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Yannick Haenel, chroniques de janvier 2023

Charlie Hebdo

D 28 janvier 2023     A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Être écrivain en Iran

Yannick Haenel

Mis en ligne le 4 janvier 2023
Paru dans l’édition 1589 du 4 janvier

On le sait, même si, en France, on semble l’avoir un peu oublié : la littérature est un art de combat. Elle raconte l’invivable, renverse les idées reçues, met en cause le mensonge social, pointe les tabous et tranche dans le monologue que la société ne cesse de tenir sur elle-même. En affrontant l’effroi, elle ouvre des brèches respirables. Comme l’a dit Kafka, un livre « brise la mer gelée qui est en nous ». Ainsi – et même si nos démocraties ont fini par se débrouiller pour rendre insignifiantes la plupart des productions littéraires en France –, la littérature invente-t-elle des formes de liberté nouvelles : elle ne se laisse pas enfermer dans la sociologie dominante, elle est (elle devrait être) irrécupérable, et même inqualifiable.

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En guettant les nouvelles qui viennent d’Iran, où le gouvernement islamique met à mort ses « opposants », c’est-à-dire celles et ceux qui ne désirent que vivre librement, je pense à ce livre, oublié aujourd’hui, de Leo Strauss : La Persécution et l’Art d’écrire. En effet, selon l’Association des écrivains en Iran, plus d’une trentaine d’auteurs et de poètes sont détenus dans le pays depuis le début du soulèvement national contre le régime. Depuis la mort de Mahsa Amini, le 16 septembre, après son arrestation pour un foulard « mal porté », plus de 14 000 personnes ont été interpellées selon Human Rights Activists News Agency, et parmi elles, nombre de romanciers, de libraires, de traducteurs, d’éditeurs : tout ce qui touche au livre, c’est-à-dire à la liberté d’écrire et de penser, est automatiquement réprimé.
Amnesty International a inventé naguère l’expression « harcèlement d’écriture ». Les courageux écrivains iraniens qui vivent dans leur pays ne peuvent s’exprimer sans en passer par le bureau d’autorisation au sein du ministère de l’Orientation islamique, qui juge de la conformité de leurs écrits au dogme (même chose pour les cinéastes, et pour tous les artistes).

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Je rappelle que le président actuel, Ebrahim Raïssi, qui faisait partie des juges ayant décrété les massacres de prisonniers politiques en 1988, a été reconnu « criminel de guerre » par le tribunal de Stockholm en juin 2022. La politique de la mort menée par la république islamique, déjà instituée dans les années 1980 par la torture et l’exécution de milliers d’opposants, et qui multiplie cet hiver les pendaisons de jeunes manifestants au motif aberrant de «  guerre contre Dieu  », applique ainsi cette logique métaphysique, que Charlie ne cesse de vérifier : la religion qui refuse la liberté d’expression ne s’exprime que par le crime.
Ce constat est malheureusement infaillible. Toute théocratie met à mort ce qu’elle juge contraire à ses préceptes, ainsi le Dieu qu’elle invoque comme un alibi moral devient-il un assassin, et même un tueur en série. Décidément, le Prophète n’en peut plus d’être aimé par des cons.

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Éternité des choses aimées

Yannick Haenel

Mis en ligne le 11 janvier 2023
Paru dans l’édition 1590 du 11 janvier


Jean-Antoine Houdon, La Grive Morte, 1782.
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Ça commence par un petit flacon en forme de grenade, retrouvé dans une tombe à Chypre. Il est en verre fondu sur noyau de sable et date du XVe siècle avant notre ère : il a la grâce des objets désirables et apporte jusqu’à nous sa merveilleuse fragilité. Ça continue avec une table d’offrandes égyptienne, des images de Buster Keaton et du Stalker d’Andreï Tarkovski (l’un des dix plus beaux films du monde), des images de fruits et de gibier peintes sur les murs de Pompéi, une cloche du Bénin, une fleur d’œillet bouddhiste, le dessin de la sandale du prophète Mahomet, des clés, un livre en ivoire, des gobelets, des cruchons, La Grive morte sculptée dans le marbre par le génial Jean-Antoine Houdon, où le duvet du ventre de l’oiseau vous semble une mousse adorable, un Chat mort peint par Géricault, devant lequel j’ai pleuré instantanément, et cet agneau aux pattes liées de Zurbarán, dont la lumière intérieure embrasait toutes choses autour d’elles, et qui bien sûr annonce le supplice du Christ mais semble tout aussi bien un bodegón, une scène de cuisine.
Les choses, les objets et les êtres ne se distinguent peut-être pas tant que ça : ils sont enchevêtrés dans la matière de l’existence, et nos vies nous mènent un jour ou l’autre à cette « révélation de la Chose au-delà de l’objet  », comme l’a dit Lacan, c’est-à-dire à la présence irreprésentable de ce vers quoi tout converge.

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Les objets s’accumulent comme des restes, des souvenirs ou des ex-voto  ; mais en eux, quelque chose demande à se dire que l’art libère à travers les siècles : la folie même du réel le plus intangible. Cette prune d’un bleu aveuglant de Chardin, vous ne la toucherez jamais : elle donne la direction de l’existence. Qui donc est sûr d’avoir une existence  ?


Edouard Manet, L’Asperge, 1880.
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Il y a aussi un citron peint par Manet, et de la grenade de Chypre à ce citron, toute une histoire se donne en un roman silencieux. Il y a des asperges, en bottes ou solitaire (Manet la peint comme un pinceau nacré). Il y a la chandelle qui éclaire la veille de Madeleine, des coquillages, un jambon peint par Gauguin (où je discerne un museau baconien), des pommes, des oiseaux, des lapins, la chaise de Van Gogh et son pauvre lit.
Lorsqu’on s’approche enfin des Fragments anatomiques de Géricault, de la Nature morte à tête de mouton de Goya et du Bœuf écorché de Rembrandt, qui sont accrochés côte à côte, l’œil de la chair morte nous regarde et nous impose son effroi. La frontière entre la viande des animaux et celle des humains est indiscernable. Nous sommes les sacrificateurs et nous sommes les sacrifiés.

À la fin, qu’est-ce qui reste  ? Seul demeure ce qu’on aime. Le trésor d’amour d’une vie tient dans une boîte  ; celui de l’humanité dans l’exposition « Les Choses », qu’on peut voir en ce moment au Louvre et jusqu’au 23 janvier.

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Rencontre entre Yannick Haenel et Robert McLiam Wilson : « On est dans un au-delà de la crapulerie humaine »

Yannick Haenel

Mis en ligne le 17 janvier 2023
Paru dans l’édition 1590 du 11 janvier

Pendant trois mois, Robert McLiam Wilson a assisté pour Charlie au procès de l’attentat du 14 juillet 2016 qui, à Nice, tua 86 personnes et fit plus de 400 blessés. Ses chroniques, terribles et parfois hilarantes (l’insolence de Robert McLiam Wilson est à la mesure de son grand cœur), sont rassemblées en un hors-série : « La Vilaine Veuve. Nice, le procès oublié. » Rencontre avec Yannick Haenel autour de la difficulté d’écrire à propos des attentats, de cet impensable qu’est la mort des enfants et de l’infinie connerie humaine.

La vilaine veuve – Nice, le procès oublié

Pendant trois mois, l’écrivain Robert McLiam Wilson a suivi pour Charlie Hebdo les audiences du procès de l’attentat du 14 juillet 2016 perpétré à Nice, qui tua 86 personnes et fit plus de 400 blessés. La dignité des victimes, les mensonges des accusés, les cabotinages des avocats, rien n’a échappé à l’œil de Robert McLiam Wilson. Plus qu’un simple compte rendu d’audience, son récit est d’abord un point de vue assumé, celui d’un écrivain qui, malgré l’horreur de ce qu’il a entendu et vu durant les audiences, n’a pas renoncé à sa liberté de ton. Ce recueil rassemble les chroniques qu’il a écrites chaque semaine pour Charlie Hebdo.

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Yannick Haenel : J’adore que ton livre finisse sur un fou rire lorsque tu racontes qu’après le verdict tous ceux qui n’ont pas aimé tes chroniques viennent déverser sur toi leur bile : les avocats qui se sentent visés, et surtout un journaliste de Marianne qui t’explique que lui il est reporter de guerre, et que contrairement à toi il connaît l’odeur de la mort…

Robert McLiam Wilson : Il m’a dit : « J’ai vu les fosses, moi. » C’était merveilleux, ce besoin de faire le coq après l’horreur et la tristesse qu’on venait de subir… Je ne m’arrêtais plus de rire. Tu sais, quand quelqu’un prononce une telle phrase, ça remplit d’un coup l’univers, on éclate de rire, c’est plein d’allégresse, comme une félicitation.

Y. H. : Je suis frappé justement par l’humour de tes chroniques. Ta capacité, dans un contexte si tragique, à te payer la tête des gens, lorsqu’on atteint au plus profond de la débilité, est vraiment réjouissante  ; et j’ose dire, généreuse pour les lecteurs.

R. McL. W. : Il faut dire que les accusés étaient nuls à chier dans le mensonge. Durant les trois semaines qui leur ont été consacrées, on a même vu sur les écrans leurs avocats qui se tenaient la tête dans les mains, tant ils étaient consternés. Ces gars-là avaient l’arrogance de la bêtise. Tu as parlé, en assistant au procès des attentats de Janvier 2015, de « bassesse », ceux-là étaient pires : des tocards qui se tirent une balle dans le pied. On est allé très loin avec eux dans la nullité de l’être humain, et quand c’est trop, il n’y a plus que le rire à opposer aux inepties.

Y. H. : On apprend en te lisant que les cadavres ont été mutilés.

R. McL. W. : Oui, à la morgue, ils ont fait des prélèvements sans l’accord des familles. Il y avait, au procès, c’est-à-dire six ans après, une partie civile qui n’était même pas au courant que le proche qu’elle avait perdu avait ainsi été mutilé. Là, on est au fond de l’insupportable : la restitution des organes a d’ailleurs été obtenue par les avocats.

Y. H. : Autre chose qu’on apprend grâce à toi : le pillage des corps ce soir-là sur la promenade des Anglais. C’est une abomination. Personne n’en a parlé, est-ce un tabou  ? Tu l’évoques, à un moment, avec une partie civile : tu lui demandes pourquoi un tel silence, elle répond : « Devine. »

R. McL. W. : D’abord, presque 30 % des victimes étaient arabes, ça n’a jamais été mis en avant. Et puis, en ce qui concerne la question brûlante du pillage, eh bien, les ¬voleurs étaient tous des Arabes eux aussi, des gamins arabes. La ¬police a évité d’en parler pour ne pas mettre le feu aux poudres. Ce sont ces jeunes mecs arabes qui ont essayé de vendre des photos sur Internet, et même des ¬objets avec des taches de sang. Certains d’entre eux ont été arrêtés à l’époque, tout ça très discrètement, car on ne veut pas entendre des histoires comme ça. C’est un peu le problème avec ce procès de Nice : ce sont des histoires qu’on ne veut pas entendre.

Y. H. : Justement, toutes tes chroniques sont travaillées par le fait que ce procès est un procès délaissé, voire paria : on s’y est moins intéressé qu’aux grands procès des attentats de 2015. « L’empathie était en rupture de stock », écris-tu, comme si la société française avait déjà donné. Tu parles aussi de « hiérarchie de la pitié ». À Nice, ce qui se disait était à ce point bas de gamme  ?

R. McL. W. : C’était un procès plouc. L’argument contre Nice, c’est qu’ils sont riches et fachos. On n’imagine pas une classe populaire dans cette ville, et pourtant ce soir-là, avec les feux d’artifice gratos, il n’y avait que des pauvres. Ce ne sont pas des riches qui assistent à ça. Pour te répondre, c’est vrai que j’ai eu l’impression de voir une «  lumpen souffrance ».

Y. H. : C’est tragique, ce stand de bonbons planté au milieu, raison pour laquelle il y avait tant d’enfants ce soir-là…

R. McL. W. : Les enfants, ce n’est pas possible… C’est impossible de penser à eux, à leurs parents. Certains jours j’ai dû arrêter… Je n’ai pas voulu voir la ¬vidéo, ce camion de 19 tonnes qui écrase des enfants… On est dans un au-delà de la crapulerie humaine. Tu sais, à Belfast, je sentais la différence entre un attentat par balle et un attentat par explosif. Les bombes sont une insulte à l’humain et à la société : « Fuck you  ! » À Nice, ce type, il accélérait, il visait et changeait de direction pour en écraser plus.

Y. H. : En quoi c’était différent, Nice, des deux autres procès, Janvier 2015 et le Bataclan  ?

R. McL. W. : Complètement différent, rien à voir. Déjà, le terroriste était sans réseau, c’était juste un gros raté. Nice, c’est le néant dans la franchise des attentats terroristes. Merah, Charlie, le Bataclan, il y avait des « idées », une haine avec un but négatif : détruire Paris, les Juifs, les femmes, la police, la musique, les cafés. Nice, c’est dégueu : tuer, tuer, tuer, écraser des enfants. Tu sais, il y a eu plus d’enfants tués à Nice que le 11 Septembre, où il y a eu près de 3 000 morts, et seulement huit enfants.

Y. H. : Et la dimension islamiste, elle existait  ?

R. McL. W. : Dimension islamiste à la con, oui. Tu parles d’Allah  ! Tout le monde, dans la bande du tueur, buvait, se droguait, baisait. Le tueur : je l’appelle Momo, car je ne veux pas prononcer son nom, il détestait les Arabes. Il faisait semblant d’être juif. Le secret, c’est que tous les mecs baisaient Momo. Il y a cette homosexualité sur fond de honte… Un témoin, Roger, 80 ans, est venu nous dire de lui : « Il aimait avoir le rôle d’une femme de bas étage. Je le traitais comme une clocharde. » Il nous a raconté le moment où Momo a sorti sa bite pour montrer ses verrues… Là, on touche au glorieux  ! Alors, Allah, là-dedans, franchement  !

Y. H. : Il y avait un autre écrivain, ton alter ego punk, Thierry Vimal, qui tenait un blog.

R. McL. W. : C’était une présence très importante. Lui, il a perdu sa fille. Il allait très loin dans sa chronique, super ironique et bad taste. Il a même parfois énervé les autres parties civiles. Dans son blog, il raconte cette scène où Alexandra s’est agenouillée auprès d’une petite fille métisse, Kayla, dont les os sortaient du ventre. Elle a stoppé l’hémorragie en rentrant sa main dans le ventre de Kayla. Elle l’a mise vivante dans l’ambulance. Une semaine après, dans un supermarché, elle a appris qu’elle était morte. Alors, elle a sombré. Sentir les organes d’un enfant, tu te rends compte  ? Est-ce que je l’aurais fait ou est-ce que j’aurais seulement pleuré  ?

Y. H. : Tu t’es interrompu souvent, c’était impossible à supporter  ?

R. McL. W. : Oui, j’ai tenu le plus longtemps possible, puis je suis tombé malade, j’ai commencé à rater des audiences pour me protéger.

Y. H. : Je comprends. Moi, c’était l’inverse : si je m’étais arrêté, j’aurais craqué. C’est par peur de ne plus venir du tout que j’écrivais tout le temps, nuit et jour.

R. McL. W. : Écrire, aller dans ces procès, c’est nécessaire mais presque impossible. Les victimes ont compris ce que nous on ne comprendra jamais : quand elles parlent de la vie et la mort, ce ne sont pas des mots. Les personnes les plus endeuillées, quand on les écoute, on se sent ridicule avec notre petitesse navrée. Mais elles, elles possèdent assez de grâce pour nous tous.

Y. H. : J’aime, dans ton récit, cette communauté : tu rencontres les parties civiles au café, en face du Palais de justice. Nous, on était coupés, avec le Covid, avec la protection policière, tout était compartimenté.

R. McL. W. : Oui, rencontrer les gens en allant fumer, c’est parfois aussi important que le procès lui-même.

En vente en kiosque, hors-série Charlie Hebdo, La Vilaine Veuve. Nice, le procès oublié (80 pages, 5 euros).

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Les deux islams

Yannick Haenel

Mis en ligne le 18 janvier 2023
Paru dans l’édition 1591 du 18 janvier

Procurez-vous, toutes affaires cessantes, le Traité sur l’intolérance de notre ami et défenseur de Charlie Richard Malka. C’est un petit livre de 96 pages qui vient de paraître aux éditions Grasset  ; il se lit en une heure, ne coûte que 12,50 euros et c’est un trésor de réflexions qui va, j’en suis sûr, vous éclairer comme il ne cesse, depuis que je l’ai lu, de clarifier mon esprit.
Le texte de ce livre est celui de la plaidoirie que Richard Malka a prononcée le 17 octobre dernier au nom de Charlie Hebdo devant la cour d’assises spéciale de Paris, en appel du procès des attentats de Janvier-2015. Ainsi constitue-t-il la suite de sa plaidoirie en première instance, éditée il y a un peu plus d’un an sous le titre Le Droit d’emmerder Dieu.
La suite, mais surtout l’approfondissement, car à travers ce petit texte limpide, érudit sans cuistrerie, implacable dans son raisonnement, décisif dans sa démonstration, ce qui se donne à penser, c’est la manière dont l’islam se trahit lui-même en se divisant par la violence.
Il est très important de lire ce livre pour comprendre ce qui s’agite réellement aujourd’hui sous les contorsions hystériques des fanatiques et les accommodements politiques de la gauche française, laquelle a si peur de froisser les musulmans qu’elle laisse s’accréditer une idée radicale de l’islam.
Malka raconte ainsi qu’il y a depuis l’origine deux islams : « un islam des lumières et un islam des ténèbres ». Le premier vient du VIIIe siècle, il est issu de l’école de pensée théologique des mutazilites. Fondé sur la raison, il considère que le Coran n’est pas incréé, autrement dit qu’il ne vient pas directement de Dieu, mais qu’il passe par la médiation d’un homme, Mahomet, et par d’innombrables rédacteurs. Dans cette perspective, les croyants ont la liberté d’interpréter le texte.

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L’obscurantisme a gagné

Cette conception ouverte a irrigué toute la tradition de l’islam éclairé, les poètes soufis, les philosophes Averroès, Avicenne, ainsi que l’esprit de tous les musulmans modérés qui vivent la religion comme une éthique.
Mais, raconte Malka, un autre courant s’est développé, rigoriste, prétendant appliquer le Coran à la lettre : le hanbalisme. «  Le wahhabisme saoudien et le salafisme sont les émanations les plus extrêmes de ce courant littéraliste », précise Malka.
De la guerre entre ces deux courants découle l’histoire de l’islam  ; les mutazilites, accusés d’hérésie, interdits d’expression, ont perdu. L’obscurantisme a gagné. On connaît la suite.
Je regrette de n’avoir pas plus de place pour vous transmettre toutes les nuances de ce livre. Malka y examine le Coran, interroge brillamment la notion de « blasphème », recontextualise les versets les plus belliqueux, montrant qu’ils motivent non pas l’essence de la foi, mais des rivalités tribales de l’époque. L’appropriation du Coran par les islamistes est une usurpation criminelle.

LIRE UN EXTRAIT

L’avocat Richard Malka publie "Traité sur l’intolérance" (Grasset), texte qui reprend sa plaidoirie prononcé en appel du procès des attentats de janvier 2015.

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Richard Malka, avocat et auteur de "Traité sur l’intolérance" aux Éditions Grasset, répond aux questions de Sonia Mabrouk au sujet de l’attaque à la Gare du Nord, de son traité sur l’intolérance, de la liberté d’expression et du droit au blasphème.

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Travailler tue

Yannick Haenel

Mis en ligne le 25 janvier 2023
Paru dans l’édition 1592 du 25 janvier

Il faut que vous sachiez une chose importante : ma caissière préférée, chez Franprix, n’est plus là. Je ne m’en suis pas aperçu tout de suite, j’imaginais que son absence était le fruit du hasard. Je vais souvent chez Franprix, il arrive même que, dans mon emploi du temps d’écrivain de banlieue, aller chez Franprix soit le seul événement de ma journée  ; mais enfin il se pouvait que mes visites coïncident avec ses heures de repos ou qu’elle ait pris un jour de congé pour commodité personnelle.
Bref, j’avais confiance  ; et bien sûr je souffrais de ne plus voir son beau visage lumineux et de ne plus entendre sa voix chantante, légèrement moqueuse, mais je savais qu’un après-midi prochain je finirais par la revoir et échanger avec elle des banalités qui me réchaufferaient le cœur.

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souvenir

Mais j’ai eu beau faire mes courses de manière plus rapprochée, et multiplier mes incursions chez Franprix avec une frénésie louche, y retournant jusqu’à trois fois par jour, au prétexte que le chat dévorait toutes les croquettes, je ne la voyais plus.

Pas assez aliénée

Je m’enquis de cette absence considérable auprès du gérant, un gros type aux ongles rongés qui fumait cigarette sur cigarette à l’entrée du magasin : « Elle n’avait pas la valeur travail, me dit-il. – Quoi  ? – Ben, elle ne se tuait pas vraiment au travail. – Il faut se tuer au travail  ? – Ben oui, c’est pas le Club Med, ici… Le travail c’est pénible, c’est comme ça… »
Tandis qu’il fumait, je crus lire sur son paquet de cigarettes : « TRAVAILLER TUE ». Ma caissière préférée – celle dont j’aimais précisément la manière de travailler, souple, rapide, empathique – avait été licenciée parce qu’aux yeux de son patron elle n’était pas assez aliénée. Le gérant n’arrêtait plus de prononcer le mot « pénibilité », sans que je comprenne s’il le célébrait ou s’en plaignait.

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Alors en rentrant chez moi, j’ai tapé « pénibilité » sur Internet. C’est un mot relativement nouveau, qui n’apparaît dans le droit du travail qu’en 2012. J’ai découvert qu’il y avait six critères de pénibilité : « Les températures extrêmes, le bruit, le travail de nuit, le travail en équipes successives alternantes, le travail répétitif et les activités exercées en milieu hyperbare (hautes pressions). »

Tout hyperbare

La caisse, chez Franprix, est-elle un « milieu hyperbare »  ? J’ai l’air de rire, mais toutes ces euphémisations gouvernementales ne parviennent pas à cacher ce que le lapsus désinhibé – autrement dit l’impunité – du gérant de Franprix exprimait : travailler, pour un employeur, c’est nécessairement se tuer à la tâche.

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Le monde du travail est-il devenu intégralement « hyperbare »  ? En tout cas, j’entends «  barbare » dans ce mot . Et je suis heureux de travailler chez moi, à écrire pour Charlie ou pour la littérature, sans avoir à me tuer pour ça.

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Toutes les chroniques de Yannick Haenel dans Charlie.

Toutes les chroniques de Yannick Haenel dans Pileface

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Commémoration
Yannick Haenel : « L’attentat contre “Charlie” touche un point irréconciliable de la société française »

Huit ans après le 7 janvier 2015, l’héritage des attentats n’a pas permis de faire fleurir une réflexion sur le fanatisme et ce qui nous relie, estime l’écrivain Yannick Haenel, chroniqueur pour le journal satirique.


(Coco/Libération)
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par Clémence Mary
Libération, publié le 5 janvier 2023 à 16h52

Chaque jour pendant trois mois, fin 2020, l’écrivain Yannick Haenel, lauréat du prix Médicis pour Tiens ferme ta couronne, a assisté au procès des attentats qui ont décimé la rédaction de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015, tuant douze personnes suivi de cinq autres peu après, à Montrouge et à l’Hyper Cacher de Montreuil. Chaque nuit, il a couché par écrit ces témoignages pour les restituer le lendemain sur le site et dans les pages du journal satirique. Huit ans et deux livres plus tard – Janvier 2015. Le procès avec le dessinateur François Boucq et Notre solitude (éditions Les Echappés), le procès terminé, quelle mémoire collective en reste-t-il ? De la confrontation aux paroles et à l’innommable, l’auteur, devenu chroniqueur pour Charlie peu après l’attentat, a tenté de tirer une ligne entre les rescapés et les morts – Charb, Cabu, Wolinski, Tignous, Elsa Cayat, Bernard Maris, Honoré et les autres – et de faire émerger, en parallèle de la vérité judiciaire, soldée par la condamnation de tous les accusés, une certaine vérité de la mémoire. Plus qu’à commémorer, il appelle à se remémorer ces noms, en continuant à penser, par le dessin et l’écriture, les fractures de la société française.

Quel sens revêt pour vous la commémoration, chaque année, de ces attentats ?

Même si je n’en attends rien et que je ne participe pas aux commémorations, ce rendez-vous avec un crime politique majeur est nécessaire pour ne pas oublier. Ma manière d’y être fidèle est de continuer à lire Charlie, et d’y écrire. Je ne lisais pas Charlie avant, mais ces jours de janvier – puis novembre – 2015 sont historiques. Il est bon de continuer à y penser et de se confronter intellectuellement à ce trou abyssal, car au fond, ces crimes font plus que tuer les gens. Ils touchent un point irréconciliable de la société française. Tout ce qui n’est pas traité politiquement se transforme en crime ou en tyrannie à un moment donné, c’est la leçon de l’histoire. Commémorer sert à remettre ces questions sur le tapis, sans cesse. Et c’est de cela que témoigne Charlie.

Que représente cet attentat dans la mémoire collective, huit ans après ?

Ce nom, devenu un symbole après les attentats, est le lieu de beaucoup d’ambiguïtés. Peu de gens lisent et savent ce qui s’écrit à Charlie qui pâtit d’une image, même dans une partie du milieu intellectuel, presque réactionnaire. Mais la lutte contre le fanatisme et le racisme par le rire, historique à gauche, n’a rien à voir avec l’islamophobie. L’héritage de ces journées, qui avaient fédéré la France, s’est étiolé. J’en veux pour preuve l’absence relative de réaction collective forte suite à la tentative d’assassinat de Salman Rushdie. C’est dû sans doute, en France, à une peur croissante de diviser encore plus politiquement la société sur la question de l’islam radical. L’héritage des attentats, qui aurait dû faire fleurir la réflexion sur le fanatisme et ce qui nous relie, a failli. Les procès de Charlie, du 13 Novembre ou de Nice – très peu suivi – semblent s’accompagner d’une volonté d’oubli, organisée par la société elle-même.

Le procès, que vous avez chroniqué jour après jour pour Charlie, a-t-il permis de mieux comprendre ce qui s’était passé ?

En un sens, oui. Cette expérience a été pour moi vertigineuse. Avant lui, j’écrivais dans Charlie par acquiescement ému, reconnaissance de ce qui était arrivé à ces journalistes. Le procès a déplié ce que ces crimes avaient de politique – car c’est ce qu’ils étaient. En éprouvant cette justice et en écoutant les nombreux témoignages, j’ai pu mesurer ce qui s’était passé, tant sur la scène des crimes qu’en matière de malentendus irréconciliables, qui continuent de déchirer la société française, de la petite délinquance de banlieue au grand banditisme instrumentalisé au plan international. Le procès a été une longue tentative de compréhension du mal.

Comment, en tant qu’écrivain, avez-vous contribué à cette vérité de la mémoire, en parallèle de la vérité judiciaire ?

Je suis devenu le témoin de tous les témoins, et ça a changé ma vie. Publiant chaque matin sur le site du journal, je passais mes nuits à écrire, à chaud, et j’étais lu par ceux-là mêmes, mes camarades, qui témoignaient. Ce que j’écrivais n’allait pas toujours dans le sens de ce que les journalistes avaient envie de penser. Leur quête de la vérité était percutée par le dégoût devant le festival des dissimulations – attendues – des accusés. Je les décrivais avec sévérité, et parfois avec empathie. Par exemple j’ai été choqué dès les premières minutes par ces cages en Plexiglas dans lesquelles ces présumés innocents étaient enfermés, exhibés. Elles me semblaient inhumaines et injustes.

Quasi-partie civile comme membre du journal, je me suis jeté à corps perdu dans la retranscription la plus exhaustive possible des paroles, tentant en parallèle de méditer à leur sens. J’étais obsédé par ces paroles fondamentales et contradictoires qui font la beauté de la justice, et j’avais terriblement peur qu’elles soient oubliées donc je notais tout. Il y avait une forme de beauté à se retrouver tous là, au cœur d’un déchiffrement multiple, d’une glose permanente, sans excuser mais pour renouer les fils. J’ai tenté de réunir les vivants et les morts. La justice est le seul lieu, avec le langage, où les deux s’enchevêtrent et sont coprésents. On invoque les disparus, or parler des morts les rend immortels. Ils sont comme rendus à la vie vivante de la mémoire. Comme dans l’amour, ou la poésie.

L’essence de l’écriture, n’est-ce pas aussi cette défense de la parole et de la pensée, contre le nihilisme ?

Les enjeux que ce procès a suscités relèvent de l’herméneutique, d’un déchiffrement passionné de l’existence, d’une plongée dans ce qui peut se dire de plus complexe et innommable. Je me rappelle du témoignage de Zarie Sibony, la caissière de l’Hyper Cacher, qui a duré le même temps qu’a duré la prise d’otages. Cette correspondance m’a frappé, comme si son témoignage remplissait le néant qui était à l’œuvre ce jour-là. Il ramenait à nous la proximité avec la mort et ces revendications injustifiables, tel Job dans la Bible, qui est « celui qui est venu pour nous dire ». Il y avait là une épaisseur métaphysique. Ceux qui ont osé venir parler l’ont fait pour nous tous.

Comment comprendre justement ce « nous » mémoriel, contenu dans le titre de votre livre Notre solitude ?

La communauté de celles et ceux qui ont participé au procès est aussi celle, plus secrètement, de la société française qui a été attaquée dans son être profond. Je suis mélancolique de voir que cette communauté n’a rien d’autre à partager que cette solitude, comme si le lien ne se faisait pas vraiment. La simple addition des solitudes me semble tragique.

Cette mémoire a-t-elle permis de préserver davantage la liberté d’expression aujourd’hui ?

Je n’aime pas cette expression qui me semble trop facile et faible conceptuellement, car elle peut s’appliquer tant à Elon Musk, Donald Trump qu’aux intellectuels iraniens bâillonnés. En étant instrumentalisée par toutes sortes de personnes qui en font un alibi, la liberté d’expression ne fait que faiblir. Charlie l’utilise de façon circonscrite pour désigner l’ironisation des valeurs, notamment religieuses, qui relève davantage de la laïcité. La confusion sur ce point s’est aggravée à mon sens. Dans les écoles, les professeurs craignent l’enseignement civique, surtout depuis l’assassinat de Samuel Paty, que nous avons vécu durant le procès.

Pourquoi avoir rejoint Charlie Hebdo comme chroniqueur après la tuerie ?

Dans cette rédaction, joyeuse et mélancolique, une défense tenace des valeurs de gauche se perpétue, envers et contre tout : l’écologie, la critique du libéralisme, une manière de rire du fanatisme. J’aime Charlie de cette manière, nietzschéenne, comme quelque chose qu’on ne peut pas prendre au sérieux si l’on n’en a pas d’abord ri. Ces journalistes ne sont pas une bande d’anticléricaux n’attendant que de bouffer du curé. Ma position y est d’ailleurs paradoxale, car je suis traversé par le sacré. Charlie est un miroir crispé de ce qui fâche au sein de la société française.

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1 Messages

  • Albert Gauvin | 14 mars 2023 - 20:41 1

    Les deux islams (suite)

    Un voltairien nomme Malka

    par Gilles Hertzog, 6 mars 2023

    Richard Malka signe un captivant vadémécum pour un islam des Lumières, à l’intention des lecteurs, musulmans ou non, d’un Coran rendu à sa complexité, contextualisé dans son temps et ouvert à l’étude : Traité sur l’intolérance (Grasset).
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    Richard Malka (AFP).
    ZOOM : cliquer sur l’image.
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    Le sieur Voltaire, libre-penseur et mécréant bien connu, qui écrivait du christianisme qu’il était la religion « la plus ridicule, la plus absurde et la plus sanguinaire qui ait jamais infecté le monde », continue de faire des siennes, plus deux siècles et demi après son Traité sur la tolérance, via l’un de ses plus fidèles disciples, Richard Malka, avocat du très iconoclaste Charlie Hebdo, puni dans le sang en janvier 2015 par les frères Kouachi au siège-même du journal, pour avoir reproduit neuf ans plus tôt les caricatures sur le thème du Prophète Mohamed parues dans un journal danois en 2005.

    Le 17 octobre dernier dans la salle Voltaire qui n’a jamais mieux porté son nom, devant la cour d’assises spéciale de Paris en appel du procès des attentats de janvier 2015, Malka prononce une exceptionnelle plaidoirie, que publient aujourd’hui les Éditions Grasset, sous le titre tout trouvé – suivez mon regard – de Traité sur l’intolérance, et dont voici un peu de la substantifique moëlle.

    À l’instar de son Maître en esprit, Malka tient pour accusé la Religion. Passant en revue l’islam au grand galop, il remet debout, au passage, quelques vérités concernant le Coran, le prophète Mohamed et les sourates « guerrières » dont s’autorisent faussement les islamistes pour tuer au nom d’Allah.

    Un peu d’histoire. Deux courants naissent en parallèle avec l’islam à la fin du premier millénaire. Le premier est l’école des mutazilites, pour qui ne pas agir selon la raison contredit la nature même de Dieu. Face à lui, les hommes ne sont pas privés de liberté. À ce courant rationaliste va s’opposer un courant dogmatique, l’hanbalisme, qui l’emportera très vite. Il prône une lecture littérale du Coran, texte incréé qui reproduit la parole-même de Dieu. Hors de ce texte sacré – alors qu’écrit soixante-quinze ans après la mort du Prophète par d’innombrables rédacteurs, ainsi que le rappelle Malka. Eh oui, il faut se faire une raison : le Coran a été écrit après Mahomet par d’autres que lui – rien n’existe. Ni pensée, ni spéculation, ni philosophie, ni arts. Tout doit s’effacer, se taire sous peine d’être considéré comme blasphème et puni de mort. Descendants directs de ce courant hanbaliste aujourd’hui : le wahhabisme, le salafisme, les Frères musulmans, les Talibans, Daech, Al Qaïda, adeptes d’un Dieu tout-puissant qui écrase les hommes.

    Sauf que c’est en parfaite contradiction avec le texte sacré que les terroristes se font les instruments auto-proclamés de Dieu, pour verser le sang des mécréants en pure usurpation. C’est Dieu, « le maître de la vengeance », qui seul châtie ou pardonne. Et par définition, cela se passe au ciel (sourate 3, verset 4).

    Quid, tout de même, du fameux verset dit de l’Épée ? « Tuez les infidèles partout où vous les trouverez, capturez-les, assiégez-les, dressez-leur des embuscades. »

    Réponse de Malka : On ne sait si c’est le verbe tuer ou combattre qui a été utilisé. De plus, est-il question des infidèles, des païens ou des polythéistes ? Enfin, le verset suivant de la sourate 9, dit exactement le contraire, incite à la protection des infidèles auxquels il faut « accorder l’asile. » Enfin et surtout, le verset 256 de la sourate 2 proclame qu’« il n’y a pas de contrainte en religion. »

    Sauf, encore une fois, que les théologiens hanbalistes ont inventé la théorie de l’abrogation des versets pacifiques par les versets guerriers, pour les besoins de la cause, quand l’empire arabe a commencé sa prodigieuse expansion militaire.

    Quant aux versets 89 et 91, dits de la « rupture des alliances », à propos des mécréants, « Tuez-les partout où vous les trouverez », il ne s’agit pas de religion mais de rupture politique avec des tribus médinoises, dont des tribus juifs qui refusent l’alliance avec ce prédicateur isolé.

    Quant aux hadiths, ces rapportages d’une communication orale du Prophète comme de ses faits et gestes jadis, ils sont si nombreux, et pour beaucoup si peu fiables, que nombre de théologiens musulmans les écartent, pour ne considérer comme authentique que le Coran.

    Même chose du blasphème, dont font un usage mortifère, devant la plus légère liberté, les fous de Dieu pour perpétrer leurs crimes. Le mot, tout bonnement, n’existe pas dans le Coran. À la place, on trouve le verset 140 de la Sourate 4, que cite longuement Malka : « Quand vous entendez qu’on renie les versets d’Allah et qu’on s’en raille, ne vous asseyez point avec ceux-là jusqu’à ce qu’ils entreprennent une autre conversation. » Pas l’ombre d’un foudroiement.

    Enfin Malka juge que la Torah est un texte bien plus guerrier et punisseur que le Coran, en matière d’apostat, d’adultère, d’homosexualité et du reste. « Ce ne sont pas des textes de paix ni d’amour », conclue-t-il. D’où « que l’on en finisse avec l’obligation de respecter les religions », ces machines à intolérance, à enfermement de l’esprit. Que l’on respecte au pays de Voltaire et ailleurs « le droit d’emmerder Dieu. »

    En bref, voilà un vademecum pratique pour un islam des Lumières, à l’intention des lecteurs, musulmans ou non, d’un Coran rendu à sa complexité, contextualisé dans son temps et ouvert à l’étude.

    À quand, dans l’islam, l’équivalent de la Torah pour la Bible ?

    Crédit : La règle du jeu