu’une communauté s’est ouverte, qui n’est pas seulement celle de Charlie Hebdo, où Yannick Haenel s’est fait des amis, mais qui est celle de tous ceux qui avaient déjà vécu 2015, cette année maléfique, de tous ceux et celles qui ont assisté au procès et qui lui ont écrit des messages spontanés et immédiats de soutien.

"Peut-être ai-je aussi écrit ce livre pour prolonger ce dialogue avec des inconnus. Pour qu’on continue à éclairer la nuit, comme ça, une piste… J’écrivais toujours dans la nuit, de 4h à 7h, et tous ces messages, c’était comme des lucioles. J’ai l’impression que le chemin s’éclairait. Je n’ai pas pu m’en passer."

Le livre est très spécial parce qu’il est d’une intimité presque déroutante, explique Yannick Haenel. "J’ai été obligé de raconter des choses qui se passent chez moi, puisque je voulais quand même donner à entendre ce que c’est que d’essayer de confronter la littérature ou l’écriture quotidienne à l’infamie, à l’innommable."

Je ne voulais pas, par orgueil en fait, que l’innommable ait le dernier mot. Que la mort ait le dernier mot.

"Les vivants sont des témoins"

Quand on assiste à un procès, il n’y a que ça : les vivants sont des témoins. Les accusés aussi sont témoins d’une chose qu’ils ont faites ou qu’ils n’ont pas faites.

Yannick Haenel a pu entendre ces personnes qui ont vécu leurs propres paroles à la barre comme une métamorphose, cinq ans après les crimes auxquels ils ont échappé.

"J’ai vu que parler est toujours initiatique et qu’un témoin, une témoin, c’est quelqu’un qui ne cesse de vivre la parole comme tentative désespérée de poser une digue, de manière à la fois – et c’était très ambigu et très beau - à établir un mur définitif entre les événements terribles qu’ils ont vécus et eux, et une manière en même temps de ne pas oublier, de garder ce lien."

Les témoins, pour moi, sont ceux et celles qui luttent pour que la parole vive. C’est l’autre nom de la littérature.

"En écrivant ce livre, Notre solitude, ça a été, plus que pendant le procès et les chroniques, ma manière à moi de témoigner pour les témoins et donc, d’accomplir positivement, à ma manière, la question de Paul Celan, qui demandait dans un poème : n’y a-t-il donc personne pour témoigner pour les témoins ?"

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FC. La Grande Table idées par Olivia Gesbert, 11 octobre 2021.

Comment écrire après que l’horreur a fait taire tout les mots ? la littérature peut-elle aider à faire son deuil ? Avec son essai "Notre Solitude", Yannick Haenel raconte son quotidien de chroniqueur au procès des attentats Charlie Hebdo, dans un récit mêlant poésie et philosophie.

Alors qu’il chronique le procès des attentats de janvier 2015 pour Charlie Hebdo, Yannick Haenel est confronté à la violence des images des caméras de surveillance. A la table de son café, le journaliste se découvre incapable d’écrire : la rencontre avec l’horreur a provoqué un syndrome de la page blanche qu’il ne pourra conjurer qu’en creusant la question de la folie humaine, du deuil possible et du salut par la littérature.

Une réflexion qu’il partage avec nous dans Notre Solitude (Les échappés, octobre 2021).

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Dessin de François Boucq.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Au beau pays de la justice

Fabrice Nicolino

Ce 7 octobre, sort le nouveau livre de Yannick Haenel « Notre solitude » aux éditions Les Échappés. Une véritable réflexion sur le mal, la survie, la douleur mais aussi l’évolution de la société française depuis les attentats de janvier 2015 qui ont bouleversé le pays.

Ce pourrait être une déambulation, mais Haenel, s’il marche, sait où il va. Il nous entraîne dans un pays imaginaire, mille fois plus réel que tout autre : celui de l’âme. ­Disons de suite que c’est bouleversant, car il circule librement des morts aux vivants. Très vite, on songe à nos si chères mythologies. À Styx, fille selon certains – on l’avait oublié – du terrifiant Érèbe et de sa soeur Nyx – la Nuit –, tous deux venus du Chaos des origines.

Nul besoin du moindre effort. Quand il évoque la haute ­figure de Zarie Sibony, venue depuis Israël témoigner au procès des attentats de janvier 2015, on la voit comme si l’on y était remonter le fleuve de la haine, ce fameux Styx qui ne coule pourtant que dans un sens, vers les ­Enfers. Or cette mira­culée de l’Hyper Cacher – Coulibaly, qui lui a tiré dessus, n’a pas réussi à l’atteindre – ne cesse de remonter du sous-sol où sont cachés quelques clients. Et elle vivra, contre l’évidence du crime. Le magasin, nous dit Haenel, est devenu un schéol, terme de la Bible hébraïque qui désigne une tombe. Celle de toute l’humanité. Mais «  lorsque ­Zarie Sibony s’est avancée vers la barre, nous sommes passés des ténèbres à la lumière ».

Comment fait-on  ? Yannick a tenu pour nous cinquante-quatre jours du terrible procès de l’an passé. Dépassant de loin ce qu’un être comme lui a l’habitude de vivre. On le suit comme si l’on était installé sur son épaule. Dès le quatrième jour, le 8 septembre 2020, on projette dans la salle du tribunal des photos, puis des images scellées. Scellées au sens propre, découvertes ce jour-là. Elles sont impossibles. Folles, ­in­admissibles. « En sortant du tribunal, écrit-il, la douceur de l’été m’a arraché des larmes. »

Ce ne seront pas les dernières. Ce soir-là, alors qu’il doit envoyer son papier quotidien, il ne peut pas. Il boit des verres de blanc dans un bistrot, se soûlant consciencieusement. Est-ce bien Edwy Plenel qu’il aperçoit quelques tables plus loin  ? Est-ce bien celui qui a tant craché sur nos tombes  ? On ne le saura pas. Après le tram qui le ramène chez lui, où l’attendent sa femme et sa fille, il tombe lourdement dans une flaque d’eau, ne peut se relever, ne le veut, même. Chez lui, hésitant entre la nuit, la veille, le dés­espoir de ne pas être là où il devrait être, il invoque Circé, la magicienne de L’Odyssée.

Comment atteindre les morts  ? Il creuse un trou au pied d’un arbre de son jardin, et se livre à un rite qui ne déparerait guère dans quelque tradition chamanique. Puis avale, à l’aide d’un vin saisi au goulot, une page de Kafka. Si Haenel est proche jusqu’à la brûlure de Charlie, il habite une autre planète : « Le combat contre les religions m’était absolument étranger : j’aime les dieux, les déesses et en écrivant je ne pense qu’au sacré. Sans être croyant, je suis très peu laïc.  »

Cette distance transforme le livre en une ode aux mots « amour », « justice », « vérité »

Cette distance transforme ainsi le livre en une ode aux mots « amour », « justice », « vérité », sanctifiés. « Les vrais écrivains, sont ceux qui parviennent, en un éclair de phrase, à redonner vie à ces grands mots, à libérer l’avenir qui est contenu en eux. » On ne s’étonnera pas qu’il cite au fil des pages, naturellement, exactement, Kafka, bien sûr, mais Levinas, Gogol, Beckett, Pascal, Shakespeare, Robert Antelme. Sans oublier Hegel, qui paraît avoir écrit pour lui : « L’esprit n’obtient sa vérité qu’en se trouvant soi-même dans le déchirement absolu. »

Absolu. Tel est le maître-mot du livre. C’est peut-être lorsqu’il parle des accusés qu’Haenel s’en approche le plus. Il a l’art puissant de parler aux morts et d’honorer les vivants, mais il sait de même juger le crime. Les séances du procès sont autant de boucles qui densifient et compliquent son approche. Après tant d’autres, il pose cette question sans réponse évidente : « Est-ce qu’un accusé ne fait plus partie de l’humanité  ? » S’il est dur, sans pitié, avec Ali Riza Polat, il ne peut s’empêcher de voir au-delà des ténèbres. Willy Prévost, dont le vide est insondable, lui fait mal au cœur : « Les hommes détruits ne font que détruire. » Quant à Michel Catino, les carnets ­d’audience que livre sans relâche Haenel appellent de ses vœux un acquittement. Pourquoi  ? « Je ne sais pas ce qui m’a pris. » Mais nous, qui admirons le livre, nous le savons : parce qu’il y a plus beau que la haine.

Charlie Hebdo. Mis en ligne le 7 octobre 2021
Paru dans l’édition 1524 du 6 octobre

LIRE AUSSI :
Hyper Cacher de la porte de Vincennes : «  Mille fois je me suis imaginée bloquée dedans  »
Haenel et Boucq au pays de la justice
Raconter l’indicible : le procès de janvier 2015 avec Yannick Haenel et François Boucq
Le récit du « procès Charlie » par Yannick Haenel : une « plongée dans l’espèce humaine et ses abîmes »

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Pas facile de sortir d’une telle expérience. Le 15 septembre, Haenel écrit encore dans sa chronique de Charlie...

H comme hanté

Ce matin, en me réveillant comme d’habitude à 6 h 30, j’ai eu un coup au cœur : j’avais oublié d’écrire ma chronique sur le procès. J’ai bondi du lit et, en prenant ma douche, j’ai réalisé que je n’étais pas le chroniqueur du procès des attentats du 13 Novembre.

Ça ne m’a pas tellement soulagé : que faire quand on n’assiste pas à un procès  ? La question peut sembler loufoque, et pourtant, depuis le début du procès des attentats du 13 Novembre, je dois bien avouer que je ne pense qu’à ça. Après avoir passé trois mois, l’année dernière, à suivre pour Charlie celui des attentats de janvier 2015, et encore six mois à écrire à son propos, il me semblait en effet raisonnable de ne pas consacrer neuf nouveaux mois de ma vie à celui qui vient de commencer.

Mais voyez : chaque matin, après avoir accompagné ma fille à l’école, mes pensées vont vers le palais de justice où les audiences se déroulent sans moi  ; je me précipite sur Internet pour lire les excellents comptes rendus dessinés de Charlie, je clique sur le site de France Inter pour dévorer les chroniques remarquables de Charlotte Piret et de Sophie Parmentier, puis sur celui de L’Obs où je lis celles, tout aussi passionnantes, de Mathieu Delahousse et d’Emmanuel Carrère. Je cherche ­encore, ça ne s’arrête plus  ; puis, quand je ne trouve plus rien, voici que je me plonge dans la lecture du livre extraordinaire d’Etty Mansour, Convoyeur de la mort (Éditions des Équateurs), consacré à Salah Abdeslam et à Molenbeek, dont je reparlerai bientôt en détail, quand je l’aurai fini.

Et puis, je commence enfin ma journée d’écrivain libre de ne pas assister au procès...

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Pour mieux comprendre Yannick Haenel...

Rencontres // Stéphane Habib et Yannick Haenel

« Rencontres » avec les auteurs Stéphane Habib et Yannick Haenel autour de leurs récents ouvrages, « Il y a l’antisémitisme » (Les liens qui libèrent, 2020), « Faire avec l’impossible. Pour une relance du politique » (Préface de Delphine Horvilleur et postface de Paul Audi, Poche, 2017) et « 2015 - Le Procès » (Avec François Boucq, Les échappés, 2021)
Un entretien présenté par Raphael Zagury-Orly, membre fondateur philosophe des Rencontres Philosophiques de Monaco.

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A la recherche du point le plus vivant

7 août 2021, dans le cadre du banquet du livre d’été « toute lecture est un parcours » qui s’est déroulé du 6 au 13 août 2021, Patrick Boucheron évoquait Yannick Haenel et son oeuvre. Et manifestement il a lu les livres dont il parle : Cercle, Jan Karski, Tiens ferme ta couronne, La solitude Caravage, etc...

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3 Messages

  • Albert Gauvin | 13 février 2023 - 12:16 1

    Rencontre avec Yannick Haenel

    Pendant le Festival TNB 2022, une conversation a eu lieu entre Yannick Haenel, artiste associé au TNB, et Joëlle Gayot, collaboratrice du TNB, en écho à la lecture par Marie-Sophie Ferdane de son texte Notre solitude.


    Yannick Haenel au TNB.
    ZOOM : cliquer sur l’image.
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    Lors de cette rencontre, l’écrivain rennais Yannick Haenel est revenu sur le processus d’écriture mis en œuvre dans son ouvrage Notre solitude.

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    Entretien avec Yannick Haenel

    Y-a-t-il pour vous un avant et un après l’écriture de vos chroniques et de ce récit ?

    Le suivi de ce procès et son écriture pendant 3 mois m’ont changé. D’une part, il y a l’intensité de ce qui s’est joué chaque jour, les prises de parole des survivant·es et des témoins. Elles m’ont bouleversé et acculé à une responsabilité : être, à mon tour, un témoin de témoins. Je devais donc trouver une écriture qui soit au plus près et au plus juste de ce qui se déroulait durant les audiences. Il me fallait sauver des paroles qui n’étaient ni enregistrées ni filmées, mais juste notées à la va-vite. J’étais pris dans l’urgence et la responsabilité de dire juste et de tout dire. Cette double exigence m’a renvoyé à l’essence même de la littérature, à ce qu’elle a de plus beau et de plus impossible.

    Comment avez-vous écrit ?

    « C’était un face à face avec l’humanité. Jamais je n’avais été aussi près des abîmes »
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    L’écriture ne s’arrêtait jamais. Il pouvait y avoir 10 heures de débat dans la journée. Mon texte devait être livré le matin tôt à Charlie Hebdo. Il n’était pas question d’en différer l’envoi. Cette impossibilité de remettre à plus tard m’a accordé à une vitesse dramatique de l’écriture. Assez vite, j’ai créé un rituel. Au sortir du procès, j’étais épuisé. J’ai donc décidé d’écrire à 4 heures du matin, 1, 2 ou 15 pages, chaque jour, et ce pendant 3 heures. Cette expérience – écrire et être à la hauteur de l’innommable, le crime, la mort et la survivance –, m’a recentré sur l’essentiel. J’ai écrit au scalpel. Je ne me suis plus raconté d’histoire. C’était un face à face avec l’humanité. Jamais je n’avais été aussi près des abîmes. Les survivant·es de l’Hyper Cacher de Vincennes et de Charlie Hebdo m’ont marqué à jamais. Arriver à redire ce qu’ils disaient, articuler leurs mots à de grandes questions philosophiques : tel était mon objet.

    Une des phrases fondamentales de votre récit n’est-elle pas la suivante : « Les morts ne meurent pas tant que nous parlons d’eux » ?

    « Le langage sait créer de la vie même là où on la pense muette. »
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    Il s’agit d’une profession de foi et d’une définition du langage humain, de ce qui nous voue à reprendre vie, sans cesse, avec le langage. Si je voulais utiliser un mot religieux, je parlerais de résurrection, mais au sens laïc. La résurrection laïque n’est rien d’autre que la mémoire. Comme dans l’amour, tant qu’on pense à quelqu’un, ce quelqu’un existe. J’ai vécu un débordement. Jamais je n’ai autant écrit de ma vie. Parfois dans ma divagation nocturne, je me disais que si on ne cessait plus d’écrire, alors la mort n’existerait pas. Il y a quelque chose de spirituel ou de mystique dans l’idée que quelque chose est plus fort que la mort. Mais c’est un fait : le langage sait créer de la vie même là où on la pense muette. J’avais, c’est vrai, la hantise que ça s’arrête de parler.

    Avec ce titre en forme de quasi oxymore, Notre solitude, ne convoquez-vous pas implicitement le théâtre, qui est le lieu par excellence d’une solitude intime mais collective ?

    Lorsque j’ai entendu Marie-Sophie Ferdane dire le texte, j’étais stupéfait. Écrivant la nuit, j’avais été confronté à ma solitude. En revanche, ce qui s’est passé pendant les 3 mois d’audiences relève des rituels et des prises de parole. Au procès, tout était adressé à une communauté qui ne cessait de se faire ou se défaire. La transmission par la voix d’une actrice semble être une évidence. Ce texte écrit à voix basse sera dit à bouche ouverte par Marie-Sophie Ferdane face à un public.

    Crédit : Le Magazine du TNB


  • Albert Gauvin | 18 novembre 2022 - 00:35 2

    Jeudi 17 novembre 2022. Comme chaque soir, nous quittons Paris, pour prendre des nouvelles d’artistes présentant leur travail en région ou à l’étranger. Aujourd’hui : rencontre avec la comédienne et metteuse en scène Marie-Sophie Ferdane à l’occasion de sa participation au Festival TNB à Rennes.

    Arnaud Laporte s’entretient avec la comédienne Marie-Sophie Ferdane qui met en scène et en voix “Notre Solitude”, le récit d’une voix, celle de Yannick Haenel, écrivain et chroniqueur au journal Charlie Hebdo depuis 2015, qui a couvert le procès des attentats de janvier 2015 durant deux mois et demi. Une confession intime de l’écrivain sur ce que le procès a fait de lui, psychologiquement et physiquement. Un spectacle à découvrir du 18 au 24 novembre dans le cadre du Festival TNB qui se tient du 15 au 27 novembre à Rennes.

    ECOUTER ICI

    De septembre à décembre 2020, Yannick Haenel s’est rendu chaque jour au Palais de Justice à Paris pour y suivre le procès des attentats contre Charlie Hebdo, journal dans lequel il est chroniqueur depuis 2015. Une épreuve quotidienne dont il n’est pas sorti indemne. Dans un récit bouleversant, avec un souci permanent de justesse et de vérité, il raconte l’impact qu’ont eu sur lui les prises de paroles déployées dans le prétoire. Et la façon dont écrire a pu, parfois, lui paraître incongru. Grâce à la lecture pudique de la comédienne virtuose, servante vengeresse dans Mes frères d’Arthur Nauzyciel (2020), ce qui s’entend dans le théâtre est moins un témoignage qu’un kaddish. Une prière pour les morts, afin qu’ils soient dignement accueillis dans la sépulture des mots. Cette célébration est aussi une ode au pouvoir cathartique et réparateur de l’art et de la création. — Présentation du TNB.


  • Albert Gauvin | 15 octobre 2021 - 12:45 3

    L’infamie

    Yannick Haenel

    Je pense tout le temps à l’assassinat de Samuel Paty. Voilà un an qu’a eu lieu cette abomination et il me semble qu’elle s’est déroulée ce matin  ; il me semble qu’une telle infamie s’accomplit désormais à chaque instant et que ce crime d’iniquité s’est propagé au monde : il se diffuse à travers l’air que nous respirons. Les islamistes radicaux n’ont pas seulement inspiré, organisé et commis le plus immonde des assassinats, mais ils ont été parfaitement aidés dans leur entreprise de mort par ce que notre monde produit de plus lamentable, c’est-à-dire la manipulation (propagée sur les réseaux sociaux) et le lobbying (celui de la haine étant le plus efficace). La mesquinerie de quelques adolescents et la lâcheté de l’Éducation nationale ont fait le reste : tout ce que la France a de merdique et de trouillard s’est ainsi coalisé pour accomplir publiquement un lynchage.

    Tout ce que la France a de merdique et de trouillard

    En France, en 2020, un professeur de collège, c’est-à-dire l’incarnation même de ce que la République a de plus noble et de plus courageux, s’est fait trancher la tête dans la rue devant son collège parce qu’il avait appliqué en classe, comme l’exige son métier, les principes de la laïcité.

    Je pense à la solitude des professeurs, abandonnés de tous, à la connerie ambiante qui rend possible qu’ils soient devenus des cibles, et à l’infamie islamiste qui fait de leur monde un enfer, car désormais il y aura toujours devant eux, en classe, un élève, décervelé par les réseaux sociaux, qui pense que la mort de Samuel Paty était « méritée » car il aurait « offensé l’islam ».

    À LIRE AUSSI : Samuel Paty : un an après, les profs abandonnés au front

    Alors j’ouvre un petit livre de 90 pages qui me fait du bien. C’est la plaidoirie passionnée, passionnante que Richard Malka, l’avocat de Charlie Hebdo, a prononcée en décembre dernier lors du procès des attentats de janvier 2015. Ça s’appelle Le Droit d’emmerder Dieu (éd. Grasset).

    J’en recopie des phrases, il suffit de les lire : « Ce qui souille l’humanité, ce qui insulte Dieu s’il existe, ce ne sont pas nos caricatures, c’est le meurtre d’innocents.  »

    «  Ce ne sont pas nos dessins qui sont coupables, c’est la ­barbarie. »

    « L’islamisme ne peut pas être la seule religion de ce pays à exiger de ne pas être critiquée. »

    « À chaque fois, ce qui est critiqué, c’est le fanatisme religieux, pas la religion en elle-même. »

    «  Les religions doivent faire l’objet de la satire, et pour ­reprendre les mots de Salman Rushdie, "de notre manque de ­respect ­intrépide". »

    Ceci encore, juste pour nous rappeler que rire n’est pas tuer : « Il n’y a jamais eu un crime dans l’histoire de l’humanité commis au nom du droit de rire de Dieu. »

    Enfin, à l’intention du président Erdogan, qui donne à la France des leçons de tolérance alors qu’il fait massacrer des musulmans kurdes : « Massacrer des milliers de musulmans, ce n’est pas islamophobe, mais publier des dessins, ce serait islamophobe  ? »

    Charlie Hebdo, 14 octobre 2021