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Le principe d’ironie

D 24 avril 2009     A par Viktor Kirtov - D. Brouttelande - Albert Gauvin - C 3 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Il y a 20 ans — vingt ans pile — Philippe Sollers consacrait le numéro 25 de la revue L’Infini à Voltaire. Un numéro entier. Pour célébrer la vraie Révolution française.
En ouverture un texte qui sera repris — également en ouverture — du recueil Improvisations en 1991 : Le principe d’ironie. Exhumé par V.K. en mars 2007, nous le republions aujourd’hui.
Le texte de Sollers se terminait par ces mots : à suivre. Logique donc.
A suivre ? Oui !
Où en sommes-nous avec Voltaire ? Et avec l’ironie ? Au même point.

Zoom : cliquer sur l’image.

Vingt ans après

Écrasez l’infâme ?

Deux exemples :

Le 3 décembre 2003 Michel Onfray, revendiquant l’enseignement du « fait athée », écrit dans Libération un article au titre inspiré, Reviens Voltaire ! [1]. Effet d’accroche ?
En 2007, Onfray publie le volume 4 de sa Contre-histoire de la philosophie [2]. Tout à sa réhabilitation des penseurs « athées », Onfray, dès l’introduction, donne le ton : l’ennemi principal, c’est... Voltaire (qu’Onfray « démasque » en l’appelant « Arouet », « l’abbé Arouet »). Je cite : « Dans l’article « Athéisme » de son Dictionnaire, il [Voltaire] réhabilite un certain nombre de philosophes faussement accusés d’avoir propagé cette « abominable et révoltante doctrine ». Théistes chrétiens et philosophes déistes cheminent bras dessus bras dessous, l’abbé Arouet en tête du cortège ! [...] L’oeuvre complète du patriarche de Ferney regorge de professions de foi déistes. Le Dictionnaire philosophique confirme : Arouet tient pour un « Etre suprême, gouverneur, vengeur et rémunérateur [3] ». Tout est dit. »

Tout est dit ? Non. Onfray ajoute : « En passant, on comprend mal comment cet homme peut être tenu depuis des siècles pour l’emblématique ennemi de l’Eglise catholique qui défend très exactement les mêmes positions. » On comprend mal effectivement [4].

Dans le chapitre suivant, Onfray s’interroge gravement : faut-il « brûler l’Encyclopédie ? ». Il est vrai que « l’Encyclopédie défend les mêmes positions ... » [« l’athéisme interdit toute moralité »]. L’Encyclopédie se voit donc reprocher de « passer pour le parangon de la modernité et de l’intelligence du siècle ».
Plus loin, dans un (beau) chapitre consacré à l’abbé Meslier, la charge contre Voltaire redouble. Sous un titre éloquent — Voltaire détrousse les cadavres — on lit : « Voltaire n’est ni le philosophe que l’on dit ni l’homme que l’on croit, il répugne à l’athéisme de Meslier et encore plus à son projet politique d’émancipation [5]. Ce roué [Arouet, bien sûr !] opportuniste, ami des puissants, flatteur, intéressé, souvent en délicatesse avec la morale, égotiste, est un déiste entretenant avec la religion catholique, en privé, une relation bien plus intime que ne le laisse croire l’habituelle biographie [laquelle ? celle de René Pomeau ?] de l’homme public devenu monument national. [...] De même, le défenseur de Calas, Sirven et autres causes médiatiques [!!!] utiles à la sculpture de sa statue [N’est-ce pas Onfray qui a écrit jadis La sculpture de soi ?], aime la liberté, certes, mais comme une occasion d’exercice de style mondain [suivez mon regard !]. » (p.95) Même charge plus loin contre « ce bigot caché », le « perfide » ou « répugnant » Voltaire [6], etc, etc.
On croirait entendre Monseigneur Dupanloup : « Le vrai Voltaire, le voici : Insulteur du peuple, courtisan, insulteur de la France, agioteur, négrier, et vivrier, insulteur de la vérité, insulteur des moeurs. » (Lettre à Victor Hugo, 1 juin 1878)
Allons vite à la conclusion : « On comprend que Voltaire, le philosophe emblématique de cette ligne de force déiste, libérale et propriétaire, en un mot bourgeoise, entre au Panthéon en pleine Révolution française dès 1791... » (Contre-histoire de la philosophie IV, p. 305)

Tout est dit !
Que répliquer à ce florilège de ressentiments ?
Qu’ « un certain Friedrich Nietzsche » — Helvétius le ravissait (Onfray le rappelle) — a aussi écrit Humain, trop humain — « un livre pour esprits libres » — « En mémoire de Voltaire pour le centième anniversaire de sa mort, le 30 mai 1778 » (Onfray l’oublie) ? Et qu’il en accélère même la publication parce que « l’approche du 30 mai 1778 [a] suscité [son] plus vif désir d’offrir en temps voulu un hommage personnel à l’un des plus grands libérateurs de l’esprit » [7] ? Que Nietzsche va jusqu’à écrire : « [...] Voltaire était avant tout, au contraire de tout ce qui a tenu la plume après lui, un grand seigneur de l’intelligence... Le nom de Voltaire sur un de mes écrits, c’était vraiment un progrès vers moi-même... » [8] ?

Voilà pour le philosophe "nietzschéen" et soi-disant athée Onfray [9].

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Gravure de Pierre Charles Baquoy

Comme un bonheur n’arrive jamais seul, je tombe dans le dernier numéro d’art press sur une note de lecture du philosophe catholique Fabrice Hadjadj qui rend compte du livre de Ghislain Chaufour sur Candide antérot paru récemment aux Editions les provinciales/le Cerf [10].

Qu’écrit Hadhadj ? Ceci : « Chaufour fait tomber la statue de son piédestal : Candide est un "anti-éros", en français vivant un "antérot". Quant à Voltaire, une lecture attentive de ses textes nous le révèle ignare en théologie, raciste enthousiaste, partisan de l’esclavage et furieux antijuif. Au temps de l’hitlérisme, un certain Henri Labroue n’eut pas de mal à composer un livre antisémite en compilant les écrits du sage de Ferney. L’Essai sur les moeurs eût suffit à la besogne : « Les Juifs assassinent leurs maîtres quand ils sont esclaves ; ils ne savent jamais pardonner quand ils sont vainqueurs ; ils sont les ennemis du genre humain. » Aussi est-ce en vrai disciple que le Réseau Voltaire, pour « la promotion de la liberté et de la laïcité » eut des liens avec le Hezbollah, Chaufour nous rappelle que le catéchisme de l’honnête homme suffit à constituer un bréviaire de la haine. »

D’accord, Voltaire n’était pas parfait (!). Ses propos sur les Juifs et le judaïsme apparaissent souvent irrecevables pour un lecteur d’aujourd’hui [11]. Mais comme l’écrivait Hannah Arendt : «  L’antisémitisme français [...] est plus ancien que ses homologues européens, de même que l’émancipation des Juifs remonte en France à la fin du 18e siècle. Les hommes des Lumières qui préparèrent la Révolution française méprisaient tout naturellement les Juifs : ils voyaient en eux les survivants du Moyen Age, les odieux agents financiers de l’aristocratie... Diderot fut le seul des philosophes français au 18e siècle à ne pas être hostile aux Juifs. » Est-ce une raison pour répondre à des inepties datées par une ânerie comme le fait Hadjad ? Car, enfin, Voltaire, à la rescousse idéologique du Hezbollah, il fallait l’oser ! Hadjadj aurait-il oublié que Voltaire avait aussi écrit Mahomet ou le fanatisme (1741) (une pièce que Nietzsche — dont "l’hitlérisme" a aussi "compilé" les écrits — aimait beaucoup. Cf. Humain trop humain, § 221) ou, plus tard, le Traité sur la tolérance (1763) dans lequel on lit aussi  : « ... si l’on veut examiner de près le judaïsme, on sera étonné de trouver la plus grande tolérance au milieu des horreurs les plus barbares. C’est une contradiction ; il est vrai ; presque tous les peuples se sont gouvernés par des contradictions. Heureuse celle qui amène des moeurs douces quand on a des lois de sang ! » (Chap. XIII, Extrême tolérance des juifs) [12] ?

Là où Voltaire ne craignait pas les « contradictions », nos philosophes ne reculent décidément devant aucun simplisme.
La question est donc : pourquoi cette charge, ce tir croisé contre Voltaire aujourd’hui ?

Hypothèse la plus vraisemblable (aujourd’hui comme hier) :

Voltaire : « Parmi tant de haines dont je suis l’objet, je dois encore compter sur celle de presque tous les littérateurs français, jeunes et vieux, race diaboliquement envieuse s’il en fut, et qui ne m’a jamais pardonné mon entrée si soudaine, si éclatante, dans la littérature française. »

Nietzsche : « Le destin de cet homme, au sujet duquel ne s’affrontent encore, même après 100 ans, que des idées partisanes, apparut à mes yeux comme un terrible symbole : à l’égard des libérateurs de l’esprit, les hommes ont la haine la plus rancunière et l’amour le plus injuste. » [13].

Moralité. Voltaire encore : « Les hommes sont bien sots, et je crois qu’il vaut mieux bâtir un beau château, comme j’ai fait, y jouer la comédie et y faire bonne chère, que d’être levraudé à Paris, comme Helvétius, par les gens tenant la cour du parlement, et par les gens tenant l’écurie de la Sorbonne. Comme je ne pouvais assurément rendre les gens plus raisonnables, ni le parlement moins pédant, ni les théologiens moins ridicules, je continuerai à être heureux loin d’eux. »

Ces derniers propos sont cités par Sollers dans ses Mémoires, Sollers qui rappelle « que De l’esprit, d’Helvétius, a été condamné au feu par le Parlement le 6 février 1759, en même temps, d’ailleurs, que La Religion naturelle de Voltaire » et que « par le même arrêt, la diffusion de l’Encyclopédie était suspendue. » (Folio, p. 210).

Sollers encore :

« L’antisémitisme remonte bien en amont du XVIIIe siècle. C’est quelque chose d’aussi ancien que la vocation du peuple juif lui-même. Si vous pointez du doigt les Lumières, vous pouvez trouver des propos judéophobes plus qu’antisémites au sens moderne du terme chez Voltaire notamment. Néanmoins si je vous cite Voltaire et que vous me répondez uniquement que Voltaire était antisémite, cela devient dramatique. Nous ne pouvons pas tout voir sous cet angle-là. Nous avons besoin de Dostoïev­ski, nous avons besoin de Shakespeare malgré Le Marchand de Venise, nous avons besoin de Voltaire pour des raisons de civilisation fondamentales dans la langue et le goût. L’antisé­mitisme est un préjugé qui est très ancien et, si on s’interdit de le mettre en perspective historiquement comme il faut, on peut rayer quasiment toute la bibliothèque occidentale. » (Sur l’antisémitisme, janvier 2004)

CQFD.

Bon, allez, respirons, relisons Le principe d’ironie.

A.G.

*


LE PRINCIPE D’IRONIE [14]

La force de la raison paraît mieux en ceux
qui la connaissent qu’en ceux qui ne la
connaissent pas.
LAUTRÉAMONT

Il paraît que le « voltairianisme » existe. Cela m’étonne, je ne l’ai jamais rencontré. J’ai vu des rationalistes honnêtes ou bornés ; des anticléricaux plus ou moins moisis ; des professeurs secs ; des fanatiques dialectiques ou pseudo-critiques ; des visionnaires du progrès ; des hugoliens, des jungiens, des pseudo-freudiens ; j’ai vu des thomistes arriérés ; des bonzes ou des ânes curés ; des marxistes, des kantiens, des moralistes par culpabilité ; — j’ai vu beaucoup de fous et de folles, et aussi des fous et des folles, à peine plus calmes, qui disaient les soigner ;
— j’ai vu beaucoup d’imbéciles, à commencer par moi-même ;
— j’ai vu des jésuites pas embarrassés ; des francs-maçons appliqués, positifs ou négatifs — et même illuminés ; — j’ai vu des Juifs profonds, admirables, honteux, accablés, souffrants, triomphants, actifs ; — j’ai vu des fascistes et des communistes — les

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uns devenant les autres, ou réciproquement ; — j’ai vu des socialistes ou des libéraux ; des révolutionnaires sans révolution, des fonctionnaires pour contre-révolution ; — j’ai vu des coraniques, des orthodoxes, toute la série protestante ; — bref le clergé mondial, ou peu s’en faut. Mais un voltairien, jamais.
Je le jure.
Ce n’est pas que Voltaire, lui — dont nous allons nous occuper un instant — n’ait pas été « voltairien ». C’est tout simplement qu’il n’y a pas de voltairianisme possible. Ce terme a été inventé pour combattre le bourgeois éclairé et retors qui, lui-même, n’a jamais existé. A la longue, l’appellation désignerait n’importe quel nanti, n’importe quel mafieux de la politique à l’oeil allumé, n’importe quel réaliste, en somme. « Voltaire » signifierait : qui a réussi. Et, je le jure, je n’ai jamais rencontré non plus un homme ou une femme ayant réussi. Réussi quoi ? La claire appréciation des fins dernières, sans regret, sans au-delà, sans reste. Gide ? Un peu. Sartre ? Davantage. Mais que de passions inutiles, que de bruit pour rien.

Baudelaire : « Je m’ennuie en France parce que tout le monde y ressemble à Voltaire. » Quelle idée. Plût au ciel. Mallarmé, plus lucide : « Je place au tabernacle pour des livres français et les Contes et les Lettres : celles-ci, aboutissement de la langue, en un négligé valant toute nudité. »
Et aussi : « Le concis, ou le dégagé, égale, dans tel billet, la grâce du mobilier bref de l’autre siècle ; ou les accords d’Haydn. »
Et encore : « Ardeur dévorée par la joie et l’ire du trait qu’il perd, lumineux ... Jeu (avec miracle, n’est-

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ce pas ?) résumé, départ de flèche et vibration de corde, dans le nom idéal de — Voltaire. »

Un jeune homme m’a raconté récemment qu’on l’avait surpris à lire les Lettres philosophiques. « Vous n’y pensez pas », lui dit son professeur, en lui mettant aussitôt dans les mains Lacan, Foucault, Derrida, Duras, Blanchot (j’en passe). « Ne perdez pas de temps ! » Ce jeune homme, soigné par moi, est encore bien malade. Il rêve beaucoup, il se rappelle ses rêves, il voudrait les interpréter, ça ne va pas fort. J’ai eu toutes les peines du monde à le retenir d’entrer dans les ordres —, après qu’il a eu l’idée (c’était après la psychanalyse, l’homosexualité sans danger, la drogue et autres aventures légères) de tâter de l’Orient ou du retour compact de la Bible. Héraclite, parfois, lui apparaissait par bribes. Il entendait Empédocle lui souffler des phrases dans une langue inconnue et lui demander même en allemand : « Suis-je Hölderlin ? » Il osait à peine sortir de chez lui. Paris lui semblait une ville vide et maudite. Les autobus de la rue Vivienne, surtout, allez savoir pourquoi, le terrorisaient. Il était particulièrement déprimé d’avoir à employer encore le français, ce dialecte. Il me disait souvent, un léger sourire égaré sur les lèvres : « Vous ne pouvez pas savoir ce que c’est que d’être vraiment en Enfer. » Un jour, je lui citai Voltaire : « Le Paradis est où je suis. » Il eut une convulsion de dégoût. Vous voyez l’histoire.

« Mais Voltaire n’était-il pas antisémite ? » me lance brusquement un sourcilleux lecteur de Heidegger. « Et vous ? » dis-je — « Mon père, ou plutôt mon grand-père, sans doute, mais pas moi. » « En êtes-

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vous sûr ? » insistai-je, votre grand-père était-il voltairien ? »
— « Je ne sais pas. » — « Comment, vous ne savez pas ? » Il est vrai que mon interlocuteur n’en était qu’à sa dixième année de divan. C’est peu. Attendons la suite.

Bien entendu, je ressemble au jeune homme dont je parlais. Tout le monde m’a toujours déconseillé de lire Voltaire. A la longue, un auteur aussi unanimement critiqué m’intrigua. Pour les uns, il était trop Panthéon. Pour les autres, pas assez. Bref, il n’avait que des défauts. Cependant, en les écoutant, je regardais mes interlocuteurs vivre. C’est une vieille habitude que j’ai. Il me parut peu à peu que leur existence quotidienne n’était pas à la hauteur de leurs jugements. Voltaire me devint, en secret, sympathique. Je me disais avec candeur : « Il n’est pas impossible que tous ces braves gens, au fond, aient quelque chose de très simple à cacher. » Le cours accéléré des finances me paraissait aller dans ce sens. Avais-je tort ? Ce dont j’étais sûr, en revanche, c’est que ce nom ne laissait personne indifférent. Je résolus de savoir pourquoi. Je le sus. Je connus surtout mon ignorance.

Nous avons assisté à la destruction de la raison, dites-vous ? Sans doute, sans doute, mais qu’entendez-vous par là ? La raison n’a jamais été construite, il n’y a jamais eu, c’est trop évident, que des acteurs de la raison sur la scène déraisonnable du monde, et quant à « déconstruire » la métaphysique — comme si tout le monde pensait métaphysiquement, au lieu d’être aux prises avec une substance beaucoup plus immédiate et résistante qui est l’avidité même de la bêtise —, c’est là un tour de passe-passe qui peut

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amuser un moment, mais soyons sérieux. Il y aurait eu, à un moment donné, destruction de la raison présente ? Quand ? Où ? Comment ? Quels sont ces méchants sans prédécesseurs qui tout à coup, alors que tout allait bien, sont venus dans nos bras égorger le bon sens, le progrès, l’alliance harmonieuse de la science et de la conduite humaine ? Voltaire n’arrête pas de dire que la raison a, et aura toujours, très peu de partisans ; qu’ils seront toujours persécutés ; on ne fait pas plus pessimiste que lui (plus je le lis, et plus Pascal me paraît rose), rien à faire : il est entendu, une fois pour toutes, qu’il y aurait eu un règne de la raison. Les révolutionnaires avaient si peur de la raison qu’ils ont essayé d’en faire une déesse chargée, je suppose, d’accoucher périodiquement de l’Etre Suprême. Quant au rationalisme ultérieur, je considère comme démontré qu’il comporte toujours une part d’occultisme dont je ne trouve pas un milligramme chez Voltaire, quel repos. Bon, bon, je vous permets de me citer Sade et Casanova, mais personne ne peut lire Sade s’en s’empêtrer (vérification banale), ni Casanova sans pleurer sur l’inutilité de sa propre biographie morose. La raison marxiste ? Déraison pratique. Freudisme ? Marée noire redoublée. Non, il n’y a pas de « voltairianisme », mais, en vérité, beaucoup de lourdeurs.

Tiens, je le prends par la fin, Voltaire, par ses dernières années, sa correspondance. En quoi est-il si gênant ? C’est qu’on ne peut pas l’inventer, le dramatiser, le pathologiser, combler des trous mystérieux dans son emploi du temps, faire un film à partir de ses masques, de ses mystères, de son absence d’image, des censures dont il aurait été l’objet, de la

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tragédie de son agonie, de ses manuscrits disparus, de sa folie ultime, inarticulée, paraplégique, suicidaire. Impossible de lui réinjecter du pathos, pas la moindre mère archaïque à son chevet, il ne revient pas aux entrailles, que voulez-vous. Sa multi-présence est accablante, on a l’impression qu’il a deviné que le problème serait là et qu’il a pensé à tout en verrouillant bien l’ensemble des références. On ne peut pas se loger dans Voltaire, il tient tous les fils, c’est le correspondant intégral. Tout le monde peut le voir dans sa retraite, rien dans les mains, rien dans les poches, mais le courrier est déjà parti quand les visiteurs arrivent. Une poste si enchevêtrée que la censure (celle de son temps, mais aussi la nôtre comme celle du futur) aura le plus grand mal à s’y retrouver. Et pourtant, c’est tout simple. Evident. Sous vos yeux. Voltaire, plus fort que Poe — ou la lettre volée des siècles. L’anti-policier pur. Le règne de la raison n’a jamais eu lieu, mais celui de la police, lui, on peut en être assuré. Pouvoir très concret, incessant. Eh bien, Voltaire est comme lui : précis, sans interruption, poudroyant. — « Je suis né pour le combat. » Il aurait dû mourir en naissant, ou peu après, on s’en souvient : il sera l’homme qui n’en finit pas de mourir. Un cas.

L’intrigue n’a qu’à bien se tenir. De toute façon, elle fonctionne toute seule. Saint-Simon l’a vue, l’a écrite ; Saint-Simon, ce contemporain du premier Voltaire. L’énigme, moderne par excellence, est, et va rester, le siècle de Louis XIV. Le duc meurt en 1755, première édition scientifique des Mémoires, en vingt volumes, en 1856, un an avant Madame Bovary et Les Fleurs du mal. Mais l’opération Saint-Simon a

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lieu en différé, elle doit être poussée en direct. Voltaire sait qu’il est le premier — oui, le premier — à enjamber du siècle. Celui de Louis XIV, en effet (et pourquoi pas, en même temps, Louis XIII, Henri IV), et les deux suivants, au moins —, ce serait la grosse surprise, pas du tout divine, logique. Il inaugure une nouvelle ère, pas moins. Voltaire christique ? Mais oui, il ne compte même pas sur douze apôtres : quelques complices (les « Bertrands », d’Alembert et Condorcet, par rapport auxquels il est « Raton »), deux souverains à faire tourner en bourriques (Frédéric, Catherine), des éditeurs plus ou moins à l’heure (jamais assez), des messagers (suspects une fois sur deux, on les change). Voltaire s’est organisé « à la jésuite », tout simplement parce que c’est là un modèle d’organisation dont il prévoit qu’il sera copié (ô combien !). C’est la guerre. Comme l"humanité aime — et aimera — les défaites dans la réalité (Dante, Machiavel, Rousseau, Kafka) ! Voltaire n’est même pas battu, il n’a pas à gagner (on le fera triompher de force), il a un objectif plus trivial : gagner des procès. Pas n’importe lesquels. Quelque chose a été truqué au nom de la Loi, on ne le fera pas taire là-dessus (la lubricité, dira Sade d’un mot de feu, dirige ces matières), il est terre à terre, il multipliera les voltes autour du silence, il fera le désinvolte tant qu’on voudra jusqu’à ce que ce qui se terre soit débusqué, il est pressé mais il a tout le temps, il y revient quand il faut, il ne lâche jamais sa proie, rat parmi les rats, déguisé en rat, littérateur jusqu’à la moelle, c’est littéralement un littérathon (comme on dit marathon, téléthon). Jamais las, jamais résigné (« les sentiments augmentent avec l’âge »), « Raton » se hâte, il faut tirer les marrons du feu », mais attention : sans se

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brûler les pattes. Surtout pas de martyre, à bas la religion des religions : celle du martyre, tel est l’article numéro un de la littérature considérée enfin comme souveraineté présente en action. Quand il le faut, Raton s’envole. Après tout, ce n’est qu’un « globule », la terre. Vous voyez bien qu’il est malade, lui, retiré, ratatiné, en exil, loin de tout. Vous devez bien comprendre qu’il ne pense qu’à la mort. Verba volant ? Lettres volantes. On va écrire dans l’air ce qui se tait. Le faux jugement constant. Le tribunal viscéral se trompant dans des occasions solennelles. L’infâme, mécanique et persistante manie de juger.

Barthes, en 1964 (texte servant de préface aux Romans et Contes,  : « En somme, ce qui nous sépare peut-être de Voltaire, c’est qu’il fut un écrivain heureux. Nul mieux que lui n’a donné au combat de la Raison l’allure d’une fête. Tout était spectacle dans ses batailles : le nom de l’adversaire, toujours ridicule, la doctrine combattue, réduite à une proposition (l’ironie voltairienne est toujours la mise en évidence d’une disproportion) ; la multiplication des coups, fusant dans toutes les directions, au point d’en paraître un jeu, ce qui dispense de tout respect et de toute pitié ; la mobilité même du combattant, ici déguisé sous mille pseudonymes transparents, là faisant de ses voyages européens une sorte de comédie d’esquive, une scapinade perpétuelle. Car les démêlés de Voltaire sont non seulement spectacle, mais spectacle superlatif, se dénonçant soi-même comme spectacle, à la façon de ces jeux de Polichinelle que Voltaire aimait beaucoup, puisqu’il avait un théâtre de marionnettes à Cirey. »

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Rien à objecter ici, sauf que nous allons écrire, au contraire : en somme, ce qui nous ramène à Voltaire, c’est qu’il fut un écrivain heureux. Vous ne vous y attendiez pas ? Moi non plus. Le temps a ses raisons que la déraison prépare. On insistera donc sur : « spectacle superlatif se dénonçant soi-même comme spectacle », chacun devant savoir que la mouche ne raisonne pas bien, à présent ; qu’un homme bourdonne à ses oreilles. Voilà plus d’un siècle qu’on vous l’a dit. En vain, semble-t-il.

(à suivre)

1989
*


Voltaire, affiche de Savignac réalisée pour l’exposition Voltaire à la Bibliothèque nationale à Paris, en 1979.
En illustration de l’intervention de Sollers "Pour célébrer la vraie Révolution française"
(dans L’Infini n°25 consacré à Voltaire, printemps 1989) [15]


Pour célébrer la vraie Révolution française

Sollers parle du n° 25 de L’Infini

Emission Panorama sur France Culture (41’).

Nous sommes au printemps 1989. Sollers vient également de publier « un faux plausible », Sade contre l’Etre suprême.

Dans l’émission il est question du XVIIIe siècle, de Sade, de Restif de La Bretonne, de Marat, de Voltaire (pas de gauche, pas de droite ; du centre ? [16]), de L’Infini, de l’Encyclopédie, de Barthes, de Céline...

« Il faut ramener Voltaire » (Sollers)
« Le progrès vers Voltaire est un progrès vers moi-même » (Nietzsche)

Crédit : archives de Dominique Brouttelande

*


Le Rire Homérique de Voltaire

En juin 1989, Sollers donnait également un interview au Mag J.

MAG J : Philippe Sollers, deux sujets vous tiennent particulièrement à cœur, la religion et le sexe.

Philippe Sollers : Oui, parce que c’est avec l’un que l’on fait l’autre, et réciproquement.

MAG J : Quelle forme a pris le phénomène religieux dans la Révolution française ? 

Philippe Sollers : Il est partout présent. Car la Révolution française est elle-même un phénomène religieux, il ne faut pas l’oublier. Nous touchons là une question tabou. Le vrai débat, ça a tout de même été de savoir si on allait remplacer l’athéisme ou pas. Il faut lire les textes posthumes de Saint-Just. Leur mise en application aurait dû marquer la fondation d’une religion nouvelle, d’une vraie religion.

MAG J : On ne peut cependant limiter la Révolution française à un phénomène religieux.

Philippe Sollers : Non, mais tout y converge. Cela dit, la Révolution française, c’est aussi la première grande manipulation des masses sur un très court laps de temps. C’est une expérience de thermodynamique. Si vous lisez le journal du bourreau Sanson [17], vous voyez quoi ? Un monsieur, bourreau de père en fils depuis le Moyen-âge, qui n’a eu jusque-là que des exécutions artisanales à faire. Il rouait les gens, un par-ci, un par-là… Et puis tout à coup, le voilà confronté à l’industrie. C’est très émouvant de voir un petit artisan qui doit s’accommoder tout à coup d’une industrie : cinquante aujourd’hui, trente le lendemain, du sang partout, on n’a même pas le temps de laver, les aides s’évanouissent. C’est le passage à l’électronique, pour son temps… Vous me durez, ça s’est vu depuis. Oui. Mais justement, c’est à ce moment là que s’invente le phénomène. On a fait mieux depuis. On peut toujours faire mieux.

MAG J : Vous aussi, vous avez été un révolutionnaire, à une époque...

Philippe Sollers : Oui. C’est pour cela que j’en parle si savamment ! 

MAG J : Vous écriviez, il n’y a pas si longtemps : « L’écriture et la révolution font cause commune, l’une donnant à l’autre sa recharge signifiante. » Qu’en est-il aujourd’hui, de vous, de votre écriture ?

Philippe Sollers : Mais je suis toujours révolutionnaire. La preuve ! Tout ce que je vous dis là est parfaitement révolutionnaire ! L’écriture, c’est pareil, ça continue. Beaucoup de gens m’ont dit que mon dernier livre (Le Lys d’or [18]) était parfaitement blasphématoire. Je regrette de ne pas avoir eu la publicité de Rushdie, quoiqu’on ne soit jamais pressé de mourir.

MAG J : Mais pensez-vous que l’écriture puisse avoir un impact révolutionnaire qui ne soit pas seulement médiatique ?

Philippe Sollers : Je crois qu’un livre peut provoquer beaucoup de choses. Il y a des chemins très médiatiques, comme pour Rushdie, et d’autres plus souterrains. « Commentaires sur la Société du spectacle », de Guy Debord, est un livre beaucoup plus révolutionnaire que le livre de Rushdie. Mais il y a des formes de censure très différentes. Ça ne se fait pas forcément par la violence. Il y a la censure douce, qui fait moins image, quand tout est noyé dans la marchandise généralisée. De cela, on ne dit rien. Il y avait un livre, il n’y est plus, on ne sait pas, personne ne sait… C’est beaucoup mieux comme ça…

MAG J : Le rouge, dont vous disiez qu’il était « la couleur du seul drapeau possible », qu’est-ce qu’il représente pour vous, aujourd’hui ? 

Philippe Sollers : Je pense que le rouge reste là, qu’il reviendra un jour ou l’autre. Il est certain qu’il y a des endroits où l’on ne peut pas l’utiliser, car l’adversaire s’en sert. C’est devenu compliqué. Ça n’enlève rien au fait qu’une bonne analyse de la réalité sociale explique beaucoup plus de choses que ce que l’on vous en dit d’habitude. Je ne suis pas de ceux qui pensent que Marx n’a rien dit.

MAG J : Pour en revenir à nos moutons, quel rôle la question sexuelle a-t-elle joué dans l’affaire religieuse qu’est la Révolution française ? 

Philippe Sollers : Je crois que toutes les conditions réunies, à la fin du XVIIIe siècle, pour qu’il y ait une émancipation. Je pense qu’on était arrivé, à ce moment-là, au moindre degré de religion, de religiosité. Et donc de moindre croyance au sexe. Car c’est cela l’équation : moins on y croit, au sexe, moins il y a de religion. Ce n’est pas un paradoxe. Mais ça ne veut pas dire que l’humanité va accepter cette situation. Il est fort probable que cela puisse paraître intolérable à quelque chose comme le refoulement dont la société est elle-même issue. Il faut que ça y croit. Au sexe et à la religion. Car les gens religieux croient beaucoup au sexe. Les libertins, comme moi, n’y croient pas. C’est donc, probablement, pour empêcher cette émancipation sexuelle que se sont produits, d’abord une sorte de consensus pour fixer l’Etat et la société, bon, disons, les droits de l’homme ; puis, juste dans la foulée, des gens qui veulent être vertueux. Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Révolution française, sinon une histoire de vertueux ? C’est Rousseau qui gagne là, ce n’est pas Voltaire. C’est donc au nom de la Vertu que, le sang devenant abstrait, je vais vous tuer. 

MAG J : Et les femmes, dans tout ça ?

Philippe Sollers : Les femmes non plus n’y croient pas, au sexe. Mais elles ont peut-être intérêt, sans le dire, hein ! à ce que ça y croit. Cela dit, les femmes sont très partie prenante dans cette aventure, évidemment. Elles sont là, très concernées. Vous tombez tout de même de stupeur, quand vous voyez qu’on passe de la Juliette de Sade, des filles de Casanova, à Madame Bovary. Vous vous demandez ce qui s’est passé. Ou même au monde que décrit déjà Stendhal. La vertu est revenue partout. Le puritanisme, la tartufferie, l’hypocrisie.
 Quoiqu’il en soit, interroger ce que font ou disent les femmes, à telle ou telle période de l’Histoire, c’est très important. Comme il y a, dans ces moments violents, convulsifs, cette sorte de pulsation féminine vers l’autorité. C’est le fameux « punissez-moi ». Très actif dans ce genre de chose. Le masochisme, le vouloir-mourir, la pulsion de mort, ça existe. Il y a des gens qui veulent mourir plutôt que jouir. J’en ai vu plein, moi, toute ma vie. Plutôt la mort que la jouissance. C’est un peu ce qui s’est dit pendant la Révolution française. 

MAG J : Les hommes de la Terreur ne voulaient pas jouir ? 

Philippe Sollers : Pas le moins du monde. Il serait faux de croire que les fonctionnaires de la mort sont des pervers. Les terroristes s’envoient à la mort sans un frisson de jouissance perverse. Les nazis pareils. Il y a beaucoup de fantasmes là-dessus. Ce sont des fonctionnaires. Regardez Sanson. Il doit tout simplement faire fonctionner quelque chose. La vraie question, c’est de savoir pourquoi, dans une révolution, les corps deviennent abstraits. Au point qu’on en fait une consommation effrayante, sans se poser de question, il semble que ce soit normal. Et pourtant, à chaque fois, c’est quelqu’un avec des yeux, un cœur, du sang, concret. Et bien non ! Et en effet, si on se trouve placé dans le mouvement révolutionnaire, comme je l’ai été, on a tendance à penser que les corps sont abstraits. 

MAG J : En quoi notre époque est-elle l’héritière de la Révolution française ? 

Philippe Sollers : Et bien, c’est nous, Français, qui avons inventé le terrorisme, le concept de la chose. On a appelé ça la petite et la grande Terreur. C’est charmant ! Raison pour laquelle, je pense, cette vaccination de cheval a empêché qu’il y ait, en France, je veux dire, à partir d’une population autochtone, une réelle expérience terroriste. Enfin, il y a cette histoire des corps abstraits. Je pense que le sentimentalisme et la démagogie du cœur cachent une espèce de représentation cruelle et abstraite du corps humain. Kundera dit cela très bien : « Le discours prédominant aujourd’hui n’a rien de voltairien ; le monde technocratisé dissimule sa froideur sous la démagogie du cœur. » C’est vrai. Et ça s’est inventé, notamment, pendant la Révolution française. 

MAG J : Le Lys d’or, votre dernier roman, c’est un titre provoquant, au moment de la célébration du Bicentenaire, placée sous le drapeau tricolore ? 

Philippe Sollers : C’était évidemment pour qu’on se pose la question. Un lys d’or, écrit, au milieu du chaos, ça fait signe, disons. 

MAG J : Et l’avenir ? 

Philippe Sollers : On nous dit que tout va bien. La marchandise se reproduit toute seule. On célèbre une Révolution qui a instauré le règne de la marchandise. Bon. Donc, tout va bien. Bien sûr, il ne faut pas gêner les modérés autour des intégristes. Comme en 1936, l’année de ma naissance, il ne fallait pas gêner les modérés autour de Hitler. Rien de nouveau sous le soleil… 

MAG J : Et la mère Duras ? 

Philippe Sollers : La mère Duras ?…(désignant le magnétophone). Ça marche toujours ?

Philippe Sollers, Entretien avec Alain Steghens et Christophe Jaquet-Sandherr,
Mag J, n°1, juin 1989.

*

Illustration : Picasso : « Maternité » {JPEG} C’est dans Improvisations, Gallimard, Folio/Essais, 1991 que Sollers a rassemblé Le principe d’ironie et d’autres textes publiés antérieurement en revue ou magazine.

« Il faut propager la dérision, l’ironie, parce que le reste ne sert plus à rien. Il faut Voltaire pour réveiller les gens. »

Ph. Sollers

L’Humanité du 7 octobre 1994.
In Sollers au Pays de Voltaire où Sollers exprimait son soutien à la femme-écrivain Taslima Nasreen objet d’un « délire étatico-religieux », alors que l’on commémorait l’année du tricentenaire de la naissance de Voltaire.

Goethe : « L’ironie est le grain de sel nécessaire pour que la nourriture qu’on vous sert soit mangeable ».

« l’Ironie, grande arme des Lumières contre le faux sérieux, cul de plomb de l’esprit grégaire. »
Ph. Sollers

*

[2Grasset.

[3« Il faut reconnaître un Dieu rémunérateur et vengeur, ou n’en point reconnaître du tout. » Sur l’athéisme, dans Mélanges, Pléiade, 1961, p. 1108.

[4L’attitude de Voltaire à l’égard de l’Eglise catholique a toujours été ambivalente. Pour sa critique des "préjugés" propres aux juifs et aux chrétiens, il faut lire Examen de Milord Bolingbroke ou Le tombeau du fanatisme (1736), dans Mélanges, Pléiade, p. 1001 et sqq. Nietzsche a dû le lire et s’en inspirer. A.G.

[5Pour se faire une idée juste lire : Voltaire, Extraits des sentiments de Jean Meslier dans Mélanges, Pléiade, p. 455 et sqq.

[6Parfois, on entend : « Voltaire, ce salopard » sic. Là, Onfray ne se retient plus.

[7Il est quand même curieux qu’Onfray qui prend soin de mettre une phrase de Nietzsche en exergue de chacun de ses livres n’ait pas retenu celle-là.

[8Nietzsche salue aussi en Voltaire « le dernier écrivain à avoir, dans le traitement de la prose oratoire, l’oreille grecque, la conscience artistique grecque, la simplicité et la grâce grecques ; comme il fut encore un des derniers hommes à savoir concilier la suprême liberté d’esprit avec une mentalité résolument anti-révolutionnaire, sans être ni lâche ni inconséquent. » (§ 221, La révolution dans la poésie).

[9Onfray n’est pas en reste sur Sade mais c’est une autre histoire. Cf. Note à : "Il n’y a pas d’autre inconscient que l’inhibition à lire Sade".

[10Hadjadj, dans le même numéro d’art press, écrit, par ailleurs, un bel article sur Prélude à la délivrance de Meyronnis et Haenel.

[11Voici l’article complet du Dictionnaire philosophique consacré aux Juifs. Voir également les notes précédentes où nous donnons les références des textes où Voltaire critiquent les autres religions.

[12Sur les contradictions de Voltaire lui-même on lira avec intérêt la belle conférence de Stéphane Lojkine Voltaire et les Juifs, le côté obscure de la force voltairienne, prononcée à l’université de Tel-Aviv, le 10 novembre 2008.

[13Propos très proches de ceux d’Helvétius lui-même (et que cite Onfray) : « Tout grand talent est en général un objet de haine ».

[14"Le principe d’ironie", un texte de Ph. Sollers de 1989, toujours d’actualité, un ressort essentiel de l’écrivain et du personnage de Sollers.

[15Repris dans Improvisations juste après Le principe d’ironie.

[16Cf. Sollers, dans Rallumons les lumières (2006) : « La droite (comme on dit) n’aime pas Voltaire : trop fluide, trop intelligent, trop sarcastique. La gauche (comme on dit aussi) l’aime encore moins : trop libre, pas assez maudit, et, surtout, mort riche. »

[17Charles-Henri Sanson, La Révolution Française vue par son bourreau — Journal de Charles-Henri Sanson. Editions Le Cherche Midi, Collection Documents, 2007.
 Les Mémoires des Sanson. 


[18Le Lys d’or. Editions Gallimard-Folio n° 2279, 1991.

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3 Messages

  • D.B. | 24 mars 2016 - 14:25 1

    Le livre d’Elisabeth Bourguinat, "Le siècle du persiflage 1734-1789", mentionné dans un précédent commentaire, est actuellement réédité (dans une version revue et corrigée) par CREAPHISEDITIONS, sous le titre "Persifler au Siècle des Lumières", avec une préface d’Arlette Farge.


  • Albert Gauvin | 14 mars 2015 - 10:49 2

    L’attaque de Charlie Hebdo a décidément des effets inattendus : le Traité sur la tolérance de Voltaire bat depuis tous les records de vente (folio Gallimard). Le 9 janvier, le maire de Toulouse Jean-Luc Moudenc (UMP) a rendu hommage, sur la place Saint-Georges où il fut exécuté, à Jean Calas, accusé à tort du meurtre de son fils en 1762, sur fond de conflit entre protestants et catholiques, puis réhabilité il y a exactement 250 ans grâce à Voltaire.
    Libération publie en ebook le Traité sur la Tolérance de Voltaire. Un plaidoyer contre tous les fanatismes d’une brûlante actualité. Téléchargez le livre.


  • D.B. | 30 mars 2007 - 17:20 3

    Pour "un éclairage neuf sur le rire si particulier du XVIIIe siècle", et sa généalogie, voir l’excellent livre Le siècle du persiflage 1734-1789 d’Elisabeth Bourguinat, PUF, 1998