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Les Surprises de Fragonard (1)

suivi de La "Jeune fille au chapeau", tableau inconnu de Fragonard

D 22 décembre 2023     A par Viktor Kirtov - C 2 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


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22/12/2023 : article, initialement publié le 13 septembre 2007, auquel nous ajoutons la section "La Jeune fille au chapeau", tableau inconnu de Fragonard, adjugé, hier 21 décembre, à 2,5 millions d’euros.
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Au moment où va débuter une exposition sur Fragonard, au musée Jacquemart André à partir du 3 octobre 2007, on peut se souvenir du livre que publiait Philippe Sollers, il y a tout juste vingt ans :

1987, deux ans avant le bicentenaire de la Révolution française, Sollers publiait, en effet, « Les surprises de Fragonard » dans la collection Art et Ecrivain.

4ème de couverture

« A un jeune, blond et charmant barman du Pont-Royal, Francis Bacon a dit une fois, il y a dix ans, à propos de mon petit livre sur Fragonard : « C’est bien, parce qu’il écrit sur Fragonard, comme Fragonard peint »

Philippe Sollers.
Les passions de Francis Bacon
in Eloge de l’Infini
Folio, p. 85.

Fragonard est un des grands peintres du dix-huitième siècle. Plus divers et fort que Watteau ; moins académique que Boucher, il domine son siècle et interroge le nôtre. À notre grande surprise, nous nous sommes aperçus que presque rien n’avait été écrit sur lui. Ce silence est-il dû à un préjugé historique, conséquence de la Révolution ? Cette question mérite d’être posée en fonction de la « commémoration » de 1989. On se propose, ici, de commémorer d’abord Fragonard, de le faire vivre dans son effervescence profonde. Surprises de Fragonard ? À chaque instant. Ce livre est construit comme un petit roman d’aventures, images, détails, récits. Les sujets, en général interprétés superficiellement comme « érotiques et galants », révèlent des arrière-plans inattendus, des audaces inouïes. C’est tout une société qui se dévoile dans ces coulisses : La Fête à Rambouillet, Le Billet doux, L’Étude, Le Début du modèle, La Chemise enlevée, La Résistance inutile, Les Baigneuses, Le Verrou... Disons les choses : on a rarement eu autant de plaisir à concevoir un livre.

Philippe Sollers.

« Passer de Mao Tsé-toung à Fragonard est encore d’Ancien Régime », me reproche un essayste qui vient de faire le constat du désastre de sa vie amoureuse. Eh, mais cher confrère ! Vous y auriez puisé à temps, des enseignements d’ironie ! Un vaccin de charme ! Contrairement à ceux qui croient que la « Grande France » est celle des cathédrales et de la Révolution (discours de Malraux de 1948), le dix-huitième à de nouveau tout à nous dire. Les Droits de l’Homme eux-mêmes viennent directement d’une des expériences les plus libres de l’histoire de l’humanité. Allons, allons, relisez Casanova, Sade, Diderot, Voltaire ![...] »

Philippe Sollers
Le nouveau code amoureux
in Eloge de l’Infini
Folio, p.711.


Le texte des « Surprises de Fragonard », Sollers en fera aussi le premier chapitre de son essai « La Guerre du Goût », Gallimard, puis en édition Folio en 1996, avec en exergue :

« Tire-toi d’affaire comme tu pourras, m’a dit la nature en me poussant à la vie »
Réponse de Fragonard à un ami

« Oh écoutez, au point, où nous sommes, nous n’avons plus qu’une seule ambition, qu’on nous laisse tranquilles, que nous puissions vérifier l’expérience... Nous avons fermé la porte à double tour. Pour qu’on nous abandonne dehors. Paradoxe ? C’est ainsi. Il faut d’abord verrouiller pour sortir. Voilà, tous les autres sont rentrés, vous les avez mis dedans, la scène vous appartient pour un aparté rapide, on va vous montrer la merveille. Vous n’en parlerez à personne, promis ? »

C’est ainsi que débute le texte de Surprises de Fragonard

« ...fermer la porte à double tour ...verrouiller... » : Mais pourquoi cette fixation de Sollers ? On pourra se reporter à l’article :Liberté du XVIIIème siècle avec Le fameux tableau « Le verrou » analysé par Sollers.
A moins que la réponse ne se trouve dans le portrait de Mlle Guimard.
ou bien dans la Subversion de La Fontaine, illustrée par Fragonard. Une lumière du XVIIIème siècle : Sollers ne pouvait manquer Fragonard, qui ne pouvait manquer, non plus, Diderot ici

Et D. Brouttelande a bien fait de nous rappeler cette prochaine expo Fragonard

le livre sur amazon.fr

...un peu plus sur Fragonard

« [New York] davantage de temps, loin de tout pour regarder la peinture. A la Frick Collection, par exemple, ou tout à coup, un jour de novembre, j’ai vu comme pour la première fois, Fragonard, les panneaux de Louveciennes refusés par Mme du Barry à qui, par leur liberté de mouvement, ils donnaient sans doute le vertige. Craignant de perdre la tête en regardant ces peintures sur ces murs, elle l’a perdue tout à fait, plus tard. Fragonard ou Robespierre : il fallait choisir. « New York sera le centre de l’Occident, le refuge de la culture occidentale », dit à Morand un de ses interlocuteurs. Il y a, en tout cas, beaucoup de de dix-huitième français à New York, dans les collections privées. »

Philippe Sollers
La Guerre du Goût, Folio p. 70.

THE FRICK COLLECTION : Le Salon Fragonard

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THE FRICK COLLECTION : "Le progrès de l’amour"

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Et plus loin :

« ...Fragonard, Picasso : deux boussoles pour le civilisé anesthésié par les proclamations futures, futuristes, futurisantes. »
ibid. p. 71.

Puis :

« [Subversion de La Fontaine] Chassé du paradis cruel et lucide de La Fontaine dans les merveilleuses fantaisies de Fragonard pour les Contes »
ibid. p. 375.

Ou encore :

« Oui, oui, Saint Simon, Watteau, Marivaux, Fragonard, Voltaire, Diderot, Laclos, Sade - et tous les autres : rien à faire, l’histoire tragique de l’Europe ne les touche pas. Et ne dites pas que c’est du passé, seuls les programmes de mort passent. C’est le Triomphe de l’amour qu’il fallait aller jouer à Sarajevo et non pas En attendant Godot, comme a cru bon de le faire un écrivain femme américain avec autant de perversité inconsciente que d’indécence. »
ibid p. 548.

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« Nous sommes étonnés [...] de lire aujourd’hui ces propos de Daniel Wildenstein, quatre-vingt-deux ans, « empereur et patriarche des marchands d’art » :

« Fragonard, Watteau, Chardin... Quand mon grand père s’est lancé, ces noms ne valaient rien. Ils n’existaient pas. A l’exception des frères Goncourt, ce siècle, ces peintres n’intéressaient personne. En tant que marchand, c’est lui qui les a sortis de l’anonymat, qui les a révélés. C’est lui seul et personne d’autre. Dans le dernier quart du XIXe siècle, l’art officiel vivait sous le joug de l’école de Barbizon. Bouguereau, Cabanel. Carolus-Duran. Que des emmerdeurs. »

Philippe Sollers
L’oeil de Proust
in Eloge de l’Infini
Folio, p. 85.

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« La mère absente est à Don Juan ce que la mélancolie est aux fêtes galantes de Watteau : un stéréotype si prégnant qu’il ne souffre aucun examen. Si les fêtes galantes sont nimbées d’une mélancolie diffuse, c’est qu’elles évoquent une société qui va finir, une société condamnée. Ainsi de grands spécialistes du XVIIIe siècle peuvent-ils affirmer doctement que la Fête à Saint Cloud de Fragonard est un tableau d’une immense mélancolie. Or, cette fête est merveilleuse. Il n’y a rien à voir qu’une fête, encore que dans une fête il y ait beaucoup de choses à voir : les arbres, le feuillage, la torsion des balustrades, les mouvements des corps. C’est une diversité chatoyante, une « démocratie de détails », comme le dit admirablement Nabokov en parlant du roman. Mais l’esprit peu démocratique aura tendance, et c’est son rôle, à réunifier la scène et à la placer sous le signe de la mélancolie puisque l’escargot qui se trouve dans le buisson de gauche et qu’on ne voit pas est atteint d’une grave maladie
Don Juan et Casanovapulmonaire, parce que le moineau qui est caché dans les arbres et que d’ailleurs on ne voit pas non plus est depuis peu neurasthénique. »

Philippe Sollers
in Eloge de l’Infini
Folio, p.817.

VOIR AUSSI : « Les surprises de Fragonard (2) : Fragonard n’a pas peint Diderot »


La "jeune fille au chapeau", un tableau inconnu de Jean-Honoré Fragonard, adjugé 3,2 millions d’euros

La Jeune Fille au chapeau, toile peinte par l’artiste français Jean-Honoré Fragonard vers 1770-1775 a été vendue 3,2 millions d’euros aux enchères jeudi 21 décembre 2023. La toile avait été trouvée presque par hasard lors d’un inventaire familial réalisé par un commissaire-priseur.
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La Jeune fille au chapeau, tableau de Jean-Honoré Fragonard
a été vendu 3 200 000 € jeudi 21 décembre.2023

Tableau ovale de 52 sur 42,5 cm. BOISGIRARD-ANTONINI
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Une découverte inédite. La Jeune Fille au chapeau, un tableau du peintre français Jean-Honoré Fragonard, a été vendu aux enchères jeudi 21 décembre à Paris au prix de 3 200 000 €. Ce tableau ovale datant du XVIIIe siècle avait été retrouvé lors d’un inventaire familial par un commissaire-priseur.

C’est Stéphane Pinta, expert en œuvre d’art et membre du cabinet Turquin situé à Paris qui a procédé à l’authentification du tableau. Si l’œuvre était estimée entre 400 000 et 600 000 €, l’expert espérait voir les enchères faire monter la valeur de l’œuvre d’art à « peut-être 1 million d’euros ». La toile a finalement été vendue plus du double, soit quatre fois son estimation d’origine.

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Un tableau issu d’une collection familiale

D’après l’expert, le tableau possède « toute une histoire ». « On a senti que c’était probablement un tableau de Fragonard car il y a exactement la même inscription et la même écriture sur le dos du cadre qu’un autre tableau qu’on avait vendu venant de la même collection », explique Stéphane Pinta. De fait, l’inscription « À Mme R. Fragonard » se trouvait également au dos du tableau le Philosophe lisant vendu aux enchères pour 7 686 000 € en juin 2021.

Grâce à cet élément, le cabinet Turquin a pu également établir des liens de parenté entre les anciens propriétaires du Philosophe lisant et ceux qui détenaient La Jeune Fille au chapeau. « Nous avons fait des recherches généalogiques et avons trouvé un ancêtre commun entre les deux familles qui s’avère être Dominique Magaud », explique Stéphane Pinta.

Ce peintre français du sud de la France avait constitué une célèbre et onéreuse collection notamment composée de tableaux de Fragonard, admiré à l’époque pour son style énergique et « libre », explique l’expert. La famille qui a trouvé ce tableau « pensait avoir en sa possession quelque chose d’exceptionnel », mais sans imaginer la valeur réelle, assure-t-i
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Un bijou artistique « dans un état absolument parfait »

Le style de Fragonard« est très facilement reconnaissable » dans ce tableau, indique Stéphane Pinta : « C’est un style très libre que l’on appelle furioso », continue-t-il. Les coups de pinceau sont larges, énergiques et impulsifs, où « on ne cherche pas à faire un tableau porcelainé », commente l’expert. Ce portrait aurait pu être réalisé en « une ou deux heures », avance-t-il.

Autre détail artistique : le cadre ovale. On estime que près d’un tableau sur six signé Fragonard a été exécuté sur ce format, particulièrement prisé au XVIIIe siècle. Stéphane Pinta confirme que le peintre de Grasse « aimait beaucoup ce format-là, qui se prêtait particulièrement à certains sujets, dont ce tableau », représentant une jeune femme coquette, regard en biais et visage apaisé.

Trois siècles après sa réalisation, le tableau a été retrouvé dans un état « absolument parfait », soulignent les expertises. Une conservation permise par la couche de poussière qui recouvrait le tableau. Cette pellicule a servi de filtre naturel, limitant la détérioration de la toile. La restauration a finalement duré moins d’un mois.

La découverte de telles œuvres demeure assez rare. Stéphane Pinta assure que, en dix ans de travail, il a tout de même pu découvrir « une bonne dizaine d’œuvres d’art » estimées entre 1 et 15 millions d’euros.

Emmanuelle Ndoudi, le 21/12/2023
La Croix

Vdeo : _France 2

Les propriétaires de cette toile inédite de Fragonard l’avaient toujours vue chez eux, sans avoir aucune idée de sa valeur. La "Jeune fille au chapeau" a été découverte lors d’un inventaire familial par un commissaire-priseur. "Envoyé spécial" a assisté à ce moment exceptionnel

Fragonard sur pileface

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2 Messages

  • Viktor Kirtov | 22 décembre 2023 - 16:54 1

    Communiqué de presse de l’Hôtel DROUOT (riche en informations et belles illustrations), à l’occasion de la vente aux enchères du tableau. Les propriétaires de cette toile inédite de Fragonard l’avaient toujours vue chez eux, sans avoir aucune idée de sa valeur. La "Jeune fille au chapeau" a été découverte lors d’un inventaire familial par un commissaire-priseur.
    VOIR ICI (pdf)


  • A.G. | 10 octobre 2007 - 00:35 2

    Il faut évidemment voir de toute urgence l’exposition Fragonard au musée Jacquemart-André. Les "surprises", en effet, ne manquent pas !
    Il y a bien sûr le "maître en libertinage" et les merveilleuses illustrations des  Contes de La Fontaine, sans doute réalisées autour de 1760.
    Mais il y a aussi un autre Fragonard, peut-être "chevalier de la table ronde" (selon Théodore Lhuillier, un érudit du XIXe siècle, le peintre aurait fait partie de "l’Ordre de la Table Ronde", société, à la fois galante et littéraire, qui se réunissait autour de Constance de Lowendal, seconde épouse du comte Lancelot Turpin de Crissé). Le Fragonard qui illustre l’ Orlando furioso  (le Roland furieux) de l’Arioste, le  Don Quichotte  (notamment ces dessins fabuleux :  Le curé ordonne la destruction de la bibliothèque de Don Quichotte ,  Don Quichotte cherche en vain l’entrée de sa bibliothèque ).
    Il y a aussi le portraitiste : le  Vieillard lisant  dit  Le Philosophe , le magnifique  Portrait d’homme , dit  L’écrivain  ou  L’inspiration , le génial  Cavalier vêtu à l’espagnole assis près d’une fontaine  dit aussi  Portrait de l’abbé de Saint-Non  (cette élégance ! ce rouge !) ou encore le célèbre  Portrait d’homme  dit  Portrait de Diderot  (habituellement au Louvre) dont on apprend qu’il n’est peut-être pas un portrait de Diderot (qui avait les yeux bruns et non bleus comme dans le tableau de Fragonard).