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La Volonté du roi Krogold, un nouvel inédit de Céline paraîtra le 27 avril

Et "La Vieille dégoûtante", une nouvelle inédite, dans la NRF le 23 mars

D 24 avril 2023     A par Albert Gauvin - C 0 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« La Volonté du roi Krogold » : un dernier roman de Céline publié en avril chez Gallimard


LIRE
Du roi René à « La volonté du roi Krogold »
Première mise en ligne le 6 février 2023.

Issu des feuillets de l’écrivain réapparus à l’été 2021, ce conte médiéval paraîtra le 27 avril en deux versions.
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Manuscrit de "La Volonté du roi Krogold", à Paris, le 9 août 2021.
(Boby/Libération) ZOOM : cliquer sur l’image.
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Après Guerre et Londres, un dernier roman inédit retrouvé dans les manuscrits de Louis-Ferdinand Céline doit être publié en avril, ont annoncé les éditions Gallimard. La Volonté du roi Krogold, conte médiéval que Céline (1894-1961) appelait une « légende gaélique » paraîtra le 27 avril, selon un programme communiqué vendredi soir par l’éditeur.

Gallimard a précisé qu’il en publierait deux versions, l’une tapée à la machine par l’auteur, « datant de la première moitié des années 1930 », et intitulée La Légende du roi René, puis le manuscrit portant le titre finalement retenu, « pouvant être daté de 1939-1940 ». « Ces deux pièces majeures, inédites et diversement incomplètes, relèvent d’un même projet tout en se distinguant par d’importantes évolutions stylistiques et narratives », a précisé la maison d’édition.

Une intrigue entre la Bretagne et la Scandinavie

Elles proviennent des près de 1 200 feuillets manuscrits que Céline avait laissés derrière lui en fuyant Paris pour l’Allemagne en juin 1944. Confisqués par un résistant, puis mis à l’abri pendant trois quarts de siècle, ces écrits sont réapparus de manière inattendue en 2021. Ils ont donné lieu à deux romans inédits publiés en 2022 par Gallimard, Guerre et Londres.

Ce nouveau roman, « dont les épisodes principaux se déroulent entre Bretagne et Scandinavie », raconte « la guerre menée par le Roi Krogold contre le prince félon Gwendor, le meurtre du procureur Morvan par le trouvère Thibaut, la passion de Joad pour la belle Wanda », a expliqué Gallimard.

Une nouvelle inédite dans la NRF

Céline n’avait pas convaincu son éditeur, Denoël, de publier cette œuvre qui se distinguait nettement du reste de ses romans, des fictions réalistes contemporaines. On en trouve des extraits dans l’un d’eux, Mort à crédit.

Une nouvelle inédite issue des mêmes manuscrits, La Vieille dégoûtante, doit par ailleurs paraître le 23 mars, dans le numéro 655 de La Nouvelle Revue française consacré en bonne partie à Céline. Gallimard doit enfin ultérieurement refondre les volumes de la Bibliothèque de la Pléiade consacrés à Céline, ainsi que le roman Casse-pipe, paru inachevé en 1949, et qui sera augmenté de passages inédits.

Libé Avec AFP.

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Jean-Pierre Thibaudat

Voici ce qu’écrivait Jean-Pierre Thibaudat sur son blog de Mediapart en août 2022.

Céline le trésor retrouvé. Chapitre (8/9) Du roi René à « La volonté du roi Krogold »

Sa « légende », « La volonté du roi Krogold », Céline en parle dans plusieurs de ses romans, de « Mort à crédit » à « Londres ». Il en avait écrit une première version autour d’un roi René avant que ce dernier ne devienne le roi Krogold. Les deux versions, inachevées, font partie du trésor retrouvé et se complètent.
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jean-pierre thibaudat
journaliste, écrivain, conseiller artistique


Page manuscrite de "La légendu roi Krogold".
ZOOM : cliquer sur l’image.
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« Ce que je peux faire facilement c’est la chevalerie, le roman d’apparition avec des rois, des spectres  » disait Céline (Cahier Céline I p 54). Il ne se vantait pas. Pour preuve, deux textes retrouvés, le premier, dactylographié, à propos d’un roi René, le second, manuscrit et plus récent, autour du roi Krogold.

La légende d’un roi nommé Krogold hante l’œuvre de Céline depuis Mort à crédit et on en retrouve la trace dans plusieurs œuvres ultérieures : Féérie pour une autre fois et D’un château l’autre, par exemple, ou dans Londres qui fait partie des manuscrits retrouvés. Dans Normance (Gallimard,1954), Céline évoque « une œuvre commencée il y a trente ans », soit du côté de 1924.

Ce texte, La volonté du roi Krogold — Céline en donne le titre à plusieurs reprises - les « céliniens » le cherchent depuis longtemps. « Nous n’en avons retrouvé aucune trace  » notait Erika Ostrovsky dans son étude parue dans l’épais Cahier de l’Herne consacré à Céline (1972 pour la dernière édition).

Traces il y a. Certaines sont apparues depuis. L’année Céline 1994 (Loriot /IMEC) a publié 34 brouillons épars, « figurant au verso de divers folios utilisés pour d’autres textes » (pratique habituelle à l’auteur). Le manuscrit existait bel et bien, mais il restait introuvable.

Dans une lettre à son éditeur Robert Denoël, le 26 mai 1938, Céline demande que, dans les nouvelles éditions de Bagatelles pour un massacre, soit mentionnée la liste de ses livres « en préparation ». Et il mentionne «  dans l’ordre  » : « 1 Casse-pipe 2 Abîmes, fredaines et soirées 3 Honny Soit 4 La volonté du roi Krogold  ».

Casse-pipe conservera son titre Abîmes, fredaines et soirées deviendra Féerie pour une autre fois, Honny soit deviendra Guignol’s band et sera publié au printemps 1944. Le manuscrit du roi Krogold fait partie de l’ensemble de textes en cours laissés par Céline en haut de l’armoire de la rue Girardon avant son départ précipité pour l’Allemagne d’Hitler.

L’ensemble est constitué de deux manuscrits. Dans le premier, ancien et dactylographié, il est question d’un roi René. Dans le second manuscrit, le roi René devient le roi Krogold et sur plusieurs pages volantes figure le titre : La volonté du roi Krogold. Les deux manuscrits racontent la même histoire. Les deux versions sont incomplètes voire inachevées, mais elles se complètent mutuellement...

La version primitive du roi René est celle que Céline envoie à son éditeur Denoël en 1933. Texte refusé par ses premiers lecteurs, Robert Denoël lui-même et, semble-t-il, Eugène Dabit. Céline s’est sans doute rangé à leur avis. En post-scriptum à une lettre envoyée à son éditeur le 3 août 1933, l’écrivain formule une demande : «  Dès votre retour voulez-vous m’envoyer la légende qui est chez vous, je vais l’utiliser. »

L’utiliser ? Dans Mort à crédit dont l’idée vient de prendre forme ? Oui. Le roman paraîtra en 1936. Le 4 mars 1935, Céline écrit à Eugène Dabit :

« J’ai déjà mis à profit votre premier avis au sujet de la légende. Il a fallu aussi remonter franchement tout le ton sur le plan du délire. Alors les choses s’emboutissent naturellement. Telle est ma certitude. Et prendre dans le cinéma tout ce qu’il a de valable. Que faire de la réalité !  » Tout ce qui sépare les deux versions de la légende, celle qui va du roi René au roi Krogold, se résume dans ce mot : « délire ». La seconde version, celle du roi Krogold, apparaît, à bien des égards, comme la réécriture délirante de la première quand les chapitres coïncident.

Céline travaillera-t-il à sa légende après la parution de Mort à crédit, voire jusqu’à son départ précipité de la rue Girardon ? À tout le moins il y travaille jusqu’en 1940 voire 1944 comme on va le voir.

En février 1944, Céline séjourne à Saint Malo et cherche en vain un livre, Les légendes de la mort chez les Bretons armoricains d’Anatole Le Braz. Le livre n’a pas été réédité par son éditeur Champion. Céline rage auprès de son ami Théophile Briant (qui publiera la lettre dans sa revue Le Goéland)

«  Au secours, Théophile, les Légendes se meurent ! mieux qu’Arthus sommeillent et ne reparleront plus ! au combat Gwenchalann barde aux larmes de feu ! Accours et tes crapauds ! Les charniers sont ouverts ! Au trépas de vingt siècles les bourreaux roulent et cuvent ! mufles, et goinfrent au massacre, chancellent sous les armes ! Bientôt le moment rouge et la foudre du monde !

Saccage ! Aux dédains et l’oubli vengeance du Poème !

À toi

Louis-Ferdinand Céline »

Dans un chapitre étonnant de La volonté du roi Krogold apparaît longuement le barde Gwenchalan (avec un seul n), un hérétique, enfermé depuis un paquet d’années dans une cage et qui, chaque dimanche, est battu par son bourreau.

Les deux versions (dactylographie et manuscrit) se recoupent, Le roi René devient le roi Krogold, Thibaut devient Tebaud et on retrouve dans les deux versions Joad, Gwendor, la ville de Christianie.

Les deux textes, par leurs manques narratifs respectifs, se complètent en formant ensemble une version presque complète du déroulé de l’histoire. Presque, car dans Mort à Crédit où la légende revient comme une obsession, Céline (Pléiade p 646) parle de « la vengeance de Wanda », la fille du roi Krogold qui « va humilier son père » après que ce dernier ait tué Gwendor, son fiancé. Or cet épisode n’apparaît pas dans les textes retrouvés, au contraire, Wanda, apprenant la mort de son fiancé, se place sous l’autorité de son père.

Les deux premiers chapitres manquent dans la version dactylographiée du Roi René (à l’exception d’une page) mais figurent intégralement dans le manuscrit de La légende du Roi Krogold. En revanche ce texte s’interrompt alors que la version du roi René va jusqu’à son terme (même si des pages manquent) selon le plan conçu par Céline.

En effet, sur une page volante, Céline a établi — ce qu’il fait rarement — le plan de la version primitive du roi René, les titres des chapitres en reprennent souvent les premiers mots :

« 1 Mort Gwendor. 2 Roi René et le croissant. 3 Les imagiers. 4 Entrée à Christianie. 5 Nouvelles au château. 6 Arrivée de Thibaut 6 bis L’espèce de guitare 6 ter Mon petit Joad 7 Du pilori 8 Dix chandelles 9 La rue s’était vidée 10 Le son captif 11 Départ des deux 12 Vitré 13 Un matin. Septembre. 14 Allemagne 15 Mon ami… »

Revenons sur le premier des nombreux passages (Pléiade pages 516, 519, 522, 540, 646, etc) de Mort à Crédit où il est question de la «  légende  ». C’est presque le début du roman. Ferdinand, le narrateur, médecin, veut «  causer  » de sa légende à son cousin Gustin Sabayot, médecin lui aussi, « expert en joli style ». « On avait retrouvé le début sur le lit de Mireille [la nièce de Madame Vitruve, la secrétaire du narrateur]. J’étais bien déçu de la relire. Elle n’avait pas gagné au temps ma romance. Après des années d’oubli c’est plus qu’une fête démodée l’ouvrage d’imagination ».

Ferdinand veut toutefois l’avis du cousin. Il commence à raconter, au discours indirect, la défaite de Gwendor, traître au roi. Et poursuit : « Gwendor a trahi...La mort arrive sur Gwendor et va terminer son boulot…Écoute un peu !  » (MC p.522)

C’est là que Céline glisse — dans le manuscrit incomplet de Mort à Crédit retrouvé — une feuille dactylographiée surchargée d’ajouts et de retraits provenant de la version du roi René.

À la troisième ligne, René est biffé et remplacé par Krogold.

Un peu plus loin dans Mort à Crédit (Pléiade p 523), comme un oubli, Céline laisse « le château du roi René  », alors que ce château n’est autre que celui du roi Krogold.

En attendant la publication de cet ensemble, voici le déroulé de l’histoire, mixant les deux versions inachevées, la seconde, la plus récente ayant un style plus affirmé. Céline ne reprend pas son manuscrit initial (dactylographié) pour le corriger, il se livre à une véritable réécriture comme il le suggère dans une lettre à Eugène Dabit : «  il a fallu aussi remonter franchement tout le ton sur le plan du délire ». On est là très loin de la version dactylographiée du Roi René même si on y retrouve pour partie la trame narrative.

Avec Krogold, Céline s’aventure dans ce que l’on peut considérer comme une tentative d’écriture moyenâgeuse contemporaine. Cela passe par une réinvention ou restitution d’un vocabulaire. Quelques exemples : effants (enfants), demourer (demeurer), proumesses (promesse) proufite (profite) vuide (vide), Bretaigne, moustiller, réchauffoir, fracasserie, marcherie, passagier, ravagère , etc. Cela passe aussi par une façon de chahuter la syntaxe, par exemple sa façon de substantiver les participes présents : les devisants, etc.

Cela passe enfin par un rythme et un enveloppement de la phrase, soit dans des plongées descriptives, soit dans des séquences orales ou encore des entassements, des inventaires vertigineux. Tout allant crescendo au fil des chapitres.

Ajoutons que d’une version à l’autre Thibaut devient Tebaut.

Nul doute que ce texte étonnant suscitera bien des commentaires, bien des études. En attendant la publication du texte, voici le déroulé de l’histoire à travers les deux manuscrits

Mort de Gwendor

Gwendor dialogue avec la Mort. Il essaie de négocier un dernier jour de vie pour passer son épée dans le corps du roi Krogold dont il aime la fille Wanda et ensuite apporter à la Mort son « cadavre tout bouillant, tour écumant de lutte, paré de pourpre et d’or ». La Mort refuse délicatement ! «  moi je t’aime Gwendor...c’est tout...Viens ! Tes soldats ne t’aimaient pas... ». Gwendor maudit ceux qui l’ont trahi, reste l’amour « Wanda m’aimait bien elle…très tendrement... ». La Mort implacable : « Nous saurons tout cela dans les songes Gwendor  » et elle l’emporte.

Le roi et le croissant d’or

L’armée du roi Krogold campe un soir « à la lisière d’une vaste étendue de tourbes, de prés foulés et de limon ». Elle revient « fort victorieuse » de trois journées de combat. Le roi a tué Gwendor « de sa propre massue », la ville de Christianie attend son châtiment. Le roi, blessé au pied, sort de sa tente, marche dans le campement, s’éloigne. Il se retourne : au sommet de sa tente d’apparat le croissant d’or a disparu, un cadeau d’un prince oriental. Il le cherche, aperçoit une lueur vive, s’approche, dans la boue des marais, bientôt empoigne la tête du voleur, lui tranche la gorge et nettoie le croisant d’or. Au retour, la fatigue l’accable, il ronfle. Alors « le rêve s’échappa de la tente » et tout se mêle « dans le tourbillon des fantômes avec tous les occis du jour ».

Nouvelle au château

Un messager arrive à cheval au château du roi Krogold. Devant le pont-levis, il « embouche son cor d’ivoire » et annonce la victoire du roi. On lève le pont-levis. La reine suivie de ses dames s’approche : « Chevalier que nous mandez-vous ? » Le messager réitère : «  Victoire !  ». «  Le roi n’est-il point blessé ? », juste une foulure. La reine disparaît, apparaît sa fille Wanda. Le chevalier n’ose lui dire que Gwendor est mort. Elle le devine. Wanda ne montre aucune détresse, ordonne au chevalier d’aller auprès du roi «  dame lui surtout banneret que sa fille bien tendrement l’aime, soumise, prudente et pieuse à faire vœu deux jours et deux nuits pour la guérison de ses plaies ».

Une gitane apporta la nouvelle

Dans le quartier Stanislas de Christianie, une gitane apporte la nouvelle : l’armée est vaincue, Gwendor est mort, l’armée du roi Krogold approche. La ville est « bouleversée d’épouvante  ». Gwendor avait « tout tant promis : Et plus de taille ! Et plus de gabelle ! Et de battre monnaie de Cité » … Tous craignent le roi Krogold et ses soldats ; «  La peur leur secouait tripes au cou, dégueulant sur chausses ». On cherche un moyen pour amadouer le roi vainqueur, mais qui ? Comment ? Le roi est « à trois jets d’arc du pont de ronde »…

Les imagiers

Nantis de privilèges pour avoir su naguère faire en sorte que les Turcs n’entrent pas dans la ville, les imagiers tiennent conseil. Un vieux raconte comment, trois cents ans plus tôt, en habits bariolés et arborant des images, ils étaient allés au-devant des Turcs et les avaient amadoués en dansant devant eux, en leur faisant boire du vin chrétien et en les laissant violer des filles qu’ils emporteront avec eux sans espoir de retour. Et les Turcs n’étaient pas entrés dans la ville. Alors les gens de Christianie veulent recommencer devant le roi Krogold. « Habillons-nous chers compagnons ! Ames en peine ! Vêtissons-nous de nos babioles, barioles, vignolles, amulettes au vent ! Chapelets grenus, images à couleurs miroitantes et dansons au-devant du roi...  » Ils s’avancent vers l’armée du roi, «  dévalent effrénés... déboulinent en trombe au fond…vers les archets à l’affût ». Du vallon, monte un cri, un autre, dix autres « Et puis on n’entendit plus rien. »

L’entrée à Christianie

Le roi Krogold et son armée entrent dans Christianie. Alors ce fut une « épouvante, une terreur, une panique comme on n’avait jamais vu ». Le roi se dirige en musique vers la cathédrale, entouré de ses chiens. « Les battants du grand porche pleurent, gémissent et s’ouvrent doucement » laissant voir toute une ville en prière. Le roi a faim, on lui apporte un quartier de bœuf, « A l’os tout cru », il « dévore », les chiens bondissent «  mènent puissant vacarme tout autour en vue de la viande ». Le roi chevauche vers l’autel, la foule supplie « Pitié Krogold ! Pitié de nous  » jusqu’à le flatter : « Pitié de nous vaillant Krogold ! Roi bien aimé ! ». Alors le roi lance son épée vers l’autel, à genoux il pleure, « et ce fût grand vivat de liesse, grande félicité de rires, énorme chant jubilant tout éclatant dessous les voûtes ». L’évêque Clodio, frère du roi, célèbre la messe.

Lettre d’Excelras à Tebaut

Par un colporteur venu de Bohème avec sa guenon jusqu’à la cour pour divertir le roi Krogold, Tebaut, venu d’Aquitaine, est en route pour Rennes « en Bretaigne » où le Parlement doit se réunir. Dans une lettre, son ami Ecelras souhaite le voir, veut le faire venir à la cour, lui faire connaître la princesse. Le colporteur qui fait route pour Rennes lui donnera cette lettre.

Arrivée de Tebaut

Tebaut voit la ville, Rennes, au loin. Il se repose auprès d’une borne. Il songe à Joad, son « peureux ami » de collège, fils du procureur Morvan (dont il a peur), la famille habite dans une belle maison de notable que lui a décrit son ami. Tebaut s’endort et fait un songe cauchemardesque que Céline décrit magnifiquement par le menu et où il est question de meurtres commis par Tébaut et de remords. Il se réveille et s’approche du nautonier pour traverser la rivière, la Vilaine. Mais Tebaut n’a pas l’écu que coûte la traversée. Ardent dialogue et noms d’oiseaux multiples entre les deux sous l’œil des badauds alentour. Survient une vieille femme aux allures de sorcière, diseuse d’avenir, avec sa chouette. Le nautonier veut bien l’embarquer gracieusement mais attend de Tébaut son écu. Alors ce dernier se met à jouer de la musique, à chanter, à raconter des contes, une petite fille finit par lui lancer un écu et Tébaut traverse. Il suit le chemin de halage au bord de la Vilaine et va vers la ville. Il n’a pas vu son ami Joad depuis la fin de leurs études à la Sorbonne, deux ans auparavant. Allant par les chemins, Tebaut, lui, est devenu baladin. « Il voulait à présent s’attacher à quelque conquérant d’envergure, saccageur et casqué qui l’emmènerait dans de véritables aventures. » Dans Rennes, il cherche Joad. Pour payer son logeur, il vole dans les poches d’une procession ou dérobe l’argent d’une sébile.

L’espèce de guitare

« L’espèce de guitare, luth au manche trop épais » est au pied du lit où dort Thibaud. Sur son lit il compose des chansons. Il songe à partir vers le nord, au pays du roi René (Krogold) « au formidable renom », « mais il serait ennuyeux d’y partir seul  ». On devine qu’il songe à son ami Joad.

Mon petit Joad

Dialogue entre sa mère et Joad. Elle croit lui apprendre que l’armée de Gwendor a été battue. Mais il le sait déjà. Céline décrit un Joad mal dégrossi, un peu poltron et émotif. Sa mère vante les mérites du roi vainqueur. Entre le père, le Président Morvan. « Joad, où étiez-vous encore ce matin ? Ici ? N’étiez-vous point sorti ? Les affaires du parlement vous sont-elles indifférentes à ce point ? À quel jeu prendrez-vous du goût ? » lui demande son père. Il semble vouloir que Joad entre dans les ordres mais il a trop à faire au Parlement de Bretagne pour s’y intéresser plus avant. Après le dîner le père monte se coucher. Joad sort.

Du pilori

La mère Amelot tient un bordel devenu renommé depuis vingt ans. Elle sait «  joliment bien » recruter « ses femmes ». En vingt ans le bordel de la mère Amelot s’est agrandi d’étage en étage. Longue description de l’établissement et de la vie de la mère Amelot. «  Ce métier, en somme, aurait pu lui donner un bonheur que peu connaissent aussi divers, aussi entraînant, s’il n’avait été troublé dans tous les instants par la crainte, qui s’effaçait guère, du pilori. » écrit Céline.

Joad et son ami Thibaut enfin retrouvé entrent dans l’établissement. Scène de sexe violente entre Thibaut et Angèle « une grosse blonde boulotte ». La mère Amelot lui reproche d’être une brute. «  Je ne m’en dédis, mais rarement ai-je donné mes ardeurs deux fois de suite à la même femelle, car je suis poète. » répond Thibaut. Et de disserter sur l’amour. La grosse blonde meurtrie est sous le charme. Quand les deux amis s’apprêtent à partir, elle rattrape Thibaut : « reste encore dit-elle, il y a de la soupe à l’oignon.  »

Dix chandelles

Un café éclairé de dix chandelles. Ça boit, ça vole, ça trinque. À un prétentieux répétant « moi je suis poète et je mange les oiseaux », Thibaut l’oblige à manger une souris.

Les processions…

Beaucoup de monde dans les rues pour assister aux fêtes célébrées à l’occasion de la réunion des États de Bretagne. On retrouve les deux amis au cabaret Menillon. Racontars sur le roi, Gwendor et Wanda. Ils sortent. Thibaut dit vouloir aller voir le père de Joad.

Le barde Gwenchalan et son bourreau

«  Dessousbs les portes Modelaises », au creux d’une cave parmi des décombres, un cachot. Tout autour un marais où pullulent bêtes à venins, serpents de nuit bavant mort, larves à fiel. Là, croupi depuis douze [?], le barde Gwenchalan, « enchaîné debout, contre la muraille  », pour injures contre les gens d’église et « les pieux mystères ». Chaque dimanche le geôlier le bastonne... et se fait insulter : « Te voilà donc porc d’Évangile ! Arrive à ton office pissat de truie ! ». Il y en a plusieurs pages comme cela. Le bourreau est fatigué. Il remonte au jour, lance à Gwenchalan : « Tu es maudit monstre ! Maudit ! Le diable même te rebute ! Il te déboute aux enfers ! Il ne te veut pas !  ». À quoi Gwenchalan répond : « Je t’embrasse bourreau ! Je t’embrasse ! À bise d’âme ! Valet d’hostie ! Et sur ta clape chicote ma gloute d’ange ! Par la putain de Nazareth gloire au Démon ! »

Tebaut au trou

En s’enfuyant Tebaut culbute un prieur, trois nonnains, trois archers « et tout l’ossuaire et le missel  », tout s’écroule. On l’arrête, on le ligote. « La foule veut le moudre en charpie ». Le moine Joaiel le sauve en disant qu’il doit être jugé. Il finit par avoir raison. Le bourreau le met au trou auprès de celui qui y est déjà. Et une troisième personne les rejoint : la gitane avec son hibou. Le peuple entonne alors des chants d’allégresse.

Le parlement de Bretagne

C’est une grande réunion, on vient de toute la région «  tout à la fièvre du propos, cahin-caha de fondrières, délégués nantis de coutume, bringuebalant à leurs quartiers jambonneau d’oil et flûtes à gouttes ».

Dans la maison du président Morvan

Le président Morvan se prépare pour la séance du Parlement. Il demande conseil à son épouse sur sa tenue. Dispute domestique : le président Morvan maudit son « garnement  » de fils qui n’est pas rentré chez lui depuis trois jours. La mère prend la défense de sa progéniture. « Assez madame en vos geigneries ! Portez moi toge et bonnet ! Que je m’affuble ! Il me tarde de passer le seuil ». Le peintre Agarce, vient peindre son portait le jour même. La femme du président Morvan assiste à la séance, dans l’ombre. Elle pleure « le cœur gros de néfaste songe ».

La rue s’était vidée

Le père de Joad regarde son fils s’éloigner. Joad se retrouve place des Lices pour les tournois. Il se souvient d’une femme qu’il avait remarquée dans un autre tournoi : Wanda qu’il savait éprise de Gwendor. Elle était inaccessible « et pour cela Joad l’aimait  ». Son père le retrouve, l’informe qu’il va donner un dîner pour les dignitaires de l’état et l’idée d’inviter l’ami de son fils, Thibaut, pour distraire ses invités. Invitation transmise. Thibaut sans rien dire à personne va repérer les lieux. Le soir du dîner, il se poste au pied d’un mur en bas de la maison des parents de Joad, un pavé à la main. Quand le président Morvan se penche à la fenêtre, il lance la pierre, le Président Morvan s’affaisse sur la fenêtre. On l’appelle, il ne répond pas, on vient le chercher : il est mort…

Le son captif

Le lendemain de son crime Thibaut vient saluer la dépouille. Quelqu‘un l’attire par la manche, Thibaut reconnaît la blonde boulotte de la mère Amelot. Elle l’entraîne loin du centre, lui dit «  je t ‘aime, je t ‘aime bien ». À sa demande, il l’embrasse, elle est « contre lui lourde comme un homme  ». Il songe à la frénésie qu’il avait eu pour elle, « jamais en y pensant il n’avait eu tant envie de s’en aller bien loin, ver des aventures sans tendresses, sans faiblesses, où les pièges sont des pièges, sur une route sans fleurs, sans oiseaux, sans merci  ».

Départ des deux

La veille du départ, Joad et Thibaut font des provisions pour le voyage : médicaments, écus en nombre et quelques bijoux à vendre. En prévision de l’hiver ils portent des gros draps car en Germanie ils n’auront point usage de leur monnaie que les gens ne connaissent point, sauf dans quelques villes.

La mère de Joad sait qu’il est vain de s’opposer à présent aux projets de son fils. Ils partent le dimanche de la Pentecôte. A la porte St-Mélaine, Joad quitte sa mère en l’embrassant, il s’éloigne d’un pas vif. Thibaut parle à la mère de Joad en marchant à ses côtés. Quand elle voit son fils parti loin, elle comprend soudain tout ce qui va arriver, et pour que cela n’arrive pas, elle aurait offert sa vie. Thibaut lui parle, elle ne l’écoute pas, déjà « seule, absolument  ».

Vitré

Le baron est parti soudain pour la guerre. Il ne reviendrait pas avant l’hiver. Alors devant le château le peuple, les artisans dansent. Arrivent Joad et Thibaut, ils se mêlent à la danse. Thibaut prend une jeune fille par la main et chante : « Il était une grande ville/ Corne de bœuf ! Corne de bœuf !  » …

Le matin, Septembre

Septembre. Les deux amis ont dormi dans une grange, passe une patrouille du roi René (Krogold). Joad craint d’être pris, mais non. Ils ont faim, soif, dorment mal. Thibaut s’amuse à insulter sa culotte. Leur chemin est encore long. Thibaut : «  ce qui te manque, vois-tu Joad, pour être un vrai trouvère, c’est la simplicité ».

Allemagne

Thibaut et Joad arrivés en Allemagne, trouvent refuge dans un monastère. Le frère Prieur leur raconte longuement l’histoire de leur très aimé protecteur, le baron Raoul de Marsafel, il leur montre sa cellule. Sans lui le monastère aurait été pillé, les frères assassinés, raconte-t-il. Il n’a pas le temps de finir son récit, c’est l’heure du dîner, le « bienfaiteur  » les accompagne.

Mon ami...

Thibaut, en partance pour la croisade, quitte son ami Joad. Il lui a appris des tas de chansons il va pouvoir les chanter. Joad avait souhaité cette solitude, maintenant il la redoute. La perspective de rester enfermé « des saisons et des saisons » dans les pierres de Morelande, l’effraie. Son courage faiblit. « Wanda, il ne l’avait pas encore vue, mais il n’avait plus très envie de la voir  ». Thibaut conseille à Joad de rester auprès du chapelain Bermudège. Ce dernier, un peu mis à l’écart, compte revenir en grâces en écrivant l’histoire du roi. « Il la dicterait à Joad car il n’aimait pas écrire lui-même ».

Gallimard annonce la parution de La volonté du roi Krogold pour 2023.

Jean-Pierre Thibaudat, blog de mediapart, 13 août 2022.

LIRE : Céline, le trésor retrouvé - La révélation, par Jean-Pierre Thibaudat

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