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Comment aller au Paradis ?

art press n°44, janvier 1981

D 26 avril 2007     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Paradis sort en janvier 1981. Le même mois, la revue art press, dans son numéro 44, consacre un très long dossier à Sollers et ce qu’il appelle lui-même "l’évènement" qu’est la publication de son roman ("publication permanente "qui, rappelons le, a commencé dès 1974 et dont le rythme, les modalités, sont inséparables de l’écriture et de l’évènement mêmes).
Dans un entretien récent avec les responsables de la revue In situ [1] et consacré à Paradis, Sollers lui-même revient sur ce numéro d’art press qu’il a d’ailleurs amené à ses interlocuteurs.
Qu’y avait-il dans ce numéro qu’on peut qualifier d’historique ?
Outre de nombreuses photos (et une reproduction, la seule, de l’Annonciation du Tintoret), on trouve :

- la présentation de Jacques Henric


Jacques Henric, art press 44..
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- sur Paradis, une lettre de Bernard-Henri Lévy et un long article de Philippe Muray : Somme.

- plusieurs témoignages de Sollers sur ses rencontres avec un certain nombres d’écrivains ou intellectuels (Malraux, Bataille [2], Céline, Breton, Aragon, Ponge, Lacan, Barthes, Foucault, Derrida, Sartre, Pound, Borges [3], Beckett, Robbe-Grillet, Althusser, Mauriac).

- un long entretien avec Jacques Henric et Guy Scarpetta.

Cet entretien s’appelle Comment aller au paradis ?

Comment aller au Paradis ?

[Les photos de Sollers et les intertitres sont ceux d’art press. Les notes sont de moi. Elles renvoient volontairement à des textes de Sollers antérieurs et postérieurs à cet entretien de 1981 afin de montrer la permanence et la cohérence d’une pensée à l’oeuvre aussi bien dans les textes ou propositions "théoriques" et, osons le mot, philosophiques (Passion fixe : " aller plus loin, philosophiquement plus loin " (Folio, p.47)) que dans les romans qui, seuls, les rendent possibles, les produisent, les mettent en mouvement et leur donnent sens. A.G.].

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" Pour ce qui est de la poésie, l’impossible qui persuade est préférable au possible qui ne persuade pas. " Aristote.

Je suis heureux que vous me parliez tout de suite de la négation, dans la mesure où je me pose la question de savoir ce que serait quelqu’un qui nierait jusqu’au bout. Il est remarquable de se dire que ça déboucherait sur le non-être. Autrement dit, ce qui m’appelle plus que jamais, c’est le fait de ne pas être. Je vais vous dire tout de suite ce que c’est que Paradis : c’est un trou. Ca n’est rien d’autre qu’un trou... Seulement, voilà : comment peut-on représenter un trou ? En produisant dans son environnement immédiat le maximum de consistance. C’est le seul moyen de faire sentir ce qu’il en est du trou. Nous avions parlé du maelstrom... Je m’étais permis de remarquer en passant que le trou noir, plein de choses, ne pouvait pas être conçu comme un trou, eh bien on va aller un peu plus loin dans le maelstrom et parler du trou. Du trou qui n’est donc pas représentable, pas observable, et dont il s’agirait de faire l’expérience. Autrement dit, c’est la même chose que de pousser la négation jusqu’au bout, c’est-à-dire, en effet, jusqu’où il n’ y a plus de bout, le bout du rien. Qu’est-ce qui m’a amené, depuis assez tôt, probablement depuis toujours, à être un peu plus chaque fois sur le chemin de la négation ?

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Un seul trou : la Vierge Marie [4]
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Le problème est de savoir si j’ai commencé par être, et si j’ai ensuite été amené à penser que cet être était une illusion ; ou s’il y a d’abord un ne pas être qu’on oublierait ensuite. Est-ce que je n’aurais jamais été, est-ce que tout ce qui est constatable, y compris par moi, comme être me concernant est une illusion ? Si Paradis est un trou, il faut s’attendre à ce que le moi n’y trouve pas son compte, y compris le moi qui vous parle en ce moment. Qu’est-ce qui m’a amené à m’intéresser de plus en plus à la négation ? Vous sentez bien que cela est légèrement autre chose que d’être insurgé, révolté, dans la mesure où être révolté, insurgé, ce que je veux bien être pour une part, ça suppose quand même toujours un embarras quant au père. Ce qui m’amène à travers mon nom à l’expérience de la négation, c’est tout à fait le contraire, c’est à être, pour ne pas être, sans embarras quant au père. Quand Oedipe disparaît dans la terre, aveugle, laissant là sa fille qu’il a eue de sa mère, laquelle lui avait enjoint à travers le mythe de tuer son père, est-ce qu’on peut dire qu’il fait trou ? Pas vraiment. Vous remarquez qu’il y a trois personnages dont on ne retrouve pas le corps après leur mort, le dit Oedipe, un certain Don Juan qui est censé, au moins chez Mozart, aller tout droit en enfer sans cadavre, et puis, last but not least, le nommé Jésus-Christ. Il est convenable de considérer ces trois figures ensemble pour autant qu’elles ne laissent pas derrière elles de cadavre, dans la mesure où se sont trois affaires de père. Une fois sur trois ça donne d’ailleurs un coinçage pervers, ce qui n’est qu’une de face de l’expérience... Pour tenir la négation jusqu’au bout, là où il n’y a plus de bout, pour l’affirmer sans reste, pour aller au trou, il faut évidemment se préoccuper de la grande Ninon, autrement dit de l’enclos... femme. Il faut, un jour ou l’autre, se prononcer sur une question capitale, qui est que ça ne peut pas accepter du trou dans l’élément femme.
Je dirai même que la seule façon de s’y retrouver dans le fait qu’ une femme au moins serait trouée, c’est forcément de la poser en Vierge Marie, pour que son effraction ne puisse lui venir que de l’intérieur et surtout pas de l’extérieur phallique qui n’est jamais que de l’érection qui se fait pour dénier le trou. Autrement dit, il y a un seul trou pensable dans l’univers des univers matériels, c’est très exactement la Vierge Marie. Pour ça, il faut et il suffit qu’elle soit vierge , qu’elle soit censée avoir entendu le vrai relief d’une parole et qu’il s’ensuive un corps rigoureusement différent de tous les autres.
Cela ne veut pas dire du tout, comme le penserait immédiatement la malveillance psychananalytique, que je veuille, moi, faire de ma mère une Vierge. Au contraire. A reconnaître que Papa a bel et bien pénétré Maman et que ça ne l’a pas trouée pour autant, je peux enfin me poser la question de ce qui est nécessaire pour lui occasionner cette débouchure. Une parole, oui, mais laquelle ?
Que la Vierge Marie soit censée avoir entendu un verbe au troisième degré et en avoir été en gestation, c’est très important : on n’a, de mémoire d’homme, jamais trouvé une femme qui ait entendu le sens qu’on appelle, bizarrement, figuré. Elles n’entendent rien de cet ordre, jamais, par principe, et c’est pour ça qu’a lieu implacablement la reproduction de l’espèce dont elles se chargent par surdité. L’hystérie est locale, elle est littérale. Méconnaissance, dit Freud, de la dimension symbolique des énoncés...

Tintoret. L’annonciation (1583-87). San Rocco, Venise.
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La dénégation de la négation
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Tout l’enseignement de Freud, si vous voulez bien me suivre, se résume quand même à la constatation résignée, digne, que la négation est impossible. Ce qu’on trouve, à longueur de temps, c’est de la dénégation, le fameux désaveu fétichiste, et puis, quand ça ne suffit pas, le non moins fameux rejet, la forclusion, trois formes cardinales auxquelles il faut ajouter, comme leur support, la scotomisation hystérique que je préfère prendre du côté de l’audition que de la vue, c’est-à-dire le fait tout simplement de ne pas enregistrer quelque chose. (Pas par mauvaise volonté, par mauvaise foi, c’est simplement que ce tissu-là n’enregistre pas, n’inscrit pas). Ca nie juste ce qu’il faut pour éviter la négation. L’Esprit "qui toujours nie" est là pour rendre la négation impossible : démon, en effet ; démon de la dénégation de la négation.
Et quand ça nie un bon coup parce que la négation risquerait d’être vraiment là, alors vous avez ce qu’il faut bien appeler le faux trou par excellence, qui est celui de la psychose. Autour de ce faux trou psychotique, vous avez automatiquement les remous de la Vierge Marie : fille de son fils, dit Dante [5], opération vertigineuse qui est en effet bien le contraire d’une fille qui reviendrait simplement à son père (sans passer par le fait que c’est son fils qui devient son père)... Les pères et les filles, les filles et les pères, en oedipe comme en donjuanie, ça court les rues. Des Commandeurs et des commandements, il y en a plein les placards, mais on ne peut pas dire qu’une mère puisse y devenir la fille de son fils... Quant aux fils, en général, ils restent bien le petit gros bout phallot de leur mère...

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Malheur à la mère à la fille et au matriciat
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Alors comment faut-il s’y prendre pour  nier et n’y être  ? Pour n’être  ? (ce qui va beaucoup plus loin que les questions de l’être et de l’étant, de l’être barré et de tout ce que vous voudrez [6], parce que la philosophie ne peut pas nous donner le vrai dédale, le vrai parcours de cette transgression qui est éminemment sexuelle). En observant très attentivement la façon dont ça rate. Pour peu qu’il y ait un trou, ceux qui écriraient ou diraient ce trou feraient le catalogue sensé et insensé de toutes les façons de s’empêcher de faire trou, ce qui suppose qu’on ne reste pas fixé à telle ou telle position et qu’on ait les moyens de repérer toutes les positions de langage qui consistent à ne nier qu’aux trois-quarts. Il s’agirait donc d’établir un catalogue varié de tout ce qui existe comme scotomisation, dénégation, désaveu et rejet. Depuis le trou, il est évident que cela ne peut que sembler horriblement comique. Vous me direz : eh oh, s’il y en a une qui n’a pas de trou, c’est bien la Vierge ! Justement pas ! Admirable panneau ! Idée géniale ! qui fait se convulser tous les corps, y compris dans le contre-sens, notamment celui de l’adoration, voire celui des mystiques. Les extases mystiques ne sont jamais que l’envers de la sorcellerie ambiante. Le mysticisme essaie bien de boucher quelque chose aussi. Donc, une seule mère, et pas phallique : la Vierge Marie. Et mythologies, bouddhisme, hindouisme, vide zen, Bible comprise... elles sont toutes phalliques... Le De natura rerum de Lucrèce, est dédié à Vénus : si Vénus avait un trou, le vide ne pourrait pas être conçu. La représentation n’existe que parce que Vénus n’a pas de trou [7].

Pour penser le trou, il vous faut cette opération de la Sainte Vierge, laquelle est d’ailleurs la seule à pouvoir aller se faire couronner par son fils devenu son père dont il n’est absolument pas distinct puisqu’entre eux, et avec eux, intervient cette 3ème personne énigmatique dont Saint Augustin a bien raison de dire que "tout ce qu’il entend il le dira" et qui n’est autre que la Saint Esprit. La procession trinitaire des trois personnes est bien le comble de l’élaboration de la négation. J’y arrive enfin grâce à mon baptême, et à rien d’autre, car je pourrais aussi bien dire que je n’ai pas d’autre expérience que celle que me permet mon baptême, le Saint Esprit, venant après le Père et le Fils, achève de boucler en l’ouvrant à l’infini la seule élaboration complète de la négation. Gloire au Père, au Fils, au Saint Esprit, c’est la négation de quoi ? Eh bien, je vous dis la formule à l’envers, telle qu’elle nie quelque chose, et comme c’est la première fois qu’on le dit c’est tout de même un évènement : Malheur à la Mère, à la Fille et au Matriciat [8] !

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Odyssée : ce texte qui racontait mon aventure...
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Voilà, c’est tout ! Le secret de polichinelle est là ! Alors ça fait des histoires invraisemblables, parce qu’il ne faut pas croire qu’il y a d’un côté les hommes, de l’autre les femmes ! Des hommes qui sont dans la matriciat, ça n’arrête pas. Quant à des femmes qui ne donneraient pas dans cette éternelle ritournelle de la mère, de la fille et du matriciat, ça existe... Bref, il ne s’agit pas simplement de séparer les sexes ! D’autant plus que, dans cette affaire, et comme c’est le coeur de la négation, il faut bien s’attendre à un surcroît de dénégation, de forclusion, etc., ça travelote à longueur de temps, ça s’angélise, ça s’androgyne, ça se baphométise, ça s’incube, ça se succube, on ne sait rigoureusement plus qui est qui, et justement : question de nom ...

On vit une époque, n’est-ce pas, où avoir son nom devient très compliqué. Au point que nous sommes entrés dans l’ère du comme , équivalent de ce que seraient les âmes après la mort dans la mesure où on ne rencontre pratiquement plus personne de rigoureusement singulier. C’est du comme , c’est du toc, c’est même du toctoc . On est tellement dans les doubles et ça se redouble tellement dans la doublure qu’il faut bien qu’une triplicité soit là, à l’oeuvre, de telle façon que ça fasse frire ce qui échoue à être un . Et précisément on est un que dans le trou.

J’ai très tôt, dès mon enfance, eu la sensation qu’on voulait me doubler . Je dois cette impression au fait, qui peut paraître un hasard mais dans mon cas est évidemment dû à la Providence divine, que je suis né dans une petite communauté où deux frères avaient épousé deux soeurs, répartis les uns et les autres en deux maisons symétriques, chaque pièce d’une maison répondant à l’autre pièce de l’autre maison et chacune des maisons étant meublée à peu près de la même façon... Ces deux frères, ces deux soeurs poursuivaient donc ce qui leur avait été assigné par la providence, à savoir la naissance de mon doute. Doute, donc, programmé pour faire de moi quelqu’un qui, un jour ou l’autre, allait provoquer une question sur l’identité [9]. Bien entendu, si je porte le pseudonyme que je me suis donné et qui n’est rien d’autre, en latin, que le 1er vers de l’Odyssée : " C’est l’homme au mille tours, O Muse...", enfin c’est Sollers qu’il nous faut dire, quoi ! [10], l’Odyssée n’est rien d’autre que mon histoire légèrement empâtée..., ce qui fait que lorsque je me suis trouvé devant ce texte qui racontait mon aventure, je l’ai lu avec plaisir mais enfin... C’est un peu trop Père-fille, non, ces palabres entre Zeus et Athéna : " quel mot s’est échappé de l’enclos de tes dents, ma fille ? " " Fils de Cronos, mon père, suprême majesté...". Quel rite !
Heureusement qu’il y avait les fonds baptismaux... C’est fou comme il est difficile de faire comprendre que le Christ était Juif et que la négation qui a joué dans son cas est la seule qui soit à considérer : elle n’est pas païenne mais spécifiquement hébraïque, c’est-à-dire la Loi elle-même, pour autant qu’il y a juste à la fin du trou la Loi. Pas grec du tout ça ! Toujours entre parenthèses, quand Nietzsche a des ennuis avec le maelstrom, et qu’il dit que Dieu est mort, plus exactement que lorsque les dieux de l’Olympe ont entendu l’un d’eux se proclamer le seul Dieu ils sont morts de rire, on voit que pour lui, Nietzsche, la prétention du dieu hébraïque à être le seul se ramène à une sorte de pronunciamento d’un des dieux de l’Olympe. C’est fabuleux de penser qu’il y a tant de gens depuis si longtemps pour penser que le dieu hébraïque était un dieu grec ! Cette petite erreur n’est pas sans importance puisque les païens continuent de penser à travers ce qu’on appelle les chrétiens que le Christ était une variété de dieu grec (voir Hölderlin [11], et la poésie, ah il y en a, de la poésie, là-dessus...)

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L’efficacité des sacrements ne dépend pas de qui les prononce
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Cela ne rend pas facile la découverte de cette fonction de la négation, que je ne crains pas de dire absolue . Alors, Au nom du Père, du Fils, du Saint Esprit, ça veut dire qu’il n’est rigoureusement pas question d’avoir un nom si on ne boucle pas la définition du nom d’après cette courbure. C’est la négation du pas-de-nom de la mère, de la fille et du matriciat qui continue à hanter les corps qui ne sont là que pour boucher du trou. Il est étonnant de penser que nous sommes par avance enclos dans ce sac qui s’imagine se penser de l’extérieur alors qu’il est tout simplement en train de penser ce qui convient à la matrice pour se reboucher sans cesse. Ce qui prouve que sans l’intervention de la grâce, il n’y a absolument aucune possibilité de s’en sortir. Par la même occasion, je vous justifie l’efficacité des sacrements et autres petites babioles de ce genre, dans une tradition srictement catholique bien entendu, à savoir que ça ne dépend aucunement de l’esprit ou de la dignité de celui qui les prononce parce que si on avait à considérer que ça dépend du porteur, alors on n’atteindrait pas ce point de négation de tout psychisme, de toute psychologie, de tout tripatouillage subjectif... qui fait que le langage ne serait pas posé dans son essence, laquelle est justement de n’être.
Ce que je dis peut paraître filandreux mais je préfère être filandreux que philandrogynal. Il y a eu des gens, déjà, pour s’occuper de cette histoire d’individuation. L’individu est-il membre d’un genre, d’un groupe, d’une espèce ? Suis-je un homme, en êtes-vous un ? Sortons tous deux dehors pour le savoir... Il y a un type très bien qui s’appelle Duns Scot, qui lui, a pensé que l’individuation ne venait ni de la matière ni de la forme, il dit même " l’individuation de la forme mais non par la forme " [12], c’est la fameuse affaire de l’heccéité dont je vois un petit bout, comme ça, traîner chez Deleuze et Guattari, comme s’il s’agissait d’une épiphanie vague, d’un moment d’être, d’un état d’âme, d’un coucher de soleil... Mais enfin ! qu’est-ce que c’est que cet impressionnisme à propos de la plus redoutable réalité théologique ? Ce qui prouve bien qu’à force de dériver sur le radeau médusé par la méduse on arrive dans le fouillis du maelstrom par voir passer quelque chose des petites taches bleutées qui sont la forme du vrai monde hélas inaccessible, parce que justement à trop s’obséder sur les loups-garous et les trous noirs on manque le trou. Ultima realitas entis, dit Duns Scot, ultima actualitas formae, differentia ultima... Détermination complète du singulier sans faire appel à l’existence..., admirable ! Vous voyez que je ne suis pas du tout obligé d’exister pour être celui qui vous dit tout ça, et rien, même sous la torture, lorsque je me laisserais aller selon une faiblesse qui ne concerne que l’enchevêtrement d’ailleurs lassant de mes cellules, ne pourrait le prouver. Le principe d’individuation est ce qu’il y a de plus intrinsèque à l’être qu’il achève de déterminer. Nous pourrions aller plus loin, Duns Scot insiste toujours sur le fait que ce n’est pas tellement l’être qui compte mais l’infini. Il est contemporain de Dante qu’il ne connaissait pas. C’est pour ça, puisque nous reprenons juste après Dante, qu’on pourrait dire, aussi bien, que l’être est une façon de parler que prend l’infini. Je ne crois pas que je serais brûlé aujourd’hui si je disais ça, sauf peut-être... par le syndicat des finis qui est devenu méchant ces temps-ci.

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Les femmes si chiantes
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Il se trouve que nous avons besoin de Duns Scot, très sérieusement parlant, pour penser ce qui est arrivé au langage il y a près d’un siècle. Ou alors on fait l’hypothèse marxiste (on s’est échiné là-dessus) : il y aurait eu une coupure, là, vers la fin du XIXème siècle, et puis avec la discordance théorique à régler, ça aurait dû se rejoindre dans l’histoire et dans le langage... sauf qu’on n’a jamais vu ces deux trains se rencontrer... Ce n’est pas là qu’il fallait chercher [13]. En revanche, si on regarde ce qui est arrivé au langage à la fin du XIXème siècle, lumineusement, on voit que la théologie ne s’évacue pas comme ça ! Ca revient de façon extraordinaire par un effet de fermentation qui s’empare rythmiquement, plurisémantiquement, du langage. Un individu saute dans le langage dans le sens où je l’ai entendu, pas membre d’un groupe, d’une espèce... donc certainement pas homo ... c’est là même que la question de l’homo ne marche plus... on aura beau sans cesse reposer les droits de l’homo... y a plus !... fiction !... tellement fiction que ça peut finalement se broyer sans choquer personne. Saute du même coup la ridicule histoire de l’hétéro, qu’était jamais que de l’homo en attente, et alors de nos jours, grosse pression fafemme très désespérée par le fait que la marmite n’est plus tenable. Y aurait comme une fuite, annonciatrice, métaphorique, du trou. Ouhh, ouhh... entendez-vous partout... loup-garou, coucher de soleil, philosophe aux abois, ouah ouah... et puis la Dame, très, très ennuyeuse... Qui pourrait dater le moment où les femmes sont devenues si ennuyeuses, si chiantes  ! Bonjour en passant à Loulou, Lou Andreas Salomé [14] ! dont Berg l’admirable a chanté ce qu’il fallait dire, car Wedekind... c’est des histoires de Lou... Ca donne un opéra.

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O comme Jung est le symptôme de Freud
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Au premier rang, de gauche à droite, Sigmund Freud, Stanley Hall et Carl G. jung. A l’arrière-plan : Brill, Jones, Ferenczi (1909).
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Berg était catholique, il a dit la vérité... Sexualité du XXème siècle : Alban Berg ! Timidité presque néo-grecque de Webern. Merveilleuse ! Renfrognement légèrement grinçant de Schoenberg... Sublime ! Berg : fils, comme vous savez, d’un... marchand d’images pieuses, ayant passé, en quelque sorte comme moi qui lui ressemble tellement ! sa petite enfance au milieu des Vierges, des Murillo, faux, des saint-sulpiceries dont on ne dira jamais assez qu’elles forment le goût des enfants, a dit la vérité sur cette affaire, et puis il est mort parce que l’époque n’était vraiment pas tenable, que Lulu, sous la forme d’Hitler prenait sa revanche d’une façon matraquante. Berg était beau, il aimait les femmes, autrement dit il savait exactement ce qu’il disait, la mémoire de l’ange [15]... En plus, sa soeur avait du goût pour les femmes, ce qui prouve bien que sa soeur avait parfaitement compris le génie de Berg [16]. Donc, où en étais-je ? oui, chiantes et, je crois, définitivement ! ce qui n’est pas drôle si on n’a aucun recours dans l’homo... Vous voyez la solitude de l’être promis à l’ennui ! J’ai l’air gai parce qu’évidemment je vais à une éternité de délices à cause de ma grande pureté, mais tout de même, en passant dans la région, pourquoi ne pas dire à quel point on s’emmerde ? Et pourquoi ? Eh bien, parce que le "vagin loué à l’anus"... revenons-y, c’est toujours la question du trou. Elles croient toutes que ça se défèque, ça se cloaque, elles confondent toutes ces deux orifices. Mais comme, la doublure aidant, on les a mises en position de trafiquer la mécanique, ça ne fait qu’augmenter la chiure. Pour tenir un peu cette affaire, sinistre, il faut en effet un peu de transcendance, sans quoi quel ennui ! Et quant à passer dans le non-chié par je ne sais quelle ascèse - concentration, méditation, traficotages alchimico-philosophalliques... - vous pouvez toujours vous les accrocher, ça revient toujours au déchet. " Marée noire " disait Freud, "marée noire" ! et il disait ça à Jung qui était un fervent de la marée noire. " Jung, vous me promettez d’arrêter la marée noire de l’occultisme ?..." Mais Jung il attendait que ça [17] ! Sa femme qui se prenait déjà pour Isis... Quel malentendu ! Pauvre Freud ! O comme Jung est un symptôme de Freud ! Limites de Freud, hélas ! Faudrait changer un peu de terrain, car ce n’est pas par Freud qu’on empêchera Jung, bien au contraire.
Toutes les places sont réservées pour le spectacle qui est le suivant : au parterre, à gauche, les freudiens ; dans la salle, partout, au balcon et dans les loges, les jungiens. Freud entre sur scène, les freudiens applaudissent, les jungiens sifflent, Freud reçoit un tout petit peu de marée noire, Jung apparaît, on joue un hymne, toujours le même, le god save the Queen si vous voulez, et puis tout le monde se sépare très fâché. Et ça recommence la semaine d’après. A la longue ils s’habituent, ce sont de vieux complices, ils se partagent un peu le terrain.

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Faire bander le Greco c’est quelque part avoir raison

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Si j’osais, je dirais qu’on pourrait faire, un bout de temps, mais il ne faudra pas le publier, l’apologie de l’Inquisition. D’autant plus que j’ai vu, à la télévision, un certain Tournier... Ah !... provincial comme pas un ! Goncourt ! sous-Flaubert ! se payer un spectacle avec 3 curés que c’est pas croyable ! convoqués là par Pivot, bon vivant, pauvres curés ! entre Ajax ammoniaqué et le dernier bulletin d’informations... Et il était question des Rois-mages... Voilà autre chose, des rois-mages c’est formidable, c’est des types qui sont partis d’un peu partout parce qu’une étoile leur a dit qu’il allait y avoir un trou et qu’il fallait apporter des choses pour le boucher. Vous pensez bien qu’ils ont couru ! D’autant plus qu’ils étaient mages ! Enfin l’iconographie chrétienne qui accueille tout, le meilleur et le pire, c’est son rôle, parce que de temps en temps il peut en sortir un Alban Berg, comme moi, les a recueillis. Alors ces curés étaient là, tout honteux, devant Tournier qui tenait le manche et qui n’a pas hésité à dire que les Evangiles c’était très, très bien, mais qu’en revanche l’Eglise catholique c’était pas bien du tout. Regardez par exemple cette histoire d’Inquisition, et là-dessus le Bénédictin un peu gêné a bredouillé quelque chose comme quoi il était quand même fier de son Eglise et qu’on avait vu pire depuis, mais personne évidemment ne l’a écouté car l’essentiel c’est qu’on s’occupe des rois-mages, en province, c’est-à-dire en France, et ne vous y trompez pas, c’est la littérature officielle, de ce temps, Tournier, et si vous n’aimez pas ça, mal vous en prendra... Officiel, vous dis-je ! Gide, Montherlant, Aragon, Giono... Tournier, un point c’est tout ! Alors il a interrogé les Evangiles et il a interrogé les enfants et tout et tout, c’est ce que j’appelle le pervers institué. Les Evangiles c’est très bien, et puis Spinoza aussi dans le genre, comme par hasard deux Juifs en rupture de synagogue, ploum ploum tralala, démonstration : vive les Grecs ! et allez vous faire voir ailleurs ! Pourquoi disais-je cela ? Pour faire l’apologie de l’Inquisition qui avec à mon avis un minimum de moyens, nous a tout de même appris qu’il y avait du renseignement du côté de la sorcière, savoir absolument indispensable à un homme de goût.

Le Greco. Le grand inquisiteur (1600).
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Le Grand Inquisiteur de Greco au Metropolitan de New York, tableau sublime, (jamais un portraitiste d’Hitler ou de Staline n’a pu en faire le dix milliardième, faire bander Greco, c’est quelque part avoir raison, tant pis !), ce tableau on le présente comme étant un témoignage du fanatisme du temps, c’est le seul tableau que je connais présenté avec une petite légende dissuasive. L’Inquisition entrant dans le théatre où jungiens et freudiens sont d’accord pour que la pièce continue, voilà quel pourrait être un happening des temps modernes ! Oh, c’est pas qu’on brûlerait personne, ça ferait un peu d’air ! Fanatique du trou comme je suis, je n’aime pas cette marée noire qui rend la navigation aléatoire. Façon de vivre en somme ! Tous ces gens qui devraient penser au trou sont ce que j’appelle mariés a priori. Par là j’entends que le fait qu’ils le soient ou non n’a pas tellement d’importance et que c’est de leur mère qu’il s’agit, et uniquement d’elle. Ça ne donne pas à leur langage accès à la dissolution, ou à la condensation qui convient et dont quelqu’un comme Gérard Manley Hopkins témoigne.

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Cause-toujours nounours.
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Hopkins meurt en 1889 à Dublin ; Joyce a 7 ans, hasard objectif. C’est un jésuite et il écrit une langue tellement bizarre que je me demande pourquoi on parle tellement de Lewis Carroll et pas de Hopkins (probablement encore une histoire de petites filles...). Il est tellement génial pour son temps, cet individu sans matière et sans forme qui s’est dédié au Nom du Père, qu’il arrive à lire de lui-même la musique de Purcell et qu’il retrouve à partir d’une expérience théologique la langue de Shakespeare, et qu’il la déplace à partir d’une autre passion pour Duns Scot. " Démêleur du réel le plus fin-grain ; sondeur inégalé...". Voilà, la reine Victoria a eu son trou. Cela veut dire qu’elle aurait trouvé Hopkins "illisible". Du trou, c’est pas du flux [18]. Panta rhei , " tout s’écoule ", me dit un jour quelqu’un pour Paradis . Mais pas du tout ! Encore un gêné du trou qui voudrait que ça s’écoule. Ca ne s’écoulera pas. Aussi vrai que in saecula saeculorum est un écoulement qui ne coule pas. Pantoreille, si vous voulez... le grand Pan est mort parce qu’il n’avait plus l’oreille qui convenait. Et en effet, pour qu’une femme entende quelque chose de l’Autre par l’oreille, il faut vraiment que ça vienne d’ailleurs que de nos moyens. Car si on veut aller jusqu’au bout de la négation, il faut bien se rendre compte jusqu’où va la négation de la négation. Et la négation de la négation, c’est très exactement la paranoïa féminine, indépassable. " Cause toujours ", dit-elle, ça n’a rigoureusement aucune importance. Cause toujours, nounours !
Qui n’a pas passé ce tropique, en effet du cancer, ne sait pas ce que c’est de nier le langage jusqu’au bout. C’est une expérience effrayante pour connaître ce qu’il en est vraiment dans l’orbe de la matrice [19], dans l’orbe du faux trou. S’il n’y avait pas une négation radicale du langage à l’oeuvre, nous ne pourrions pas penser qu’on peut mener dans le langage une négation jusqu’au bout qui soit de la même puissance, au sens mathématique, que cette négation du langage. Il faut donc se taper la folie [20], rien de moins, pour déboucher à partir du trou sur des choses toutes simples, toutes gaies et claires, transparentes, éminemment belles et bonnes, qui vous accueillent, très loin de toute sybille et de ses grimaces, d’ailleurs nécessaires, au Paradis.

propos recueillis par J. Henric et G. Scarpetta.

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[2Sollers : " Bataille, c’est une scène que j’ai déjà racontée où on saute ensemble du bureau de Tel Quel dans le jardin. On se promène, ce moment me paraît encore invraisemblable. Incroyable agressivité contenue des gens à son égard, notamment des femmes, très grande violence de deux ou trois femmes... Cocktail chez Gallimard où nous allons ensemble, il se déplace parmi les corps qui sont là comme s’il était pestiféré. Rencontre dans un café, Breton arrive. Bataille était assis avec un groupe où j’étais. C’est moi allant voir Breton qui me demande si c’est bien Bataille qui est là. Breton (entré là pour suivre une femme, me dit-il curieusement) va vers Bataille qui, lui, reste assis. Ils échangent leurs numéros de téléphone et Breton s’en va. C’est Bataille me disant avec un air très doux, légèrement ironique, à peine ironique : "Il est certain qu’on peut difficilement aller plus loin dans la sagesse que Maurice Blanchot". C’est Bataille, affaibli, ne sachant pas très bien la direction à prendre dans la rue. C’est le très étrange silence entourant son existence et sa disparition, la gêne. Georges Bataille est le nom qui désigne le noeud de toutes les affaires importantes du XXème siècle français, autrement dit le symptôme majeur de toute la famille. J’ai toujours pour lui, et plus que jamais, la plus grande admiration. "

[3Sollers : " Je rentrais de Venise en avion, je pensais à Borges. J’arrive à Paris, il faisait noir, je pensais à Borges en me disant qu’au fond parmi les écrivains encore vivants c’est l’un de ceux avec qui j’aurais dû parler de certains petits problèmes métaphysiques. Je fonce sur un taxi que je vois à l’arrêt et là, sur le trottoir, je bouscule presque un groupe de trois personnages élégants dont un que je reconnais immédiatement, Hector Bianciotti, lequel m’a confirmé ce que je vais vous dire. Je ne le salue pas, je suis pressé de prendre ce taxi, je me retourne simplement pour lui dire bonjour et là je m’aperçois qu’il est avec Borges, dont le visage est levé, aveugle, vers la nuit. J’écris un mot à Bianciotti pour m’excuser de l’avoir si grossièrement côtoyé sans le saluer et il me répond que c’est encore plus étrange que ce que je crois, puisqu’au moment même où je les ai bousculé Borges était en train de parler de Dante et de dire " Croyez-vous qu’aujourd’hui quelqu’un pense à Dante comme nous sommes en train de le faire ? ". La réponse aurait dû être négative. Bianciotti lui dit, voyant que je fonce dans ce taxi : " Oh comme c’est curieux, le garçon (il emploie ce mot) qui vient de sauter dans un taxi devant nous pense certainement à Dante assez souvent. " Quand je vois Bianciotti par la suite, je lui demande : " quel vers de Dante étiez-vous en train de réciter ? " Borges citait le vers 13 du premier chant du Purgatoire : " Dolce color d’oriental zaffiro " et Bianciotti lui faisait remarquer l’adéquation extrême entre la forme et le fond dans un vers comme : " Vergine madre figlia del tuo figlio " (Paradis, 33). Décidément on n’en sort pas. Au moment même où je voyais Borges vivant, il évoquait la sortie de l’Enfer et s’entendait appeler au Paradis. "

[4Le trou de la Vierge, une video de Jean Paul Fargier, réalisée en 1982 (60mn), vient d’être publiée avec une autre video Sollers joue Diderot. Un autre DVD avec Sollers au Paradis est également sorti voir article.

[5Voir les nombreuses pages sur ce thème dans La divine comédie (Entretiens avec Benoît Chantre, Desclée de Brouwer, 2000) et, notamment, les p.408 et suivantes

[6Heidegger, "Ueber die Linie" : "Cette biffure en croix [de l’Etre] ne fait d’abord que défendre en repoussant, à savoir : elle repousse cette habitude presqu’inextirpable, de représenter "l’Etre" comme un En-face qui se tient en soi, et ensuite seulement qui advient à l’homme...[...]." Cité par J. Derrida dans La dissémination, "commentaire" du roman de Sollers Nombres, Coll. Tel Quel, 1972, p. 393.

[7Voir déjà pour une première approche de la question : Sollers, Sur le matérialisme (Coll. Tel Quel, 1974), p.61 et p.80 : "Ventre maternel d’où sortirait le phallus. Le père-mère, c’est toujours, en dernière instance, la mère." et aussi, p. 85 : " Emblème de l’idéalisme : un foetus pensant à l’intérieur d’un ventre-esprit pur. En ce sens, on peut dire qu’il est l’interdiction même de naître : l’univers, sa pensée et l’"homme" sont appendus à une mère bouchée."

[8La Trinité de Joyce, 1979, voir article

[9Sollers reviendra souvent sur cette "symétrie", notamment dans Portrait du joueur (Gallimard, 1985, p.31-32) : " Je les rêve souvent, les maisons... Symétriques... Deux frères ayant épousé deux soeurs, et s’installant côte à côte, en miroir... Est-ce qu’on a déjà vu ce phénomène ? J’ai longtemps pensé mettre une petite annonce dans les journaux pour savoir si je n’avais pas, par hasard, ici ou là, un jumeau psychique... Octave et Léna à gauche. Lucien et Odette à droite. Grande façade de pierre divisée, même nombre de pièces de part et d’autre, une grille, deux portails, deux perrons, deux entrées... Même mobilier ou presque : les canapés, les tapis, les tables, les lits, les tapisseries, les lampes... les bergères !... [...] Chambres à coucher en écho de chaque côté du mur... Mon père et ma mère, donc ; le frère de mon père et la soeur de ma mère... Leurs regards parfois le matin ?... Leurs silences après dîner le soir sous les pains ?... Deux pères, deux mères... Discordance...". Voir aussi : Sollers ou la volonté de bonheur de Gérard de Cortanze (Ed. du Chêne, 2001)

[10Réflexion-variation présente dans pratiquement tous les romans de Sollers. Quelques exemples :
" sollers écho du surnom d’ulysse de sollus tout entier art intact ars ingénieux terrain travailleur fertile lyrae sollers science de la lyre..." (H, Seuil, Coll. Tel Quel, 1973, p. 11)
ou : " il prépare sa monumentale encyclopédie de natura diabolica sollertia je suis le joyau de sa collection spécialisée dans les grands criminels les héros tués au combat "(Paradis, 1981, coll. Points, p. 101)
ou :" Je me revois, un soir, rentrant du lycée, assis devant mon dictionnaire de latin, étudiant les implications du mot sollers. Venant de sollus (avec deux l !) et ars. " Tout entier art ". Sollus est le même radical que le grec holos, qui veut dire : "entièrement, sans reste." D’où hologramme. Holocauste. Absolument dédié à l’art. Brûlure ! Sacrifice ! Sainteté ! Mais en même temps, sollers veut dire : habile, intelligent, ingénieux, adroit, rusé, le terrain le plus propre à produire... "Lyrae sollers" (Horace) : "qui a la science de la lyre." "sollers subtilisque descriptio partium" (Cicéron) : "adroite et fine distribution des parties du corps." Sollers, sollertis... Sollertia... Voilà un nom bien suspect, n’est-ce pas, immoral en diable !... Une définition actuelle ? Voyons... "Le sollers est de la technique pure : sa combustion dans l’art ne laisse aucun résidu." (Portrait du Joueur, Gallimard, 1985, p. 71)
ou encore : " le soleil est fou cette année toutes les informations le confirment de labore solis sollertis sollertissimus flammantis et moi aussi je suis beaucoup plus fou cette année " (Paradis II, Gallimard, 1986, p. 26)

[11Par exemple : Hölderlin, L’Unique (première version) :
" Ô Christ ! je tiens à toi,
Quoique frère d’Héraklès
Et j’ose le confesser, tu
Es frère aussi de l’Evir [Bacchus-Dionysos]".
(Hymnes et autres poèmes, Rivages poche, Traduction Bernard Pautrat)

[12Sur Duns Scot, il faut lire ou relire Littera spiritiva ou l’être subtilisé ainsi que la Note radiophonique sur Duns Scot et Cantor de Jean-Louis Houdebine dans Excès de langages où de nombreux textes sont par ailleurs consacrés à Sollers, Joyce et Hopkins (Denoël, Coll. L’Infini, 1984).
Voir également : Philippe Sollers L’Assomption dans Théorie des exceptions (Folio 28).

[13C’est pourtant là qu’ont cherché toutes les avant-gardes au XXème siècle, des surréalistes à Tel Quel en passant par les situationnistes. "Avant-gardes" dont Sollers et Pleynet décideront la "fin" vers 1977

[14Dans " "Folie", mère-écran ", un entretien avec J. Henric du 10 novembre 1976 publié dans le numéro 69 de Tel Quel (printemps 1977), il était déjà question de Lou-Andreas Salomé : " entre Nietzsche et Freud il y a eu quelqu’un qui s’est appelé Lou-Andreas Salomé. Freud est très discret sur Nietzsche mais il a marqué avec la plus grande précision que Lou-Andreas Salomé avait fait une découverte dans la théorie analytique. Comme par hasard, cette découverte était l’histoire de la "location" du vagin à l’anus ; c’est ce qui est resté sur le divan de Freud de quelque chose qui se passe entre Nietzsche et Freud. Sans commentaire. "

[15Concerto à la mémoire d’un ange, concerto pour violon et orchestre d’Alban Berg, composé entre avril et août 1935, créé le 19 avril 1936...

[16On sait que ça ne fut pas le cas de la soeur de Nietzsche

[17Voir là aussi : Jean-Louis Houdebine, Jung, Joyce, Picasso, in Excès de langages

[18Nouvelle allusion critique aux thèses de Deleuze et Guattari

[19Voir à nouveau La Trinité de Joyce et sur ce site tous les articles sur Joyce, notamment Joyce, Sollers : Non serviam ainsi que, pour "l’oreille", les articles sur Paradis.

[20Dans " "Folie", mère-écran " (op. cité) Sollers déclarait : " La "folie" reste la question la plus subversive qu’on puisse poser aujourd’hui. " et, parlant de " l’infini narcissique maternel insensé ", il écrivait : " Par : "la mère veut son fou", je veux dire que ce qui fait difficulté par rapport à ce problème de la mère, c’est de ne pas se prendre pour son phallus. Il n’y a pas une expérience "littéraire" qui n’ait à traverser ce continent...". On peut considérer que Paradis est aussi l’histoire de cette traversée.

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