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Ode à "La Danse" de Matisse pour la fondation Barnes (Philadelphie)

Exposition Matisse. Le tournant des années 1930

D 21 mars 2023     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Exposition au Musée de l’Orangerie

1er mars – 29 mai 2023


Henri Matisse, Femme à la voilette, 1927 , huile sur toile, 61,5 × 50,2 cm New York, Museum of Modern Art, collection William S.
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2O heures TF1, 19 mars 2023

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L’œuvre de Matisse est constituée de grands jalons qui marquent sa volonté de ne jamais rester enfermé dans une manière. En 1930, il entre dans sa soixante-deuxième année. Peintre reconnu pour ses tableaux des périodes fauve et niçoise, défiant le poids de l’âge et de la renommée, il prend le risque de l’inconnu en se lançant dans la réalisation de La Danse , décoration monumentale pour la fondation Barnes à Merion, près de Philadelphie. Par le prisme de Cahiers d’art, revue dédiée à l’actualité artistique de l’époque, l’exposition replace l’œuvre de Matisse dans le contexte de l’entre-deux-guerres. Le marchand Paul Guillaume, dont le musée de l’Orangerie conserve une partie de la collection, participe alors du même mouvement d’avant-garde. En 1930, il possède vingt-cinq tableaux de Matisse et plus nombreux encore sont ceux passés dans sa galerie. Paul Guillaume l’a toujours compté parmi ses artistes favoris, aux côtés de Picasso, Modigliani ou Rousseau, et n’a eu de cesse de diffuser son œuvre. Il semblait ainsi naturel que l’exposition puisse être déployée au musée de l’Orangerie. Organisée en collaboration avec le Philadelphia Museum of Art et le musée Matisse de Nice, elle est l’occasion de découvrir des œuvres du peintre conservées de longue date aux États-Unis, rarement, voire jamais montrées en France, tels le Grand nu couché (1935), du Baltimore Museum of Art, ou Le Chant (1938), prêt exceptionnel de la Lewis Collection.

Claire Bernardi

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La Danse

Matisse, La Danse , Fondation Barnes

Lorsque Henri Matisse (1869-1954) reçoit la commande d’une décoration pour la fondation du collectionneur Albert C. Barnes, il revient d’un voyage de plusieurs mois aux États-Unis et à Tahiti. Les rétrospectives de son œuvre se multiplient alors qu’il peine à peindre des toiles. Il travaille cependant sans relâche à la production de dessins, de gravures et de sculptures puis à la composition de La Danse, œuvre murale monumentale à laquelle il consacre trois années (1930-1933). Le peintre cherche, explore et invente de nouvelles méthodes comme celle des papiers découpés. Sa rencontre avec Lydia Delectorskaya, qui devient son assistante et son modèle, ouvre alors une nouvelle période prolifique en peinture.

Au tournant des années 1930, Cahiers d’art publie des articles sur le travail en cours et passé de Matisse, illustrés de nombreuses reproductions de ses œuvres. En diffusant gravures et dessins au fur et à mesure de leur réalisation, aux côtés des productions d’artistes tels Pablo Picasso, Fernand Léger, Vassily Kandinsky, la revue place le travail de Matisse dans les courants artistiques de son temps.

1930  : Le 26 février 1930, Matisse embarque au Havre pour Tahiti. Première étape, New York : « je suis émerveillé à l’arrivée dans le port de N.Y. et tout ce que j’ai vu jusqu’ici, la puissance de l’effort humain que j’y sens est réconfortant. Maintenant j’ai peur de trouver fades les douceurs de l’Océanie ». Il traverse les États-Unis en train pour rejoindre San Francisco, qu’il quitte le 19 mars pour Tahiti où il séjourne jusqu’en juin. Il réalise peu de choses au cours de ce voyage : une pochade, une série de dessins et des photographies.

En septembre, il se rend à nouveau aux États-Unis et rencontre le collectionneur Albert C. Barnes qui lui passe commande d’une décoration murale pour sa fondation à Merion, près de Philadelphie.

1931 : Dès son retour en France, Matisse commence la décoration pour Barnes. La monumentalité de la composition rend nécessaire l’emploi d’un vaste garage que Matisse loue rue Désiré-Niel à Nice. En parallèle, il travaille aux gravures commandées par l’éditeur Albert Skira pour illustrer Poésies de Stéphane Mallarmé.

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Poésies de Mallarmé, illustrées par Matisse.
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L’année est marquée par deux importantes expositions à Bâle puis à New York, au tout nouveau Museum of Modern Art. Celles-ci célèbrent les soixante ans de l’artiste et proposent une rétrospective de son œuvre. La revue Cahiers d’art publie à cette occasion un numéro monographique consacré à Matisse.

1932 : Le 22 février, Barnes prévient Matisse d’une erreur dans les dimensions de la décoration en cours. « Le tragique pour moi [répond l’artiste dans un brouillon adressé à son commanditaire] est que la décoration est presque finie – et qu’il est impossible d’ajouter les bandes omises. Je n’ai qu’à recommencer ». Au cours de l’été, Matisse attaque une nouvelle version. Il utilise des papiers découpés de différentes couleurs pour le fonds et les figures, de sorte à pouvoir modifier la composition et ne la peindre qu’une fois précisée.

En octobre, Lydia Delectorskaya, une jeune émigrée russe, est embauchée comme aide à l’atelier pour quelques semaines, qui deviendront toute une vie.

1933  : En janvier, Barnes se déplace à Nice pour voir La Danse dans l’atelier et approuve l’œuvre. En février, Goyo, peintre en bâtiment, vient aider l’artiste à transposer les papiers découpés en aplats de couleurs.

Il écrit à son ami l’artiste Simon Bussy : « C’est une splendeur dont on ne peut avoir idée sans l’avoir vue ».
À l’automne, Matisse reprend la première décoration inachevée afin de la terminer. Il se remet à la peinture de chevalet, peint le Nu au peignoir et réalise un premier portrait de Lydia à l’estompe.


Vue actuelle de la Fondation Barnes avec La Danse conçue par Henri Matisse, 2012 Philadelphie, Barnes Foundation Archives
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Henri Matisse, Odalisque à la culotte grise, 1926-1927,
huile sur toile, 54 × 65 cm
Paris, musée de l’Orangerie
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Le Grand nu couché (Nu rose)

1935 : Lydia pose pour de nombreuses toiles dont elle est le modèle. Elle commence également à consigner les dates des séances de peinture, permettant de suivre au plus près le travail en cours. Le 29 avril, Matisse entame le Grand nu couché (Nu rose), en recourant à la technique de papiers gouachés découpés pour travailler la composition. splendeur dont on ne peut avoir idée sans l’avoir vue ». À l’automne, Matisse reprend la première décoration inachevée afin de la terminer. Il se remet à la peinture de chevalet, peint le Nu au peignoir et réalise un premier portrait de Lydia à l’estompe.


Matisse , Nu rose
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Henri Matisse, Le Chant, 1938, huile sur toile, 282 × 183 cm The Lewis Collection
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La Blouse roumaine

1940 : Matisse achève La Blouse roumaine commencée l’année précédente. En janvier, il débute Le Rêve (ou La Dormeuse) dont il fera plusieurs versions. Il y travaille en même temps qu’à Robe rayée, fruits et anémones et Intérieur au vase étrusque. La guerre met un coup d’arrêt à sa production ; il envisage de quitter la France pour le Brésil mais annule finalement son départ. En mai, il fuit Paris avec Lydia dans un véritable périple : Bordeaux, Saint-Jean-de-Luz, Ciboure puis Marseille, où il retrouve sa fille Marguerite. Il cherche à rejoindre Nice, où il arrive en août. Il reprend le travail immédiatement.


Henri Matisse (1869-1954), La Blouse romaine, avril 1940
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Crédits
© Succession H. Matisse
Crédit photographique : Philippe Migeat - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP
Huile sur toille 92 x 73 x 2,5 cm
Don de l’artiste à l’Etat, 1953
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Les broderies décoratives de la blouse constituent ici le véritable sujet du peintre qui portait un grand intérêt aux tissus de toutes sortes.

Matisse s’émeut pour la beauté graphique des motifs artisanaux qu’il collectionne. Il traduit son exaltation en faisant disparaître les détails, simplifiant les lignes et créant des plages colorées, comme le suggère la stylisation des ornements centraux en feuilles de chêne. La blouse gonfle et devient ici un espace pictural autant que métaphorique. Onze photographies documentent les étapes de création de ce portrait et montrent l’effacement du modèle au profit de la blouse brodée.

Analyse

Matisse a travaillé cette toile pendant six mois, du 5 octobre 1939 au 9 avril 1940. Mais l’origine du motif est un peu plus ancienne. Dès 1936, des blouses brodées à larges manches revêtent le modèle (alors Lydia Delectorskaya) dans certains des magnifiques dessins à la plume publiés dans le no 3-5 deCahiers d’art. De nombreuses autres études dessinées, plus ou moins directement liées au tableau, sont réalisées fin 1939, d’après Micheline Payot, « brune, belle, l’esprit vif », selon le témoignage de Lydia Delectorskaya.

Matisse a d’autre part fait photographier, comme c’était son habitude depuis 1935, certaines des étapes les plus significatives de la longue élaboration de cette toile, posée par le même modèle. Dans un parti volontairement didactique, onze grands tirages encadrés de ces photographies ont été accrochés sur les cimaises de la galerie Maeght, en décembre 1945, autour de la toile – démonstration voulue par Matisse pour faire comprendre enfin que la « simplicité » à laquelle il parvenait (et qu’on lui reprochait) n’était pas une évidence miraculeusement atteinte, mais le résultat d’un difficile travail d’élimination. La même séquence figure dans le film documentaire réalisé en 1945-1946 par François Campaux.

De fait, La Blouse roumaine pouvait apparaître comme un objet de démonstration privilégié. Au départ, un fond fleuri (apparemment le même que celui deFigure décorative sur fond ornemental), un modèle coiffé en boucles et coques brunes à la mode de l’époque, vêtu de la « belle blouse roumaine ancienne, une blouse de broderie au petit point vieux rouge » et d’une jupe également imprimée de motifs de fleurs, en position assise, de biais sur un siège recouvert de tissu à carreaux. À l’arrivée, en avril 1940, tous ces détails ont été supprimés, grattés ou recouverts. Sur un fond rouge uni, la figure s’est déployée, et le visage redressé surgit comme une fleur de l’épanouissement des manches blanches immenses, qui occupent toute la largeur de la toile, au-dessus de la jupe désormais bleue. Cet accord tricolore, l’élan des motifs décoratifs simplifiés, les courbes organiques qui magnifient la ligne des épaules, expriment la vitalité, l’énergie, comme les lignes de construction rayonnant autour du Portrait de mademoiselle Yvonne Landsberg (1914, Philadelphia Museum of Art).

Dans une toile jumelle, commencée en janvier 1940, mais reprise et achevée le 4 octobre, au retour d’un exode mouvementé, les mêmes manches semblables à des ailes sont repliées, et la figure aux yeux fermés est abritée au creux des bras : deux attitudes opposées qui sont peut-être la traduction plastique, inconsciente, de l’ambivalence des sentiments qui agitaient Matisse au moment où débutait une nouvelle guerre en Europe. Il ne pouvait manquer – il l’a dit et écrit bien des fois – d’être profondément assombri et angoissé par la situation. Il ne pouvait manquer aussi d’espérer, et de résister à sa manière, en restant en France (des invitations à se rendre en Amérique du Sud ou du Nord lui avaient été adressées avant l’été 1940), et en continuant à travailler du mieux possible.

Matisse déposa La Blouse roumaine au Musée, d’abord provisoirement, pour remplacer un tableau parti en exposition. Il en fit ensuite don au Musée par une déclaration datée du 21 octobre 1949.

Isabelle Monod-Fontaine

Source :
Extrait du catalogue Collection art moderne - La collection du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, sous la direction de Brigitte Leal, Paris, Centre Pompidou, 2007


A propos de Henri Matisse


Henri Matisse © Photo CNAC/MNAM Dist. RMN - Georges Meguerditchian © CNAC/MNAM Dist. RMN / Georges Meguerditchian
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Formé à l’École nationale des beaux-arts dans l’atelier de Gustave Moreau (1826-1898), Henri Matisse (1869-1954) est brièvement tenté par les théories du néo-impressionnisme. L’été 1905, passé à Collioure en compagnie de Derain (1880-1954), est pour lui "l’épreuve du feu" et celui de la couleur libérée. Au Salon d’Automne de 1905, Matisse apparaît comme le chef de file du Fauvisme. Puis la dimension décorative de son art s’affirme dans ses œuvres peintes mais aussi dans des sculptures de grande envergure.

Au fil des années, le marchand et collectionneur Paul Guillaume, qui a organisé une exposition Matisse-Picasso dans sa galerie dès 1918, réunit un ensemble de grandes toiles des années 1910 ainsi que des œuvres plus apaisées des années 1920. Sa veuve, Domenica, ne conserve que celles essentiellement issues de la "période niçoise" (1917-1929).

Venu s’installer à Nice, Matisse renouvelle les motifs et le langage de ses toiles. "Je fais des odalisques pour faire des nus" [1] déclare-t-il ainsi en 1929 dans un entretien avec la critique et éditeur Tériade. Il réalise de nombreuses odalisques puisant à la fois chez Ingres (1780-1867) et Chassériau (1819-1856), mais son inspiration est mal comprise par la critique qui les compare en 1927 à un "étalage de marchand de papiers peints". L’Odalisque à la culotte rouge, l’Odalisque à la culotte grise, l’Odalisque bleue, le Nu drapé étendu témoignent de ces audaces apprivoisées ainsi que de l’obsession décorative de Matisse, tout comme dans les toiles de l’Orangerie développant le thème de l’intérieur (La Jeune Fille, Femmes au canapé, Le Boudoir). Le musée possède aussi de très beaux portraits de jeunes femmes de cette période, Les Trois Sœurs, qui fait écho aux toiles de la Fondation Barnes à Philadelphie, ainsi que la Femme à la mandoline, et la Femme au violon.
musee-orangerie.fr

Quelques liens

Matisse au Centre Pompidou : d’une exposition à l’autre

Matisse/Picasso à la lumière de l’Eclaircie

Ulysse de Joyce illustré par Matisse

La Chapelle du Rosaire de Vence, dernier chef-d’œuvre de Matisse

À Vence, dans les Alpes-Maritime, la chapelle du Rosaire est unique en son genre. Elle a été entièrement conçue et décorée par le peintre Henri Matisse pour les sœurs dominicaines.

oOo

[1Entretien avec Tériade, in "Visite à Henri Matisse", l’Intransigeant, 14-22 février 1929

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