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Un nouveau Dictionnaire Rimbaud

D 27 février 2021     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Les éditions Classiques Garnier proposent un nouveau Dictionnaire Rimbaud dirigé par Adrien Cavallaro, Yann Frémy et Alain Vaillant.

Paru le 8 février 2021.

En voici l’avant-propos :

AVANT-PROPOS

Les dictionnaires d’auteur constituent désormais des outils obligés pour l’histoire littéraire et le savoir académique sur les principaux auteurs canoniques. D’une part, ils sont l’occasion de dresser un bilan des connaissances accumulées au fil du temps et d’opérer un tri indispensable, dans la masse des contributions successives. D’autre part, grâce à la commodité de l’ordre alphabétique, ils offrent la possibilité de réunir en un seul volume une multitude d’informations, d’éclairages, de mises au point les plus diverses, qui sont généralement disséminés ici ou là – voire oubliés. Mais ces ouvrages de référence, du fait même de la dispersion et de la discontinuité qui fondent leur organisation, présentent deux risques majeurs. D’abord, celui de mêler et de traiter indifféremment l’accessoire et l’essentiel, le périphérique et le principal : il faut, ici comme ailleurs, se méfier du mirage de toute érudition gratuite, des séductions illusoires d’un thématisme irréfléchi. Ensuite, celui d’empêcher le lecteur de retirer du dictionnaire une vision d’ensemble de Rimbaud, du fait même de la multiplicité des contributeurs participant à une telle entreprise collective – qui, par définition, n’a pas d’autre ordre que la succession alphabétique de ses articles. Ce qui est vrai pour tout auteur semble avoir la dimension d’un obstacle insurmontable dans le cas de Rimbaud : son œuvre comporte tant d’obscurités, a suscité des débats, voire des querelles herméneutiques si vives et si inconciliables qu’il paraît impossible, au premier abord, de proposer un dictionnaire offrant autre chose que l’écho de ces dissonances ou, ce qui serait encore pire, ayant par avance choisi de ne faire entendre qu’une seule voix parmi d’autres. Pour parer ces dangers, dont nous mesurions la gravité, nous avons adopté deux principes fondamentaux, auxquels nous nous sommes scrupuleusement tenus.

Le premier fut de privilégier l’œuvre elle-même : le repérage des textes, leur génétique, leur interprétation. Bien sûr, on trouvera des articles consacrés à toutes les données biographiques ou contextuelles qui nous sont connues et qu’il est utile d’enregistrer. Le geste critique, par ailleurs, n’exclut en rien la précision d’une information factuelle qui demeure a minima indispensable, et exigible d’une entreprise comme la nôtre. Mais ne cédons pas à une sorte de positivisme biographique et critique qui ferait écran à la lecture de l’œuvre et se priverait de « senti[r] un peu son immense corps ». Aussi perspicace ou minutieux que l’on essaie d’être, la vie d’un écrivain, comme de toute personne, laisse des trous béants, et les renseignements qu’il est possible de glaner servent surtout à prendre la mesure de ce que l’on ignorera toujours. Et ce qui est vrai en général l’est plus encore de la biographie lacunaire d’Arthur Rimbaud, si bien que l’on est condamné à ressasser les mêmes anecdotes et épisodes d’une vie désormais légendaire, en se convainquant que ces bribes diraient l’essentiel, sous le prétexte, bien déraisonnable, que l’on ne connaît qu’elles. Dans le même esprit, nous avons exercé une vigilance particulière sur le choix et le traitement des entrées de réception, ainsi que des entrées thématiques : non pas pour en accumuler de façon désordonnée le plus grand nombre, mais au contraire pour sélectionner et approfondir celles qui, à nos yeux, rendaient le mieux compte de l’univers rimbaldien.

Le deuxième principe concerne le contrat herméneutique que nous avons passé avec nos auteurs. Il va sans dire, d’abord, que nous n’avions pas autorité pour décider quelle était la signification « vraie » de chaque texte, et chacun de nos contributeurs était donc libre (et responsable) de ses interprétations – à la condition qu’elles aient été validées par nous et que nous les ayons jugées, non pas toujours conformes aux nôtres, mais à ce qu’il nous paraissait admissible de publier. En effet, si nous avions refusé par principe tout geste interprétatif, un tel dictionnaire aurait été réduit aux données factuelles : il est rigoureusement impossible de tenir un discours quelconque sur Rimbaud sans prendre position sur la manière de lire et de comprendre son œuvre, sauf à se retrancher derrière le récit biographique. Mais nous avons aussi voulu prévenir la menace de l’arbitraire herméneutique par des mesures simples. La vocation qu’embrassent les notices sur l’œuvre est ainsi, dans la mesure du possible, celle du bilan critique autant que d’une interprétation qui engage les auteurs : un tel dictionnaire doit servir aussi à ordonner et à hiérarchiser la masse surabondante des gloses rimbaldiennes. Il nous semble d’ailleurs, après des décennies qui ont renouvelé en profondeur l’approche du texte de Rimbaud, qu’il est aujourd’hui possible, et souhaitable, d’aspirer à un certain consensus critique, équilibrant et surtout conciliant les approches poétiques, les approches d’un Rimbaud « dans son temps » et les approches de (et par) la réception : pour cette raison aussi, un dictionnaire comme celui-ci vient à son heure.

Enfin, toujours dans le souci d’offrir au lecteur une information aussi large et équilibrée que possible, un soin tout particulier a été porté à l’information bibliographique : non seulement, selon l’usage de ces dictionnaires, chaque notice est suivie d’une sélection de références jugées les plus pertinentes, mais on trouvera, en fin de volume, une bibliographie générale dont nous avons voulu faire un véritable instrument de travail et de référence, au complément du dictionnaire lui-même.

Nous voudrions, pour terminer, formuler un vœu. Ce dictionnaire aura été une entreprise au long cours. Il nous aura conduits, pendant de longues années, à bien des discussions, des repentirs, des désaccords, des découvertes, des inflexions – et, surtout, à d’inlassables retours aux textes de Rimbaud, auxquelles nous renvoyait toujours la lecture des articles, à mesure que nous les engrangions. Durant tout ce temps, par la confrontation même des points de vue à laquelle nous étions conduits, nous avons approfondi notre connaissance du poète, et nos raisons d’admirer, d’aimer son œuvre. Nous espérons qu’il en sera de même pour nos lecteurs.

Classiques Garnier