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POINT DE VUE. Corps individuel et collectif

D 30 juillet 2021     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

« « Mon corps m’appartient ! » Ce slogan utilisé par les féministes s’entend désormais dans les rangs des manifestants opposés au passe sanitaire et à la vaccination obligatoire des personnels des hôpitaux ou des maisons de retraite. C’est établir un parallèle qui n’a pas lieu d’être », estime Jean-François Bouthors, journaliste et écrivain.
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Des manifestants contre le passe sanitaire, samedi, à Nantes . |SEBASTIEN SALOM-GOMIS, AFP
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Jean-François BOUTHORS
Ouest-France, 29/07/2021

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« Mon corps m’appartient ! » Ce slogan inventé par les féministes qui voulaient combattre le harcèlement sexuel et les viols ou revendiquaient le droit pour chaque femme de choisir de mettre ou pas au monde des enfants s’entend désormais dans les rangs des manifestants opposés au passe sanitaire et à la vaccination obligatoire des personnels des hôpitaux ou des maisons de retraite. C’est établir un parallèle qui n’a pas lieu d’être : les féministes n’entendaient aucunement se soustraire à un acte qui relève de la solidarité collective, nationale et même planétaire.

Dans quelle mesure peut-on dire « mon corps m’appartient » ? Le corps, de multiples manières, relève de la solidarité. Nul ne peut dire qu’il tient son corps de lui-même. D’abord parce qu’il a reçu la vie, sans en avoir, d’aucune manière, décidé. Ce corps, avant même de venir au monde, dépend entièrement des autres qui l’entourent. D’abord de la mère qui le porte. Le plus souvent, aussi de son conjoint. Mais simultanément, et pendant tout le reste de notre existence, de la solidarité nationale par laquelle se déploie tout un réseau d’accompagnement : en premier lieu le système de santé, la sécurité sociale, mais ensuite tous les équipements sociaux qui nous facilitent la vie, depuis l’école jusqu’aux transports et réseaux de communication. On peut même y joindre à des degrés divers tout le maillage économique, qui permet de se procurer nourriture, vêtements, travail, logements, équipements, etc. Par conséquent, si nul ne peut disposer du corps d’un autre à sa guise, force est de reconnaître que nos corps n’existent que dans une interdépendance et l’écologie nous a appris que celle-ci s’étend à tout le vivant.

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Aucun corps n’est pleinement autonome

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Aucun corps ne peut donc se prétendre pleinement autonome. Il en résulte des responsabilités et même des devoirs, puisque ce que nous vivons individuellement retentit d’une manière ou d’une autre sur tous les autres. C’est particulièrement évident en matière de vaccination, et de façon non symétrique, puisque se faire vacciner ne retire rien à personne, tandis que ne pas le faire affaiblit la protection de tous face à la pandémie. Qui plus est, c’est aussi prendre le risque d’occuper un lit de réanimation dont pourrait avoir besoin un accidenté de la route ou quelqu’un victime d’un infarctus ou d’un AVC…

Nier cette dimension collective du corps n’est pas seulement s’entretenir dans une illusion solipsiste et libertarienne, c’est défaire le long travail des générations précédentes, certes imparfait, mais considérable, pour tisser les liens qui permettent d’échapper à la fatalité, à la brutalité dont fait parfois preuve la nature, à tout ce qui fait aussi de l’homme un loup pour l’homme.

La conscience de ces liens et des devoirs qu’ils imposent à ceux qui en bénéficient ont toujours été les meilleurs garants de notre liberté. On l’a vu à Valmy, pendant la bataille de la Marne puis à Verdun, sur les plages de l’Atlantique, mais aussi dans les grands mouvements sociaux qui ont fait progresser la solidarité.

Affirmer « mon corps m’appartient » pour s’affranchir des solidarités essentielles, c’est donc ouvrir grande la voie de toutes les régressions sociales, à tous les replis identitaires qui taillent en pièces la communauté nationale, alors même que ceux qui défilent ces jours-ci prétendent les combattre. C’est aussi donner raison par avance à tous ceux qui demain s’opposeront aux mesures les plus urgentes de lutte contre le réchauffement climatique, en se prévalant de leur liberté pour s’exonérer de toute contrainte
Ouest-France

V.K.