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Guerre, un roman inédit de Céline, paraîtra le 5 mai

D 24 mars 2022     A par Viktor Kirtov - C 1 messages Version imprimable de cet article Version imprimable    ................... PARTAGER . facebook


« J’ai toujours dormi ainsi dans le bruit atroce depuis 14.
J’ai attrapé la guerre dans ma tête.
Elle est enfermée dans ma tête »

Louis-Ferdinand Céline, Guerre

« Marioupol et d’autres villes ukrainiennes frappées par l’occupant
rappellent les ruines de Verdun,
comme sur les photos de la Première Guerre mondiale.
L’armée russe ne distingue pas les objets qu’elle cible,
elle vise les résidences, hôpitaux, écoles,
les entrepôts de nourriture et de médicaments... »
,

Volodymyr Zelensky, Président de l’Ukraine
devant la représentation nationale le 23 mars 2022

par Nelly Kaprièlian
Les Inrockuptibles, 24/03/2022

Si un écrivain savait écrire sur la guerre, c’est Louis-Ferdinand Céline : les passages qu’il consacre à la Première Guerre mondiale dans Voyage au bout de la nuit sont parmi les plus forts qu’on ait lus. Écrit deux ans après Voyage (1932) et deux avant Mort à crédit (1936), les 250 feuillets de Guerre font partie des manuscrits oubliés de Céline qui ont refait surface en août dernier. Volés à la Libération en 1944 chez l’écrivain ayant pris la fuite pour le Danemark, ils étaient devenus une légende, avant de réapparaître l’année dernière. Ils seront exposés à la galerie Gallimard à Paris (du 6 mai au 16 juillet) au moment de la publication de ce roman inédit, avant que les autres manuscrits retrouvés ne soient également publiés, comme Londres et La Volonté du roi Krogold à l’automne, et une nouvelle édition de Casse-pipe en 2023.

Ces textes avaient été remis par un mystérieux personnage au journaliste Jean-Pierre Thibaudat (qui les a conservés et tapés à la machine, lire sur le sujet son beau texte à Mediapart), à condition qu’il ne les remette pas à Lucette Destouches. Ayant bien sûr droit de veto sur tout, c’est cette dernière (décédée en 2019) qui refusait par exemple toute publication des trois pamphlets antisémites de son mari, suivant le vœu de ce dernier. En effet, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ces pamphlets n’étaient censurés que par l’écrivain lui-même dans une opération d’auto-blanchiment à laquelle nombre de personnalités ont participé (voir, notamment, un entretien filmé avec Pierre Dumayet, où celui-ci n’aborde jamais les véritables raisons qui ont conduit l’écrivain à l’exil).

Entre autobiographie et fiction, Guerre, donc, nous plonge dans l’enfer de la Première Guerre mondiale, l’“abattoir international en folie”, à travers la convalescence du brigadier Ferdinand, grièvement blessé sur le champ de bataille (ce qui fut le cas de Céline), dans un hôpital où l’on croise une infirmière entreprenante et un certain Bébert, souteneur. “J’ai toujours dormi ainsi dans le bruit atroce depuis 14. J’ai attrapé la guerre dans ma tête. Elle est enfermée dans ma tête”, écrit Céline, dévoilant à quel point la guerre a été l’événement traumatique au centre de sa vie et de son œuvre. On pense bien sûr à la première guerre de notre XXIe siècle : celle, en Ukraine, qui fait rage sous nos yeux, aux portes de l’Europe. Ce bruit atroce restera dans la tête des survivants – on ne peut s’empêcher d’y penser. Toutes les guerres sont-elles les mêmes ? Et ceux qui parviennent à en exprimer avec puissance toute l’écœurante horreur sont-ils tous les mêmes ? Devra-t-on lire Guerre sans tenir compte de qui écrit ?

Il paraît que ce roman lève le voile sur le dégoût profond envers l’humain qui habitera Céline jusqu’à la fin de ses jours. Il hait la bourgeoisie, le capitalisme comme le communisme – qui, d’après lui, tendent tous vers un seul but : la guerre. Nous lirons bien sûr Guerre, mais sans doute partagés entre fascination littéraire et distance prudente. Trois ans après ce manuscrit inédit, Céline écrivait et publiait son premier pamphlet antisémite, Bagatelle pour un massacre (1937). Pas une œuvre littéraire, mais la plus violente des propagandes anti-juive : un appel au meurtre de masse. Dégoût de la guerre, mais pas au point de ne pas désirer – appeler à – un holocauste. Nous y reviendrons.

Louis-Ferdinand Céline © AFP


Des 6000 feuillets de Louis-Ferdinand Céline retrouvés en août 2021, un premièr lot est présenté au public.

C’est "Guerre" qui est publié le 5 mai - avec un tirage d’environ 80 000 exemplaires - un texte qui appartient au triptyque "Enfance-Guerre-Londres ", dont le premier volet Mort à crédit a été publié en 1936. Guerre est publié dans son premier et seul état de rédaction connu, datable de 1934 et nous permet de suivre Ferdinand Bardamu, depuis la Belgique où il est hospitalisé dans un bourg des Flandres, jusqu’en Angleterre.

Guerre
Louis-Ferdinand Céline
Édition de Pascal Fouché
Avant-propos de François Gibault

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1 Messages

  • Viktor Kirtov | 5 avril 2022 - 09:58 1

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    Le soldat Louis Ferdinand Destouches en octobre 1914.
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    Dans sa présentation de Guerre, à paraître le 5 mai, l’éditeur Gallimard évoque les documents à l’origine de cette publication et la genèse du récit :

    Parmi les manuscrits de Louis-Ferdinand Céline récemment retrouvés figurait une liasse de deux cent cinquante feuillets révélant un roman dont l’action se situe dans les Flandres durant la Grande Guerre. Avec la transcription de ce manuscrit de premier jet, écrit quelque deux ans après la parution de Voyage au bout de la nuit (1932), une pièce capitale de l’œuvre de l’écrivain est mise au jour.
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    Car Céline, entre récit autobiographique et œuvre d’imagination, y lève le voile sur l’expérience centrale de son existence : le traumatisme physique et moral du front, dans l’« abattoir international en folie ». On y suit la convalescence du brigadier Ferdinand depuis le moment où, gravement blessé, il reprend conscience sur le champ de bataille jusqu’à son départ pour Londres. À l’hôpital de Peurdu-sur-la-lys, objet de toutes les attentions d’une infirmière entreprenante, Ferdinand, s’étant lié d’amitié au souteneur Bébert, trompe la mort et s’affranchit du destin qui lui était jusqu’alors promis.

    Ce temps brutal de la désillusion et de la prise de conscience, que l’auteur n’avait jamais abordé sous la forme d’un récit littéraire autonome, apparaît ici dans sa lumière la plus crue. Vingt ans après 14, le passé, « toujours saoul d’oubli », prend des « petites mélodies en route qu’on lui demandait pas ». Mais il reste vivant, à jamais inoubliable, et Guerre en témoigne tout autant que la suite de l’œuvre de Céline.

    À cette occasion, la maison historique prévoit aussi une exposition intitulée Céline, les manuscrits retrouvés, à la Galerie Gallimard, du 6 mai au 16 juillet. Deux autres inédits ont également été annoncés pour cette année : Londres, récit de son départ pour la capitale britannique en 1915, et un conte médiéval, La Volonté du roi Krogold.

    Quant à la nouvelle édition de Casse-pipe, c’est en 2023 qu’elle paraîtra avec le tome III des romans de Céline dans la Bibliothèque de la Pléiade.