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« Destruction », une trilogie d’Emil Weiss

D 26 janvier 2014     C 0 messages Version imprimable de cette Brève Version imprimable   

27 janvier 1945. L’armée rouge libère le camp de concentration d’Auschwitz en Pologne.

« L’extermination des Juifs ne fut pas, une flambée de violences : elle a été doctrinalement fondée, philosophiquement expliquée, méthodiquement préparée, systématiquement perpétrée par les doctrinaires les plus pédants qui aient jamais existé ; elle répond à une intention exterminatrice délibérément et longuement mûrie ; elle est l’application d’une théorie dogmatique qui existe encore et qui s’appelle l’antisémitisme. ».
Vladimir Jankélévitch, « L’imprescriptible » (1971)

« Destruction », une trilogie d’Emil Weiss

Auschwitz, premiers témoignages

Fondé sur des témoignages recueillis juste après la guerre, ce documentaire rend tangible l’atroce quotidien vécu dans le camp de concentration et d’extermination d’Auschwitz. Un document bouleversant, rigoureux sur le plan formel autant qu’historique, signé Emil Weiss.

Le documentariste Emil Weiss pensait clore son cycle consacré à l’univers concentrationnaire avec le film Sonder-kommando Auschwitz-Birkenau, diffusé le 23 janvier 2008 par ARTE, sur les déportés chargés de faire fonctionner les fours crématoires. « C’est l’inverse qui s’est passé. Il m’est apparu que ce choix radical de faire entendre, au cinéma, des textes fondamentaux jusqu’ici laissés de côté, était une approche différente et féconde et qu’il fallait poursuivre cette entreprise en décrivant les autres étapes déterminantes du parcours des victimes », explique-t-il. Dans ce documentaire, il fait entendre les voix de quatre survivants d’Auschwitz –- Suzanne Birnbaum, le Dr Robert Levy, le Dr Robert Waitz et le Dr Mark Klein. Leurs témoignages ont la particularité d’avoir été déposés dès la fin de la guerre, en 1945. Ils rendent compte des événements vécus, avec simplicité et force, sans « écran mémoriel ». Ce phénomène d’uniformité observé par les historiens, qui caractérise certains témoignages tardifs, serait dû, entre autres, à une propension inconsciente de l’interviewé à répondre aux attentes de l’intervieweur.

Sans échappatoire

Aux antipodes de la position qui consiste à décrire la réalité des camps comme indicible, le film cherche au contraire à nous la faire ressentir, à nous en rapprocher. Il commence par un examen précis du plan d’Auschwitz, complexe concentrationnaire qui occupe plusieurs milliers d’hectares et où convergent quatre activités : concentration, extermination, industrie et science. Puis la description du trajet vers le camp, la caméra filmant l’intérieur d’un wagon à bestiaux vide, donne d’emblée l’impression d’une réalité sans échappatoire. Plutôt que de séparer les témoignages, le réalisateur les entremêle et suit un plan chronologique –- du voyage à l’évacuation des camps –-, qui rend plus tangibles encore l’angoisse de chaque instant et le lent anéantissement subi par les déportés. Dits par des comédiens, les témoignages nous font entendre la déportation dans ce qu’elle a de plus barbare et de plus quotidien. Un dispositif formel aussi épuré qu’efficace, bouleversant, qui rend toute leur force à ces récits, et entraîne le spectateur « là où il s’est toujours refusé d’entrer vraiment ».

(FRANCE, 2010, 77mn) ARTE F

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Sonderkommando Auschwitz-Birkenau

Chargés de faire fonctionner les fours crématoires, de très rares déportés des “commandos spéciaux” ont pu témoigner, bravant l’anéantissement programmé. Emil Weiss fait résonner à nouveau leurs voix défuntes.

Les Sonderkommandos étaient liquidés tous les quatre mois. Quatre rescapés témoignent.

Lorsque l’armée rouge pénètre dans le complexe concentrationnaire d’Auschwitz-Birkenau, le 27 janvier 1945, elle trouve les quatre fours crématoires dynamités par les nazis, qui ont cherché ainsi à effacer leurs crimes. Ce sont les Sonderkommandos, ces équipes spéciales de déportés sélectionnés par les SS, qui étaient contraints de les faire fonctionner. Témoins ultimes de l’extermination de leur peuple par la machine de mort des nazis, ils devaient mourir infailliblement au bout de quatre mois. Mais quelques-uns parvinrent à survivre aux massacres et quatre d’entre eux –- Szlama Dragon, Henryk Tauber, Alter Feinsilber ainsi que le médecin Miklos Nyisli -– purent témoigner devant les tribunaux de l’après-guerre.

Mode opératoire

Dans les semaines, les mois qui suivirent, et même parfois plusieurs décennies après, plusieurs manuscrits rédigés en yiddish furent retrouvés, qui avaient été enfouis sous les cendres autour des crématoires : ceux de Zalmen Gradowski, Leib Langfus et Zalmen Lewental. Le premier, l’un des organisateurs du soulèvement armé des Sonderkommandos du crématoire 3, survenu en octobre 1944, fut tué avec 451 de ses compagnons ; les deux autres furent exécutés deux mois avant la libération du camp. Comme les dépositions des survivants, ces manuscrits, rédigés dans l’urgence et en cachette, révèlent le mode opératoire de la “solution finale”, car l’angoisse de voir les nazis parvenir à effacer leur crime s’ajoutait à l’enfer vécu par leurs auxiliaires forcés. Ce qui rend ces mots soutenables, c’est le combat de leurs auteurs pour préserver leur propre humanité, exprimer leur douleur, décrire l’horreur. En arpentant aujourd’hui le camp d’Auschwitz-Birkenau, en scrutant les décombres des fours, les baraquements, les arbres qui ont poussé, Emil Weiss donne à entendre leurs voix défuntes.

(FRANCE, 2007, 52mn) ARTE F

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Criminal Doctors Auschwitz

Dans ce dernier volet de sa trilogie Destruction, qui restitue toute l’atrocité du camp d’Auschwitz, Emil Weiss ressuscite la parole des médecins en charge des expérimentations médicales sur les détenus. Un film épuré, effroyable.

Le corps médical a joué un rôle déterminant dans la mise en œuvre de l’extermination des juifs par les nazis. Auschwitz est le seul camp d’extermination massive où a été mis en place un programme d’expérimentations médicales visant la stérilisation et la procréation, conforme au projet nazi. Il était mené par les docteurs Schumann et Mengele. Lesquels, après la guerre, échapperont à tout jugement...

Barbarie

À partir des dépositions de médecins déportés entraînés dans cette dérive démente –- recueillies notamment lors du procès des médecins de Nuremberg en 1946 –-, de rapports "scientifiques" des médecins-chefs à l’administration nazie et d’échanges de courriers, le cinéaste Emil Weiss confronte le spectateur à l’horreur. Son dispositif, aussi rigoureux et épuré que dans les deux volets précédents, fait résonner les mots avec une force terrible. À l’image, quelques documents et photos des médecins, ainsi que de lents travellings qui fouillent les ruines désertes du camp où chaque vestige fait signe, comme autant de métaphores fantômes. Les signes d’une vie broyée par la machinerie nazie, qu’évoquent aussi de délicates incursions sonores ressuscitant les bruits du camp (convoi, portes, machine à rayons X…). Emil Weiss rappelle à notre mémoire ces existences brisées, laissant les témoignages exprimer toute la barbarie des nazis.

(FRANCE, 2012, 54mn) ARTE F

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Le site d’Emil Weiss.

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