Dans ce numéro desCahiers de Tinbad, on rend hommage à William Shakespeare, avec un ensemble de 4 textes, dont une remarquable étude des Sonnets par le poète-critique Claude Minière ; on publie de bonnes feuilles, non traduites tant c’est dommageable, mais commentées, du chef-d’œuvre de William Gaddis, Agapē Agape ; donnons à relire un texte essentiel d’ Ernest Hello sur ce que devrait être « La Critique », ainsi qu’une nouvelle traduction inédite et intégrale de l’Entretien avec la Paris Review de William Faulkner ; et enfin republions la dernière lettre d’Antoine de Saint-Exupéry, de juillet 44, sorte de testament spirituel de l’aviateur-écrivain. Guillaume Basquin, de son côté, s’est penché sur ce qui pourrait être le « plus grand » livre de Richard Millet, celui où il a littéralement mis sa peau d’écrivain sur la table : La Confession négative.
Nota : Une lecture par jean-Hugues Larché de "Danse avec Soutine" (extrait) et commentaires avait été publiée sur pileface ICI et l’entretien à Paris Review a été publié ici sous le titre : William Faulkner : “Comment je suis devenu écrivain”.

1 Messages
La parole à venir
La revue de Guillaume Basquin tient désormais dans l’univers de la revue le rôle qu’occupèrent “Tel Quel” et “Change” en leur temps. Certes, le monde des revues n’est plus aussi flamboyant et reconnu qu’il ne le fut dans le siècle dernier.
Mais “Tinbad” retrouve une économie idéale. Existe une thématique de base (Shakespeare ici) et aussi des digressions intempestives qui traversent divers champs et espaces de création.
La revue fait appel à des voix qui furent présentes dans ce qui fut l’avant-garde (Minière) mais surtout prend notre temps et son idéologie à rebrousse-poil. Existent là des réhabilitations des rabroués de l’histoire littéraire.
Non seulement avec la republication d’un superbe entretien de Faulkner mais avec celle d’une lettre testamentaire de Saint Exupéry. S’y ajoute la revisitation — au sens premier du terme — de Richard Millet par Basquin lui même dans un texte superbe, circonstancié et tout en finesse.
La peinture n’est pas oubliée. Soutine est réévalué dans ses gestes salvateurs créateurs d’étranges fantômes. Foujita sort des spéculations oiseuses de Dagen remis ici à sa juste place — c’est-à-dire pas très hautes. Quant à Tristan Félix et Cauda, ils poursuivent ici leurs vaticinations faussement farcesques par leur mentir vrai là où “queue entre les jambes Dieu se gratte le ciel”. Que demandez de plus ?
Néanmoins, la revue ne s’arrête pas en si bon chemin : de la comédie sexuelle du pouvoir selon Shakespeare révisée par Rachet au bon (ou plutôt) mauvais usage de la critique par Ernest Hello.
L’auteur rappelle qu’elle glorifie le plus souvent le médiocre dans ses “enthousiasmes officiels” en oubliant de parler de ce qui bouge, à savoir et entre autres de ce que les éditions “Tinbad” proposent.
Mais les mouvements de la revue inquiètent probablement ceux qui ont transformé la réelle défense de ce qui remue en une sacralisation des “niaiseries accoutumées et des timides inepties”. Ici, à l’inverse, les sottises n’existent pas et les auteurs réunis cherchent dans le passé (Rimbaud compris) comme le présent la parole à venir.
Celle qui répond au réel comme aux grands aînés de manière aussi brillante qu’eux.
Des idées naissent de telles magies.
jean-paul gavard-perret, leliteraire.com.