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Francis Ponge, La fabrique du pré

Nouvelle édition. Parution : 04-02-2021

D 18 février 2021     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Francis Ponge
La fabrique du pré

Nouvelle édition établie par Andrea Guiducci
Collection Blanche, Gallimard
Parution : 04-02-2021

La première édition de La Fabrique du Pré a été publiée dans la collection
« Les sentiers de la création », dirigée par Gaëtan Picon aux Éditions Skira, en 1971. Une réédition à l’identique a été publiée en 1990. Ce volume est constitué comme suit : un texte de présentation figurant sur le rabat de la première page de couverture ; « Les sentiers de la création » ; la reproduction en fac-similé des 91 folios de « La fabrique du pré », accompagnée de 23 illustrations ; la version définitive du « Pré » imprimée sur papier bis ; la transcription de « La fabrique du pré » imprimée sur papier vert ; le fac-similé du folio « Voici pourquoi j’ai vécu » figurant, avant la table des illustrations, en fin de volume. La correspondance de Francis Ponge ne permet pas de déterminer avec précision la part de l’auteur dans la sélection des illustrations ; à signaler également que l’éditeur n’a pas soumis les épreuves à l’auteur, qui n’a donc pas donné son bon à tirer.
En 2002, une nouvelle édition de La Fabrique du Pré a été réalisée par le soin de Bernard Veck dans le cadre de la publication des Œuvres complètes de Francis Ponge (tome II) dans la « Bibliothèque de la Pléiade ». Cette édition comprend :
« Les sentiers de la création » ; la transcription des 92 fac-similés figurant dans l’édition originale ; en atelier, la transcription de 78 folios, reliquat de l’édition originale, plus celle de 5 folios retrouvés dans le dossier mais non reproduits dans l’édition originale ; le texte de présentation. La transcription reproduit les variantes, omises dans l’édition originale, ainsi que, en note de bas de page, les ajouts marginaux.
Pour la présente édition ont été retenus : le texte de présentation en ouverture de volume ; « Les sentiers de la création » ; la transcription des 91 folios de l’édition originale, reproduisant typographiquement le manuscrit autant que faire se peut ; le folio « Voici pourquoi j’ai vécu », qui ne semble pas appartenir à l’avant-texte du Pré, est reproduit en quatrième de couverture. Dans ce volume figurent aussi 2 illustrations reprises de l’édition originale permettant de situer le pré, ainsi que la reproduction en fac-similé de 18 folios qui fournissent un échantillon de la richesse de ce manuscrit conservé à la Bibliothèque littéraire Jacques Doucet.

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Nuit
du 19 au 20 juillet 1961
(les Fleurys)

Voici pourquoi j’ai vécu

Goûtant un vif plaisir à ne rien faire que provoquer par ma seule présence (chargée d’une sorte d’aimantation à l’être des choses) — cette présence étant en quelque façon exemplaire : par l’intensité de son calme (souriant, bienveillant), par la force de son attente, par la force d’exemple de son existence accomplie dans le calme, dans le repos, par la force d’exemple de sa santé — que provoquer une intensification vraie, authentique, sans fard de la nature des êtres et des choses, qu’à l’attendre, qu’à attendre ce moment-là.

À ne rien faire qu’à attendre leur déclaration particulière.

Puis à la fixer, l’attester : à l’immobiliser à la pétrifier (dit Sartre) pour l’éternité, à la satisfaire ou encore à l’aider (sans moi ce ne serait pas possible) à se satisfaire.
À ne rien faire qu’écrire lentement noir sur blanc, très lentement, attentivement, très noir sur très blanc.
Je me suis allongé aux côtés des êtres et des choses la plume à la main, et mon écritoire (une page blanche) sur les genoux.

J’ai écrit, cela a été publié, j’ai vécu.
J’ai écrit. Ils ont vécu, j’ai vécu.

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Les premières pages

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Voici un livre dont je ne sais trop ce qu’en définitive il sera. Pourtant, qu’à cela ne tienne, de cela même ayant pu faire ce petit paragraphe déjà… Passé le fort du déduit, que désirez-vous donc lire encore ? Quelque anecdote ? — La voici.
À l’ami de cette collection venu me rappeler ma promesse : « Vous vous adressez, lui ai-je dit, et cela, vous le saviez bien, à un vieux professionnel de la démystification à outrance. Les sentiers de la création, mes clients en connaissent un bout. Mais enfin, voyez donc ce fatras. Lisez-en ce que vous pourrez en lire. Laissez-en ce qui vous rebute. Qu’ensuite… De ce qui en aura résulté, et que par avance j’assume, chaque lecteur, à son tour, aura l’usage. »
Il s’agit ici, en l’espèce, de la prostitution, la tête sous l’oreiller, de mon PRÉ. Mais pourquoi, me dira-t-on, ce genre de littérature ? — Pour une idée de temps en temps qui me hante, qui n’est, je le crains, qu’un lieu commun, seulement lu à l’envers : c’est que le pire ennemi du mal, le seul en tout cas digne de lui, eh bien peut-être est-ce le pire.

Francis PONGE

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Les sentiers de la création
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20 mai 1970

S’il me faut, une fois de plus — et parce que ces problèmes et le genre littéraire qu’ils ont suscité sont maintenant à la mode —, mettre sur table les états successifs de mon travail d’écriture à propos de telle ou telle émotion qui m’a d’abord porté à cette activité, je choisirai d’étaler mes notes sur le pré.

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Les Vergers, le 23 mars 1970

Les : article au pluriel, du latin ille, illi, illos.

Sentiers : Pluriel de sentier, du latin semitarius, relatif à une sente (sentier serait donc d’abord un adjectif). Sente est du latin semita, qui pourrait lui être venu de l’arabe (c’est-à-dire du sémitique) samata semt, voie, chemin (les sémites seraient donc nommés ainsi parce que ce sont des nomades ?) (Littré, t. IV, p. 1896 et 1897). De sente, le premier exemple cité par Littré est du XIIe siècle (Rois) ; de sentier, du XIe (Chanson de Roland).
Définition de sente : synonyme populaire de sentier (dont voici la définition : chemin étroit dans la campagne ou les bois qui ne sert qu’aux piétons). Il y aurait donc a priori l’idée, le lieu commun du chemin étroit, de la porte étroite. Les sentiers de la création, dit-on, et pourquoi pas les avenues ?

de :
la :
création :
Je n’aime pas trop ce mot, car selon Démocrite et Épicure, rien ne se crée de rien dans la nature (c.a.d. rien n’est créé). Rien ne se crée de rien, et il est bien évident que les opera litteraria le sont à partir des lettres et des mots et des signes de ponctuation, etc. (par simple permutation de ce que Lucrèce appelle elementaria).
C’est du latin creationem, de creare, du sanscrit kri, faire.
Créer : « action d’inventer, de fonder, de produire, de nommer à un emploi (pratique) » (Littré, t. I, p. 887).

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30 mars 1970

I

(Au mois d’août 1960), 30 ans après, nous nous trouvions une fois de plus dans cette région de France, qui a toujours été l’un de nos lieux de prédilection : cette haute partie du Vivarais, où le Lignon, assez improprement appelé Vellave, puisqu’il naît dans le massif du Mezenc, commence à descendre vers la haute Loire (arrosant successivement Faÿ, Mars, le Chambon, Tence) avant de s’y jeter, non loin de Monistrol.

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30 mars 1970

II

Par
Sur les sentiers de la création
Mettons-nous donc en chemin.

Les sentiers de la création, eh bien, ce sont évidemment les lignes de l’écriture.
Il ne tient point de chemin, il va à travers champs.
Je prends donc le chemin de vous venir voir.
Prendre le chemin de créer quoi que ce soit.
Ouvrir le chemin.
« Le chemin est encore ouvert au repentir »
(Racine, Bajazet)
Quels chemins prendrons-nous ? sinon ceux que nous ouvre notre plume (notre écriture).
Quels chemins donc pourrons-nous prendre ? sinon ceux que nous ouvre (fraye) l’écriture.
N’y allons pas par quatre chemins (avec détours et ménagements).
Je n’irai pas par quatre chemins pour expliquer ma méthode créative.
Il ne faisait pas bon se trouver sur son chemin (le contrecarrer).
La « création » (comme vous dites) nous fera voir bien du chemin.

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30 mars 1970

III

Prendre le chemin de l’école ou des écoliers : le chemin le plus long.
Montrer le chemin. Il est ravi de montrer le chemin aux autres
(Sévigné).
Ne nous arrêtons pas en si beau chemin. Ne nous arrêtons pas à moitié chemin (à mi-chemin).
Allons toujours notre chemin.
(aller son petit bonhomme de chemin).

Chemin battu, frayé.
Les grands chemins.
Aller son grand chemin, en parlant d’une chose qui s’accomplit sans peine.
Tels traités allaient leur grand chemin
(La Fontaine).
Vieux comme un chemin.
Chemin de traverse (qui s’écarte du grand chemin)
Chemin de halage
Chemin de ronde.
Chemin couvert (à couvert, le long des fossés d’une place)

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30 mars 1970

IV

Faire du chemin.
Ses charmes faisaient leur chemin dans le cœur du roi (Hamilton)
(gagner du terrain).
Chemin faisant (pendant le trajet)
— Cependant, devisons, chemin faisant —
Faire la moitié du chemin (faire des avances)
Tromper le chemin, se désennuyer par quelque chose, tout en cheminant.

Eux discourant, pour tromper le chemin, de chose et d’autre,
Ils tombèrent enfin sur ce qu’on dit de la vertu secrète de certains mots…
(La Fontaine, Oraison)
Cet homme-là fera son chemin

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30 mars 1970

V

« La foi est le chemin de l’intelligence »
(Bossuet, cité par Littré)
Ainsi pourrions-nous dire : la sensibilité est le chemin à la création (est
un des chemins à la création)
ou L’amour des mots est le
chemin à la création littéraire
poétique
c.a.d. aussi bien, le chemin à la self-création.

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LES EXTRAITS pdf

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Comme je disais à Ph. S., hier soir


La fabrique du pré, Skira, 1971, p. 46.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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La fabrique du pré, Gallimard, 2021, p. 37.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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DU PRÉ À LA FABRIQUE (1964-1985)

LE PRÉ

Le poème Le pré fut d’abord publié dans le numéro 18 de Tel Quel à l’été 1964.


Le pré, Tel Quel 18, été 1964, p. 3.
ZOOM : cliquer sur l’image.

Le pré, Tel Quel 18, été 1964, p. 4.
ZOOM : cliquer sur l’image.

Le pré, Tel Quel 18, été 1964, p. 5.
ZOOM : cliquer sur l’image.

Le pré, Tel Quel 18, été 1964, p. 6.
ZOOM : cliquer sur l’image.
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Vers Francis Ponge

Service de la recherche de l’ORTF. Réalisation de Guy Casaril.

« Les images qui suivent ont été enregistrées le 10 juin 1965. Nous avons choisi de les présenter telles quelles comme le brouillon d’un film qui ne sera jamais réalisé. »

Un entretien essentiel où Ponge parle de son « art poétique » (de sa« rage de l’expression » et de son « parti pris des choses ») et lit Le verre d’eau (« Pas de verre, ni de l’eau mais un verre d’eau rendu sensible par les mots ») [1] alors qu’il vient d’"achever" Le pré (il le lit et le commente à partir de 37’37") sans en avoir encore révélé « la fabrique ».
L’entretien est divisé en quatre volets :
— Première partie : êtes-vous poète ?
« Je ne suis pas poète, j’essaie de partir de l’objet et d’être aussi objectif que possible. Mes sentiments interviennent sans doute ensuite, mais la "Révolution" c’est, au lieu de faire servir la pluie à l’expression de mes sentiments, de décrire la pluie, et, parce que je suis un homme, les mêmes mots qui servent à décrire la pluie, servent aussi à exprimer les émotions. »
« ... il se trouvera à un certain moment que ces mots installés pour décrire au plus près, de la manière la plus froide possible, agencés pour cette expression réduite au maximum à la particularité qui fait la différence de la chose, ces mots vont descendre à un niveau logique, atteindre une profondeur en même temps qu’une simplicité. Le texte obtient alors une certaine réalité dans le monde des textes, c’est-à-dire qu’il fonctionne comme une horloge, comme une personne, comme une machine. »
— Deuxième partie : extraits du « Verre d’eau »
— Troisième partie : Ecrire
— Quatrième partie : « Le Pré ».

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Entretiens de Francis Ponge avec Philippe Sollers

Ces entretiens ont été diffusés sur France-Culture en avril 1967, puis en 1988 après la mort de l’écrivain. Dans le 11ème entretien, Sollers aborde la question du matérialisme de Ponge. Il parle d’un « matérialisme sémantique » et questionne Ponge sur le texte publié trois ans plus tôt dans le numéro 18 de Tel Quel, Le Pré. Ponge explique alors comment il a composé son texte et en lit de longs extraits. C’est, à ma connaissance, la plus claire explication qu’il ait donnée oralement avant la publication, quatre ans plus tard, de La fabrique du pré dans la collection Skira. Dans la seconde partie de cet extrait, Sollers et Ponge abordent le fonctionnement de l’« Objoie » et d’un autre texte de Ponge, Le Savon, qui sera publié en 1967 chez Gallimard [2]. Pour de plus amples explications, je renvoie au texte de Gérard Farasse, Sur les Entretiens de Francis Ponge avec Philippe Sollers.

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ONZIÈME ENTRETIEN
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Rupture et Révolution culturelle.
Un matérialisme sémantique.
« Le Pré »

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PHILIPPE SOLLERS : Francis Ponge, nous avons essayé de parcourir dans vos textes un trajet qui est en même temps une constellation d’écriture : position du texte, position du scripteur, position du lecteur, le tout se déployant dans un espace que nous avons elliptiquement appelé cosmogonique. Cet espace est celui d’une mise en relation entre le fonctionnement du monde, tel qu’il est produit dans vos textes par une fiction permanente, et ces textes eux-mêmes s’écrivant de telle façon que nous avons parlé d’une dispa­rition simultanée des choses, du champ verbal et de l’organisme qui se trouve à leur intersection.
Paradoxalement, il s’agirait ici de la formule même de l’
entrée en matière : ce triple effacement étant comme la condition du réel.
Je me rappelle une de vos expressions. Vous avez dit souvent qu’au fond, l’homme était là dans une sorte d’agonie et qu’il s’ agissait simplement de surveiller celle agonie, de façon rigoureuse.
Vous avez écrit aussi que chaque chose, chaque élément du monde dit concret , représentait une sorte d’erreur dans cette cosmogonie, mais en même temps une perfection achevée de cette erreur, et je crois que ce qui a été important, cela a été de souligner comment le langage, la parole, l’écriture se présentaient à vous, comme une pratique à la fois érotique et mortelle : vous n’avez jamais essayé de passer sous silence la fonction profondément sexuelle de l’écriture. Plus précisément, dans une machinerie qui serait celle, permanente, de la mort et de la reproduction, de même que la langue se perpétue dans l’espèce humaine et passe d’un individu à l’autre, d’une société à l’autre ; de même, vous avez essayé de placer vos textes à ce croisement effervescent de la reproduction et de la mort.
Je voudrais que nous insistions, si vous le voulez bien, sur l’aspect
matérialiste d’une telle conception, parce qu’il me paraît évident que c’est cette inscription matérialiste qui vous distingue absolument du contexte culturel de la littérature idéaliste et bourgeoise, en général. C’est là un des niveaux les plus difficiles dans l’approche que nous pouvons faire de vos textes, et je voudrais savoir si vous êtes d’accord avec l’expression de « matérialisme sémantique », qui a été employée à propos de ces textes. D’un tel matérialisme sémantique, il me semble que « le Pré » apporte la plus éclatante confirmation. Pourquoi ? parce que nous y voyons, réunies dans une imbrication absolue, à la fois cette épaisseur du monde verbal, la référence à un champ concret, à une physique, qui est celle du pré, en même temps qu’une archéologie historique et culturelle qui se trouve à l’intérieur du texte et bouclée avec lui. De telle façon que le pré, c’est non seulement la syllabe « pré » au moment où vous l’écrivez sur le papier, c’est non seulement le carré d’herbe vert qu’il faut que vous suscitiez sur la page, avec des mots, avec toute l’épaisseur colorée des mots, mais c’est aussi le pré, le « préfixe des préfixes », comme vous dites, c’est-à-dire l’origine , l’antériorité, et ce qu’ il y a de plus originel, dans notre langue et notre culture.
Ce Pré vous amène à une signature différente de celle qui est inscrite dans
Le Volet, signé « à l’inté­rieur ». Ici , vous signez sous le Pré, et votre nom propre intervient dans un texte, qui se situe par consé­quent à la convergence de tout ce dont nous avons parlé.

FRANCIS PONGE : Oui. Au sujet, si vous vou­lez, de mon matérialisme, j’ai déjà pu dire combien les mots, les formules verbales, me semblaient une réalité concrète, comportant toute l’évidence et l’épaisseur des choses du monde extérieur. C’est­ à-dire, reprenant, par exemple, la parole de Théophile Gautier, je suis quelqu’un pour qui le monde extérieur existe, ce qui est alors une sorte de réalisme, eh bien ! je m’en approche et je m’en éloigne à la fois, en considérant que le langage, les mots sont aussi un monde extérieur, et que je suis sensible, si vous voulez, à la réalité, à l’évidence, à l’épaisseur de ce monde verbal, au moins autant qu’à celui des objets du monde physique.
Maintenant, pour confirmer ce que je viens de dire et le rapprocher de ce que vous avez dit, il s’agit donc, en effet, d’un matérialisme sémantique, puisque l’histoire des mots, de leur étymologie, des variations de signification qu’ils ont connues depuis qu’ils sont apparus dans le langage humain, dans des langues antérieures à la nôtre, par exemple dans le latin avant d’entrer dans le français, c’est bien cela, n’est-ce pas, la Sémantique, l’histoire des significations variées qu’un mot a pu prendre au cours de son histoire ? Ainsi, comme les personnes ont des ancêtres, les mots ont aussi des ancêtres.
Ils ont, enfin, un arbre, oserai-je dire géné-analogique : celui des associations d’idées qu’ils déve­loppent chez le lecteur, et de tout cela, je tiens compte. Il m’est arrivé de dire que le comble, pour un texte, serait que chacun des mots qui le composent puisse être pris dans chacune des acceptions successives que le mot a eues au cours de son histoire. C’est évidemment un comble et on ne peut pas y atteindre, mais on peut, peut-être, se demander le plus pour obtenir le moins, c’est-à-dire obtenir justement une sorte d’épaisseur de chaque vocable, à l’intérieur du texte. Un texte ainsi composé est naturellement susceptible de plusieurs niveaux de signification.
En ce qui concerne l’Eros et la Mort, et ce que vous appelez l’agonie (c’est un mot, en effet, que j’ai employé) — eh bien j’ai dit aussi très souvent, je crois, au cours de ces entretiens, que la nécessité profonde, enfin ce qui amenait à franchir le silence, était évidemment le désir, et que ce désir était quelque chose de quasi physiologique, biologique, qui, par exemple, dans l’acte sexuel, oblige l’homme à remplir sa fonction, qui est une fonction de régénération, et tout le monde conçoit que les dépenses que fait le corps physique au moment de l’acte de reproduction, eh bien ! sont des pas vers la mort ; enfin, je crois que cela, c’est presque un lieu commun.
Le rapport de l’Eros et de Thanatos est donc évident, et la mort, en ce sens, fait partie de la vie, naturellement. A de très nombreuses reprises, j’ai dit cela, quasi en propres termes et j’ai insisté sur le fait qu’il fallait, en quelque façon, mourir pour donner naissance à quelque chose, ou à quelque personne, et je ne suis pas le premier à avoir conçu que la naissance du texte ne pouvait avoir lieu que par la mort de l’auteur.
L’acte sexuel, l’acte de reproduction exige aussi la présence d’un autre. Eh bien ! comme dans l’espèce, il faut que les deux meurent plus ou moins pour que la troisième personne, ici le texte, puisse naitre.
La deuxième personne, quant à moi, enfin, c’est évidemment, si vous voulez, pour aller très vite, la chose, l’objet qui provoque le désir et qui, lui aussi, meurt, si vous voulez, dans l’opération qui consiste à faire naitre le texte. Donc, il y a mort à la fois de l’auteur et mort de l’objet du désir, mettons de la chose, du pré-texte, du référent, pour que puisse naitre le texte.
Vous avez évoqué un de mes derniers écrits, paru sous le titre « Le Pré ». Peut-être y puis-je prendre l’exemple, un peu, de ce que nous venons de dire, en effet.
J’ai d’abord eu, une fois — et je pourrais situer cela exactement dans le temps et dans l’espace —, une émotion me venant d’un pré, au sens de prairie. J’ai commencé à vouloir rendre compte, éterniser si vous voulez, en quelque façon, par un texte, cette émotion, la garder devant et pour moi, écrire cela de peur de ne pas le retrouver. J’ai donc commencé à écrire, sans me préoccuper d’autre chose que de rendre compte de cette émotion. C’était une besogne d’expression, comme un paysagiste, mais évidemment en me servant des mots.
Très vite, je me suis aperçu que ce mot, ce mot lui-même, pré, qui revenait dans mes notes, ce mot devenait par lui-même non seulement intéressant, mais enfin devenait pour moi comme une espèce d’obsession. Ce mot. Et ce mot, je ne pouvais plus faire autrement que de le retrouver, à chaque instant, dans les paroles que je disais ou qu’on me disait. Pourquoi ? parce que cette syllabe, ce monosyllabe, pré, se trouve constamment dans la bouche des Français qui parlent. Il s’agit d’un préfixe qui est à chaque instant dans la bouche des gens. Il ne s’agit pas seulement du mot qui désigne le petit carré d’herbe, qu’on peut voir, mais il s’agit d’un phonème qui est à chaque instant dans la bouche des gens.
Alors, je suis allé au dictionnaire, pour voir un peu ce que c’était que cela, ce pré , et je me suis rendu compte rapidement que c’était, en effet, une des racines les plus importantes existant en français. Pourquoi ? eh bien ! parce que pré, le pré, la prairie, vient du latin pratum, dont les étymologistes latins disent que c’est une crase, comme on dit, pour paratum, c’est-à-dire ce qui a été préparé.
Poussant plus loin encore et regardant ce que c’était que près — p-r-è-s — ou que prêt, p-r-ê-t, etc., je me suis aperçu que tout cela venait d’une même racine védique, et que, finalement, pré était un monosyllabe qui signifiait à la fois paratum, c’est­ à-dire ce qui a été préparé (et voyez que, dans le mot « préparé », il y a encore « pré ») c’est-à-dire donc le participe passé par excellence, ce qui a été préparé pour l’homme, suppose-t-il, par la nature, pour qu’il connaisse mettons un certain repos, une certaine nourriture aussi, puisque le pré, c’est le lieu de l’herbe, et que l’herbe, c’est le végétal à l’état élémentaire, et que nous mangeons de l’herbe, du fait même que nous mangeons du bœuf ou du mouton, et que, par conséquent, c’est antérieur à l’origine, c’est vraiment le participe passé par excellence.
Mais en même temps, il se trouve que ce préfixe signifie aussi tout ce qui va venir. C’est l’avenir, ce qui précède, etc., enfin ce qui est au futur. Donc, là, je me trouve, à la racine de ce mot, dans un contradictoire admirable, qui signifie à la fois le passé, le présent et l’avenir.
A partir de là, j’ai continué à écrire mon texte, et je suis arrivé à une certaine forme, je suis arrivé à boucler mon texte, de telle façon que s’y confirment à la fois le désir, c’est-à-dire l’émotion que m’a causée ce pré, et la mort, parce qu’aussi le pré, comme je le dis dans mon texte, est à la fois le lieu de la palabre (mon texte est assez long), la palabre, vous savez ce que c’est ? c’est la parole, enfin la discussion ; les paroles ; là, évidemment, est évoqué le pré-aux-clercs, l’endroit, par exemple, où les étudiants, au Moyen Age, venaient discuter, recevaient aussi les leçons de leurs professeurs : la palabre. Mais en même temps, le pré est encore autre chose : c’est le pré du duel ; c’est le pré de l’action ; on dit appeler quelqu’un sur le pré ; c’est le pré de la décision. A ce moment-là, il arrive sur le pré deux personnages, debout, qui croisent ensuite en oblique leurs épées, et finalement, au moins l’un des deux tombe à l’horizontale. Nous avons donc d’abord deux verticales ; ensuite, un duel oblique ; et ensuite, vous avez au moins l’un et parfois les deux qui tombent horizontalement sur le pré ; et il s’agit tout simplement ensuite que l’un des deux, ou les deux, s’ils se sont enferrés mutuellement, eh bien ! soient enterrés, et alors ils sont enterrés sous le pré. Et nous avons encore le pré comme surface de la terre sous laquelle se trouvent enterrées les deux verticales, qui peuvent représenter aussi, comme je le disais tout à l’heure, à la fois l’auteur et la chose, parce qu’il est évident que le duel est un acte d’amour aussi, et que le résultat est la mort des deux ; seul, et seulement, le pré reste, le pré est là, le pré est constitué.
Je ne sais pas si j’ai le temps de lire quelques passages de ce texte. En voici un, par exemple, au début :
« Parfois, ou mettons aussi bien par endroits, parfois notre nature (j’entends dire d’un mot la nature sur notre planète (comme on l’entend d’habi­tude) et ce que chaque jour à notre réveil nous sommes (comme on dit : il a une belle nature , c’ est un beau tempérament)) enfin notre nature nous a préparé un pré. »
Et plus loin, je signifie que « ce fragment limité d’espace, guère plus grand qu’un mouchoir, etc. » nous semble très précieux. Pourquoi ? Pourquoi ce pré nous émeut-il ? nous tient-il en quelque façon « interdits » ? « Serions-nous donc déjà parvenus au Naos ? » (vous savez, le Naos, c’est le lieu le plus sacré du Temple, où, seuls, les prêtres ont accès).
« Enfin, au lieu sacré d’un petit déjeuné de raisons » (c’est-à-dire que, là, il ne s’agit plus des raisons, elles sont avalées, à proprement parler. Là est évoqué également le déjeuner sur l’herbe). « Nous voici, en tout cas, au cœur des pléonasmes et au seul niveau logique qui nous convient. »
« Crase de paratum, selon les étymologistes latins, près de la roche et du ru (du ruisseau), prêt à faucher ou à paître, préparé pour nous par la nature, pré (accent aigu) (virgule) paré (virgule), pré (encore accent aigu, et là, c’est le préfixe) (virgule) près (p-r-è-s) (virgule) prêt (p-r-ê-t), le pré gisant comme le participe passé par excellence, s’y révère aussi bien comme notre préfixe des préfixes. » (Voyez, il est toujours là.) « Préfixe déjà dans préfixe, présent déjà dans présent. Pas moyen de sortir de nos onomatopées originelles. Il faut donc y rentrer. Nul besoin d’ailleurs d’en sortir, leurs variations suffisant bien à rendre compte de la merveilleusement fastidieuse monotonie et variété du monde enfin de sa perpétuité. »
Et à la fin, j’en viens au tombeau, si vous voulez.
« Transportés tout à coup par une, sorte d’enthousiasme paisible, en faveur d’une vérité aujourd’hui qui soit verte, nous nous trouvons bientôt alités de tout notre long sur ce pré, dès longtemps préparé pour nous, par la nature, où n’avoir plus égard qu’au ciel bleu. »
(Il s’agit de l’homme qui est allonge sur le pré, mais là encore bien vivant.)
« L’oiseau qui le survole en sens inverse de l’écriture » (l’oiseau, c’est-à-dire l’accent aigu, n’est­-ce pas ? Nous écrivons de gauche à droite, et ensuite, nous revenons « contradictoirement » en sens inverse, pour poser l’accent aigu) . « L’oiseau qui le survole en sens inverse de l’écriture nous rappelle au concret, et sa « contradiction » (comme je viens de le dire), « accentuant du pré la note différentielle, quant à tels près, ou prêt, ou au prai (— p-r-a-i —), de prairie » (c’est bien l’accent, accentuant du pré la note différentielle) « sonne, brève et aiguë, comme une déchirure dans le ciel trop serein des significations ».
« C’est qu’aussi bien le lieu de la longue palabre put devenir celui de la décision. Des deux pareils (si vous voulez, ce sont les deux pairs, p-a-i-r-s enfin les deux gentilshommes, les deux pairs, pareils) arrivés debout, l’un au moins, après un assaut croisé d’armes obliques, demeurera couché, d’abord dessus, puis dessous. »
« Voici donc sur ce pré l’occasion, comme il faut prématurément, d’en finir.
« Messieurs les typographes, placez donc ici, je vous prie, le trait final. Puis dessous, sans le moindre interligne, couchez mon nom, pris dans le bas de case, naturellement, sauf les initiales, bien sûr, puisque ce sont aussi celles du fenouil et de la presle qui, demain, croîtront dessus. »
Ici, un trait horizontal, et ma signature immé­diatement là-dessous, c’est-à-dire que la signature, c’est l’auteur mort, mort et enterré, dont seulement les initiales percent la terre, comme (comme, c’est­ à-dire ni plus ni moins), comme donc percent la terre les herbes qui composent le pré.

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Envoi autographe à André Malraux

« Édition originale sur papier d’édition.
Exemplaire enrichi d’un envoi autographe signé au feutre vert sur le second faux-titre : "à André Malraux, toujours égal, c’est-à-dire toujours supérieur, à ce qu’on attend de lui (aujourd’hui encore : 26 février 71 : "Le Figaro") — et qui nous sera plus que jamais nécessaire — ma gratitude et ma fidélité. / Francis Ponge ".

Superbe envoi à André Malraux, sous le signe du général de Gaulle.

Jamais un ouvrage n’aura mieux répondu à l’intitulé de la collection dans laquelle il fut publié : "Les Sentiers de la création". Francis Ponge, en publiant ses manuscrits, tapuscrits, notes préparatoires au Pré, paru en 1967 dans le Grand Recueil, dévoile sa "méthode créative" et expose pas à pas les coulisses de sa création.

Le très bel envoi à André Malraux se place sous le signe du général de Gaulle. En effet, le texte du Figaro auquel il fait référence consistait en la publication d’extraits des Chênes qu’on abat, l’ouvrage dans lequel André Malraux rapporte ses conversations avec le général retiré à Colombey.

Il révèle un Francis Ponge peu connu qui, après avoir été longtemps membre du parti communiste, a vu dans la figure du général de Gaulle l’incarnation du génie français. »

ARTCURIAL (vente du 16 avril 2014).

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Entretien de Francis Ponge avec Pierre Dumayet

(Le temps de lire, 15-04-71)

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La Fabrique du Pré, de Francis Ponge

par Raymond Jean (Le Monde, le 2 avril 1971)


Édition originale, 1971. A.G. Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

Nul mieux que Francis Ponge n’était désigné pour s’aventurer d’un pas mesuré et précis sur " les sentiers de la création ", dans le cadre de la très belle collection que dirigent Albert Skira et Gaëtan Picon. Il a choisi pour cette exploration (disons : cette mission de reconnaissance) de nous parler du " Pré ", un grand poème publié en 1967 dans le " Nouveau Recueil ".

En fait, l’attention que Ponge porte à ce texte n’est pas nouvelle. Il l’a déjà commenté longuement dans une lecture-monologue réalisée pour la télévision par le service de recherche de l’O.R.T.F. Il y est revenu dans le onzième de ses entretiens avec Philippe Sollers, récemment publiés. Aujourd’hui il s’abandonne. Il livre tout : les dossiers, les carnets, les notes, les ébauches. Et le " Pré " s’étale devant nous dans ses multiples dimensions, fleurit, pousse sous nos yeux, " recommence " à l’infini comme la mer valéryenne. Cela s’appelle " la Fabrique du Pré ".

Extraordinaire cure d’espace et de verdure. Extraordinaire leçon d’écriture surtout. Car Ponge, comme toujours, a voulu commencer par les rudiments. A ce titre, il entreprend de peser les mots du titre de la collection, " sentiers ", " création "... : sens, étymologie, résonance. Dès lors, Ponge est en possession de ce qu’il appelait ailleurs sa " méthode créative " et qui va devenir ici méthode d’analyse génétique.

Pré paré

Tout est venu d’un certain jour d’août 1960 où, s’adressant à Philippe Sollers, Ponge lui a dit son envie d’" écrire " un pré : "un pré entre bois (et rochers) et ruisseau (et rochers)". Le projet a pris forme peu après, l’automne de cette année-là, au Chambon-sur-Lignon, près d’un endroit appelé Chantegrenouille, dans un site où "coulait une rivière (le Lignon) derrière une haie irrégulière, en bordure de petits arbres et de rochers" (les pages 8 et 9 du livre nous offrent d’emblée une photo de ce pré bien réel, dans sa splendeur chlorophyllienne).

Le travail, cette ronde autour de l’objet, va durer quatre ans : de 1960 à 1964. Le pré, c’est d’abord un ensemble d’images : "mille aiguillées de fil vert", "un tapis de repos et un plateau de repas", la moraine des forêts", "un peu de musique, tigettes et fleurettes", "une couche de couleur verte sur un fond couleur de terre", "le marchable, l’ambulable, le piétinable", ou, plus simplement, "une vérité qui soit verte". Mais c’est aussi un "mot", une racine latine, "pratum", crase de " paratum" : "le participe passé par excellence", ce qui est "prêt", ce qui a été "paré" et "préparé", par nature, pour le repos, pour la pâture, pour la vie. C’est un graphisme, avec cette sonorité "brève et aiguë comme une déchirure", et cet accent, "oiseau qui le survole en un sens inverse de l’écriture". C’est un jeu d’harmoniques : le "clavecin des prés" de Rimbaud, la musique de Josquin des Prés, une séquence du "Cinquième Concerto brandebourgeois" de Bach, une vision du Pré-aux-Clercs, "lieu de la décision". La terre, enfin, où fleuriront le fenouil et la prêle, qui portent les initiales mêmes de Francis Ponge...

C’est sur cette "multiplication intérieure de rapports", ces "liaisons" de formes et de sens, ce que Ponge a appelé ailleurs "objeu", que se construit ce livre. Toutes les ébauches nous sont données en fac-similé (et l’écriture pongienne se révèle alors dans sa vérité la plus matérielle) avant d’être reproduites sur des feuilles de papier vert — véritable espace du pré, — tandis que le poème lui-même est couché sur des "pages bises". Terre et verdure. Heureuse composition, due à Lauro Venturi, que vient "parer" une anthologie d’œuvres peintes : le vert triomphant de Chagall voisine ici avec le jeune vert tendre de Picasso, le brun de Balthus avec celui de Giorgione, les fleurs de Botticelli côtoient celles de Dubuffet ou d’une miniature persane. Le livre respire dans l’unité glorieuse du "Pré".

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Le bon plaisir - Francis Ponge

Par Jean Daive
Réalisation Pamela Doussaud.

France culture, le 6 juillet 1985. Extraits.

Aucune différence entre vers et prose. Le Pré (où Ponge nous apprend que la 3ème partie de l’édition Skira dont il n’a pas pu relire les épreuves serait « gravement fautive »).

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A nouveau sur le Pré. L’émotion retenue. Et, après une digression un peu confuse sur la civilisation grecque et romaine, l’homosexualité et l’esclavage, « J’assume tout ce que j’ai écrit. »

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Le dispositif Ponge

par Marcelin Pleynet, Le Monde du 20.12.02.

[...] Il faut relire Le Savon, l’admirable Fabrique du pré, il faut faire l’expérience, en tout point unique, des dispositions de l’énoncé dans la logique de l’entretien qui le confronte aux choses « compte tenu des mots », pour comprendre ce qui est radicalement en jeu dans « la poésie désaffublée » de Francis Ponge.

« Pourquoi, par exemple, le traitement et l’explication des poètes, dans nos écoles supérieures sont-ils depuis des dizaines d’années si désolantes ? Réponse : parce que les enseignants ne savent rien de la distinction entre une chose et un poème, parce qu’ils n’ont jamais été intimement saisi par la question : qu’est-ce qu’une chose ? », écrit Heidegger dans Qu’est-ce qu’une chose ?, pour souligner ensuite : « Déterminer la position fondamentale en train de se transformer à l’intérieur du rapport à l’étant, c’est la tâche d’un siècle entier. »

On dirait autrement que c’est un souci qui occupe et traverse aussi bien le XIXe que le XXe siècle, et que Ponge, qui n’a vraisemblablement pas lu Heidegger, entre tous, saisit. [...]

L’intégralité des textes et enregistrements est à retrouver dans le dossier complet que j’ai consacré à partir de 2007 à Francis Ponge tel quel.

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Le clavecin des prés

Vous vous demandez ce qu’est ce « clavecin des prés » dont parle Ponge à maintes reprises. La formule est de Rimbaud dans Soir historique, une des Illuminations :

En quelque soir, par exemple, que se trouve le touriste naïf, retiré de nos horreurs économiques, la main d’un maître anime le clavecin des prés ; on joue aux cartes au fond de l’étang, miroir évocateur des reines et des mignonnes, on a les saintes, les voiles, et les fils d’harmonie, et les chromatismes légendaires, sur le couchant.

Quant au «  long passage, où, dans la manière un peu de l’interminable séquence de clavecin solo du cinquième concerto brandebourgeois » de Bach dont parle le poème Le pré (dans une longue parenthèse), Karl Richter vous permet de l’entendre ici pour finir allegro. Comme l’écrit Ponge :

Ce chapitre sera aussi celui de la musique des prés, sonnera de façon grêle et minutieuse, avec une quantité d’appogiatures, pour s’achever (s’il s’achève) en accélérando et rinforzando à la fois, jusqu’à une sorte de roulement de tonnerre où nous nous réfugierons dans les bois. Mais la perfection de ce passage pourrait me demander quelques années encore. Quoiqu’il en soit...
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[1Vous pouvez en lire une version ici.

[2Le bandeau du livre sera« Pour une morale de la consommation », puis, après 1968, « Pour une morale de la dépense ».

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