4 5

  Sur et autour de Sollers
vous etes ici : Accueil » THEMATIQUES » Sollers et la religion » Benoît XVI : so what ?
  • > Sollers et la religion
Benoît XVI : so what ?

Sollers et le pape émérite

D 5 janvier 2023     A par Albert Gauvin - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


Mort de Benoît XVI : le pape François a présidé les funérailles de son prédécesseur au Vatican

GIF
Le cercueil de Benoît XVI, qui a quitté la place Saint-Pierre sous les applaudissements des fidèles, doit être inhumé dans la crypte où reposait le prédécesseur du pontife allemand, Jean Paul II.
GIF

Le Monde avec AFP
Publié le 5 janvier 2023.


Le pape François préside les funérailles de son prédécesseur, Benoît XVI,
place Saint-Pierre, à Rome, le 5 janvier 2023.

VINCENZO PINTO / AFP. ZOOM : cliquer sur l’image.
GIF

Le pape François a rendu, jeudi 5 janvier, un ultime hommage à son prédécesseur, Benoît XVI, mort samedi à 95 ans, à l’occasion des funérailles de l’ex-pontife allemand dans le cadre solennel de la place Saint-Pierre, à Rome, en présence de 50 000 fidèles auxquels se mêlaient chefs d’Etat et têtes couronnées.

« Benoît (…) que ta joie soit parfaite en entendant la voix [de Dieu], définitivement et pour toujours ! », a lancé le pape lors de son homélie prononcée depuis l’autel dominant la gigantesque esplanade devant la basilique.

Entouré de cinq cardinaux, le pape François, 86 ans, qui présidait la cérémonie des funérailles de son prédécesseur, est arrivé en chaise roulante devant l’autel placé sur la gigantesque esplanade sur laquelle a été déposé le cercueil en bois renfermant la dépouille de Joseph Ratzinger. La cérémonie, ponctuée de prières et de chants, a duré environ une heure vingt.

La messe, de rite latin et en plusieurs langues, était concélébrée par plus de 4 000 cardinaux, évêques et prêtres, mais son caractère exceptionnel résidait dans la présence d’un pape aux obsèques de son prédécesseur, une première dans l’histoire récente de l’Eglise.

Le cercueil de Benoît XVI a ensuite quitté la place Saint-Pierre sous les applaudissements des fidèles. Il doit être inhumé dans la crypte où reposait le prédécesseur du pontife allemand, Jean Paul II, jusqu’à sa béatification, en 2011, date à laquelle son cercueil a été déplacé.

Lire notre nécrologie : Benoît XVI, premier « pape émérite », théologien conservateur devenu pontife malgré lui, est mort

De nombreux dirigeants présents

Conformément à la tradition, le cercueil en cyprès dans lequel repose Benoît XVI contient des pièces de monnaie et des médailles frappées pendant son pontificat, son pallium (vêtement liturgique) ainsi qu’un texte décrivant brièvement son pontificat, placé dans un cylindre métallique. De lundi à mercredi, 195 000 fidèles sont venus à la basilique Saint-Pierre se recueillir devant la dépouille du théologien allemand.


Des religieuses prient devant le corps du pape émérite Benoît XVI,
dans la basilique Saint-Pierre au Vatican, mercredi 4 janvier 2023.

ALESSANDRA TARANTINO / AP. ZOOM : cliquer sur l’image.
GIF

Seules deux délégations, l’Allemagne et l’Italie, ont été officiellement conviées par le Saint-Siège, mais de nombreux responsables politiques, dignitaires religieux et têtes couronnées du monde entier étaient présents. Parmi eux, le roi des Belges, Philippe, les présidents italien, polonais et togolais, l’ex-reine Sophie d’Espagne, ou encore Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur français.

Plus d’un millier de journalistes de 30 pays ont été accrédités pour l’événement et 1 000 policiers mobilisés, ainsi que de nombreux volontaires de la protection civile italienne.

Brillant professeur de théologie, Joseph Ratzinger a été pendant un quart de siècle le strict gardien du dogme de l’Eglise à Rome à la tête de la congrégation pour la doctrine de la foi avant d’être élu pape en 2005. Son pontificat a été marqué par de multiples crises, à l’image du scandale des « VatiLeaks » en 2012, qui avait mis au jour un vaste réseau de corruption au Vatican. Joseph Ratzinger ayant renoncé à son ministère avant sa mort, ses funérailles suivront la liturgie réservée aux obsèques des papes, « avec quelques différences », a expliqué le porte-parole du Saint-Siège, Matteo Bruni.

Le Monde avec AFP

GIF


Alors que la pape Benoit XVI est inhumé ce jeudi 5 janvier, rappelons quelques textes que Sollers lui a consacrés...

2005. Benoit XVI succède à Jean Paul II. Commentaire de Philippe Sollers dans le JDD du 30 avril 2005.
GIF

Pape II (Ratzinger !)

Et maintenant ça continue. Conclave, cardinaux, agitation rouge et blanche, conciliabules, enfermement dans la chapelle Sixtine avec le Saint-Esprit (et toujours Michel-Ange en inspirateur). Que va-t-il se passer ? Est-ce que nous sommes bien dans la fantasmagorie du Da Vinci Code ou dans Anges et Démons du best-seller kitsch Dan Brown ? Quelle fumée va sortir par la cheminée ? Une conservatrice ou une progressiste ? Aura-t-on un pape marié, ou, mieux, ouvertement homosexuel, ordonnant des femmes par milliers, des préservatifs plein les mains ? Un pape contraceptionniste vantant l’avortement et, pourquoi pas, l’utérus artificiel ? Un pape anticapitaliste, socialiste, révolutionnaire, près des pauvres, et vendant toutes les richesses enfouies dans les caves du Vatican ? Suspense.
Et, brusquement, l’épouvante : c’est Ratzinger, un Allemand, surnommé le « Panzercardinal ». Libération, qui avec une exquise délicatesse, avait titré sur la mort de Jean Paul II « La Messe est dite », titre cette fois « Un pape en arrière ». Cette Église catholique et romaine, c’est un fait, n’avance pas. Elle se ferme, elle se bute, elle régresse. Elle est sourde à tous les appels qui montent vers elle, elle méprise la société, elle ne tient aucun compte, encore une fois, de la sexualité et de ses problèmes.
C’est une machine célibataire excluant les femmes, une officine obscurantiste qui ne veut pas voir à quel point nous avons rendu la sexualité attrayante à coup de cinéma, de publicité, de récits tragiques, d’embarras psychologiques incessants, de drames vécus, d’acrobaties diverses comme celle d’Edouard Stern et de Cécile Brossard, les criminels du jour. Ratzinger, le plus conservateur des conservateurs, est intelligent et cultivé, soit, mais quelle importance ? Est-ce qu’il ne lit pas en cachette les oeuvres du penseur nazi Heidegger ? Moi ça ne m’étonnerait pas outre mesure.
Ratzinger ! A-t-on idée ? Et le voici cet Allemand, succédant au trône de Pierre après un Polonais, quelle obstination dans l’erreur. Un Africain, un Sud-Américain, un Indien auraient mieux fait l’affaire. Une Église un peu exotique et populaire serait de meilleur aloi. De plus, ce Ratzinger se fait immédiatement appeler Benoît XVI ? Il y a donc eu quinze papes appelés Benoît avant lui ? Comme des Louis pour Louis XVI ? Cette brusque avalanche de siècles m’effraie.
Benoît XV, je connais un peu, c’est lui qui a essayé sans succès d’empêcher la boucherie de 1914-1918. J’ai vaguement entendu parler de Benoît XIV, au XVIIIe siècle, à qui Voltaire (Voltaire !) a dédié sa pièce injouable aujourd’hui, Mahomet. Mais du diable si je sais exactement qui est saint Benoît, fondateur des bénédictins, quelque part au VIe siècle, lequel, après avoir échappé à un empoisonnement féminin, a été décrété, en 1958, "père de l’Europe et patron de l’Occident". Tiens, Ratzinger-Benoît XVI viendrait de voter européen ? En pleine crise française à ce sujet ? C’est probable.

Philippe Sollers, Le Journal du Dimanche, 30 avril 2005.
Littérature et politique, Flammarion, 2014, p. 374-375.

GIF



Le Journal du dimanche.
Zoom : cliquez sur l’image.

Décidément, les deux derniers papes, Jean-Paul II et Benoît XVI, sont étranges. Le premier, à peine élu, attaque de front l’ex-empire soviétique, soulève la Pologne, prend deux balles dans le ventre, s’en tire miraculeusement, devient une star mondiale, est en voie de canonisation. Il n’est pas pour rien dans la chute du mur de Berlin, mais on lui reproche son peu d’enthousiasme pour le préservatif et le trafic d’embryons. On finit par lui donner une place à Paris, devant Notre-Dame, mais les manifestants sexuels ne sont pas contents. Malaise historique, trouble biologique.
L’autre, Benoît XVI, l’Allemand, jette un petit pavé dans la mare islamique lors d’une conférence universitaire (cf. Foi, Raison et Université : souvenirs et réflexions. Discours de Benoît XVI à Ratisbonne). Il cite un auteur médiéval hostile à Mahomet et à la violence coranique, soulève la colère musulmane qui, comme pour lui donner raison, se déchaîne en hurlements divers, jusqu’à l’assassinat répugnant, en Somalie, d’une religieuse italienne de 70 ans. On lui demande de toutes parts des excuses, mais il se dit seulement désolé, attristé. Le New York Times lui-même trouve le discours papal « terrible et dangereux ». Benoît XVI rallié à la croisade Bush ? Peu probable. Quoi qu’il en soit, scandale aux abysses.
Je lis Benoît XVI : très bonne dissertation, très claire, très convaincante, pas du tout « absconse » comme l’ont dit certains journalistes. C’est une apologie de la raison vivifiée et amplifiée par la foi, qui culmine, selon lui, dans la fusion de la révélation biblique et de l’Antiquité grecque. Si j’ai bien compris, Dieu n’aime pas le sang, le délire, la transcendance inaccessible, le calcul rationaliste borné. Il termine ainsi : « C’est à ce grand logos, à cette immensité de la raison que nous invitons nos interlocuteurs dans le dialogue des cultures. » Mais c’est très bien, ça, et je ne vois que des obscurantistes pour ne pas applaudir. Là-dessus, vous me dites que toutes les religions sont virtuellement déraisonnables et criminelles. Voilà quand même un pape qui vous propose gentiment d’en sortir, « ce qui n’inclut en aucune façon l’opinion qu’il faille désormais revenir en arrière, avant les Lumières, en rejetant les convictions de l’ère moderne ». Très bonne copie, 16/20.

Philippe Sollers, Le Journal du Dimanche, 24 septembre 2006.
Littérature et politique, Flammarion, 2014, p. 496-497 [1].

Benoît XVI, un pape méconnu : l’homme du discours de Ratisbonne

31 décembre 2022

Alors qu’elle couvre l’actualité du Vatican pour La Croix, le 12 septembre 2006, Isabelle de Gaulmyn assiste au discours que Benoît XVI prononce à Ratisbonne, en Allemagne, sur les liens entre foi et raison. Ce jour-là, malgré lui, le pape suscite la colère de nombreux musulmans et déclenche une polémique mondiale. Isabelle de Gaulmyn revient sur cet épisode qui illustre les difficultés du Saint-Siège face au fonctionnement médiatique moderne. Dans ce podcast, les grandes signatures de La Croix qui ont croisé la route du cardinal Joseph Ratzinger dressent le portrait d’un pape méconnu.

GIF
GIF
GIF


Benoît XVI a écrit deux volumes sur Jésus de Nazareth. En 2007 puis en 2011, Philippe Sollers consacre un article à chacun d’entre eux.
GIF

Le livre du pape

On se dit : bon, un livre du pape, ça va être la barbe, de la morale fade, de la propagande familiale pour la chasteté avant le mariage, bref, toute la gomme dès qu’il s’agit de cet emmerdeur en blanc. On ouvre donc ce « Jésus de Nazareth » avec toutes les préventions possibles. Et là, surprise : le bouquin est passionnant. Vous la connaissez réellement, cette histoire ? Allons donc, des souvenirs flous, des niaiseries dévotes ou anticléricales, des images pieuses ou du cinéma endiablé. Personne, depuis plus de deux mille ans, n’a fait autant parler, trépigner, fantasmer, convulser, paradis par-ci, enfer par-là, sorcières, croisades, Inquisition, saints, saintes, criminels en tout genre.

On se calme : de quoi, ou plutôt de qui, s’agit-il ? Joseph Ratzinger, Benoît XVI, commence modestement par nous rappeler que la parole, en elle-même, comporte une « plus-value intérieure » , dimension que le monde accéléré du profit et de la communication nous fait sans cesse ignorer. Quelqu’un parle d’une certaine façon, agit selon ce qu’il dit, il sort de la Bible, bien sûr, ou plutôt il la déploie avec autorité par lui-même. Qu’il soit le fils du Dieu vivant se révèle peu à peu, c’est lent, c’est éprouvant, c’est infiniment tragique et finalement joyeux. Suivez donc le récit pas à pas. Que signifie le baptême de Jésus ? Les tentations que lui présente le diable (car le diable existe bel et bien, vous n’avez aucune raison sérieuse d’en douter) ? Que veut dire « Royaume de Dieu ? » Et le « Sermon sur la montagne » ? Connaissez-vous vraiment le « Notre Père » ? Qu’est-ce qu’une parabole, et pourquoi est-il nécessaire de s’exprimer de cette façon ? Le chapitre sur les grandes images de l’Evangile de Jean est magnifique : l’eau, la vigne, le vin, le pain, voilà de l’inépuisable.

Les catholiques, avec leur messe et leur transsubstantiation, ne connaissent pas leur effarante singularité universelle. Jean-Paul II a été une superstar inattendue ; Benoît XVI, avec son intériorité fervente et savante, commence à inquiéter sérieusement le spectacle de la dévastation globale. Il a déjà très mauvaise réputation. C’est parfait.

Philippe Sollers, Le Nouvel Observateur du 24 mai 2007.

*


Jésus de Nazareth de Benoît XVI

Entretien avec Philippe Sollers et Jean-Luc Marion

Le Pape à la source

Propos recueillis par BENOÎT CHANTRE et PAUL-FRANÇOIS PAOLI.

LE FIGARO LITTÉRAIRE. - Quel sens accordez-vous au livre de Benoît XVI sur Jésus de Nazareth ?

Jean-Luc MARION - Ce livre, à propos duquel Benoît XVI précise qu’il ne relève pas du magistère, mais d’un théologien parmi d’autres et qu’on est donc parfaitement libre de le contredire, pose une question centrale : celle de la méthode de lecture des Écritures. Depuis ses débuts, l’exégèse historico-critique a privilégié, sous des formes diverses, le même schéma dominant : nous n’avons par de compte rendu des événements historiques de la vie de Jésus parce que les récits proviennent de rédactions faites après la mort du Christ qui surinterprètent et « théologisent » son histoire. Dans cette optique, l’histoire consignée dans le Nouveau Testament atteste la foi chrétienne postérieure, non les faits historiques. Dans son livre sur Jésus, Joseph Ratzinger propose une optique inverse : la grandeur inouïe de l’événement Jésus ne peut pas naître de commentateurs tardifs, incapables de s’élever aux hauteurs spéculatives de la mort et de la Résurrection (où les auraient-ils trouvées ?), mais de l’événement lui-même. La grandeur ne surgit pas, inexplicablement, de tardifs épigones, mais du commencement lui-même. Les Écritures doivent, insiste-t-il, se lire du point de vue de celui qui s’y donne. N’oublions pas la première occurrence de la notion d’exégèse : « Dieu, nul ne l’a vu. Mais le Fils, qui est dans le sein du Père, en a fait l’exégèse. » (Jean 1, 18). Ni celle d’herméneutique, lorsque le Christ lui-même « fit l’herméneutique des Écritures » le concernant aux pèlerins d’Emmaüs (Luc 24, 27).

Philippe SOLLERS - Ce qui m’intéresse ici, c’est l’implication personnelle de ce pape pour revenir à la question fondamentale : qui est le Christ ? Je vérifie chaque jour que les Évangiles sont ignorés, y compris des chrétiens eux-mêmes. Le Pape revient à la source. Il commence par le baptême de Jésus et montre comment ce personnage devient le Christ. Il nous fait sentir, dans un chapitre qui s’appelle « Les Tentations de Jésus », que le diable est bien là. Satan existe : il tente Jésus lui-même. Il lui demande de montrer sa puissance en transformant les pierres en pain, etc. Il y a aussi un chapitre sur le royaume de Dieu, puis le sermon sur la montagne et les Béatitudes... Et un autre sur la prière. Comment Jésus prie-t-il ? Les paroles du Notre Père, qui sait encore ce qu’elles signifient ? Enfin, il y a un chapitre admirable sur les images de l’Évangile de Jean. L’eau, la vigne, le vin, le pain : ce sont des fondamentaux. Il faudrait parfois que les catholiques se rappellent pourquoi ils ne sont pas protestants. À travers les paroles du Christ, le pain devient corps et le vin, sang. Il faut rappeler ces choses-là, qui ne sont plus guère connues ni ressenties. Enfin, il y a les affirmations de Jésus sur lui-même : Fils de l’homme, Fils de Dieu et surtout « Je suis » le Christ qui apporte la vie, c’est-à-dire l’idée que le pacte avec la mort est rompu. Souvenons-nous du discours de Jean-Paul II contre « la culture de mort ».

Ce pape philosophe vous paraît-il être dans la continuité de Jean-Paul II ?

Ph. S. - Ces deux papes semblent différents, avec des expressions et un charisme qui peuvent paraître opposés. Pourtant, ils me semblent unis par un lien de continuité. Rappelons d’abord que Jean-Paul II a été un pape historique. N’oublions pas l’assassinat raté de la place Saint-Pierre de Rome, le 13 mai 1981. Ni l’extraordinaire soulèvement polonais à l’époque où existait encore l’URSS. Un très grand pape, donc. Arrive Joseph Ratzinger. Il choisit son nom en référence à la lignée des Benoît qui ont essaimé dans l’histoire. Le premier étant le saint patron de l’ordre bénédictin, mais il y en aura d’autres. Je n’en cite que deux. Benoît XIV, le pape dit « des Lumières », avec qui Voltaire avait des relations courtoises. Et Benoît XV qui, durant la Première Guerre mondiale, a répété dans le désert que si Français et Allemands continuaient leur boucherie réciproque, il risquait de se produire en Europe un phénomène terrible. Ce que nous avons vu avec, d’un côté, l’empire totalitaire soviétique, de l’autre, la cicatrice brûlante du totalitarisme hitlérien et finalement le ravage et la destruction de l’Europe. Ce qui m’intéresse, c’est, par exemple, que Benoît XV ait fait une déclaration à propos de Dante en 1921 en rappelant que celui-ci était une des plus hautes autorités poétiques et métaphysiques de la chrétienté. Un Dante que Benoît XVI évoque à son tour dans son livre quand il commente la descente du Christ en enfer. Cette continuité invisible entre les papes est autrement décisive que cette fixation des médias sur les questions sexuelles. Le tintamarre permanent qui se fait autour de l’obsession sexuelle (avortement, contraception, chasteté...) nous cache l’essentiel : le rôle décisif de Jean-Paul II dans l’écroulement de l’empire soviétique. Et ce livre passionnant de Benoît XVI sur Jésus de Nazareth.

J.-L. M. - Je souscris à ce que vous dites. J’ajoute que la polémique récurrente sur l’enseignement des papes est peut-être une manière pour nos sociétés d’avouer leurs contradictions. Il suffit que le pape parle pour que des gens qui ne veulent surtout pas être catholiques y voient un reproche personnel. N’est-ce pas une manière de reconnaître son magistère spirituel ? Alors, admettons que nous sommes tous un peu catholiques. Mais revenons à l’essentiel. Les Évangiles décrivent un événement qui n’est autre que la personne du Christ. Tout au long des récits, ses interlocuteurs découvrent tout à coup que celui-là n’est pas comme eux. Comprendre les Évangiles, c’est comprendre pourquoi Jésus a été mis à mort. Car si on s’en tient à une interprétation banale et humaniste du texte, il n’y avait aucune raison de le mettre à mort. Jésus a été mis à mort par des gens qui avaient une bonne raison de le faire. Qu’est-ce qui les a tant scandalisés ? Ce que disait le Christ sur tel ou tel sujet, par exemple la critique du ritualisme des pharisiens partagée par de nombreux rabbins ? Non. Ce qu’ils ne pouvaient admettre, c’est qu’il puisse être le Fils de Dieu. Il accomplit toute la révélation en disant : « Je suis. » (Jean 8 et 12 reprend Exode 3, 14). Il assume le seul nom que Dieu se donne. Voilà la raison pour laquelle il est mis à mort par ceux qui disent que Dieu est trop grand pour s’incarner en un homme, sans imaginer un instant que Dieu a peut-être une autre vision de la transcendance que la nôtre, si humaine. Peut-être, en effet, que du point de vue de Dieu, il n’y a rien de plus grand que de s’incarner. Voilà qui est insupportable pour certains juifs et, d’une certaine manière, pour tout homme. Nous sommes tous convaincus que nous ne méritons pas que Dieu en fasse autant pour nous. Nous préférons qu’il reste rivé à sa transcendance et nous laisse vaquer à nos petites affaires.

Les interventions du Pape semblent contestées dans l’opinion, y compris chez les catholiques. Ce livre peut-il aider à inverser le phénomène ?

Ph. S. - Nous sommes face à une guerre de désinformation qui déforme tout ce que peut dire tel ou tel pape. Récemment, un article du Nouvel Observateur, repris du journal italien Il Manifesto, affirmait que le Pape avait une vision désespérée de la société. Une vision quasiment wagnérienne du monde. Il serait un admirateur de l’auteur du Crépuscule des dieux, sa culture serait trop allemande, etc. L’article affirmait aussi que, « peu convivial », il restait en tête à tête avec son secrétaire particulier, un Bavarois aux yeux bleus. Nous sommes dans Les Damnés de Visconti. C’est embêtant de désinformer à ce point quand on sait que la première chose qu’a faite ce pape-là, c’est de préciser à quel point il admirait Mozart qu’il jouait constamment au piano. Vous allez me dire : un pape qui joue du Mozart, quelle importance ? Un détail. Certainement pas. Un pape qui joue une sonate de Mozart, voilà qui atteste, de mon point de vue, que Dieu existe.

J.-L. M. - L’enjeu d’un livre comme celui-ci est de suggérer aux exégètes que le Christ n’est pas l’homme d’un événement banal, et aux croyants que le Christ n’est ni un exemple, ni un prophète, ni même un saint, mais Dieu, sans autre commentaire. L’originalité radicale du Christ n’est pas de dénoncer la mort et la souffrance, mais le fait de les vaincre par la Résurrection. Ce rappel est un antidote à la culture de mort dans laquelle nous baignons. Ce dont Ratzinger veut nous convaincre dans ce livre, c’est que le Christ n’apporte rien d’autre que lui-même. Il dit : « Je suis le chemin, la vérité, la vie. » Tout ne devient pas possible, mais tout devient réel. Saint Paul le dit :
« Dans le Christ, les promesses de Dieu ont leur oui. » (2 Corinthiens 1, 20).

Le Figaro littéraire du le 24 mai 2007.

***



par Philippe Sollers

Pour l’auteur de « Paradis », le pape Benoît XVI signe, avec « Jésus de Nazareth », un ahurissant roman policier et métaphysique.
GIF

« Jésus de Nazareth. De Nazareth à Jérusalem »,
par Joseph Ratzinger Benoît XVI,
Rocher, 448 p., 22 euros.


Ce Benoît XVI est étrange : il a compris et vérifié que presque plus personne ne savait qui était exactement son Dieu, pourtant célébré, chaque jour, aux quatre coins de la planète. Il s’est donc mis, avec humilité, au travail, d’où ce deuxième volume, intitulé, lui aussi, « Jésus de Nazareth ». Il suit le personnage principal, depuis sa montée triomphale à Jérusalem, jusqu’à son procès, sa crucifixion et sa résurrection. Il s’ensuit un polar métaphysique ahurissant, le contraire d’un film (et Dieu sait s’il y en a eu sur cette affaire qui occupe les siècles !) parce que vécu de l’intérieur. Le pape lit, raconte, commente avec clarté, il connaît sa Bible et ses Evangiles sur le bout des doigts, aussi à l’aise avec l’hébreu qu’avec le grec, en finit avec le cliché des « juifs déicides », décrit le contexte politique de l’époque, mais pour insister sur le fait que l’événement Jésus ne doit pas être imaginé au passé, mais maintenant, ici, tout de suite. Vous êtes écrasés par l’idée de la mort ? Vous haussez les épaules si on vous parle de « vie éternelle » ? La vie éternelle n’est pas ce qu’on croit :

« L’expression "vie éternelle" ne signifie pas — comme le pense peut-être d’emblée le lecteur moderne — la vie qui vient après la mort, alors que la vie présente est justement passagère et non pas une vie éternelle. "Vie éternelle" signifie la vie elle-même, la vraie vie, qui peut être vécue aussi dans le temps et qui ensuite ne s’achève pas par la mort physique. C’est ce qui nous intéresse : embrasser d’ores et déjà "la vie", la vraie vie, qui ne peut plus être détruite par rien ni par personne. »

Les premiers chrétiens, rappelle le pape, se sont nommés eux-mêmes « les vivants », suivant la parole extraordinaire du Christ rapportée par Jean :

« Qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. »

On voit l’ampleur du blasphème pour tous les amis ou les gestionnaires de la mort. Staline n’avait pas tort de demander « le pape, combien de divisions ? », en ajoutant « à la fin, c’est toujours la mort qui gagne ». Hitler, dans son genre, s’est acharné à prouver qu’il était un grand prêtre déchaîné de la mort. Mais Dieu est « le Vivant », et, contre toute attente, il y a encore des papes. Le dernier en date, très différent de son bienheureux prédécesseur, est un théologien subtil et d’un rare talent narratif. Il n’hésite pas, à propos de la Résurrection, point clé du récit, à parler d’une « mutation décisive ». Le nouveau Temple est le lieu d’une adoration « en esprit et en vérité », et le corps du Ressuscité, qui ne doit plus rien à la biologie, est un saut qualitatif dans le flux des générations humaines. Il ne vient pas du monde des morts, ce n’est ni un « esprit » ni un fantôme, ses manifestations, après sa résurrection, montrent la surprise des témoins qui ne le reconnaissent pas d’abord, mais seulement quand il disparaît (séquence des pèlerins d’Emmaüs, scène inouïe des pécheurs sur la plage). Le pape écrit :

« Il est totalement corporel, et, cependant, il n’est pas lié aux lois de la corporéité, aux lois de l’espace et du temps. »

C’est là où la science ou le simple bon sens crient au délire, mais c’est là aussi que toutes les dérives mystiques ou spiritualistes viennent buter sur un fait matériel d’une totale nouveauté. Et sur quoi vous fondez-vous pour affirmer cette révélation folle qui chemine, presque inaperçue au début, et de plus en plus combattue ensuite ? Oui, sur quoi ? Sur la Parole. Le personnage dit :

« Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas. »

Le pape souligne :

« La parole est plus durable et plus réelle que le monde matériel tout entier. »

Au pays des morts, ici, seule la parole est vivante. Comment un écrivain pourrait-il ne pas sentir ça ? Il fait nuit, nous voyageons le plus souvent entre des massacres et des catastrophes, le Diable veille, son nom est Désespoir, mais personnellement, je trouve bon qu’une petite lumière reste allumée, très longtemps, à Rome, et qu’un vieil homme en blanc continue à méditer son fabuleux polar.

Philippe Sollers, Le Nouvel Observateur du 7 avril 2011.

En résumé : Sollers parle du deuxième tome de « Jésus de Nazareth » sur Radio Vatican.

VOIR AUSSI

LIRE : Jésus de Nazareth. Extraits.

GIF


Pape

Le Diable existe-t-il ? On se le demande à propos du tueur coréen en action sur un campus de Virginie (32 morts), mais Jonathan Littell, un expert, nous assure qu’il s’agit d’un écrivain qui n’a pas pu s’exprimer jusqu’au bout. Benoît XVI hoche la tête, et contre-attaque sur la question des bébés non baptisés. Avant, ils allaient dans les limbes, ni sauvés ni damnés, dans une bordure de l’enfer déjà comble. Terminé : ils iront maintenant droit au paradis. Ça fera du monde, mais la mesure est progressiste, même si tardive. Cependant, il y a plus drôle. Dans un article plutôt réprobateur du Nouvel Observateur, je vois repris un article italien de gauche disant qu’on « se souviendra de Benoît XVI comme d’un pape désespéré. Chacune de ses paroles est inspirée par une vision sombre, quasi wagnérienne de la société ». Ici, le comique et la désinformation augmentent. Reprenant ce propos, Marie Lemonnier et Marcelle Padovani ne craignent pas en effet d’écrire : « Wagner ? Benoît XVI est un fervent admirateur du créateur du Crépuscule des dieux. A Rome, certains critiquent son goût trop prononcé pour la culture allemande... Aux dîners conviviaux, il préfère les tête-à-tête avec don Gänswein, son secrétaire particulier, un grand Bavarois aux yeux bleus de 50 ans. »
Pauvre Benoît XVI ! Il n’a pas cessé, depuis son élection, de rappeler sa prédilection pour MOZART, dont il joue très bien les sonates au piano. Peine perdue, personne ne veut enregistrer cette information, pourtant capitale. Suivez mon regard : Wagner, culture allemande, secrétaire masculin particulier aux yeux bleus, l’affaire est entendue, nous sommes chez les Damnés eux-mêmes.

Philippe Sollers, Le Journal du mois, 29 avril 2007.
Littérature et politique, p. 527-528.

GIF


Il faut parler dans toutes les langues


Ligne de risque 23, novembre 2007. Manet, <i>Lola de Valence</i>, 1862.

Entretien avec Philippe Sollers (extraits)

Questions
de Yannick Haenel et François Meyronnis

Benoît XVI, dans son Jésus de Nazareth, évoque une « plus-value intérieure de la parole » qui rendrait possible une relecture incessante des textes et une amplification des énoncés à travers le temps. Provision de relance, la parole serait infinie et pas du tout restreinte à la communication : elle ne cesserait de s’alimenter à partir d’elle-même. Il suffit à chaque fois que quelqu’un écoute la parole dans sa provenance. Quand cette condition est remplie, le langage se déploie et nourrit spirituellement la personne qui se fait le témoin d’un tel déploiement. Rien n’est plus étranger à l’époque actuelle, marquée par un nihilisme subjectiviste, que cette conception pontificale (partagée, sur d’autres bases, par l’exégèse juive). Mais n’a-t-elle pas, au fond, une certaine parenté avec la vôtre ? [...]

L’existence d’un pape, en ce commencement du XXIe siècle, ne va pas de soi. La continuité du trône pontifical, par-delà les Temps modernes, revêt un caractère étrange et presque miraculeux. Avant les bouleversements du XXe siècle, il y a eu la Révolution française. On connaît le sort que Napoléon a fait subir à Pie VII. A ce moment-là, on pouvait penser que la papauté relevait d’un monde défunt. Joseph de Maistre a raison d’écrire, en 1810, cette phrase, à la fois lapidaire et juste : « La résurrection du trône pontifical a été opérée contre toutes les lois de la probabilité humaine. » Ces lois postulaient en effet l’évacuation du Pape. On en avait fini avec ce personnage encombrant. Et pourtant, ça continue. Nous avons même eu un pape guerrier, dont l’action géopolitique est en partie à l’origine de l’effondrement du Mur de Berlin. Je parle de Jean-Paul II, bien entendu. Mais il n’y a pas que ce pape-là. A travers la personne de Benoît XVI, toute la succession apostolique se tient devant nous, comme un défi au monde.

Que veut dire le Pape lorsqu’il évoque, dans son Jésus de Nazareth, une « plus-value intérieure de la parole » ? Marx, quand il invente la plus-value, est très fier de son concept. La plus-value comme sur-travail lui semblait une grande avancée théorique, permettant de mettre au jour les soubassements de l’économie capitaliste. La plus-value, en termes marxistes, détermine la valeur du sur-travail. De quoi s’agit-il ? Eh bien, il s’agit d’un travail non payé, accompli par le travailleur au profit du capitaliste. C’est donc la base même de l’accumulation du capital. La valeur du sur-travail est égale à la quantité de travail moyen incorporé dans le sur-produit. Au travailleur, la société capitaliste achète sa force de travail. On rémunère celle-ci juste assez pour qu’elle se reproduise. Ce qui n’est pas payé au travailleur, c’est la plus-value. Sans elle, impossible d’accumuler du capital. Au XIXe siècle, les choses fonctionnaient ainsi. Mais la situation a changé. Il n’y a plus de « bourgeoisie », et la rotation du capital est prise dans la mise à disposition générale de tout l’étant, y compris de la parole .
Alors, pourquoi Benoît XVI reprend-t-il à son compte un terme de la casuistique marxiste ? Et pourquoi l’applique-t-il à la parole ? Peut-être veut-il dire, en affirmant l’existence de cette « plus-value intérieure », que la parole est devenue prolétaire ? Dans ce cas, quelle part de son travail échappe à une rétribution ? De toute façon, lorsque le Pape émet l’hypothèse d’une plus-value de la parole, il reste pris dans les limites de la métaphysique. En effet, le déploiement de la parole n’a rien à faire avec la valeur, sous quelque forme que ce soit. Car la valeur est engrenée dans un système économique global qui aujourd’hui s’étend à l’échelle de la planète. Néanmoins, le Pape a raison de reprendre la formulation marxiste. Il indique par là à quel point la parole est arraisonnée par le circuit de l’échange généralisé. A quel point elle est sommée de jouer le rôle d’une force de travail à partir de laquelle le système dégage une plus-value. Nous assistons pour la première fois dans l’histoire à une accumulation gigantesque de plus-value touchant la parole. Ce forçage de la parole, on peut le constater partout et à chaque instant. Il est en cours.

Il suffirait, vous avez raison, que quelqu’un écoute la parole dans sa provenance. Malheureusement, ce quelqu’un devient de plus en plus improbable. Et cela parce que la parole elle-même, réduite à une communication globale, s’intègre comme force de travail dans un système qui vise à produire de la plus-value non-pensée. La provenance est effacée, l’écoute rendue impossible. Le détour marxoïdo-papal permet d’identifier assez nettement la prolétarisation de la parole. Celle-ci ne concerne pas seulement les classes les plus défavorisées, mais tous les niveaux de la société. Nietzsche le dit à sa manière : « Plèbe en haut, plèbe en bas ». [...]

Il m’est arrivé d’insister sur cette image insolite : un pape jouant au piano du Mozart. La rencontre entre la musique de Mozart, un piano et un pape me paraît encore plus étonnante que celle d’un parapluie et d’une machine à coudre sur une table de dissection. Mais quand le Pape ne joue pas du piano, il lui arrive, de manière à la fois précise et rigoureuse, de commenter ce texte dont nous pouvons vérifier chaque jour que personne n’en connaît rien, si tout le monde croit le connaître : c’est de l’Évangile que je parle, le livre le plus ressassé et méconnu de l’Histoire. Benoît XVI examine les récits, les anecdotes, reprend les unes après les autres les paraboles. Qui connaît encore ce genre de choses ? L’apparition de Satan, qui l’a en tête ? Etrange personnage, n’est-ce pas ? Cela semble battu et rebattu, et pourtant on le découvre ici comme pour la première fois.

Le Pape est humble et honnête. Il se contente de faire jouer le texte devant nous. Il se livre à un bord à bord avec la tradition juive, jusqu’au point où cela ne peut plus marcher. Ce point, c’est celui où le Christ dit : « C’est moi. » Il formule la chose temporelle ainsi : « Avant qu’Abraham fût, je suis. » Pour Israël, cet énoncé est un objet de scandale. C’est lui qui sépare l’Eglise et la Synagogue. La question du « Je suis » partage les Juifs et les chrétiens. La proposition christique est violemment anti-biologiste. D’une certaine manière, il est difficile de concevoir un énoncé plus inactuel. À notre époque, on assiste en même temps à une expropriation de la parole et à la prise en main de la reproduction des corps par la technique. C’est pourquoi revenir sur la manière dont le Verbe s’est incarné présente le plus vif intérêt. Lire le Pape est à mon sens un geste subversif. Cela prouve que nous n’en sommes plus à l’âge des Temps modernes. Ce qui m’amuse, c’est que toute une propagande mettant en avant ce que j’appelle, à la suite de Queneau, la « sessualité », passe son temps à attaquer, sur ce point, l’Eglise catholique, apostolique et romaine.
À ce propos, je défendrai toujours le catholicisme, mais je récuse comme une illusion ce qu’on appelle banalement le christianisme, terme vague et confus, derrière lequel se cache une formulation protestante. Il n’y a pas non plus de « judéo-christianisme ».
Le « sesse » et la parole : l’Église romaine met en relief les deux points où ça crise. C’est pourquoi elle est honnie journellement, à travers tous les moyens de la propagande médiatique.
Un matin, le vieux Lacan, tout ébouriffé par une nuit de concentration, est arrivé à son séminaire avec un concept dont il était très content. Il s’agissait du « plus-de-jouir », qui fait fond, lui aussi, sur la plus-value. N’y a-t-il pas un lien entre la « plus-value intérieure de la parole » qu’évoque le Pape et le « plus-de-jouir » inventé par Lacan ? Mais oui. Pour qu’il y ait du plus-de-jouir, encore faut-il qu’il y ait du plus-de-parole. Evidemment, c’est là aussi que le bât blesse. On se retrouve devant une énorme accumulation de ratages. Vieille histoire, que l’Evangile prend à revers. C’est même pourquoi ce texte, si simple en apparence, se révèle si difficile à comprendre pour le « parlêtre ».
(Le texte intégral)

GIF


Le Requiem de Mozart vu par Benoît XVI

Le 7 septembre 2010, dans la cour du Palais Apostolique de Castel Gandolfo, un concert en l’honneur du Pape a été offert par l’Académie pontificale des Sciences. Au programme, la Messe de Requiem en ré mineur K 626 de Wolfgang Amadeus Mozart. Benoît-et-moi a traduit le discours de Benoît XVI suite au concert.
GIF

« Chers amis,

Je remercie chaleureusement l’Orchestre de Padoue et de la Vénétie et le Choeur "Accademia della voce" de Turin (..) pour nous avoir offert ce moment de joie intérieure et de réflexion spirituelle avec une intense exécution du Requiem de Wolfgang Amadeus Mozart (...) .

Nous savons que le jeune Mozart, dans ses voyages en Italie avec son père, séjourna dans plusieurs régions, y compris le Piémont et la Vénétie, mais nous savons surtout qu’il mit à profit la florissante activité de la musique italienne , caractérisée par des compositeurs tels que Hasse , Sammartini, le Père Martini, Piccini , Jommelli , Paisiello , Cimarosa, pour en citer quelques-uns .

Permettez-moi toutefois de dire une fois de plus qu’il y a une affection particulière qui me lie , je pourrais dire depuis toujours, à ce musicien suprême. Chaque fois que j’entends sa musique je ne peux m’empêcher de retourner avec la mémoire, comme jeune garçon, dans mon église, là où, les jours de fête , résonnait une de ses messes : dans mon coeur je percevais qu’un rayon de la beauté du ciel m’avait atteint , et ce sentiment, je le ressens à chaque fois, aujourd’hui encore, en écoutant cette grande méditation , dramatique et sereine, sur la mort.

Dans Mozart, chaque chose est en parfaite harmonie , chaque note, chaque phrase musicale est ainsi, et ne pourrait donc pas être autrement ; même les contraires sont réconciliés, et la mozart’sche Heiterkeit, la "sérénité de Mozart" enveloppe tout , à chaque instant. C’est là un don de la grâce de Dieu , mais c’est aussi le fruit de la foi vivante de Mozart , qui - en particulier dans sa musique sacrée - parvient à faire transparaître la réponse lumineuse de l’amour divin qui donne l’espérance , même lorsque la vie humaine est lacérée par la souffrance et par la mort.

Dans la dernière lettre écrite à son père mourant , datée du 4 avril 1787, il écrit, parlant de l’ultime étape de la vie terrestre ... : "depuis quelques années, je suis entré dans une telle familiarité avec cette amie sincère et très chère de l’homme, [la mort] , que son image non seulement n’a pour moi plus rien plus terrifiant, mais m’apparaît même très apaisante et consolante ! Et je remercie mon Dieu de m’avoir donné la chance d’avoir la possibilité de reconnaître en elle la clé de notre bonheur. Je ne vais jamais au lit sans penser que demain, je serai peut-être parti . Pourtant, aucun de ceux qui me connaissent ne pourront dire qu’en société , je suis triste ou de mauvaise humeur. Et de cette chance, tous les jours je remercie mon Créateur, et je la souhaite de tout mon cœur à chacun de mes semblables.

C’est un écrit qui manifeste une foi simple et profonde , qui émerge aussi dans la grande prière du Requiem, et nous conduit , dans le même temps, à aimer intensément les vicissitudes de la vie terrestre comme un don de Dieu, et à nous élever au-dessus d’elle , en regardant sereinement la mort comme "clé" pour franchir la porte vers la félicité éternelle.

Le Requiem de Mozart est une haute expression de la foi, qui connaît bien la tragédie de l’existence humaine et qui ne tait pas ses aspects dramatiques , et qui est pour cela une expression de foi spécifiquement chrétienne, consciente que toute la vie humaine est illuminée par l’amour de Dieu.

Merci encore à tous [2]. »

LIRE AUSSI : La musique de Benoît XVI (où vous découvrirez que le pape aimait aussi le Quintette pour clarinette et cordes en la majeur K. 581 de Mozart).

GIF


Le pape et Mozart

La nouvelle, l’été dernier, est passée presque inaperçue. Le pape Benoît XVI, pendant ses vacances dans le Val d’Aoste, disait se reposer et jouer de temps en temps, au piano, son musicien préféré : Mozart. Une autre nouvelle, tout aussi insolite, a suivi, n’entraînant (comme c’est étrange) aucun commentaire. La responsable des appartements pontificaux n’est plus une religieuse, mais une Allemande de 56 ans, Ingrid Stampa (quel nom !), faisant ses courses à bicyclette dans Rome, mais surtout spécialiste de musique médiévale et virtuose de la viole de gambe.

Un pape, Mozart, une violiste, que demander, surréalistement, de plus ? On se croirait dans un de mes romans, comme quoi la réalité rejoint parfois la fiction quand celle-ci connaît la musique.

On m’accordera sans peine que ce n’est pas tous les jours qu’un pape joue du Mozart. Après le tank Jean-Paul II, les doigts de Benoît XVI. Ce pape allemand n’est donc pas fasciné par Wagner ? Voilà une nouvelle qui aurait plu à Nietzsche. Je vois son sourire d’ici. Mais vous me dites aussitôt que ce pape est réactionnaire, et c’est tout de suite la litanie : pas de femmes prêtres, préservatif, sida, pédophilie, contraception, avortement, homosexualité, mariage des prêtres, crise des vocations, églises vides, retardement de l’oecuménisme, absence de collégialité et de démocratie, embargo sur les embryons. A peine ai-je prononcé le nom de Mozart, vous prononcez celui du héros préféré des Français, le bon, pauvre, exemplaire et saint abbé Pierre. Je m’incline, je n’ai rien dit. Tout de même, ce pape a tenu à ce qu’on sache qu’il aimait jouer du Mozart. N’y a-t-il pas là un message ? Un signal pour initiés ? Un geste éminemment historique et politique ? Une proposition d’alliance entre esprit des Lumières et Saint-Siège ? On peut se le demander. Après tout, Voltaire, en son temps, n’a pas hésité à dédier sa pièce « Mahomet » à Benoît XIV, qui d’ailleurs l’en a remercié en lui envoyant sa bénédiction. Le rappel de cette anecdote accentue, chaque fois, le sourire de Nietzsche. N’oublions pas que le pape est un chef d’Etat, et qu’on aimerait savoir si Bush, Poutine, Sharon et tous les présidents iraniens, syriens ou autres pourraient, avec un peu d’effort, pianoter du Mozart. Ce serait rassurant pour l’avenir de la planète. Mais je crains de n’être pas suivi sur ce point. Il y a en tout cas, jour et nuit, beaucoup de bruit et de fureur pour pas grand-chose, se dit parfois Benoît XVI, après une journée de travail épuisante et des rencontres en plein air où il a été obligé d’écouter beaucoup de très mauvaise musique. Il rentre dans ses appartements, sa violiste lui joue un air, le silence s’approfondit. Puis il va vers son piano, et Dieu existe.

La musique de Mozart est celle de l’acceptation de la douleur, dans un parcours d’élévation vers la sagesse.

Philippe Sollers, Le Nouvel Observateur, n°2146-2147.

GIF
GIF


«  Vive Benoît XVI à Beyrouth ! Honte aux meurtriers, quels qu’ils soient ! Courage dans ta barque, vieil homme, sur l’océan déchaîné de la folie humaine !  »
GIF

Philippe Sollers, dimanche, 16 septembre 2012, 20h00 [3]


GKG et S Zh.

GIF


« Benoît XVI, c’est le contraire d’une rockstar »

Février 2013. Philippe Sollers a été très touché par la démission du pape. Il explique pourquoi.
GIF

Etes-vous surpris par la démission de Benoît XVI ?

Il avait l’air extraordinairement fatigué, mais oui, bien sûr, c’est une énorme surprise. Je trouve ça très émouvant. C’est une décision historique. On ne va pas remonter au déluge, mais la démission d’un pape, en principe, ça ne se fait pas. Il doit aller au bout de ses forces.

C’est d’abord une grande leçon d’humanisme — et vous pouvez souligner trois fois le mot humanisme. Il ne veut pas réitérer l’interminable agonie de son prédécesseur. Il ne faut pas oublier qu’il était très proche de lui, et que Jean-Paul II est mort dans ses bras. Il a vécu cette agonie de très près, jusqu’au dernier soupir.

Benoît XVI, c’est le contraire d’une rockstar, il ne veut pas mourir sur scène comme l’a fait Jean-Paul II. Il veut échapper au spectacle de sa déchéance. Il refuse qu’elle soit transformée en spectacle.

Son passage au Vatican a été marqué par une série de faits divers...

L’histoire de son majordome l’a sans doute beaucoup affecté aussi, c’est vrai. Il a été gracié, on lui a dit d’aller vivre ailleurs. Mais être trahi par son majordome, quelle douleur !

Benoît XVI est un pudique. C’est un théologien, que voulez-vous. Et un très bon, je crois. Je ne suis pas théologien, vous non plus, mais enfin on sait reconnaître quelqu’un qui connaît la musique. Il va sans doute se consacrer à la prière... Il y aura bien sûr des ricanements : un nazi de moins, etc. Mais un pape qui démissionne, ça n’existe pas. C’est donc un moment important, attention.

En tout cas, l’annonce est très précise : « le 28 février à 20h », et pas à 19h59 ou 20h01, le siège de Saint-Pierre sera vacant. A partir de maintenant, l’élection de son successeur va polariser les regards du monde entier. C’est une grosse institution, tout de même. Ça concerne bien un milliard de personnes. On va donc tous guetter la fumée : fumée noire ? fumée blanche ?

Avez-vous des pronostics ?

C’est le Saint-Esprit qui décide ! Mais je verrais bien un Africain. Ça serait un coup de génie. Un Chinois c’est encore trop tôt, et je n’ose pas vous dire que ça devrait être une femme. Donc, si je votais, je voterais pour un Africain. Ce serait un bon choix géopolitique. A moins que le Saint-Esprit ne fasse plus de géopolitique...

L’aviez-vous rencontré ?

Non, jamais. Je suis allé offrir mon livre sur Dante à Jean-Paul II en 2000 (« la Divine comédie »). Ça a donné une photo qui a affolé les sacristies. Mais le cardinal Ratzinger n’était pas à ses côtés ce jour-là.

JPEG - 134.7 ko
Philippe Sollers, Rome octobre 2000
L’Infini n°100 (automne 2007)

Diriez-vous que c’était un bon pape, indépendamment du fait qu’il jouait du piano pour se changer les idées ?

En effet, il a fait monter un piano dans son appartement au Vatican. Il existe des vidéos où on le voit jouer, et il joue du Mozart de façon très correcte. Ça me touche beaucoup. Un pape qui joue du Mozart peut-il être entièrement mauvais ?

VOIR

Sinon, il était très pessimiste, très sombre sur l’avenir de l’Eglise. Il s’est bunkérisé en quelque sorte. Mais son livre sur Jésus, ça se lit. Comme plus personne ne sait de quoi il s’agit, même chez les catholiques, il en parle très humblement, et ça donne un bon polar. J’en avais rendu compte dans « le Nouvel Observateur », je l’avais lu sans me forcer, vraiment.

Que restera-t-il de lui ?

D’abord, évidemment, il restera comme le premier pape qui s’est arrêté. Ensuite, il a repris le commentaire fondamental. Et puis le choix de son nom de pape était intéressant : sans remonter aux Benoît du VIe siècle, il faut se souvenir que Benoît XIV était un pape très cultivé qui correspondait avec Voltaire, et à qui Voltaire a d’ailleurs dédié sa pièce « Mahomet », qu’on n’ose plus jouer nulle part.

Quant à Benoît XV, c’était un pape absolument fabuleux : il est mort de chagrin en 1921. Il était pape pendant la Première guerre mondiale, cette boucherie effroyable. Il avait prévenu que la rivalité entre les Français et les Allemands finirait très mal. Il est mort avec le sentiment de n’avoir pas été écouté, et qu’il y avait trop de sang [4].

Quel nom va prendre le successeur de Benoît XVI ? Ça aussi va être intéressant.

Propos recueillis par Grégoire Leménager, Le Nouvel Observateur du 11 février 2013.

*


Philippe Sollers répond à la grave question de Newsring : « Benoit XVI aura-t-il été un « méchant » pape ? »
GIF

Pour croire au « méchant » pape, il faut déjà avoir peur du grand méchant loup !

Pour trouver que Benoît XVI a été un méchant pape, il faut avoir peur du grand méchant loup ! Et ainsi, lui donner une autorité considérable... Il faut donc, au préalable, y croire.

Or, franchement, avec un peu de distance, si l’on n’est pas catholique, je ne vois pas en quoi on a affaire à un si « méchant » personnage. Joseph Ratzinger est certes un pape controversé mais enfin, il ne faudrait, tout de même, pas oublier qu’il y a plus d’un milliard de catholiques dans le monde, et qu’en général, les Français se considèrent dans leur Hexagone comme propriétaires d’à-peu-près tout...

Propriétaires de l’Église catholique ? Mais enfin...

Chose intéressante, le président de la République décrète qu’il n’a pas de candidats pour le prochain conclave — intervention extravagante ! — ou alors quand madame Delaunay, la ministre des Personnes âgées et de l’Autonomie, s’étonne, ironique, de ne pas avoir été consultée sur la démission du Pape. Ce qui m’intéresse ici, c’est ce que fait surgir le pape comme actualité : alors surtout n’allons pas parler de sexualité, de mariage pour tous, etc... Laissons ça, si vous le voulez, de côté...

C’est un « méchant », un « méchant pape » pour toute personne — encore une fois — qui lui accorde une importance exagérée. Mais, encore une fois, cela ne touche pas seulement l’Hexagone, mais le monde entier ! Sa démission reste un événement considérable — cela ne s’est pas fait depuis des siècles. Là, est tout le sel de toute cette affaire : fatigué comme il est, Benoît XVI a, tout de même, réussi à donner un bon coup de pied dans la fourmilière. Et le prochain conclave s’annonce du coup du plus grand intérêt : Qui sera élu ? Est-ce que ce sera le Canadien ? L’Africain ? Va-t-on assister au retour des Italiens, etc... c’est de la pure géopolitique !

JPEG - 8.6 ko
La Une du 12 février

Nous avons affaire à une institution extraordinairement internationale. Ce qui rend d’autant plus frappant le fait que les Français voient tout à travers leur prisme : le Canard Enchaîné [5], sans oublier la Une très « caricature » de Libération — « Papus Interruptus » —, etc. Ce sont des réactions si provinciales [6] !

Le coup de l’édito de Demorand en latin est, à cet égard, tout à fait extraordinaire [7] ! Une sorte de « transfert », comme on dirait en psychanalyse. Le voilà qui s’exprime en latin... On voit très bien que cela lui a fait un effet bœuf ! Voilà... À mon sens, tout cela est trop. Trop de détestation, c’est trop d’amour !

On ne peut reprocher à un Pape... que d’être Pape

Forcément, un prêtre sera toujours trop conservateur — il est là pour ça, c’est son métier. Il n’est pas là pour le spectacle. La confusion vient du pontificat de Jean-Paul II, lui était une rock star. Là, avec Benoît XVI, vous avez affaire à un théologien, un gars sérieux qui se contente de mener à bien son boulot de souverain pontife. Sans fioritures. Un pape est et restera toujours trop conservateur aux yeux de gens qui veulent que tout bouge sans arrêt.

Que voulez-vous reprocher à un pape sinon qu’il est pape ! On peut aussi s’en foutre complètement ! Franchement, est-ce que cela a une réelle influence sur nos existences ? Pas du tout ! Qui cela gêne vraiment ?

Quand vous voyez qu’on avance dans tous les domaines : le mariage pour tous, la procréation médicalement assistée, la gestation pour autrui, la technique s’améliore... Personne ne peut empêcher cette évolution de la société. Il y a des protestations en effet, elles sont locales et ne freinent pas la marche en avant. Les questions les plus essentielles sont ailleurs, dans les pays où en effet les catholiques sont persécutés. Il faut savoir regarder un peu la planète en mouvement...

« Débrouillez-vous ! »

Le problème, ce n’est pas de savoir si Benoît XVI a été méchant, mais d’envisager qui va être le suivant... Là vous avez un Canadien qui est polyglotte, deux Italiens intéressants, un Africain... moi je trouve qu’un Pape Africain ça serait très bien. Joseph Ratzinger, lui, a dit avec courage et lucidité : « Maintenant, débrouillez-vous ! »

C’est bien, cela remet tout à zéro : au lieu d’être un « Saint-Pierre », une sorte de tombeau, la papauté devient soudainement quelque chose de plus ouvert.

C’est une évidence, cela change irrémédiablement la donne.

Newsring, 14 février 2013.

*


RAPPEL

Julia Kristeva à Assise

JPEG - 15 ko
Assise, 27 octobre 2011. Julia Kristeva et Benoît XVI.

Julia Kristeva sur Radio Vatican

le dialogue entre croyants et non-croyants

avant les rencontres d’Assise du 27 octobre

GIF

L’INTERVENTION DE JULIA KRISTEVA À ASSISE LE 27 OCTOBRE 2011

LIRE AUSSI : Julia Kristeva : "Benoît XVI a redonné de l’espoir à une Europe en crise", Avvenire 13 février 2013.

Benoit XVI sur Pileface


[1Se reporter également à l’index de Littérature et politique, p. 755.

[2Crédit : lesalonbeige.

[3En écho au passage du discours du pape sur le cèdre du Liban : «  C’est immédiat : je ne peux pas voir un cèdre, dans un jardin ou débordant d’un mur sur la rue, sans penser qu’une grande bénédiction émane de lui et s’étend sur le monde. La foule est bénie, les autobus, les camions, les voitures, les poubelles, les vélos, les scooters sont bénis. Les plus laids et les plus laides sont bénis, et aussi les vieux, les enfants, les jeunes, les femmes enceintes, les malades, les fatigués, les pressés, les rares heureux, les désespérés. Ils passent tous et toutes sous le cèdre, ils ne le voient pas, sa bénédiction silencieuse, verte et noire, filtre l’espace. On ne sait pas d’où lui vient cette tranquillité, cette ramure de sérénité. » Cf. L’éclaircie.

[4Cf. de Benoît XV, sa lettre encyclique sur Dante (1921), publiée dans le n° 94 de L’Infini (Printemps 2006). Numéro où est inscrit en couverture, en lettres rouges et en chiffres romains : CXVIII, référence au nouveau calendrier établi par Nietzsche, le 30 septembre 1888, dans sa Loi contre le christianisme.

[5Le Canard Enchaîné du 13 février titre : « Benoît XVI se retire avant la fin : le pape dans la position du démissionnaire ».

[6Le lendemain, Libération fait sa Une avec ce titre : « Dieu démission ! »

[7L’édito était intitulé « Cogitatio » (Songe) et signé de « Nicolus Demorandus ».

Un message, un commentaire ?

Ce forum est modéré. Votre contribution apparaîtra après validation par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
  • NOM (obligatoire)
  • EMAIL (souhaitable)
Titre

RACCOURCIS SPIP : {{{Titre}}} {{gras}}, {iitalique}, {{ {gras et italique} }}, [LIEN->URL]

Ajouter un document


1 Messages

  • Albert Gauvin | 12 avril 2023 - 22:41 1

    Date de parution : 22.03.2023

    Marie-Amélie de Cacqueray (Traduction)
    Eric Iborra (Traduction)

    Voici le livre que Benoît XVI a voulu faire publier après sa mort. Dans les années qui ont suivi le Concile Vatican II, le livre La foi chrétienne hier et aujourd’hui a fait connaître au grand public un jeune théologien allemand. Aujourd’hui, à la fin de sa vie et en tant que pape émérite, Benoît XVI a voulu léguer cet ouvrage à l’humanité entière pour partager ses dernières réflexions sur des thèmes fondamentaux de la religion chrétienne. Ce volume est presque un testament spirituel, dicté par la sagesse du coeur d’un maître toujours attentif aux attentes et aux espoirs des fidèles. Pendant ses années au monastère Mater Ecclesiæ au Vatican, sa présence discrète et sa prière ont été un soutien important pour la vie de l’Église. De là, il observait avec bienveillance la nature, miroir de l’amour de Dieu Créateur, de qui nous venons et vers qui nous sommes dirigés. De là, il s’est tourné vers son pays d’origine, l’Allemagne, vers l’Italie où il a passé une grande partie de sa vie, vers la France qui l’a accueilli dans son Académie, vers l’Europe entière. À ces pays, le pape émérite confie, d’une voix faible mais passionnée, sa demande de ne pas renoncer à l’héritage chrétien, qui est un patrimoine précieux pour toute l’humanité. De son vivant, Benoît XVI n’a pas toujours été compris. Personne, cependant, n’a pu nier la lucidité de sa pensée et la force de ses arguments, que ce dernier ouvrage rassemble avec brio.

    FEUILLETER LE LIVRE