Sollers dans la correspondance Jean Paulhan-Francis Ponge [1]
Mercredi. [mai ? 1957]
[2]
Cher Jean,
<Vu Joyaux (bien content). Voici ce dont nous sommes convenus : il part dans peu de jours pour l’île de Ré, où le courrier parvient [arrive] mal ; n’en revient, dans un mois, que pour quelques jours d’examens - et repartir aussitôt [dans la nature (en Espagne)] en Espagne, dans la nature. Il nous donne donc quitus pour ses épreuves (que tu pourras me faire adresser [envoyer] rue Lhomond, je vous les renverrai aussitôt.)
Il m’a paru tenir assez à l’épigraphe (disant qu’à mettre les pieds dans le plat...), mais n’en fait pas une affaire.
Je suis rudement content.
Ce n’est pas vingt-deux ans qu’il a, pardon ! vingt seulement.
Mais n’est-ce pas que c’est déjà magistral ?
Certes, il peut y avoir quelque chose de moi, mais de façon, je crois, plutôt parodique (et certes, il a raison. Mon premier sentiment : « nous méritions bien ça. »)
Quelque chose aussi d’Aragon, peut-être [quelque chose aussi, peut-être, ne trouves-tu pas ? d’Aragon] (celui du Traité du Style) : mais la fougue, ici, me paraît plus profonde, la révolte plus authentique [mais la révolte, ici, me paraît plus profonde, plus authentique, la fougue] moins superficiellement brillante, - moins fébrile en tout cas. Cela a l’allure, la grande allure [Cela gonfle, - cela prend l’allure, la grande, la noble allure - ] - joyeuse mais grave à la fois - d’une lame de fond.
<Oui, je suis bien content.
Je t’embrasse
FRANCIS.
[1] JEAN PAULHAN-FRANCIS PONGE, Correspondance Tome II 1946-1968, Gallimard, 1986 - Edition critique annotée par Claire Boaretto
[2] Nous reproduisons le texte de la lettre effectivement envoyée à Paulhan.
Entre crochets, nous indiquons les variantes que présente le brouillon conservé par Francis Ponge.