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Heidegger et les « Juifs »

D 2 juin 2014     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

Heidegger et les « Juifs »
Colloque
22-25 janvier 2015
Bibliothèque Nationale de France
Centre Culturel Irlandais - Paris

Comme on sait, Heidegger, tout au long de son chemin de pensée, aura été entouré de « penseurs juifs », élèves ou collègues, complices ou contradicteurs, adversaires ou admirateurs. Pêle-mêle : Husserl, Arendt, Marcuse, Jonas, Cassirer, Derrida, H. Bloom, Lukacs, Levinas, Löwith, Strauss, Anders, Buber, Klein, Tugendhat, Adorno, Benjamin, Rosenzweig. Cette liste très hétérogène suffit à indiquer que ces penseurs ne sont liés par aucune espèce d’unité doctrinale et moins encore par une quelconque appartenance « juive » de la pensée. Ils ont, à des titres divers et inégaux et de façon plus ou moins oblique, éprouvé ce que Ricoeur nomma un jour « le massif hébraïque » et ils eurent par ailleurs rapport à Heidegger. Ces éléments contingents suffisent à indiquer que notre colloque n’entend pas statuer en premier lieu sur Heidegger et le judaïsme, ou sur Heidegger et l’antisémitisme ou même sur Heidegger et les Juifs. Ces questions sont loin d’être dénuées d’intérêt, et sans doute traverseront-elles notre colloque. Mais il s’agit pour nous, centralement, de considérer ou de reconsidérer la figure d’un des plus importants philosophes du XXème siècle en questionnant un impensé. A cet égard, les guillemets, « les Juifs », que nous empruntons à J.-F. Lyotard, sont décisifs.

Nous voudrions proposer une réflexion sur le rôle et le statut de cet impensé cerné par des guillemets. En quoi et pourquoi le « judaïsme » demeure-t-il pour Heidegger de l’ordre d’un impensé ? Comment ré-envisager le rapport ininterrompu, mais distordu, entre la pensée grecque et Heidegger, en tant que, là, semble se dénier ou s’éviter « le massif hébraïque » ? Comment comprendre et interpréter la relation que Heidegger marque avec le théologique, repris sous l’égide du « Sacré », où le monothéisme judaïque demeure significativement absent ? L’omission quasi-systématique de références à des « philosophes juifs » (Philon, Spinoza, Mendelssohn, Freud, Rosenzweig ou Cohen, par exemple) est-elle anecdotique, effective, symptômale, « oubliée » ? Peut-on parler d’une « dette impensée » (M. Zarader) ?

Heidegger et « les Juifs » laissera évidemment résonner comme en écho toute une série de questions politiques ou méta-politiques. Doit-on établir un rapport entre la critique de la modernité élaborée par Heidegger et l’anti-démocratisme des années 1930 en Allemagne, souvent teinté d’antisémitisme ? Comment penser la relation entre la technique, la « dévaluation de la pensée de l’être dans l’ère de la technique » et le Judaïsme toujours assimilé chez Heidegger à une pensée calculatrice abstraite ou à la mise en œuvre d’une réduction économique de la dignité de la « vérité historiale de l’être » ?

La compromission politique de Heidegger avec le national-socialisme, que la publication récente des Cahiers noirs fait apparaître sous un jour encore plus cru, demeure une interrogation et une énigme. Heidegger tente d’y circonscrire le destin d’une « auto-affirmation de soi » comme « relève » de l’« aurore grecque » en ouvrant à une possibilité proprement allemande de « surmonter » le fourvoiement au sein duquel se sera définie l’histoire de l’oubli de l’être. Que veut dire ce « surmontement » quant au Judaïsme et quant au silence quasi-complet de Heidegger devant la Shoah ?

Ce sont ces questions, aussi délicates que difficiles, aussi brûlantes qu’incommodes, que rencontreront, traiteront, affronteront les philosophes et les historiens venus du monde entier pour en débattre ensemble, sans craindre la dissension ni nourrir la discorde.

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