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« Funny Wars » de Jean-Luc Godard au Festival de Cannes

suivi de Deux ou trois choses que l’on sait sur Scénario et de La Jetée de Chris Marker

D 7 mars 2023     A par Albert Gauvin - C 4 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Funny Wars de Jean-Luc Godard au Festival de Cannes ? La rumeur se répand, issue au départ de divers médias anglo-saxons... Un autre film Scénario, inachevé, serait aussi en préparation. Dans un entretien pour Variety, Fabrice Aragno qui a travaillé avec Godard ces vingt dernières années nous apprend que le cinéaste voulait s’inspirer du court-métrage de science-fiction réalisé par Chris Marker La Jetée que tous les cinéphiles on vu et revu et qui en a marqué plus d’un.

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Jean-Luc Godard.
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« Funny Wars » de Jean-Luc Godard pourrait être projeté au Festival de Cannes

Trois Couleurs
2023-03-06

La rumeur dit que l’ultime film de collage de JLG pourrait faire l’événement lors de cette 76e édition, qui se tiendra du 16 au 27 mai.
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L’atmosphère est aux pronostics cannois, et cette année, ils démarrent avec une rumeur assez folle : l’ultime film de Jean-Luc Godard, Funny Wars, que le réalisateur développait avant de disparaître en septembre 2022, pourrait être projeté lors de la 76e édition du Festival de Cannes. C’est Indiewire qui a prudemment lancé l’hypothèse, dans un article qui nous apprend que ce court métrage de vingt minutes serait un «  collage mélangeant des fragments d’images et de texte ».

Lors d’un entretien accordé à Variety en 2021, son collaborateur Fabrice Aragno (directeur de la photographie sur Adieu au langage) avait précisé que Funny Wars était enregistré en 16, 35mm noir et blanc et Super 8, et qu’il était inspiré d’un chef-d’œuvre expérimental : « Jean-Luc m’a expliqué qu’il voulait revenir à ses origines. Il m’a dit : « "Vous voyez le film de Chris Marker, La Jetée ? On peut peut-être faire quelque chose comme ça." Si on le fait en 35mm, on aura une avance rapide, mais si on travaille sur ordinateur avec une image par seconde, on pourra entrer dans la matière du film, du grain, de la poussière, de la vérité, du réel. Quand on travaille avec de la pellicule, il faut faire confiance aux gens, il faut faire confiance au laboratoire, il faut être en relation avec les autres. Vous faites des essais, vous avez une idée de comment ça va être, mais vous devez vous projeter dans ce que vous allez faire avec la pellicule  », précise Fabrice Aragno. « En numérique, tu as juste un bouton et tu vois le résultat. Il ne s’agit pas de dire qu’avant c’était mieux, mais je sens que cette projection, ce mouvement me manque. Je pense que c’est la même chose pour Jean-Luc. »

Fabrice Aragno serait également en train de boucler Scénario, deuxième projet inachevé de Godard, tourné dans un style vidéo classique, avec quelques images Super 8. Cette édition cannoise sera-t-elle parrainée par la présence immortelle et insolence de Jean-Luc Godard ? On l’espère bien.

Trois couleurs

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Le lac.
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Fabrice Aragno, collaborateur régulier de Jean-Luc Godard, parle de son premier long métrage et de la réalisation du "geste final" de Godard.

Entretien accordé à Variety, 9 juillet 2021

Fabrice Aragno est assis à son bureau dans son studio de Lausanne, en Suisse, en train d’étudier les images d’un lac où l’eau et le ciel se rencontrent de façon dramatique.
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Le cinéaste et collaborateur régulier de Jean-Luc Godard se prépare à présenter son premier long métrage, intitulé "Le Lac", à l’Atelier de la Cinéfondation cette semaine, tout en effectuant des tests secrets pour les deux derniers films de Godard.

"J’ai besoin de coller ces images à des scénarios", dit-il en feuilletant des photos, ajoutant que la préparation de ses bagages et de son smoking pour Cannes sera probablement une affaire de dernière minute.

Aragno sait que "Le Lac", un film qu’il décrit comme un "spectacle cinématographique" avec très peu de dialogue ou d’intrigue, pourrait être difficile à vendre ailleurs. Cependant, lorsqu’il arrivera au Festival de Cannes, son plan est de simplement "partager mes sentiments" sur le film, de partager sa "flamme".

Variety s’est entretenu avec Aragno avant le début de L’Atelier, qui présente 15 projets prometteurs et prospectifs de 15 pays et se déroule du 8 au 13 juillet, pour discuter de ses plans pour "Le Lac" et pour évoquer le "dernier geste" de Godard.

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Vous travaillez dans le cinéma depuis plus de vingt ans, pourquoi avez-vous choisi ce projet pour vos débuts de réalisateur ?

Ce n’est pas mon premier pas dans le cinéma, cela a déjà été une longue marche dans la forêt. Je ne travaille pas sur la route principale, j’ai pris un petit chemin, loin de l’autoroute. Tout le monde fait ça en travaillant avec Jean-Luc Godard. J’ai travaillé seul avec des courts métrages, mais ce projet est inhabituel car c’est un long métrage, ce n’est pas un documentaire. Il se situe entre les deux. L’histoire est assez simple. C’est l’histoire d’un couple qui veut retrouver des sensations. Tout le monde est assez éloigné, le monde est comme ça. On ne connaît plus la vérité, tout est derrière une vitre, la vitre de l’écran. Ces deux personnes ont besoin de se jeter dans le réel, dans la vérité. Le film exprime cela, passant de la fiction au réel, à l’humain, aux animaux, aux corps, aux impressions. L’histoire n’est pas le point principal, il s’agit surtout d’expression en utilisant tout ce que le cinéma peut faire en matière d’image et de son. J’utilise tout ce que j’ai découvert avec Godard, en jouant avec la liberté de l’image et du son. Ce sera un vrai spectacle cinématographique.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous concentrer moins sur les personnages et plus sur la nature ?

Au départ, il s’agissait d’un film-peinture, un montage réalisé pour une exposition dans un musée près de Lausanne. Il s’agissait de peintres qui peignent des lacs, de Turner, Courbet, certains artistes suisses et des films de Godard sur les lacs. Mais ils le font toujours depuis la rive, depuis la frontière. Je voulais aller à l’intérieur du tableau, ne pas le voir de loin. Mes personnages découvriront ce que c’est que d’aller à l’intérieur de la variation de la lumière, de la variation de la température, des couleurs, de la monochromie pendant la nuit aux couleurs et lumières du jour. Ils seront à l’intérieur de la peinture, à l’intérieur des sentiments, c’est comme une remise à zéro de l’origine des êtres animaux. Il ne s’agit pas d’un documentaire sur le lac, le lac est un symbole. C’est l’idée d’un lac comme un espace fermé dont vous ne pouvez pas vous échapper, comme vous ne pouvez pas vous échapper de votre propre vie. Votre emploi du temps est défini, vous avez un début et une fin. C’est aussi le cas d’un lac, mais la seule façon d’arrêter le temps est au milieu. Au-dessus de l’eau ou profondément en dessous. Là, il peut y avoir l’infini dans vos sentiments. Le lac est un symbole de la vie humaine et du temps.

Ressentez-vous le besoin d’une remise à zéro similaire ?

Oui, je ne crois pas à l’objectivité dans le cinéma. Chaque subjectivité est différente, mais j’ai besoin de sentir que je suis vivant. Je ne me sens pas vivant en parlant avec les gens ou dans ma vie sociale quotidienne. Je me suis senti vivant l’autre jour par exemple, quand je me suis réveillé à quatre heures du matin, que je suis sorti sur mon balcon et qu’il y avait un oiseau, puis deux, puis trois, et que j’étais seul avec les oiseaux. J’ai eu l’impression d’être en vie, juste pour un instant. Peut-être avons-nous besoin de cela aujourd’hui, d’être dans la vérité, d’être dans l’ici et maintenant, en oubliant le passé et le futur. J’ai réalisé mon premier court métrage il y a 20 ans, ma thèse à l’école de cinéma. C’était l’histoire d’une femme qui prend la route pour rentrer chez elle avec son mari. Ils s’arrêtent à la frontière et elle ne veut pas aller aux toilettes parce qu’elles sont trop petites et sombres. Ils veulent juste courir et faire pipi dehors, pour avoir un lien avec la nature. Ils veulent être comme un corbeau ou comme un oiseau. Pour moi, c’est un sentiment fort.

Comment pensez-vous que votre présentation sera perçue à L’Atelier ?

Ce n’est pas la première fois que je viens à Cannes, mais ce n’est pas un film facile, classique, dont on peut dire que l’histoire est celle-ci. Ce n’est pas un scénario classique avec un suspense à la fin, où finalement la femme dit qu’elle aime l’homme. Ce n’est pas ce genre de film. Mais Cannes est un festival du langage cinématographique. Je ne suis donc pas là pour obtenir une grosse commission, comme pour la télévision. Je vais juste y aller et partager mes intérêts en faisant ce film, en faisant cette expérience.

Au vu de vos précédents travaux, je suis sûr qu’ils ne s’attendent pas à une présentation simple, basée sur l’intrigue.

Ils vont dire quoi ? Fabrice, tu as une intrigue ? Comme à la télé ? Il y a déjà beaucoup de films qui fonctionnent très bien avec des histoires, dans le cinéma français et américain. Je ne vais pas proposer quelque chose de différent, parce qu’à l’origine le cinéma est plus de l’expression que du récit. Vous pouvez regarder le cinéma soviétique, le cinéma non francophone. Il s’agissait de la rareté des images. Nous avons tellement de mots en ce moment, avec les nouvelles, avec ces téléphones portables, ce ne sont que des mots, des mots, des mots, des mots, la grande histoire, la moyenne histoire, la petite histoire. Mais les personnages veulent juste être dans le pur. Mais je parle trop, trop de mots.


Fabrice ARAGNO et Jean-Luc GODARD.
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Avez-vous commencé à travailler sur les derniers films de Jean-Luc ?

Oui, j’ai vu Jean-Luc hier [le 8 juillet 2021. A.G.]. Nous avons deux films à faire, l’un d’eux sera en 35 millimètres, 16 millimètres et Super Huit. L’idée est de filmer en 35 mm noir et blanc, et les Super 8 et 16 en couleur.

Qu’est-ce qui a motivé la décision d’utiliser trois formats différents ?

Jean-Luc m’a dit qu’il voulait revenir à ses origines. Il m’a dit : "Vous connaissez le film de Chris Marker, La Jetée  ? On peut peut-être faire quelque chose comme ça." Si vous le faites en 35 mm, ce sera accéléré, une avance rapide, mais si vous travaillez sur ordinateur et que vous jouez toujours une image par seconde, vous pouvez entrer dans la matière du film, du grain, de la poussière, de la vérité, du réel. Tu n’auras pas toujours ce verre du numérique où il n’y a pas d’origine, ce n’est qu’une copie. En 35, il y a un négatif, c’est tout. Quand on travaille avec de la pellicule, il faut faire confiance aux gens, il faut faire confiance au laboratoire, il faut être en relation avec les autres. Vous faites des essais, vous avez une idée de comment ça va être, mais vous devez vous projeter dans ce que vous allez faire avec la pellicule. En numérique, tu as juste un bouton et tu vois le résultat. Il ne s’agit pas de dire qu’avant c’était mieux, mais je sens que cette projection, ce mouvement me manque. Je pense que c’est la même chose pour Jean-Luc.

Comment Jean-Luc aborde-t-il ses dernières œuvres ?

Lentement. Hier, je lui ai dit que j’allais à Cannes, et il m’a dit de demander à Thierry Frémaux de me montrer tel ou tel film. Cannes, pour lui, c’est quelque chose de très important. Je ne pense pas que le film sera prêt pour l’année prochaine, mais nous verrons bien. Même avec le coronavirus qui arrête tout, Jean-Luc utilise son moteur cérébral sur les livres, sur les idées du film, et moins dans la réalisation. Après l’été, nous ferons des essais avec une actrice. Le problème avec le 35 mm, c’est que ça coûte très cher. Il nous faut au moins deux semaines d’essais, mais nous sommes tout à fait prêts à tourner. Les gens sont prêts, l’idée est prête. Nous avons juste besoin de trouver la bonne énergie, un moment non-COVID.

Je ne peux pas imaginer que Jean-Luc soit ravi de devoir attendre.

Il est comme tout le monde : vous avez l’idée d’un film, et au moment où vous allez tourner, vous avez une certaine tension avant. Avant le tournage, il est comme un chien quand vous voulez lui donner un bain. Je dois dire : "Allez Jean-Luc, l’actrice est là, il faut y aller, c’est demain", et il dit : "Non je dois prendre plus de temps". Mais quand il commence à travailler, l’adrénaline monte, il est comme un garçon. Il m’a déjà dit : "Nous devons attendre la fin de COVID", et j’ai répondu que ça pouvait être long.

Sait-il quelle forme prendra son dernier film ?

Les deux projets sont développés au même moment. L’autre projet est pour Arte, il est plus dans un style vidéo classique avec quelques images en Super-8, pas en 35mm. Il n’y en a pas un avant l’autre, je ne pense pas que l’un sera le dernier. Aucun n’est conçu pour être son dernier film. Je dis souvent que "Éloge de l’amour" était le début de son dernier geste. Ces cinq, ou six ou sept films sont liés les uns aux autres d’une certaine manière, ce ne sont pas de simples arrêts. Ce n’est pas juste un tableau. Mais vous devez lui demander. Si c’est son dernier film, il dira que c’est son dernier film, et puis il fera un rebondissement à la fin, je pense. Tout le monde l’attendra et peut-être qu’il dira le contraire.

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Deux ou trois choses que l’on sait sur Scénario

L’intrus de l’actu

L’intrus de l’actu donne chaque soir un coup de projecteur sur une personnalité qui aurait pu passer sous les radars de l’actualité.
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Bérengère Bonte - franceinfo
Radio France

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La juriste, écrivaine et actrice Rachel Khan assiste à une séance de la réunion annuelle d’été du Medef "La Ref", le 26 août 2021 à l’hippodrome de Longchamp à Paris.
(ERIC PIERMONT / AFP). ZOOM : cliquer sur l’image.
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Vous connaissez peut-être Rachel Khan comme éditorialiste, révélée dans le débat public par ses prises de position pro-universaliste et anti-communautariste. Vous la connaissez peut-être par ses livres, le dernier Racée primé en 2021. Est-ce l’essayiste, la juriste ou l’actrice qui révèle publiquement, quelques heures après sa mort, ce projet de film avec Jean-Luc Godard ? Entre deux analyses de la contre-offensive ukrainienne sur LCI, elle poste en tout cas sur twitter, Instagram, Facebook : « Nous avions un projet de film ensemble, un rôle dont j’étais très honorée, une histoire encore, pied de nez au temps qui passe, grimace aussi à l’info jetable. Merci pour ce "scénario" ».

Le Scénario est le titre du projet qu’elle a reçu et qu’elle décrit comme "une création à lui seul". Elle m’a envoyé quelques pages en photo. Un carnet d’une vingtaine de pages, objet étonnant, qu’elle décrit de la façon suivante : « C’est un objet d’art ce Scénario qui est fait de collages, des mots de Jean-Luc Godard, de ses pensées et de ses peintures. Je pense que avec la sortie de Racée avec les questions que je pose sur les identités — que je pose peut-être après ce sont des interrogations sur l’art et la culture. Et c’est vrai que dans ce mouvement du monde qui nous fait être addict aux réseaux sociaux, aux chaines d’infos en continu, j’ai l’impression qu’il avait envie de raconter quelque chose parce que la page sur laquelle je suis sur son scénario, c’est vrai qu’il y a marqué ’fake news’ et ’chaines d’info’. Ça a du peut être l’interroger, le dérouter. »


Des images du "Scénario" de Jean-Luc Godard envoyé à Rachel Khan. (RACHEL KHAN).
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Des images du "Scénario" de Jean-Luc Godard envoyé à Rachel Khan. (RACHEL KHAN).
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Des images du "Scénario" de Jean-Luc Godard envoyé à Rachel Khan. (RACHEL KHAN).
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À plus de 90 ans, Godard citait en tout cas son nom dans une interview l’hiver 2021 à Mediapart [1], sans doute l’une des toutes dernières. Il citait aussi la militante anti-raciste Assa Traoré. Selon Rachel Khan, ce nom apparait d’ailleurs aussi dans le scénario alors qu’il sait les deux femmes en désaccord profond. La rencontre Khan-Godard aurait dû avoir lieu au printemps en Suisse. Elle en avait parlé avec son assistant Jean-Paul Battagia. Mais ça n’avait pas pu se faire, en raison, dit-elle, de la santé du réalisateur.

Les mille vies de Rachel Khan
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Ce qui a peut-être plu à Jean-Luc Godard, c’est peut-être justement que, à 46 ans, Rachel Khan a déjà eu mille vies. La première commence avec beaucoup de culture. Du théâtre, de la danse et de la musique dès l’enfance. Il faut dire qu’elle nait à Tours d’une mère libraire, française juive ashkénaze et d’un père gambien, professeur d’anglais en université. Elle raconte qu’elle abandonne la danse classique à cause de sa couleur de peau et bascule vers le hip hop. Elle se lance aussi dans l’athlétisme : triple saut et sprint en compétition. Deuxième vie ! Elle montera plusieurs fois sur les podiums des championnats de France.

Elle fait aussi des études de droit à l’université d’Assas — DESS de droit humanitaire, droits de l’homme, et DEA de droit international. C’est d’ailleurs comme juriste que démarre sa vie politique, plutôt à gauche. Elle écrit des discours jusqu’à devenir conseillère culture de Jean-Paul Huchon, le président de la région Ile-de-France. Au fil des ans, on la retrouve de plus en plus sur les sujets de racisme et de laïcité. En politique, mais comme actrice aussi !

L’agent Dominique Besnehard lui dit un jour qu’il la verrait bien jouer. Encore une nouvelle vie. Les textes sont engagés. Sur la route, pièce d’Anne Voutey, évoque les violences policières dont sont victimes les personnes noires avec uniquement des actrices noires sur scène. Jean-Luc Godard la voit-il monter les marches à Cannes pour le documentaire Noir n’est pas mon métier en 2018 ? On ne le saura jamais.

Une pourfendeuse du "pas-de-vaguisme"
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Politiquement son rapprochement avec la macronie en troublera plus d’un. En 2021 elle est membre du comité du choix des Mariannes, puis se voit confier un groupe de travail et un rapport sur l’immigration. Le trouble s’accroit encore au début de cette année 2022, quand Le Monde révèle qu’elle a déjeuné avec Marine Le Pen en avril 2018. Elle dément lui avoir donné "le moindre conseil politique", contrairement à ce que dit la candidate du Rassemblement national.

Pour Rachel Khan, ce qui a peut-être surtout séduit le fondateur de la Nouvelle Vague, c’est précisément le fait qu’elle n’ait pas peur d’en faire, de vagues… Elle se décrit elle-même en pourfendeuse du "pas-de-vaguisme". D’ailleurs, sur la double page du Scénario qu’il lui a consacrée, elle retient un mot parmi ceux écrits à côté de sa photo, le mot "Océan" !

franceinfo

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Sans rien connaître d’autre que les titres des films que Godard prévoyait de faire — Funny Wars (c’est-à-dire Drôles de guerres) ou Scénario —, revoir La Jetée pourrait peut-être nous donner quelques pistes — par anticipation.

La Jetée de Chris Marker

Réalisateur : Chris Marker
Nationalité : France
Année de production : 1962
Durée : 28 minutes
Autres crédits : Narration — Jean Négroni

La Jetée (Chris Marker, 1962) from SeriousFeather on Vimeo.

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Tout savoir sur La Jetée de Chris Marker

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Quand La Jetée croise Vertigo

Le saviez-vous ? La Jetée de Chris Marker peut être vu comme une variation autour du Vertigo d’Alfred Hitchcock. La preuve en images.

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Marie Darrieussecq parle de La jetée

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La Jetée de Chris Marker ou le cinématogramme de la conscience

Philippe Dubois (Université Sorbonne - Paris III)

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LIRE :
La Jetée, Chris Marker, 1962
Sur la jetée d’Orly
Quelle est la forme de La Jetée ?

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Chris Marker, l’inconnu le plus méconnu du cinéma français

A l’occasion de l’exposition "Chris Marker, les 7 sept vies d’un cinéaste" à la Cinémathèque française (du 3 mai au 29 juillet 2018), Léonard Vincent s’est entretenu avec l’un de ses commissaires, Jean-Michel Frodon, journaliste et historien du cinéma. Revenant sur 70 années de création et de voyages, il dresse le portrait d’un homme d’images qui refusait les photographies et les interviews, d’un révolutionnaire qui n’appartenait à aucun parti, d’un grand voyageur qui bricolait ses films en solitaire dans sa tanière parisienne.

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[1Voici l’extrait sur Scénario :

« Dans un bel entretien qu’il avait donné aux Cahiers du Cinéma en 2019, mené par Stéphane Delorme et Joachim Lepastier, Godard évoquait déjà le chantier d’un film à venir, intitulé Scénario. Le tournage n’a pas encore eu lieu, repoussé par la crise sanitaire. Le cinéaste ne veut rien nous dire d’un éventuel calendrier de tournage ("Mais qu’est-ce que ça peut vous faire ?"). Mais il nous apporte un objet précieux, le carnet de Scénario, descendu du premier étage de sa maison de Rolle, et qu’il nous laisse regarder et feuilleter.

C’est un livre d’image(s), de dessins et de collages – où l’on reconnaît la Mélancolie, l’une des plus célèbres gravures de Dürer (il commente, sur l’artiste allemand : "Dans Maîtres anciens, Thomas Bernhard dit de Dürer qu’il a mis la nature sur la toile, et l’a tuée. C’était déjà Netflix"), la colombe posée sur une caméra tirée d’un film de Sergueï Parajdanov (Achik Kérib, conte d’un poète amoureux, 1988). Plus loin, dans une séquence intitulée « Avec Bérénice », apparaît un portrait photo d’Assa Traoré : "Oui, je pensais qu’elle pourrait faire quelque chose, faire Bérénice à la fin." De la sœur d’Adama Traoré, mort entre les mains de la police en 2016, et devenue une figure de proue de la dénonciation des violences policières, il dit : "Je la respecte ou je l’admire." On pense aussitôt aux Black Panthers qu’il avait filmés à Londres en 1968 dans son film One + One. Mais il n’ajoute rien à propos de la militante.

Sur la même page, un vers de Racine a été recopié, et modifié : "Que tant d’amer nous sépare" (dans l’original : "Dans un mois, dans un an, comment souffrirons-nous / Seigneur, que tant de mers me séparent de vous"). Quelques pages avant dans le carnet, un portrait de Rachel Khan, auteure de l’essai à succès Racée (L’Observatoire, 2021), adversaire des nouveaux discours antiracistes et féministes, et qui vient d’être sollicitée par La République en marche pour travailler sur les questions d’immigration et laïcité avant la présidentielle. Pourquoi  ? "C’est éventuellement pour lui demander si on peut la filmer, pendant qu’elle vient à LCI – si ça ne la gêne pas. Parce que ç’a un rapport avec ce que j’essaie de raconter."

Voit-il un lien entre les mobilisations actuelles contre les violences policières et les mouvements des Noirs aux États-Unis dans les années 1960  ? Nous ne parvenons pas à lui poser les questions que nous avions préparées. »

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4 Messages

  • Albert Gauvin | 20 mai 2023 - 16:15 1

    Le film sera présenté dimanche après-midi sur la scène de la salle cannoise préférée de Godard, la salle Debussy, par Fabrice Aragno. Nul doute que son incroyable vision du monde et du cinéma n’aura pas fini de nous étonner. Et restera encore longtemps l’une des plus modernes qui soit.

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    Godard, fin de l’histoire

    France Inter, Histoire de, Dimanche 14 mai 2023

    Jean-Luc Godard est mort le 13 septembre 2022. Le festival de Cannes lui rendra hommage en diffusant en sélection Cannes Classics son film posthume ainsi qu’un documentaire original "Godard par Godard", autoportrait tout en archives, écrit par Frédéric Bonnaud et réalisé par Florence Platarets.

    Avec

    Antoine de Baecque Professeur d’histoire du cinéma à l’École normale supérieure
    Nicole Brenez Historienne du cinéma
    Frédéric Bonnaud Directeur général de la Cinémathèque française.

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    L’histoire nous colle aux basques, mais qui aura le dernier mot ?

    Jean-Luc Godard est mort le 13 septembre 2022, parce qu’il l’a bien voulu — pas question pour lui qu’on lui vole le dernier mot. Bien sûr qu’il se parlait à lui-même, mais pour se faire le portraitiste de l’époque, pour être intensément contemporain, et cela s’appelle l’histoire, et c’est généreux, et c’est beau. L’histoire, d’accord, mais laquelle ? « Deux histoires nous accompagnent, confiait Godard. L’histoire qui s’approche de nous à pas précipités et une autre qui nous accompagne à pas lents. Les pas précipités, c’est terminé pour moi : je suis entré dans l’histoire à pas lents ».

    Extraits de l’entretien :

    Jean-Luc Godard, plaque sensible de l’époque

    Antoine de Baecque a travaillé sur les œuvres de Rohmer, Truffaut, Chabrol, Godard, Rivette... Et il est l’auteur de Godard. Biographie définitive : "C’est le plus gros, le plus difficile, mais aussi le plus passionnant des réalisateurs. Il est celui qui traverse le plus intensément ce siècle. Il est une sorte de radar du contemporain, il est la plaque sensible de l’époque. Il est l’un de ceux qui comptent, dont le nom signifie le cinéma. Et en faisant la biographie, et j’espère en la lisant, on comprend pourquoi il y a cette sorte d’équivalence entre Godard et cinéma, comment est-ce que Godard reste le contemporain de toutes les époques qu’il traverse depuis sa naissance dans les années 1930 jusqu’à sa mort en septembre dernier".

    Un personnage qu’il s’est créé lui-même

    Serge Daney disait "Si le cinéma était un royaume, Godard serait son fou, celui dont on attend qu’il fasse preuve de maîtrise en disant que le roi est nu, en disant la vérité d’une façon imprévisible et drôle". Antoine de Baecque explique : "Jean-Luc Godard est quelqu’un que l’on voyait à la télé et qu’on a commencé à voir beaucoup dans ses films. Il a créé son personnage dès les années 1960 en intervenant de plus en plus par sa voix, par son écriture, et puis ensuite par le personnage qu’il a créé. Cette sorte de bricoleur des images est en même temps quelqu’un qui peut, et qui doit, dire ses vérités au monde devant lui, qui ne le comprend pas. Dans la biographie, c’était passionnant de revenir sur les textes de jeunesse de Godard, son art de la formule grâce auquel il dit quelque chose de très profond, de très efficace et en même temps de paradoxal."

    "À bout de souffle" (1960), "La première mise"

    À bout de souffle est le premier film d’un jeune homme de 28 ans avec un tout petit budget. Mais il a la certitude qu’un homme et une femme dans une voiture avec le monde autour, cela fait du cinéma. Dans son livre Antoine de Baecque cite une magnifique lettre du matin du début du tournage. Le 17 août 1959, il écrit à son producteur.

    "C’est lundi, cher Georges de Beauregard. Il fait presque jour. La partie de poker va commencer. J’ai très peur. Je suis très ému. Tout va bien. Je vous écris presque comme à mes parents, et vous lègue comme première mise pour la partie qui commence cette devise de Guillaume Apollinaire : "Tout, terriblement". JLG"

    Antoine de Baecque : "Tout Godard est là. Il sait exactement ce qu’il mise et il sait exactement comment il veut miser. Ce qu’il ne maîtrise pas, c’est l’effet que cette mise va avoir. Cette manière dont le cinéma va "lui rapporter" au centuple. Mais pas du tout, matériellement : À bout de souffle a été un succès, mais ce n’est rien par rapport aux gros succès de l’époque comme Les Tricheurs de Carné, qui évoque la jeunesse sous une forme très académique. Le film de Godard n’est pas un grand succès, mais il l’installe dans le cinéma, là où il veut être dans le cinéma, c’est-à-dire tout de suite comme une sorte de révolutionnaire de la forme."

    Le cinéma va mourir

    Antoine de Baecque est impressionné par "Cette bascule où, à un moment, l’histoire devient quelque chose d’omniprésent dans le cinéma de Godard dans les années 1980-90. Cela passe à la fois par sa propre histoire, et son passé. Tout d’un coup, apparaissent des images nouvelles. Dans JLG, son autoportrait, on voit cette image de lui âgé d’une dizaine d’années. C’est celle d’un petit garçon mélancolique. Tout à coup, le passé de Godard finit par envahir le film. Et c’est l’idée que le cinéma va mourir. Quand Godard dit que le 7e art va s’éteindre, il parle de quelque chose d’incarné chez lui. Lui-même se sent proche de la mort, à la fois par sa biographie, le fait qu’il rentre dans la vieillesse, et puis par ce qu’il a toujours considéré, qu’il a frôlé la mort.

    Et puis il y a cette idée qu’on passe d’un âge à un autre et que le cinéma est en train de mourir au sens où il est en train de disparaître, de devenir minoritaire face au royaume des images. À ce moment historique de basculement, les années 1980-90, qui est aussi la période où on commence à parler du cinéma comme patrimoine lié à son centenaire, Godard dit : "Le cinéma que vous célébrez est en train de mourir parce que, précisément, il n’est pas capable de se souvenir et d’assumer sa mémoire, notamment, de ses échecs, et de ses renoncements face à l’histoire". Et heureusement que certaines images ont pu avoir cette force salvatrice de garder quelque chose de l’histoire au moment où tout pouvait disparaître. Godard parle par exemple des actualités qui ont filmé au printemps 1945 l’ouverture des camps de la mort. Godard parle du néoréalisme italien à ce moment, qui a sauvé en quelque sorte le cinéma au nom du réel."

    Le cinéma responsable devant l’histoire selon Godard

    Si Jean-Luc Godard fait du passé une critique du présent, il le fait à travers son art du montage, une pratique du rapprochement. "Mettre deux images côte à côte ça s’appelle la création" dit Mademoiselle Marie, la voix du maître dans Je vous salue Marie. Et de ce point de vue, il est peut-être redevable aux historiens. C’est d’ailleurs un historien, Georges Duby, qui a favorisé la mise en œuvre de ce grand chantier Histoire du cinéma, qui fait de Godard un historien du XXᵉ siècle. Antoine de Baecque : "Le cinéma, pour Godard, est d’une certaine manière responsable devant l’histoire. Pour lui, il a trahi, peut-être de façon ouverte dans les années 1930. C’est vraiment la thèse de Godard. Il a trahi d’une part, sûrement en "s’alliant" avec les régimes totalitaires. On sait combien les fascistes, les nazis, ou les staliniens ont utilisé le cinéma, même si c’est peut-être à son insu. L’autre accusation de Godard porte sur l’idée que les grands cinéastes n’ont pas su maîtriser ou contenir la violence qu’ils ont déchaînée dans les films, notamment à Hollywood. C’est le côté très accusateur de Godard par rapport au cinéma qui n’a pas été responsable devant l’histoire au moment de la montée des périls."

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  • Albert Gauvin | 6 mai 2023 - 01:27 2

    Aucune raison de vous priver de l’affiche du Festival puisqu’il s’agit de Catherine Deneuve grâce à une photo prise par Jack Garofalo en juin 1968, lors du tournage du film La Chamade, réalisé par Alain Cavalier.

    "C’est une certaine magie que Catherine Deneuve incarne, pure, incandescente et parfois transgressive. C’est cette magie indicible que le 76e Festival International du Film fait résonner avec cette affiche intemporelle. Pour redire le présent glorieux du cinéma et envisager son futur plein de promesses. Car Catherine Deneuve est ce que le cinéma doit se souvenir d’être : insaisissable, audacieux, irrévérencieux. Une évidence. Une nécessité", dévoile le communiqué de presse avant de poursuivre : "L’actrice de Peau d’Âne est une incarnation de cinéma, loin des conventions et des convenances. Sans concession mais toujours proche de ses convictions, quitte à être à contre-courant de l’époque."

    Voilà qui fera plaisir à l’actrice Chiara Mastroianni,, la maîtresse de cérémonie de l’édition de 2023, qui n’est autre que la fille de Catherine Deneuve et de l’acteur italien Marcello Mastroianni.


  • Albert Gauvin | 6 mai 2023 - 01:23 3

    Les programmes de Cannes Classics et du Cinéma de la Plage ont été annoncés.

    On l’attendait, c’est désormais confirmé. Jean-Luc Godard, décédé le 13 septembre dernier, sera bien mis à l’honneur lors de la 76e édition du Festival de Cannes qui se tiendra du 16 au 27 mai prochains. "Il y aura un hommage", avait prévenu Thierry Frémaux lors d’une interview accordée à Deadline en avril, tout en regrettant que le réalisateur ne soit pas venu une dernière fois sur la Croisette. "Je lui ai rendu visite chez lui plusieurs fois. Il me promettait toujours qu’il allait revenir. Je crois qu’il a préféré rester chez lui pour travailler. Il a travaillé jusque dans les derniers jours de sa vie".

    La bande-annonce de son dernier film inachevé, Drôles de Guerres, sera ainsi présentée en avant-première mondiale au Festival dans le cadre de Cannes Classics. Une oeuvre au synopsis alambiqué, dans la plus pure tradition godardienne : "Ne plus faire confiance aux milliards de diktats de l’alphabet pour redonner leur liberté aux incessantes métamorphoses et métaphores d’un vrai langage en re-tournant sur les lieux de tournages passés, tout en tenant conte des temps actuels."

    L’hommage à JLG se prolongera avec la projection du Mépris, un de ses films les plus emblématiques, dans une restauration présentée par Studiocanal. Et à travers le documentaire écrit par Frédéric Bonnaud et réalisé par Florence Platarets, Godard par Godard, un "autoportrait tout en archives de Jean-Luc Godard" qui "retrace le parcours unique et inouï, fait de brusques décrochages et de retours fracassants, d’un cinéaste qui ne se retourne jamais sur son passé, ne fait jamais deux fois le même film".


  • Albert Gauvin | 30 mars 2023 - 13:04 4

    Dans un très intéressant entretien pour Critikat, Nicole Brenez qui publie un nouveau livre sur Jean-Luc Godard, donne quelques informations sur les derniers projets du réalisateur :

    [...] pour combattre le système, toutes les solutions sont bonnes, aucune n’est de trop, et le travail de Jean-Luc Godard fut justement d’enrichir l’éventail des solutions, de renforcer l’arsenal. On verra dans Film annonce du film “Drôles de Guerre”, à la faveur d’un jeu de mots, à quel point il est resté fidèle à l’esprit de ces années révolutionnaires.

    [...] Un mot enfin sur Film annonce du film “Drôles de Guerre”, inédit de Jean-Luc Godard qui dure une vingtaine de minutes, « allie au principe du carnet celui de la planche d’exposition associant multiples images et collages » (p. 280) et « offre à la fois un accomplissement et de nouvelles radicalisations formelles » (p. 279). Pouvez-vous nous dire quelques mots sur cette œuvre ultime, dont le «  sublime minimalisme » parachève, selon vous, « le travail d’une vie » ?

    Dans Film annonce du film “Drôles de Guerre”, Jean-Luc Godard trouve de nouvelles équivalences entre la page et le plan, entre le projet et l’achèvement, entre la reprise et la novation. Mais je peux surtout vous dire que ce ne sera pas l’ultime film. Avant de partir, Jean-Luc en a prévu, dirigé, supervisé plusieurs autres. Fabrice Aragno et Jean-Paul Battaggia sont à pied d’œuvre pour les terminer matériellement. Et je crois que l’on retrouvera aussi beaucoup de trésors filmiques aux statuts les plus divers.


    Nicole Brenez, Godard, autoportrait aux chapeaux.
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    Critikat