4 5

  Sur et autour de Sollers
vous etes ici : Accueil » THEMATIQUES » Sollers et l’écriture » Je suis orthographe
  • > Sollers et l’écriture
Je suis orthographe

Un si vieux débat...

D 18 février 2016     A par Albert Gauvin - C 10 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


On croyait le débat clos. Eh bien non. « L’application, dans les manuels scolaires, d’une simplification vieille de vingt-six ans a ravivé la polémique. La fracture orthographique en dit long sur la France et ses doutes… » nous dit L’Obs dans Touche pas à mon circonflexe ! L’orthographe nous rend fous. France Culture s’interroge : La réforme de l’orthographe : un enjeu national ? — Petit rappel.

1ère mise en ligne le 9 septembre 2009.

« yapadom yapadom yorajamédom »

« mais enfin ce n’est jamais qu’une langue n’est-ce pas une claque réduite en langue peut-être n’a pas sa langue qui veut difficile d’avoir de l’allangue tirer mordicus sur sa langue peut rester gadget ou bazar une centaine de coups de langue n’ébranlent pas forcément le hasard [...] »

Philippe Sollers, Paradis, 1981.

*


On fait un grand battage ces temps-ci sur le dernier livre de François de Closets Zéro faute - l’orthographe, une passion française [1]. L’auteur, grand pourvoyeur d’idées reçues "modernistes" et "réformatrices", feint même de s’étonner d’avoir été pour la première fois invité sur le plateau du 20h de France 2 pour parler de son ouvrage. France Culture dans son émission hebdomadaire consacrée aux problèmes de l’éducation décide d’en faire un point crucial de la rentrée. Le débat est vif [2] ! Le ministre de l’Education, heureusement, ne veut pas y participer, il a mieux à faire : la grippe A menace.
Le débat n’est pas nouveau cependant. Il dure depuis toujours. De Closets le rappelle d’ailleurs :

« Le 7 février 1989 paraît dans Le Monde « Le Manifeste des Dix », une tribune titrée "Moderniser l’écriture du français". Les auteurs, constatant le décalage entre une langue parlée qui évolue et une langue écrite qui reste figée, affirment la nécessité de moderniser notre écriture tant pour en faciliter l’enseignement que pour assurer son expansion dans le monde. "Seule une langue qui vit et se développe, une langue parlée et écrite aisément par tous, peut se défendre et s’épanouir. Il faut donc moderniser la graphie du français." Ils prennent soin de n’évoquer qu’un "aménagement" et préconisent la constitution d’un comité de sages qui devrait faire des recommandations en ce sens. Le texte est signé par les plus grands linguistes français : Nina Catach, Bernard Cerquiglini, Pierre Encrevé, Claude Hagège, Michel Masson, Bernard Quemada, Jean-Claude Milner, Maurice Gross, Jean-Claude Chevalier, etc. Notez parmi les signataires la présence de Claude Hagège. L’illustre linguiste, qui a mis toute sa flamme et toute son autorité au service du français, sait ce qu’ignorent les dévots : on ne défend pas une langue en la momifiant, mais en la faisant vivre. Ainsi les linguistes rejoignent-ils les instituteurs dans une même volonté novatrice, pour ne pas dire réformatrice [...]. »

 Un peu plus tard...

« Le 11 décembre [1990], l’attaque commence. Dans Le Figaro, comme il se doit, puisque, depuis un siècle, le quotidien à l’enseigne de Beaumarchais met à combattre toute réforme de l’orthographe la même pugnacité que L’Humanité à combattre toute réglementation du droit de grève. Ce n’est plus le duc d’Aumale, mais François Bayrou qui mène la charge.
« Je reproche, écrit-il, à cette réforme d’être à la fois arbitraire et péremptoire. Songez que 4 000 mots vont se trouver changés sans qu’il y ait eu de véritable débat sur le sujet. La langue française n’appartient à personne, seul l’usage peut la faire évoluer. » Bayrou annonce la création d’un mouvement, « Le français libre » — au grand scandale de l’association des Français libres (ceux de Londres en 1940) —, qui « rassemblera tous ceux, écrivains, universitaires, simples amoureux de la langue, qui ne veulent pas que l’Etat se mêle de la réformer ». Les jours suivants [le 18 décembre], il rassemble sous sa bannière une imposante brochette d’écrivains : Michel Tournier, Cavanna, Bernard-Henri Lévy, Alphonse Boudard, Alain Finkielkraut, Robert Sabatier, François Nourissier, Jean-François Revel, Philippe Sollers, Françoise Sagan, Yves Berger, mais aussi des éditeurs et des lexicographes qui refusent d’appliquer les rectifications proposées. En quelques jours, le petit monde des lettres s’enflamme comme la pinède à la première cigarette jetée un jour de mistral. » [3]

Mais que refusent donc ces écrivains honnis par De Closets ? Il faut le rappeler. Ils s’opposent à « la procédure autoritaire qui tend à imposer, en prenant les apparences extérieures du droit, une nouvelle orthographe [...] arbitraire et sans justification objective », dont le seul effet sera de déconsidérer « la langue écrite et ses règles ».
Selon eux, les réformes de ce type se font empiriquement et rien ne sert de mettre en cause les subtilités de la langue dans les difficultés d’apprentissage des jeunes. « Au lieu de changer la norme, il convient de mieux en enseigner les rudiments. »

*


Première contre-attaque de Philippe Sollers à l’automne 1989.

JE SUIS ORTHOGRAPHE

Oui, il y a une rectification à faire, et c’est, comme le voulait Littré, de reprendre le mot d’ orthographie au lieu d’orthographe. Un orthographe écrit bien, ou correctement. Pour cela, il se conforme à l’orthographie. On dit géographe et géographie, de même qu’hydrographie, hydrographe. Je suis moi-même orthographe. Il paraît qu’on veut me réformer. Voyons ça.

Un écrivain est occupé par la vie des mots. C’est en lui qu’ils s’agitent, s’évoquent, se contaminent les uns les autres, résonnent, glissent, se présentent sous un éclairage nouveau, image et son. Vous voulez supprimer l’accent circonflexe ? Son luxe vous gêne ? Vous souhaitez écrire tâche et tache de la même façon ? Le contexte décidera du sens ? Mais ne voyez-vous pas que vous effacez d’un coup mille jeux possibles ? Exemple : il tâchait de ne pas se tacher. La tache originelle, présente en chaque homme, l’obligeait à faire de sa vie une tâche. Tu es taché par le péché, dit Dieu, eh bien, à la tâche ! Autre problème, paraît-il :  rationnel . Ecrivez avec un seul  n , la communauté européenne vous en saura gré. Je vous demande pardon : être rationnel (avec deux n pour marquer le coup) est tout à fait exceptionnel aujourd’hui. Le français se doit, historiquement, d’insister. N’est pas rationnel qui veut (notamment un chiite). Quant à  oignon transformé en  ognon , sans doute. Mais ce i , non prononcé, me parle des yeux qui pleurent quand on pèle un oignon. L’oeil est mystérieusement accordé à l’oignon.

Pourquoi aveugler sa langue ? Et, par la même occasion, la rendre sourde, l’aplatir ? C’est comme si vous proposiez que les couleurs soient réduites et, qu’à partir de maintenant, il n’y ait plus qu’une sorte de jaune, de vert, de bleu. Ou encore : le  si suffit. à quoi bon le si-bémol ? On n’écrira plus que les stéréotypes parlés, le  basic french . Mais alors, il faudra bientôt réviser les classiques, revoir en entier La Recherche du temps perdu à peine rééditée de façon satisfaisante. Quelle tâche, en effet ! Oui, plus de couleurs, plus de variétés de nature, plus de ces aspérités qui signalent un coeur qui bat on va  coloriser , ce sera mieux pour l’ordinateur. La main n’intervient plus dans l’esprit. Perte du décalage, aplatissement des perceptions et des rêves (un mot écrit est aussi un hiéroglyphe). De la colorisation à la colonisation, il n’y a qu’un pas. On vide la mémoire ; on peut désormais se passer (c’est bien l’intention, n’est-ce pas) d’un archaïsme inutile : l’écrivain (Horizon 1993 : livres-gadgets, sous direction allemande).

Fantaisie d’esthète, l’orthographe ? Privilège ? Mais non : un peuple —  et surtout le Français —qui n’apprend plus à s’exprimer dans ses écrivains est un peuple virtuellement asservi, Ce n’est pas un hasard si on parle de « l’orthographe de Voltaire » ( ai au lieu de  oi pour  é ), Voltaire, qui écrivait à Madame d’Ornoi : « L’abbé Dangeau renvoyait les lettres de sa maîtresse quand elles étaient mal orthographiées, et rompait avec elle à la troisième fois. » Voilà le rationnel ! Et Marivaux, comme toujours en plein dans le mille : « Tu sais bien que nous nous sommes promis fidélité en dépit de toutes les fautes d’orthographe. » L’écriture est une affaire d’amour très physique. Heureux Voltaire ! Délicieux Marivaux ! Je veux bien, demain, aller vous lire dans les catacombes (ainsi que Rimbaud et ses voyelles, Mallarmé et ses fantaisies graphiques, bref, tous les poètes), pendant que, dehors, le profit analphabète battra son plein, ponctué par un muezzin. Voltaire, encore : « Ce jeune homme, sachant à peine lire et écrire et orthographiant comme un laquais mal élevé »... Allons, Français, réformez, réformez ! Encore un effort pour être les grossiers domestiques d’Allah et de la Technique !

Philippe Sollers, L’Infini n° 28, hiver 1989-1990.

*


Dans Le Monde du 20 juillet 1990, quelques jours après que le Conseil supérieur de la langue française avait proposé, dans un but de simplification, cette réforme de l’orthographe, Danièle Sallenave s’interrogeait déjà.

Le nénufar est tombé dans l’abime !
La " créolisation " de la langue

par Danièle Sallenave

Dans ses attendus comme dans ses dispositions, la récente réforme de l’orthographe révèle, à plus d’un titre, les principales lignes d’effondrement qui se dessinent dans notre culture et, singulièrement, la situation aujourd’hui faite dans notre école non seulement à la langue française, mais aussi aux textes, à la littérature, aux lettres.
On doit évidemment s’interroger quand il apparaît que l’orthographe d’une grande partie de la population est devenue notoirement mauvaise. Mais, au lieu de se livrer à une analyse de la situation, de ses causes et des diverses manières d’y remédier, on s’est empressé de désigner un coupable, l’orthographe. Pourquoi tant de précipitation, et pourquoi un tel procès, si mal instruit ? On se croirait dans ces affaires politico-criminelles où il faut aller très vite afin d’éviter que soient posées quelques questions gênantes.

Tout semble en effet avoir été mis en oeuvre pour qu’on n’inquiète pas d’autres suspects : l’enseignement de l’orthographe, les conditions actuelles de l’apprentissage de notre langue à l’école, les nouveaux modes de formation des maîtres. N’aurait-il pas fallu évoquer au moins, sans exhaustivité comme sans ordre, la quasi-disparition de la dictée, la prédominance des exercices oraux sur les exercices écrits, le mauvais apprentissage de la lecture, la perte de prestige de l’enseignement des lettres ?

Un coupable idéal

Il y a plus. Si l’on examine ce qu’il en est aujourd’hui de la lecture, du maniement de la grammaire et de la syntaxe, on verra qu’ils ne sont pas moins que l’orthographe marqués du symptôme de régression. Pour comprendre et expliquer pourquoi les jeunes Français écrivent si incorrectement leur langue, il n’y avait donc aucune raison de s’en prendre particulièrement à l’orthographe, et de dissoudre la solidarité effective des trois dimensions de la langue — la graphie, la grammaire, les textes — que l’apprentissage correct d’une langue ne peut ni ne doit jamais séparer.

Mais non ! On a préféré choisir la voie la plus aisée en se rangeant à la seule explication qui ne heurtait personne : ni les parents, ni les enfants, ni les instituteurs ou les professeurs à l’explication la plus flatteuse pour tout le monde, sinon la plus juste ; à celle qui fait de nous tous également d’innocentes victimes, condamnées à perdre leur temps, les unes à enseigner, les autres à apprendre ce qui ne mérite pas de l’être.

Sans doute n’aurait-on jamais imaginé d’imputer à l’algèbre les mauvais résultats des enfants en mathématiques ni à la longueur du cent-mètres la médiocrité de leurs performances sportives. Mais l’orthographe est un coupable idéal, que tout désigne, et d’abord la fonction de discrimination sociale qu’on lui attribue indûment, laissant entendre que les " classes dominantes " trouvent leur avantage à laisser subsister l’arbitraire d’une langue dont elles sont seules à posséder le maniement correct.

La réforme pouvait dès lors poser ses bases. D’abord, séparer l’orthographe du reste de la langue ; ensuite, assimiler témérairement la langue aux signaux d’un code de communication ; évoquer enfin la rencontre opportune de la logique et de la technologie pour arguer des exigences de l’informatique. Sous l’alibi d’une mesure à la fois rationnelle et démocratique, on pouvait dès lors décider qu’à une graphie complexe, illogique, arbitraire et élitiste serait substituée une graphie simple, logique, motivée, démocratique. Ne pourraient s’y opposer que ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont intérêt au statu quo : c’est ainsi qu’ont été discrédités, avant même qu’ils soient formulés, les arguments des adversaires de la réforme.

Essayons pourtant d’éviter toute démagogie. Soyons clairs : ce qui est arbitraire et élitiste, ce n’est pas l’orthographe, comme le disent certains sociologues en s’appuyant sur des arguments prétendument scientifiques. Ce qui est arbitraire, c’est que seul un petit nombre manie correctement la langue ; ce qui est élitiste, c’est que des intellectuels, des politiques, des savants envisagent de généraliser à l’usage de tous un pidgin, une " langue-sabir ", substitut de la " grande langue ", notre patrimoine.

Que l’on considère un moment les effets du système de graphie phonétique adopté récemment en Haïti. Qui reconnaît dans le " koudmen " des temps de détresse aux Antilles ce que l’un donne à l’autre avec sa main ? Et comment déceler dans ce bloc de mots coagulés ou encore dans le " foké " (" il faut que ") le lien logique qui préside à l’association des mots ? De la même manière, la perte du lien vital entre la langue et son histoire (la littérature) est vite consommée dès lors que, à la suite d’une réforme plus vaste de l’orthographe, les mots, créolisés, perdent bientôt leur épaisseur temporelle, le rapport vital, historique, étymologique qu’ils entretiennent avec leurs origines grecques ou latines, racines de la culture française. Et les textes d’avant la réforme deviennent illisibles, s’éloignent, frappés d’un archaïsme rebutant.

Réduite à la seule fonction de communication, la langue est une langue mutilée. Réduite à sa surface visible, l’orthographe, elle, se voit dépouillée de sa vraie face, celle qui se révèle dans les textes. Jamais une réforme ne pourra parvenir à ce qu’elle souhaite (l’amélioration de l’orthographe) si elle se fonde sur ce qui précisément a causé sa dégradation : la rupture entre la langue " basique " et la langue " littéraire " — entendons par là les usages autres que véhiculaires, les fonctions autres que la fonction de communication, — la rupture entre la langue et son histoire. Une telle réforme, loin de freiner le mouvement d’effondrement de l’orthographe, ne risque au contraire que de l’accentuer.

Toute réforme de l’orthographe, même modérée, ne peut donc manquer d’aller au-delà des limites qu’elle s’est elle-même assignées. Car la langue est un ensemble feuilleté, stratifié, complexe où se mêlent les niveaux, les usages, les traces écrites des époques successives. Le présent d’une langue ne peut se comprendre et s’apprendre sans son passé : c’est donc au nom même de l’utilité pratique, du rendement, et pour favoriser l’accès du plus grand nombre à sa propre langue qu’il ne faut pas séparer la langue des lettres, de la littérature. Qu’est-ce en effet que la littérature, sinon la mémoire de la langue telle qu’elle s’est déposée dans des textes ? En séparant la langue de la littérature pour améliorer la capacité d’écrire la langue, on réduit paradoxalement les possibilités d’un apprentissage correct de la langue écrite. Le droit à une orthographe correcte doit être entendu non comme l’un des droits de l’homme, ces droits que tout homme acquiert par sa naissance, mais comme l’obligation démocratique d’assurer au plus grand nombre le maniement correct de sa langue. S’il est absolument indispensable que soit accordée au plus grand nombre la possibilité d’écrire, de lire et de parler correctement sa langue maternelle, il faut aussi reconnaître et dire que l’apprentissage d’une langue est long et difficile, qu’il est en toute rigueur interminable, et qu’il ne peut se faire que dans et par les textes.

Aucune simplification de l’orthographe ne donnera un meilleur accès à la complexité de la langue, de sa grammaire, de sa syntaxe et de sa littérature, qui forment un tout : c’est même le contraire. Allégée d’un r, la charrette n’ira pas beaucoup plus vite, ni beaucoup plus loin sur la route extrêmement longue qui mène à une pratique correcte, c’est-à-dire riche, souple et diversifiée de la langue.

Danièle Sallenave, Le Monde du 20.07.90.

*


Le 10 janvier 1991, Philippe Sollers met les points sur les i (et ironise, par la même occasion, sur la maladie de la "réforme" qui va désormais s’emparer, de manière durable, des politiques, de gauche comme de droite).

La "Réforme" est morte

par Philippe Sollers

Il semble humain de cesser de tirer sur la réforme de l’orthographe puisqu’elle est morte. A défaut d’en tirer un impromptu à la Molière ou un discours à la Norpois, pastiche de Proust, on peut quand même faire remarquer :

Que l’Académie française s’est ridiculisée de façon insolite en faisant de son secrétaire perpétuel [4] quelqu’un qui aurait tenté un coup de force sans l’accord de ses collègues. Démission ? Comment faire autrement ?

Qu’un certain nombre d’éditorialistes, soucieux de défendre le gouvernement, puisqu’il est "de gauche" [5] (la "Réforme", donc, aussi) ont cru voir, dans la masse spontanée des adversaires de ce lifting graphique, la réunion de tous les conservatismes, une sorte de Front national, béret et baguette. Ce qui fera plaisir à nombre de signataires, notamment à Claude Simon, prix Nobel de littérature.

Que vouloir réformer la langue sans demander leur avis aux écrivains (sauf ceux de l’Académie qui dormaient le jour où ils ont approuvé cette fantaisie de techniciens) est une comédie sérieuse dans la mesure où elle fait preuve d’un énorme mépris pour l’activité symbolique d’imagination désormais définie comme un "privilège". Il s’agit bien, en effet, d’aligner le plus possible les mots et les phrases sur la communication rentable. Dans quel but ? Celui, euphorique, de la marchandise pressée. La littérature est un privilège inutile ? On ne l’aura pas dit exactement, mais c’est clair.

Le président de la République aurait déclaré qu’il avait "essayé de sauver quelques accents". Voilà un effort émouvant [6]. La bibliothèque tout entière le remercie, mais n’en est pas rassurée pour autant.

Une "Réforme", n’est-ce pas, ne peut être qu’un progrès. Seuls de mauvais esprits (il y en a donc beaucoup, et c’est une bonne nouvelle) y verraient une continuation d’un programme de destruction et d’aplatissement généralisé. Pas de jour en effet où on ne constate la montée d’un analphabétisme agressif et d’une amnésie militante, esclaves de la brutalité publicitaire la plus convaincue.

De moins en moins de vrais livres, des produits vite évacuables. Les classiques rendus illisibles et d’ailleurs entièrement à rééditer dans une perspective tronquée comme on colorise les films et comme bientôt on demandera aux peintres de ne plus utiliser les nuances de la couleur.

C’est désormais dans cette direction qu’il faut porter le débat. Qui sait encore lire et écrire ? En posant vraiment cette question, on ira en effet de révélations en révélations.

Philippe Sollers, Le Monde du 10.01.91.

*

Voir en ligne : Les dictionnaires



Le novlangue

« — Comment va le dictionnaire ? demanda Winston en élevant la voix pour dominer le bruit.
— Lentement, répondit Syme. J’en suis aux adjectifs. C’est fascinant.
Le visage de Syme s’était immédiatement éclairé au seul mot de dictionnaire. Il poussa de côté le récipient qui avait contenu le ragoût, prit d’une main délicate son quignon de pain, de l’autre son fromage et se pencha au-dessus de la table pour se faire entendre sans crier.
— La onzième édition est l’édition définitive, dit-il. Nous donnons au novlangue sa forme finale, celle qu’il aura quand personne ne parlera plus une autre langue. Quand nous aurons terminé, les gens comme vous devront le réapprendre entièrement. Vous croyez, n’est-ce pas, que notre travail principal est d’inventer des mots nouveaux ? Pas du tout ! Nous détruisons chaque jour des vingtaines de mots, des centaines de mots. Nous taillons le langage jusqu’à l’os. La onzième édition ne renfermera pas un seul mot qui puisse vieillir avant l’an 2050.
Il mordit dans son pain avec appétit, avala deux bouchées, puis continua de parler avec une sorte de pédantisme passionné. Son mince visage brun s’était animé, ses yeux avaient perdu leur expression moqueuse et étaient devenus rêveurs.
— C’est une belle chose, la destruction des mots. Naturellement, c’est dans les verbes et les adjectifs qu’il y a le plus de déchets, mais il y a des centaines de noms dont on peut aussi se débarrasser. Pas seulement les synonymes, il y a aussi les antonymes. Après tout, quelle raison d’exister y a-t-il pour un mot qui dit le contraire d’un autre ? Les mots portent eux-mêmes leur contraire. Prenez bon, par exemple. Si vous avez un mot comme bon quelle nécessité y a-t-il à avoir un mot comme mauvais ? Inbon fera tout aussi bien, même mieux, parce qu’il est l’opposé exact de bon, ce n’est pas un autre mot. Et si l’on désire un mot plus fort que bon, quel sens y a-t-il à avoir toute une chaîne de mots vagues et inutiles comme excellent, splendide et tout le reste ? Plusbon englobe le sens de tout ces mots, et, si l’on veut un mot encore plus fort, il y a doubleplusbon. Naturellement, nous employons déjà ces formes, mais dans la version définitive du novlangue, il n’y aura plus rien d’autre. En résumé, la notion complète du bon et du mauvais sera recouverte par six mots seulement, en réalité par un seul mot. Voyez-vous, Winston, l’originalité de cela ? Naturellement, ajouta-t-il après coup, l’idée vient de Big Brother. »

Georges Orwell, 1984, 1949.

*


JPEG - 151.4 ko
Gottfried Kneller, Vieillard en méditation (détail)
Musée du Louvre, Paris.
En couverture de Martin Heidegger, Questions III et IV.

La machine à parler

En 1957, Martin Heidegger prononce une conférence sur le poète Hebel que Goethe admirait. Heidegger, anticipant sur les "machines à calculer, à penser et à traduire", ancêtres des logiciels de correction automatique chers à François De Closets, s’inquiétait, lui aussi, de la puissance contemporaine de la conception instrumentale de la langue.

« [...] Notre langue nous atteint-elle assez directement pour que nous y prêtions l’oreille ? Ou bien notre langue nous fuit-elle ? C’est un fait. Ce qu’autrefois notre langue a formulé, son inépuisable antiquité, sombre de plus en plus dans l’oubli. Que se passe-t-il ? [...] A l’époque actuelle, par suite de la hâte et de la banalité des paroles et des écrits de tous les jours, un autre rapport à la langue s’instaure d’une façon toujours plus décisive. Nous croyons en effet que la langue, comme tout ce dont nous nous servons journellement, n’est qu’un instrument, l’instrument de la compréhension et de l’information.

Cette conception de la langue est pour nous si courante que nous remarquons à peine sa puissance inquiétante. Cependant, ce caractère inquiétant se manifeste avec une évidence croissante. La conception de la langue comme instrument d’information est aujourd’hui poussée à l’extrême. On a bien une certaine connaissance de ce processus, mais on ne s’interroge pas sur son sens. On sait que maintenant, dans le contexte de la construction des cerveaux électroniques, on ne fabrique pas seulement des machines à calculer, mais aussi des machines à penser et à traduire. Tout calcul, au sens précis et au sens large, toute pensée et toute traduction s’accomplit cependant au sein de la langue. Grâce aux machines évoquées ci-dessus, la machine à parler est devenue réalité.

La machine à parler, en tant qu’appareillage technique du genre des machines à calculer et à traduire, est quelque chose d’autre que la machine parlante. Nous connaissons celle-ci sous la forme d’un appareil qui enregistre et restitue nos paroles, et qui ne s’immisce donc pas encore dans la parole de la langue.

Au contraire, la machine à parler réglemente et mesure, à partir de ses énergies et de ses fonctions mécaniques, la forme de notre utilisation possible de la langue. La machine à parler est — et surtout deviendra — l’une des façons dont la technique moderne dispose du mode et du monde de la langue en tant que telle.

En attendant, il semble toujours en apparence que l’homme maîtrise la machine à parler. Mais il se pourrait bien, en vérité, que la machine à parler prenne en charge la langue et maîtrise ainsi l’essence de l’ homme.

Le rapport de l’homme à la langue est pris dans une mutation dont nous ne mesurons pas encore la portée. Le cours de cette mutation ne se laisse pas non plus arrêter de façon immédiate. Il s’accomplit en outre dans le plus profond silence.

Nous devons admettre, bien sûr, que la langue apparaît dans son usage quotidien comme un moyen de compréhension et qu’elle est utilisée en tant que tel pour les rapports habituels de la vie. Pourtant il y a encore d’autres rapports que ces rapports habituels. Goethe nomme ces autres rapports « plus profonds » et dit de la langue :

« Dans la vie commune nous nous accommodons tant bien que mal de la langue, car nous ne décrivons que des rapports superficiels. Dès qu’il s’agit de rapports plus profonds, aussitôt une autre langue apparaît, la langue poétique. » (Oeuvres, IIe partie, t. XI. Weimar, 1893, p. 167). »

Martin Heidegger, Hebel, 1958, in Questions III.

*

Extrait de l’intervention de Heidegger.


[1Mille et une nuits.

[2Cf. Rue des écoles.

[4Maurice Druon, mort en avril 2009, fut secrétaire perpétuel de l’Académie française de 1985 à 1999.

[5Michel Rocard est alors Premier ministre, Lionel Jospin, ministre de l’Education nationale.

[6A la veille de la séance de rentrée de l’Académie française, qui devait réexaminer les propositions de réforme de l’orthographe, M. François Mitterrand a reçu, mercredi 9 janvier, M. Maurice Druon, secrétaire perpétuel de l’Académie, qui lui présentait, conformément à la tradition, un nouvel académicien, M. Michel Serres. A propos de la polémique sur l’orthographe, le président de la République a estimé qu’il s’agissait d’une "bataille très sympathique." (Le Monde du 11 janvier 1991).

Un message, un commentaire ?

Ce forum est modéré. Votre contribution apparaîtra après validation par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
  • NOM (obligatoire)
  • EMAIL (souhaitable)
Titre

RACCOURCIS SPIP : {{{Titre}}} {{gras}}, {iitalique}, {{ {gras et italique} }}, [LIEN->URL]

Ajouter un document


10 Messages

  • A.G. | 23 avril 2016 - 10:46 1

    Intempestive Concordance des temps
    Voici donc revenus, passionnels, scientifiques, émouvants, symboliques ou dérisoires, vous choisirez l’adjectif que vous voudrez, voici donc revenus en force, ces temps-ci, les débats sur la réforme de l’orthographe. Il paraît qu’à l’étranger on s’étonne souvent, ...
    Avec Bernard Cerquiglini France Culture.


  • V. Kirtov | 7 mars 2016 - 09:28 2

    Dans cet extrait d’une conférence-débat organisé par le « Centre MEDEM – Arbeter ring », le 12 février 2016, Alain Finkielkraut s’est exprimé, entre autres, sur la réforme de l’orthographe.

    GIF

    La conférence-débat portait sur un thème beaucoup plus large « Quand l’Histoire nous aveugle » et durait 88’. Vous pouvez visionner la version vidéo complète, ICI...

    JPEG - 63.5 ko
    Le livre sur amazon.fr

    Dans La seule exactitude, dont le titre est repris d’un mot de Charles Péguy, Il rassemble et réécrit deux années de ses chroniques de RCJ et du magazine Causeur.


  • Théo | 19 février 2016 - 11:44 3

    Naguère un député se fit rappeler à l’ordre pour avoir dit ‘’Madame le Ministre‘’.

    JPEG - 647.8 ko

  • Albert Gauvin | 19 février 2016 - 10:53 4

    Les temps sont durs. Les profits baissent. Les éditeurs de manuels scolaires ont besoin de renouvellement ; ils décident d’appliquer une réforme de l’orthographe prévue il y a vingt six ans (sans tiret) ; la ministre de l’Education nationale n’y est pour rien et n’est même pas au courant ; prise entre deux feux, celui de la réforme et celui du marché, elle décide de se référer à ce que disait le Secrétaire perpétuel de l’Académie française en 1990. La malheureuse ! Elle aurait mieux fait de se mêler de ses oignons (oi) ; Maurice Druon n’est plus. Désormais, l’Académie est dans la dénégation ou a des trous de mémoire. Non, non, ô grand jamais (accent circonflexe), l’Académie s’est toujours opposée à la "réforme de l’orthographe", elle veut juste des "simplifications". Mme Carrère d’Encausse aurait dû (accent) relire la Présentation du Rapport, devant le Conseil supérieur de la langue française, le 19 juin 1990 par M. Maurice Druon, ("sans l’accord de ses collègues" ?). Najat Vallaud-Belkacem a bien raison — c’est mon opinion — de demander des explications. On ne sait plus à quel saint académicien se vouer !


  • V. Kirtov | 18 février 2016 - 18:23 5

    GIF
    QUOI DE PLUS URGENT
    QUE D’ENLEVER
    NOS DERNIERS RÊVES !

    Hélène Carrère d’Encausse prend fermement ses distances par rapport à la réforme de l’orthographe

    © AFP 2016 Kenzo Tribouillard
    GIF

    L’Académie française s’oppose à toute réforme de l’orthographe et n’est pas à l’origine de celle qui doit être prochainement généralisée dans les manuels scolaires, affirme Hélène Carrère d’Encausse, secrétaire perpétuel de l’Académie.

    "Je n’ai pas compris les raisons qui expliquent l’exhumation d’une réforme de l’orthographe élaborée il y a un quart de siècle et où l’Académie française n’a eu aucune part, à l’inverse de ce que l’on a voulu faire croire", indique Mme Carrère d’Encausse dans une interview publiée samedi 13 février 2016 par le Figaro.

    Largement méconnue, la réforme adoptée en 1990 prévoit la simplification de l’orthographe de certains mots et allège l’usage des traits d’union et des accents circonflexes. Sa généralisation prochaine dans les manuels scolaires du primaire suscite une vive polémique, notamment dans les médias et les réseaux sociaux, rapporte l’AFP.

    "La position de l’Académie n’a jamais varié sur ce point : une opposition à toute réforme de l’orthographe mais un accord conditionnel sur un nombre réduit de simplifications qui ne soient pas imposées par voie autoritaire et qui soient soumises à l’épreuve du temps", souligne Mme Carrère d’Encausse qui rappelle que la langue "est une part essentielle de notre identité".

    L’historienne précise qu’en ce qui concerne la réforme de 1990, l’Académie s’était prononcée sur des "principes généraux— un nombre limité de rectifications d’incohérences ou d’anomalies graphiques— mais non sur le projet lui-même dont le texte était en cours d’élaboration".

    L’Académie a par la suite "marqué son désaccord" avec le texte, a-t-elle dit.

    "En 2016, nous sommes devant une situation radicalement différente" avec un système éducatif qui "s’est écroulé" au point "qu’un élève sur cinq quitte l’école sans savoir lire" ajoute Mme Carrère d’Encausse.

    "Le problème n’est donc plus d’offrir des facilités aux élèves, de conserver ou non l’accent circonflexe, mais de revoir totalement notre système éducatif", estime-t-elle.

    Crédit : fr.sputniknews.com/

    *

    « L’étonnement » de la ministre Najat Vallaud-Belkacem

    Par Le Point
    17/02/2016

    JPEG - 43.9 ko
    Najat Vallaud-Belkacem

    Dans une lettre argumentée, et rendue publique, la ministre de l’Éducation nationale Najat Vallaud-Belkacem a exprimé à la secrétaire perpétuelle de l’Académie française son « étonnement ».. Pour la ministre, l’Académie avait pourtant approuvé cette réforme dès 1990 à l’unanimité !
    ... Une explication s’imposait. Nous avons interrogé Hélène Carrère d’Encausse.

    PROPOS RECUEILLIS PARCHRISTOPHE ONO-DIT-BIOT

    Le Point.fr : Najat Vallaud-Belkacem se dit « étonnée » de votre réaction hostile à cette réforme de l’orthographe… Elle vous a écrit une lettre à ce sujet. Qu’allez-vous lui répondre ?

    Hélène Carrère d’Encausse : La courtoisie m’empêche de discuter de cela publiquement. Elle m’a fait porter une lettre, et je vais lui répondre aussi par une lettre, que je lui ferai porter.

    Votre courtoisie est tout à votre honneur, mais ce que dit la ministre, c’est que le secrétaire perpétuel de l’époque, Maurice Druon, avait approuvé cette réforme de « rectification » de l’orthographe… Et qu’en 2008, les programmes de l’Éducation nationale, faisant référence à ces « rectifications » ont été « approuvées par l’Académie française »…

    Nous avons publié une mise au point sur le site de l’Académie. Le texte est très clair. Dans sa séance du 16 novembre 1989, ce que l’Académie a adopté à l’unanimité, c’est une déclaration qui rappelait fermement son opposition à toute modification autoritaire de l’orthographe.

    L’ORTHOGRAPHE
    N’A PAS A
    ETRE IMPOSEE
    PAR UN
    POUVOIR POLITIQUE

    L’orthographe n’a pas à être imposée par un pouvoir politique. C’est ce que l’Académie a réaffirmé, sans se montrer pour autant fermée à certaines évolutions ou tolérances ; nous ne sommes pas passéistes ! C’est vrai qu’il y a des incongruités dans la langue française, et l’exemple de « nénuphar » est intéressant, car le mot, précisément, s’écrivait « nénufar » au XVIIIe siècle, par exemple. Et c’est pourquoi quand Michel Rocard, qui était un esprit subtil, a lancé cette idée de simplification de l’orthographe, nous en avons accepté l’idée, tout en conseillant de « laisser au temps le soin de le modifier selon un processus naturel d’évolution » - ce sont les mots mêmes. La langue est un organisme vivant, et n’a pas à être soumise, de force, à une décision politique, venant d’en haut.

    Mais quel est donc ce texte auquel la ministre fait référence et qui aurait été approuvé par l’Académie ?
    L’Académie s’est exprimée le 3 mai 1990 sur les principes du projet porté par Michel Rocard. Mais il ne s’agissait que de principes, il n’y avait pas encore de texte et c’est donc sur les seuls principes qu’a porté le vote de l’Académie. Elle a accepté des modifications, mais je le redis, à la double condition que nulle norme graphique ne soit imposée de façon autoritaire, et que les rectifications proposées soient soumises à l’usage que les gens font de cette orthographe. Ni le pouvoir politique ni l’Académie ne sont maîtres de la langue : on peut faire des recommandations, comme cela s’est fait dans les siècles passés, mais on ne passe pas en force, et on regarde ce qui se passe... Qu’est-ce qu’on a vu ? Ces modifications, que nous indiquons d’ailleurs dans notre dictionnaire, par un petit losange, n’ont pas pris dans l’usage… Les gens n’ont pas envie que les mots changent d’orthographe, parce que cette orthographe, c’est aussi ce qui les rassemble. Je vous avoue que je ne comprends pas l’urgence de faire ressurgir, aujourd’hui, ce projet qui date d’il y a vingt-cinq ans…

    N’est-il pas tout de même étrange, ce pays qui se déchire pour un accent circonflexe ?

    Étrange, mais précieux ! Je crois que cela traduit quelque chose de noble. Dans un monde qui se défait, où l’être humain sent qu’il perd sa place, cette réaction traduit l’attachement à ce qui nous rassemble. Je le répète, je ne suis pas passéiste. Mais au nom de quoi faudrait-il, pour construire l’avenir, se couper de nos racines, et soumettre une langue de force ?

    oOo


  • mémé | 16 septembre 2009 - 09:47 6

    oké pépé, mé douqtupudonktan a 50 an...


  • pepe | 16 septembre 2009 - 04:00 7

    La révolusion de l’ortograf è començé é èl se propaje rapidemen ! -> www.ortograf.net

    Voir en ligne : http://www.ortograf.net


  • A.G. | 12 septembre 2009 - 19:55 8

    « François de Closets considère que le correcteur des ordinateurs rend désormais inutiles ces batailles de Diafoirus de l’orthographe. On écrit de moins en moins à la main et on écrira de plus en plus à la machine. Mieux vaudrait apprendre à l’école à se servir intelligemment de l’assistance orthographique. », écrit Bernard Pivot à la fin de son article.

    C’est effectivement le dada de De Closets, le "correcteur des ordinateurs", il en parle à chacune de ses interventions ! Outre que quiconque utilise un ordinateur sait bien que celui-ci n’évite pas les fautes d’orthographe et qu’il en favorise au contraire de nouvelles (je l’ai souvent vérifié à mes dépens !), cette conception, même plus simplement utilitaire de la langue mais carrément techniciste et, disons-le, bête, avait été "dénoncé" par Heidegger il y a plus de 50 ans. Cela m’a amené à compléter la citation extraite de son essai de 1957 — Hebel, l’ami de la maison — : voir ici.

    Non, on ne nous coupera pas la langue !


  • V.K. | 12 septembre 2009 - 16:18 9

    « ...c’est en vérifiant leur orthographe [en ouvrant les dictionnaires de langue] qu’on apprend la juste signification des mots et que progressent la connaissance et l’amour du français. »
    Bernard Pivot

    dans sa chronique : « C’est la faute à l’orthographe ! » dans le JDD du 12 septembre 2009.

    On peut aussi se faire plaisir en retrouvant une sélection de chroniques d’Alain Rey dans « A mots découverts ». Alain Rey, qui « a enchanté les matins de France Inter avec son mot du jour, une chronique érudite, parfois espiègle[...] » nous dit la 4ème de couverture. C’est bien ainsi que j’en garde le souvenir. Et son « Dictionnaire historique de la langue française » (en 3 volumes), bourré d’annecdotes, reste sans équivalent, y compris sur Internet. Un incontournable !

    Ne connais pas sa dernière création, son "Dictionnaire culturel en langue française" (en 3 volumes), remarqué lors de sa parution ; les gourmets de la langue lui donnent 3 étoiles au Michelin de la gastronomie culturelle. Table de grand chef ! Prix en conséquence.


  • V.K. | 10 septembre 2009 - 18:10 10

    On peut éventuellement lire l’article du Nouvel Observateur du 28/08/2009. Le commentaire que j’y formulais sous le titre « Sacré dictionnaire, ou mort à crédit ! » est toujours valable un an après. En fait, encéphalogramme plat depuis quatre ans..!
    De quoi parle t-on ? Du dictionnaire en ligne de l’Académie française.
    Un monument du génie français !